la retrocession apres expropriation

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la retrocession apres expropriation
LA RETROCESSION APRES EXPROPRIATION
La rétrocession est la faculté pour le propriétaire dont le bien a été exproprié ou
préempté d’obtenir de celui au profit de qui a été prononcé l’ordonnance
d’expropriation ou qui a exercé un droit de préemption qu’il le lui restitue parce
qu’il n’en a pas fait l’usage pour lequel l’expropriation a été autorisée ou la
préemption poursuivie.
Si la restitution en nature est impossible, l’ancien propriétaire peut prétendre à
des dommages intérêts.
De même, lorsque le bénéficiaire de l’ordonnance d’expropriation ou du droit de
préemption n’a plus l’usage du bien et qu’il envisage de s’en dessaisir ou de
l’utiliser à une autre fin, il doit proposer à son ancien propriétaire de le lui
restituer avant tout autre acquéreur. C’est le droit de priorité.
La matière est régie dans la procédure d’expropriation par l’article L 12-6 du
code de l’expropriation, dans le droit de délaissement d’un bien soumis au droit
de préemption urbain par l’article L 211-5 du code de l’urbanisme, dans le droit
de préemption espace naturel sensible par l’article L 142-8 du code de
l’urbanisme, dans les ZAD et périmètres provisoires des ZAD par l’article L.
212-2-2 du code de l’urbanisme et par l’article L 213-14 du code de l’urbanisme
pour l’ensemble des droits de préemption.
La rétrocession après expropriation peut intervenir à l’amiable et dans ce cas un
acte authentique ou en la forme administrative doit être régularisé pour
transférer la propriété puis être publié aux hypothèques. Après préemption et si
le transfert de propriété n’est pas encore intervenu, la rétrocession s’opère par
acte sous seing privé.
Le litige survient après expropriation à l’initiative de l’ancien propriétaire qui
forme une demande de rétrocession qui lui est refusée ou qui estime avoir été
privé de son droit de priorité.
Dans le domaine de la préemption, il peut survenir à l’initiative du bénéficiaire
du droit de préemption parce que le propriétaire refuse de régulariser le transfert
de propriété parce que le prix n’a pas été payé ou consigné dans le délai ou à
celle du propriétaire parce que le bénéficiaire du droit de préemption refuse de
régulariser la rétrocession.
Nous évoquerons donc les conditions, la procédure et les modalités de la
rétrocession contentieuse après expropriation (I) puis le droit de priorité (II) et
enfin la rétrocession après préemption (III).
I - LA RETROCESSION APRES EXPROPRIATION :
Nous rappellerons en préambule que la procédure d’expropriation est dualiste en
ce qu’elle relève d’une phase administrative - arrêté de déclaration d’utilité
publique qui définit l’objet pour lequel intervient l’expropriation et l’arrêté de
cessibilité qui détermine les immeubles ou parties d’immeuble à exproprier - et
d’une phase judiciaire qui correspond d’une part à l’ordonnance d’expropriation
qui envoie en possession l’expropriant et d’autre part au jugement indemnitaire
qui fixe les conditions financières de la dépossession.
La rétrocession ne se traduit pas par la résolution de l’expropriation mais par
une véritable cession de l’immeuble exproprié à son ancien propriétaire et elle
n’a pas pour effet la restitution de l’indemnité d’expropriation mais le paiement
de l’immeuble racheté qui peut ainsi lui être inférieur ou supérieur.
Elle se différencie en cela de la procédure aménagée par les articles L 12-5 et R
12-5 et R 12-5-1 et suivants du code de l’expropriation qui tend à faire constater
et le cas échéant sanctionner par le juge de l’expropriation la perte de base légale
de l’ordonnance d’expropriation lorsque la déclaration d’utilité publique ou
l’arrêté de cessibilité ont été annulés par une décision définitive du juge
administratif.
Dans la rétrocession, seul l’expropriant est en cause parce qu’il n’a utilisé de
façon conforme l’autorisation d’exproprier dont il a bénéficié ou simplement
parce qu’il n’a pas ou plus l’utilité du bien.
A - LES CONDITIONS DE LA RETROCESSION :
Les conditions de la rétrocession sont :
- une expropriation
- un délai de cinq ans entre l’ordonnance d’expropriation et la demande
- la non utilisation ou une utilisation non-conforme du bien exproprié.
a) Une expropriation :
La rétrocession suppose qu’une ordonnance d’expropriation a été rendue,
qu’une cession amiable est intervenue après une déclaration d’utilité publique ou
qu’une ordonnance de donner acte d’un accord amiable antérieur à la déclaration
d’utilité publique a été rendue par le juge de l’expropriation.
Comme l’ordonnance porte sur un bien immobilier, elle est rendu à l’encontre
d’un propriétaire et seul celui qui figurait à l’ordonnance, ou ses ayants droit à
titre universel peuvent formuler une demande de rétrocession.
