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Egypte: une opposition vaincue ou prête à remonter la pente?
SlateAfrique
Caire, Egypte, 2012-12-25 (SlateAfrique) - Untitled 10
Egypte: une opposition vaincue ou prête à remonter la pente?
Source: SlateAfrique.
C’est une défaite pour l’opposition qui a aussi un goût de victoire.
Après tout, les islamistes se promettaient 80&percnt de oui au
référendum sur le projet de Constitution, et ils n’obtiendraient que
64&percnt, avec un taux de participation très faible et de nombreuses
accusations d’irrégularités. Mais ce que l’opposition peut faire
maintenant paraît flou, étant donnée la perte de confiance dans les
figures qui disent la représenter.
a majorité restant la majorité, la Constitution devrait passer. Que
reste-t-il donc à l’opposition? Demander une nouvelle Constitution, et
pour cela une nouvelle assemblée constituante? Ou demander de
revenir entre-temps à la Constitution de 1971, en attendant qu’une
Constitution digne de la révolution soit rédigée? Boycotter les
élections parlementaires prévues pour le début de l’année prochaine?
L’opposition qui dit non
Beaucoup se plaignent des figures de l’opposition, qui ne sauraient
que protester, contester, sans jamais proposer.
„ J’aimais beaucoup Baradei avant la révolution «, dit Sara, une
avocate de vingt-trois ans, au chômage comme tant d’autres jeunes
diplômés, qui ne trouvent pas un travail qui leur permette de vivre et
qui corresponde à leur formation.
Mohamed El-Baradei, revenu en Egypte en 2010, avait cristallisé les
espoirs de réforme et d’opposition à Moubarak.
„ Mais aujourd’hui, poursuit-elle, je suis déçue, il ne fait que parler,
j’aime bien ce qu’il dit, mais concrètement, qu’est-ce qu’on fait? Ils
n’ont par exemple pas présenté de Constitution alternative. En plus,
Baradei ne s’est pas présenté à l’élection présidentielle, par peur de
perdre… Hamdeen Sabbahi [candidat nassériste à la présidentielle], je
suis encore plus déçue : j’ai voté pour lui au premier tour. Et comme il
n’était pas au second tour, il avait appelé à refaire le vote, comme un
gamin qui ne sait pas perdre. Remarque, moi, j’ai boycotté, au second
tour, le choix entre la peste et le choléra, entre les Frères musulmans et
Chafik, le représentant de l’ancien régime contre lequel je suis
descendue dans la rue pendant la révolution, merci bien. Je ne regrette
pas de ne pas avoir voté Chafik, mais peut-être qu’on aurait dû élire
Amr Moussa. Ça nous [les révolutionnaires] gênait, parce que c’était
un „ felool « (un ex du régime Moubaark), il a été ministre de
Moubarak, mais c’était peut-être le moindre mal. «
Moussa, Sabbahi et Hamdeen sont les trois figures principales du
groupe qui est la figure de proue du mouvement d’opposition aux
Frères musulmans en ce moment, le Front de Salut National.
Felool, revenez, on vous pardonne?
La partie des révolutionnaires qui est aussi contre les Frères
musulmans commence à sentir poindre une certaine indulgence pour
les felool, et pour le parti du canapé, pas nécessairement felool, depuis
qu’ils les rejoignent dans leur opposition aux islamistes.
Un ancien député de l’époque Moubarak me confiait récemment:
„ Ce sont les Frères Musulmans qui ont inventé le terme de felool,
pour pouvoir écarter facilement toute concurrence et tous ceux qui
avaient l’habitude de faire de la politique. Parce que sous Moubarak,
si on voulait faire quelque chose, il fallait appartenir au Parti National
Démocratique, on n’avait pas le choix, si on voulait être efficace pour
ses concitoyens. «
Sans aller jusqu’à admettre que tous les membres du PND ( Parti
national démocrate) y sont entrés par amour pour leur prochain, on
peut remarquer avec Bassem Sabry, un activiste et blogueur, que:
„ l’opinion publique récemment se montre moins réticente à accepter
la réintégration de certaines figures de l’ancien régime dans la vie
politique, tant qu’il n’y a pas de preuve de leur implication directe
dans des crimes ou malversations politiques, et notamment pas dans la
corruption. «
S’unir et avoir une vraie présence sur le terrain
On reproche aussi à l’opposition sa division. Certes, Sabbahi, Moussa
et Baradei se sont unis et font ainsi un front commun anti-islamistes
nasséristes-libéraux, en s’alliant aussi avec le Wafd, qui était un parti
d’opposition „ molle « sous Moubarak, mais est le seul parti dans le
groupe de l’opposition à exister depuis des décennies et à avoir une
structure et une expérience de la politique, mais les partis d’islam
politique modéré sont en-dehors, voire avec les Frères musulmans,
comme le Wasat.
Le parti d’Abou l Fotouh est dans l’opposition aux Frères musulmans,
mais n’a pas rejoint le Front, principalement sans doute parce qu’il
tient à représenter la troisième voie, entre les islamistes et les
sécularistes-progressistes. Mais si on compte le score des candidats à
la présidentielle qui n’était pas des islamistes ou des felool pur jus, on
arrive à 75&percnt des voix, selon Bassem Sabry, ce qui est plutôt
encourageant pour la suite.
Quant à leur présence sur le terrain, elle est maigre, dit-on. A tel point
que la rue égyptienne affirme avec aplomb que le créateur de
l’émission politique satirique Al Barnameg? (le programme?) sur CBC
Bassem Youssef, (allez, on cite aussi le journaliste Yosri Fouda) a bien
plus d’influence sur l’Egypte que tous ces hommes politiques
d’opposition.
Ainsi vendredi dernier, malgré la crise politique, l’impression
d’Egypte divisée, et au soir d’affrontements violents à Alexandrie,
Bassem Youssef a-t-il détendu l’atmosphère et relativisé les grands
mots lancés de part et d’autre, et l’Egypte dans son salon ou dans les
cafés en plein air était pliée en deux de rire, avec sa parodie d’une
histoire d’amour compliquée entre l’Egypte et le président issu des
Frères musulmans Mohamed Morsi.

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