La cour de cassation (3éme Civ. du 23 MAI 1991, QUINAULT C/ CNE DE
POINT A PITRE), a sanctionné une décision d’une cour d’appel qui avait
débouté un demandeur à la rétrocession au motif qu’il n’établissait pas être
propriétaire et surtout l’unique propriétaire de la parcelle dont il demandait la
rétrocession alors que le demandeur soutenait être l’ayant droit à titre universel
de l’ancien propriétaire et que la cour d’appel ne s’était pas expliquée à cet
égard.
Il peut arriver qu’un expropriant pratique ce que l’on appelle une expropriation
conditionnelle c'est-à-dire fasse fixer l’indemnité par le juge qu’il peut saisir sur
le fondement de la DUP seulement puis estimant que l’indemnité est trop élevée
ou parce qu’il a changé d’avis décide ensuite de ne pas solliciter le prononcer de
l’ordonnance d’expropriation.
Dans une telle hypothèse le propriétaire n’a pas à demander la rétrocession parce
qu’il n’a pas été dépossédé. On peut supposer que l’expropriant n’a pas pris
possession puisqu’il n’a pas pu régler l’indemnité faute de transfert de propriété.
A l’expiration du délai de validité, la déclaration d’utilité publique devient
caduque et la procédure d’expropriation ne peut plus être poursuivie.
La cour de cassation a, en assemblée plénière, par une décision du 6 JANVIER
1994 - consorts BAUDON DE MONY C/ EDF - jugé qu’il ne pouvait y avoir
expropriation de fait et que le transfert de propriété ne pouvait intervenir qu’à la
suite d’une procédure régulière d’expropriation.
Cette première condition a pour conséquence d’interdire de pouvoir demander la
rétrocession de la partie du bien qui a fait l’objet d’une demande d’emprise
totale en application des articles L 13-10 et L 13-11 du code de l’expropriation.
En effet, si les conditions sont remplies et u’il est fait droit à la demande, c’est la
décision indemnitaire qui fixe le prix du surplus et prononce le transfert de
propriété. En pareille situation, il ne s’agit pas d’une expropriation mais d’une
vente classique qui n’ouvre donc pas droit à la rétrocession.
b) Les délais :
Il faut qu’un délai de cinq ans se soit écoulé entre le prononcer de l’ordonnance
d’expropriation ou l’acte de cession amiable et la demande de rétrocession.
L’ordonnance produisant ses effets à la date de son prononcer – article L 12-2 du
code de l’expropriation - peu importe la date à laquelle elle a été notifiée.
Toutefois le droit de rétrocession peut naître avant l’expiration de ce délai si le
bien a été utilisé à un autre destination que celle prévue à la déclaration d’utilité
publique et si cette utilisation ne peut plus être modifiée (Cass 3éme Civ. 19
février 1992 OPHLM PANTIN C/ SA DUNINVEST).
La demande doit être formulée dans le délai de trente ans de l’ordonnance
d’expropriation, au-delà elle est irrecevable.
c) Une utilisation conforme :
Si les deux premières conditions sont aisées à définir, cette troisième est celle
qui soulève le plus de difficultés et de contentieux.
Si l’expropriant n’a pas réglé l’indemnité ou s’il l’a réglée sans prendre
possession ou en laissant le bien en l’état, il n’y a, a priori, aucune difficulté à ce
que la rétrocession soit accordée.
Il peut en revanche, soit avoir commencé des travaux, soit avoir utilisé le bien à
une autre destination que celle mentionnée à la DUP.
L’arrêté de déclaration d’utilité publique doit préciser l’objet pour lequel
l’expropriation est permise.
Il est de la seule compétence de la juridiction civile d’apprécier si ce qui a été
réalisé ou est en cours de réalisation est conforme audit arrêté. Le tribunal des
Conflits confirme dans une décision du 23 février 2004 – COMMUNE
D’AURIBEAU SUR SAIGNE C/ LAGARRIGUE – que, à l’exception des
questions préjudicielles touchant à l’interprétation ou à la validité des décisions
administratives relatives à l’affectation des biens expropriés, les tribunaux
judiciaires sont seuls compétents pour connaître des litiges relatifs aux
demandes de rétrocession formées en application de l’article L 12-6 du code de
l’expropriation, y compris pour apprécier si les biens expropriés ont
effectivement reçu une affectation conforme à celle définie dans l’acte déclaratif
d’utilité publique. Cette décision est conforme à d’autres plus anciennes,
notamment CE 9 décembre 1977.
Il est ainsi clairement affirmé que, si le Tribunal de Grande Instance peut, s’il
l’estime nécessaire et seulement en cas de difficulté sérieuse, demander à la
juridiction administrative de se prononcer sur la légalité ou l’interprétation du
contenu de la déclaration d’utilité publique, il reste seul compétent pour se
prononcer sur la question de savoir si les immeubles ont ou non reçu la
destination qui y était prévue.
Les décisions des tribunaux administratifs qui sont allés au-delà de la seule
interprétation de l’acte déclaratif d’utilité publique et ont jugé que l’opération
réalisée était conforme à la DUP ont été annulées par le Conseil d’Etat. (CE. 16
février 2005 COMMUNE D’HUEZ-EN-OISANS ; CAA NANCY du 23
novembre 2000 COMMUNE DE VITRY LE FRANCOIS).
La question préjudicielle n’est donc pas systématique et ne doit être posée par la
juridiction civile qu’en cas seulement de difficulté d’interprétation de la DUP.
- utilisation jugée conforme à la destination prévue :
La jurisprudence a précisé que la conformité de l’affectation des immeubles
expropriés à la destination de l’utilité publique s’apprécie au regard de
l’ensemble des parcelles expropriées pour la réalisation du projet et non pas
seulement au regard du bien qui fait l’objet de la demande de rétrocession (cf.
rapport cass. 3 Civ. du 27 mai 1999, Cass. 3ème Civ. 11 mai 2005 cne de
BRIDES LES BAINS et autres, et Cass. 3ème Civ. 25 avril 2007 cne de
BUZANCY)
A titre d’exemple, nous citerons comme utilisation considérée comme conforme
par les juridictions civiles :
- CA NIMES 25 avril 2002 SYNDICAT DEPARTEMENTAL DE
L’EQUIPEMENT DE L’ARDECHE : la réalisation d’un pôle d’attraction pour
les activités de loisirs liées à d’eau comporte des aménagements nécessaires et
indispensables à l’exploitation touristique et les prestations de fauchage et
d’élagage effectués à la demande de la commune dans le but d’assurer la
salubrité, la propreté et la sécurité des lieux ne sont pas considérés comme un
affectation agricole.
- Cass. 3ème civ. 6 juillet 2004 COIGNARD C/ CNE DE SAINT BRICE
COURCELLES confirmant l’arrêt de la cour d’appel de REIMS du 17 mars
2005 : attendu qu’ayant constaté que la commune avait, dans le délai de cinq à
compter de l’ordonnance d’expropriation, réalisé sur les parcelles expropriées
des travaux importants, conformes à l’affectation prévue de ces biens, consistant
en l’installation d’un pare ballons, d’une clôture grillagée, d’un portail et à
l’enfouissement de câbles électriques et que ces travaux n’avaient pu être menés
à leur terme en raison du comportement de l’expropriée qui s’était opposée à
leur exécution, la cour d’appel a exactement retenu que la demande en
rétrocession présentée par celle-ci devait être rejetée.
- CA PARIS 29 septembre 2005 SCI DE LA GARE 90 C/ COMMUNE DE
SAINT MICHEL SUR ORGE : dès lors que les travaux d’aménagement des
terrains expropriés utiles à la destination énoncées dans la DUP ont été
effectivement mis en œuvre dans le délai de cinq ans et qu’il est établi en cours
de procédure de l’existence sur les parcelles expropriées d’immeubles
nouvellement construits, il y a lieu de rejeter la demande de rétrocession. Plus
précisément, la cour d’appel a relevé que, dans le délai de cinq ans, le permis de
démolir avait été accordé et exécuté et que les permis de construire avaient été
accordés et qu’enfin à la date anniversaire du délai de cinq ans la preuve était
rapportée de l’existence d’excavations utiles à l’implantation des fondations des
bâtiments. Pour être complet, la cour reproche au propriétaire de ne pas avoir
produit aux débats le dossier d’enquête d’utilité publique pour lui permettre de
vérifier si l’opération déclarée d’utilité publique avait été ou non réalisée.
Les juridictions administratives amenées à se prononcer sur question
préjudicielle d’un tribunal de grande instance ont estimé que :
- un espace vert et de terrain de jeux ouverts au public, dès lors qu’il a donné
lieu à un minimum d’aménagement de la part de la commune en vue d’offrir des
services à la population est susceptible de recevoir la qualification
« d’équipement collectif « au sens de la déclaration d’utilité publique dès lors
que celle-ci a été prononcée sur le fondement de l’article 1042 du CGI et que
son objet porte sur la réalisation d’équipements collectifs qui se saurait être
regardée comme visant seulement le projet initialement envisagé d’un
équipement scolaire mais au contraire comme ayant entendu permettre à la
commune de réaliser toute installation assurant un service d’intérêt général
correspondant à un besoin collectif de la population et répondant à l’un des
objets énuméré audit article dans sa rédaction en vigueur à la date de la DUP
c'est-à-dire, l’enseignement public, l’assistance et l’hygiène sociales ainsi que
les travaux d’urbanisme et de construction – CE 18 octobre 2006 SCI LES
TAMARIS C/COMMUNE D’HYERES LES PALMIERS.
- CE 16 février 2005 BASSET au sujet de ’interprétation à donner à
l’expression « logements sociaux », utilisée dans l’arrêté de DUP, il convient de
se référer à la législation et à la réglementation en vigueur au moment où a été
réalisée l’opération envisagée par la commune. L’arrêté préfectoral a entendu se
référer aux dispositions du code de la construction et de l’habitation et
notamment à ses articles R 331-3 et suivants dont il résulte que sont des
logements sociaux les logements locatifs appartenant à une personne morale de
droit public, à une société d’économie mixte ou à un organisme à vocation
sociale qui bénéficient de financements aidés par l’Etat, dont les loyers
respectent un plafond et dont l’attribution est soumise à des critères d’ordre
social, qu’en revanche les conditions d’acquisition des logements ainsi que les
modalités de leur gestion sont sans incidence sur leur qualification de logements
sociaux. La juridiction administrative répond ainsi à la question préjudicielle qui
lui était posée par le TGI de GRENOBLE de savoir si l’apport au capital de la
SEM LES GRANGETTES des parcelles expropriées ainsi que les conditions
dans lesquelles sont gérés les immeubles édifiés sur les terrains correspondent à
une création de logements sociaux au sens de la déclaration d’utilité publique.
En marge de cette notion d’utilisation conforme, il y a lieu de préciser que la
jurisprudence considère que, dès lors que les objectifs prévus à la déclaration
d’utilité publique ont bien été respectés, l’expropriant peut disposer librement
des délaissés inutiles sans avoir à purger préalablement le droit de préférence
des anciens propriétaires (Cass. 3ème civ. 11 mai 2005 COMMUNE DE
BRIDES LES BAINS – CA REIMS 19 septembre 2005 COMMUNE DE
BUZANCY C/CONSORTS MAHIEU. Confirmé que arrêt de rejet de la Cour de
Cassation 3éme Chambre Civile du 25 avril 2007.
Il faut en conclure qu’un propriétaire n’est pas recevable à exercer un droit de
rétrocession partielle sur la partie de son bien non utilisée dès lors que le surplus
l’a été conformément à la déclaration d’utilité publique.
– utilisation jugée comme non conforme à la destination prévue :
- Cour d’Appel de MONTPELLIER – 18 juin 2002 - CENTRE HOSPITALIER
DE SETE C/ GAFFINEL : dès lors que l’expropriation a été autorisée pour la
construction d’un nouvel hôpital, l’expropriant ne peut prétendre que les
parcelles de plus d’un hectare non aménagées et non accessibles tant au
personnel qu’aux malades correspondent à une ceinture verte pour isoler
l’hôpital de l’agitation citadine car leur surface importante, leur emplacement en
périphérie des bâtiments de l’hôpital et le fait qu’elles soient clôturées en donc
séparées du reste de l’hôpital démontrent qu’elles n’ont pas été incluses dans la
réalisation du nouvel hôpital. La Cour en conclut qu’en fait, le centre hospitalier
a laissé ces terrains inutilisés pendant plus de cinq ans, s’assurant ainsi une
réserve foncière pour des projets ultérieurs et que cette analyse est d’autant plus
exacte qu’il les a cédés à la ville de SETE. Cette décision a été confirmée par la
Cour de Cassation 3ème Chambre Civile par Arrêt du 17 mars 2004.
- Cour d’Appel de ROUEN – 18 décembre 2002 - COMMUNE D’ALVIMARE
C/ LEDUN : la Cour fait droit à la demande de rétrocession d’une parcelle de
terrain après avoir relevé qu’elle n’était pas concernée par une nouvelle
déclaration d’utilité publique, que la commune n’avait jamais pris possession
des terrain concernées et n’avait ainsi pas réalisé les travaux nécessaires à la
réalisation d’un parc de stationnement.
- Cour d’Appel de PARIS du 30 novembre 2005, confirmé par rejet du pourvoi
par décision de la Cour de Cassation 3ème Civile du 28 février
2007 EPAFRANCE: ayant relevé que l’affectation prévue dans l’arrêté portant
DUP concernait l’aménagement du quatrième secteur de la ville nouvelle de
Marne la vallée, le terme de réserve foncière n’y étant pas mentionné, qu’il
n’était pas établi que les équipements publics, notamment de voirie, avaient été
réalisés à proximité des parcelles litigieuses, et que l’expropriant n’établissait
pas qu’avant l’expiration du délai de cinq ans à compter de l’ordonnance
d’expropriation, avait été réalisée ou engagée une partie suffisamment
importante du programme d’ensemble, la cour d’appel a pu, sans inverser la
charge de la preuve, ordonner la rétrocession des parcelles expropriées.
- le TGI de CHALONS EN CHAMPAGNE a posé la question préjudicielle de
l’utilisation de terrains expropriés en vue de la réalisation d’une ZUP. Le conseil
d’Etat par décision du 23 novembre 2000 - COMMUNE DE VITRY LE
FRANCOIS répond que si l’article 1er de l’arrêté de DUP prévoyait
l’aménagement de la zone à urbaniser en priorité «VITRY NORD» incluant
comme il ressort en particulier du cahier des charges de la concession de cette
opération, environ 2675 logements ainsi que les équipements, y compris
commerciaux, nécessaires à la vie des habitants, un tel projet dans un secteur
réservé à l’habitation ne pouvait être regardé comme permettant l’implantation
d’un centre commercial excédant les besoins des habitants de la zone.
Les trois conditions ci-dessus examinées sont limitatives et la Cour de
Cassation, par une décision du 22 novembre 2006 – commune de CLICHY LA
GARENNE, a censuré la Cour d’Appel de PARIS, arrêt du 30 novembre 2005,
qui, bien qu’ayant admis le droit de rétrocession d’un propriétaire, avait limité
son indemnisation à la perte d’une chance en considérant que l’impossibilité de
rétrocession ne pouvait donner lieu à indemnisation que si l’exproprié justifiait
avoir été effectivement privé de la faculté de racheter le bien en établissant qu’il
disposait, à la date de sa demande des moyens financiers nécessaires. La cour de
cassation considère que, alors que le droit de rétrocession étant reconnu, la
rétrocession se révèle impossible, les anciens propriétaires ne sont pas tenus
d’établir qu’ils auraient été en mesure de payer le prix des immeubles qui ne
peuvent être rétrocédés et qu’ainsi la cour d’appel a ajouté au texte une
condition qu’il ne comporte pas.
B - LA PROCEDURE :
A - La demande :
La rétrocession est de la compétence exclusive du juge judiciaire, c'est-à-dire du
tribunal de grande instance quant à la recevabilité et au bien fondé de la
demande de rétrocession et du juge de l’expropriation quant à la fixation du prix
de la rétrocession en cas de désaccord entre les parties.
Les décisions rendues sont susceptibles d’appel devant la cour d’appel, chambre
civile ou de l’expropriation et l’arrêt rendu peut faire l’objet d’un pourvoi en
cassation.
Le propriétaire doit faire délivrer une assignation classique avec représentation
obligatoire. Il convient d’y exposer la chronologie de la procédure
d’expropriation, justifier que les conditions sont remplies et demander au
tribunal de déclarer la demande de rétrocession recevable. Il peut y proposer le
prix de la rétrocession qui peut correspondre au montant de l’indemnité
principale ou du prix de la cession amiable ou être moindre selon les
circonstances ; Il faut solliciter subsidiairement et en cas de désaccord le renvoi
devant le juge de l’expropriation.
Il a été jugé par la Cour d’Appel de MONTPELLEIER – 18 juin 2002 CENTRE
HOSPITALIER DE SETE C/ GAFFINEL - que l’assignation n’avait pas à être
publiée au motif qu’elle n’est pas visée par les articles 28-4 et 30-5 du décret du
4 janvier 1955 et que la rétrocession ne s’analyse pas en une restitution mais en
une nouvelle acquisition par l’ancien propriétaire, qu’elle n’a donc pas un
caractère rétroactif et n’est pas susceptible de porter atteinte aux droits
d’éventuels acquéreurs en l’absence de droit de suite.
Dans la pratique, il paraîtrait prudent de le faire pour éviter que l’expropriant ne
vende le bien avant que la Tribunal ne se prononce, ce que rien ne lui interdit
légalement.
B - Les moyens de défense de l’expropriant :
L’expropriant peut s’opposer à la demande en démontrant que les conditions ne
sont pas remplies ou en accepter le principe et le renvoi devant le Juge de
l’expropriation pour la fixation du prix.
Il peut également rendre la demande sans objet en sollicitant une nouvelle
déclaration d’utilité publique. Dans ce cas, la juridiction alors saisie ne peut que
constater que la rétrocession n’est pas possible et n’a même pas à surseoir à
statuer dans l’attente de la décision de la juridiction administrative
éventuellement amenée à se prononcer sur la validité de la nouvelle déclaration
d’utilité publique requise.
Bien entendu, il faut que la nouvelle déclaration d’utilité publique ait un autre
objet que la précédente, à défaut de quoi les juridictions administratives
sanctionnent pour détournement de procédure par la nullité une nouvelle
déclaration d’utilité publique dont le seul objectif serait de faire échec au droit
de rétrocession. (CE 12 mai 2004 - DPT des ALPES MARITIMES : considérant
que si la nouvelle DUP avait pour objet la constitution d’une réserve foncière, il
ressort des pièces ud dossier, et notamment de la notice explicative que cette
procédure avait pour seul objet de faire obstacle au droit de retrocesion… ). En
sens contraire, CE 8 novembre 2000 - époux NORAIS, la décision d’un cour
administrative d’appel a été confirmée parce qu’elle avait souverainement relevé
que « l’intérêt général de l’opération modifié consistant à compléter l’opération
envisagée initialement pour lui ajouter, dans le même périmètre, une dimension
touristique… » et qu’ainsi la nouvelle DUP n’avait pas pour objet de faire échec
au droit de rétrocession.
En revanche, la cour d’appel de VERSAILLES, par une décision du 26
FEVRIER 1998, commune de CLICHY LA GARENNE, a estimé que faisait
échec à la demande de rétrocession, la réquisition, au delà du délai de cinq ans et
dans celui des trente ans de la première DUP, d’une nouvelle déclaration
d’utilité qui peut émaner d’un tiers aussi bien que de l’ancien expropriant et
avoir un objet différent de celui initialement prévu
C - Les modalités de la rétrocession :
Le Tribunal doit ordonner la rétrocession si les conditions sont remplies.
Mais les conséquences seront différentes selon que le bien peut ou non être
matériellement restitué.
I - S’il peut être restitué matériellement et si les parties ne sont pas d’accord sur
le prix de la rétrocession, le juge de l’expropriation doit être saisi pour le fixer
selon la procédure classique c'est-à-dire mémoire de saisine, transport et
plaidoiries. La valeur doit être appréciée à la date de la décision du juge et à
défaut de date de référence en cette matière, la qualification s’apprécie à la date
à laquelle la rétrocession a été reconnue.
Une fois le prix fixé et lorsque la décision est définitive, le propriétaire dispose
d’un délai de un mois pour l’accepter et signer le contrat de rachat ou renoncer à
la rétrocession.
Lorsque le prix a été payé, le propriétaire peut reprendre possession de son bien.
II - Lorsque la rétrocession s’avère fondée mais est matériellement impossible
soit parce que le bien a été cédé à un tiers et dans ce cas, l’exproprié ne dispose
d’aucun droit de suite sur son bien contre le sous acquéreur, soit par application
du principe de l’intangibilité de l’ouvrage public lorsque des travaux ont été
réalisé, dans ce cas, l’ancien propriétaire se voit allouer des dommages intérêts.
La cour de cassation confirme, par une décision du 12 FEVRIER 1986, une
décision de cour d’appel qui avait rejeté la demande de nullité de l’échange d’un
bien antérieurement exproprié au motif que ni les articles R 12-4, R 12-6 et L
12-6 ne sanctionnent par la nullité le non respect de leurs dispositions.
La réparation du préjudice lié à l’impossibilité de rétrocéder le bien doit se faire
au regard de la valeur actuelle du bien qui ne peut réintégrer le patrimoine de
l’exproprié diminué de l’indemnité qu’il a perçue et des intérêts afférents à cette
somme depuis son versement. (CA REIMS du 6 décembre 2004 - VILLE DE
VITRY LE FRANCOIS C/ DEMANGE). La cour d’appel de PARIS, par
décision du 19 novembre 2003 – COMMUNE DE CICHY LA GARENNE C/
AUGER - considère que le préjudice correspond à la privation de la plus value
acquise par le bien exproprié ainsi que de la privation de jouissance dudit bien.
C’est l’assignation qui a abouti à la décision judiciaire constatant l’impossibilité
de rétrocession qui marque le point de départ de la période à prendre en compte
pour évaluer le préjudice subi par l’exproprié. (Cass. 3éme Civ. 17 juillet 1997
VILLE D’HYERES C/ LAURE).
II - RETROCESSION APRES PREEMPTION
- dans le cadre du droit de délaissement d’un bien soumis au droit de préemption
urbain :
L’article L 211-5 alinéa 3 du code de l’urbanisme prévoit qu’en cas d’acquisition
du bien soumis au droit de préemption et qui a fait l’objet d’une demande de
délaissement par son propriétaire,, le prix doit être payé ou consigné dans les six
mois de la décision d’acquérir au prix demandé ou de la décision définitive de la
juridiction de l’expropriation.
A défaut, (alinéa 5) le bien est, à la demande du propriétaire ou de ses ayants
cause, rétrocédé et il en retrouve la libre disposition. Le texte évoque l’absence
de paiement et non pas de régularisation de l’acte authentique. Si un acte
authentique ou en la forme administrative a été régularisé, un acte de même
nature constatant la rétrocession doit être signé pour être publié aux
hypothèques. Dans le cas contraire, un simple acte sous seing privé suffit à
constater la rétrocession. L’article R 211-8 du code de l’urbanisme impose de
préciser dans l’acte de rétrocession que l’ancien propriétaire dispose librement
de son bien, ce qui signifie qu’il peut le vendre librement sans déclaration
préalable..
- dans le cadre du droit de délaissement en ZAD ou en périmètre provisoire de
ZAD :
L’article L 212-3 du Code de l’Urbanisme reprend les mêmes dispositions que
celles de l’article L 211-5 du même code. Toutefois, ici, en plus de la
rétrocession, le défaut de paiement a pour conséquence de faire sortir le bien du
droit de préemption. Le bénéficiaire du droit de préemption est tenu, dans le
délai des quinze jours suivant la demande du propriétaire, d’attester de ce que le
bien n’est plus soumis au droit de préemption de la ZAD ou du périmètre
provisoire – art. R 212-5 C. Urb.
- dans le cadre du droit de préemption en DPU, en ZAD ou en périmètre
provisoire de ZAD :
L’article L 213-14 du Code de l’Urbanisme reprend les mêmes dispositions que
celles de l’article L 211-5 du code de l’urbanisme quant à la nécessité d’une
demande du propriétaire, quant au délai et aux modalités pratiques de l’acte de
rétrocession. Il y est précisé que le propriétaire peut librement aliéner son bien.
En ce domaine, le litige naît soit du refus du bénéficiaire du droit de préemption
de rendre le bien, soit de celui du propriétaire préempté de régulariser l’acte
authentique ou en la forme administrative et recevoir le prix au delà du délai de
six mois. Le litige doit alors être tranché par le Tribunal de Grande Instance de
la situation du bien.
Dès lors que le délai est expiré et qu’il n’y a pas eu paiement ou consignation du
prix, la rétrocession est admise (Cass. 3ème Civ. 18 juillet 2001 COMMUNE
DE CERNAY C/ MARBI et CA TOULOUSE 9 septembre 2002 COMMUNE
D’ALBI C/ STE T.P.G.)
La CCA de LYON chambre 1 par une décision du 7 mars 2000 a jugé que le
maire qui avait refusé pendant plus d’un mois après la demande qui lui avait été
faite de rétrocéder un bien avait commis une faute de nature à ouvrir droit à
réparation au propriétaire.
- en espace naturel
L’article L. 142-8 du code de l’urbanisme prévoit que Lorsque le terrain
préempté n'a pas, dans le délai de dix ans à compter de son acquisition été utilisé
comme espace naturel dans les conditions fixées à l’article L 142-10 du code de
l’urbanisme, l'ancien propriétaire ou ses ayants cause universels ou à titre
universel peuvent, dans un délai de trois ans à compter de l'expiration du délai
susvisé de dix ans, demander qu'il leur soit rétrocédé.
A défaut d'accord amiable, le prix du bien est fixé par le juge de l'expropriation
sans pouvoir excéder le prix de préemption révisé, s'il y a lieu, en fonction des
variations du coût de la construction constatées par l'INSEE entre les deux
mutations.
L'ancien propriétaire ou ses ayants cause sont réputés avoir renoncé à la
rétrocession à défaut de réponse dans les trois mois de la notification de la
décision définitive de fixation judiciaire du prix,
- exclusion du droit de rétrocession :
Les propriétaires des biens qui font l’objet d’une demande de délaissement sur le
fondement des articles L 230-1 et suivants du code de l’urbanisme, ne
bénéficient pas d’un droit de rétrocession. Il s’agit des droits de délaissement
exercés en application des articles L 111-11, L 123-2, L 123-17 et L 311-2 du
code de l’urbanisme. On rappellera que dans cette procédure, l’acte authentique
ou la décision du juge de l’expropriation, qui fixe le prix et prononce le transfert
de propriété, ont les mêmes effets qu’une ordonnance d’expropriation. Il n’y a
pas de sanction particulière au défaut de paiement. En cas d’accord, le prix doit
être payé dans les deux ans de la réception de la demande de délaissement. A
défaut, le tribunal de grande instance peut être saisi. En cas de décision du juge
de l’expropriation, ce sont les règles du code de l’expropriation qui s’appliquent,
notamment la possibilité de demander le paiement des intérêts moratoires.
III - LE DROIT DE PRIORITE
Il s’agit de l’obligation faite à l’expropriant ou au bénéficiaire du droit de
préemption qui n’a plus l’usage du bien ou souhaite en changer l’affectation, de
proposer à son ancien propriétaire de le reprendre.
- des anciens propriétaires expropriés :
Il est aménagé par les articles R.12-6 et suivants du Code de l’Expropriation :
l'expropriant qui décide d'aliéner un ou plusieurs immeubles, susceptibles de
donner lieu au droit de rétrocession (...) informe de sa décision les anciens
propriétaires ou leurs ayants droit à titre universel et les invite à opter entre
l'exercice immédiat de leur droit de rétrocession et la renonciation à ce droit.
La notification de la décision doit être faite individuellement par lettre RAR et à
défaut par acte extrajudiciaire. La réponse de l’ancien propriétaire doit être
donnée dans les deux mois de la date de l'avis de réception ou de celle de l'acte
extrajudiciaire - art. R 12-7 C. Expro.
Lorsque l'identité ou le domicile des anciens propriétaires ou de leurs ayants
droit ne sont pas connus, un avis est affiché dans la commune de situation des
biens et inséré dans un des journaux publié dans le département ; la réponse des
intéressés doit être donnée dans un délai de trois mois à compter de
l'accomplissement de la plus récente en date des deux formalités art. R 12- 8 C.
Expro.
Le défaut de réponse ou de déclaration dans les délais ci-dessus équivaut à une
renonciation à l'exercice de leur droit par les intéressés. Lorsqu’ils répondent
vouloir exercer leur droit de rétrocession, ils doivent obligatoirement en déclarer
le prix art. R 12- 8 C. Expro.
En cas de contestation après rejet par l’administration de la demande, c’est le
Tribunal de grande instance qui est compétent pour statuer, sous réserve de
questions préjudicielles. Il doit être saisi dans les deux mois de la réception de
la notification administrative de rejet art. R 12- 9 C. Expro.
L'inobservation des dispositions des articles R. 12-6 à R. 12-8 du code de
l’expropriation n'est pas sanctionnée par la nullité que ne peut demander l'ancien
propriétaire qui n'a pas sollicité la rétrocession ; il ne peut non plus invoquer
dans ce cas les règles de la domanialité publique à fin d'annulation (Cass. 3e civ.
12 février 1986, JCP éd. G. 1986 IV 109, GP 1986 p. 88).
Nous ne citerons ici que pour mémoire :
- le droit de priorité accordée aux anciens exploitants de terrains agricoles
aménagé par l’article. L. 12-6, al. 2 du code de l’expropriation.
- le droit de priorité accordé aux occupants de locaux d’habitation ou de locaux
commerciaux industriel ou artisanaux.
- celui accordé aux anciens propriétaires de terrains expropriés ou cédés à
l'amiable dans le cadre de la sauvegarde des périmètres de protection et de
reconstitution forestière ou des périmètres de restauration des terrains en
montagne en application des dispositions des articles L. 321-6 et L. 424-1 du
Code forestier.
- celui aménagé par l'article L. 21-1 du Code de l'expropriation qui permet de
bénéficier de l'attribution d'un des terrains à bâtir mis en vente à l'occasion de
l'opération qui a nécessité l'expropriation (C. expro., art. L. 21-2) en vue de la
construction d'ensembles immobiliers, d'aménagement de zones d'habitation,
d'aménagement de ZAC, de résorption de l'habitat insalubre, d'épuration des
eaux provenant de divers établissements, d'aménagement touristique, de
protection de la forêt, de la constitution de réserves foncières, de l'aménagement
et de l'exploitation d'installations d'élimination ou de traitement des déchets.
- des anciens propriétaires préemptés :
- en ZAD – article L 212-2-2 du code de l’urbanisme
Si la Z.A.D est créée à la suite de la délimitation d'un périmètre provisoire, les
biens acquis par décision de préemption et qui ne sont pas compris dans le
périmètre définitif, doivent être rétrocédés à leurs anciens propriétaires ou à
leurs ayants cause universels ou à titre universel dans le délai d'un an à compter
de la publication de l'acte créant la zone.
De même, si l’arrêté délimitant le périmètre provisoire devient caduc parce que
la ZAD n’a pas été créée dans le délai des deux ans, les biens acquis par
décision de préemption sont rétrocédés à leurs anciens propriétaires, ou à leurs
ayants cause universels ou à titre universel. Pour les modalités pratiques de la
rétrocession, l’article R 212-6 al 2 du code de l’urbanisme renvoie aux
dispositions des articles R 213-16 0 r213-20 du même code.
- dans le cadre du DPU
L’article L 213-11 du Code de l’Urbanisme rappelle les conditions dans
lesquelles les biens préemptés doivent être utilisés. Si le titulaire du droit de
préemption décide, avant l’expiration d’un délai de cinq ans depuis la
préemption, d’utiliser le bien à d’autres fins ou de le céder, il doit le proposer
préalablement à son ancien propriétaire puis en cas de renonciation de celui-ci à
l’ancien acquéreur évincé sous réserve que son nom ait été mentionné dans la
DIA.
Au-delà du délai de cinq ans, le bénéficiaire du droit de préemption dispose
d’une liberté d’utilisation.
L’article R 213-15 du code de l’urbanisme prévoit que la notification à l’ancien
propriétaire lui ouvre un délai de deux mois pour renoncer, accepter le prix
demandé ou formuler une contre proposition qui, à défaut d’accord sera fixé par
la juridiction de l’expropriation. A compter de la réponse du propriétaire, le
bénéficiaire du droit de préemption dispose également d’un délai de deux mois
pour accepter la contre proposition du propriétaire ou saisir le juge de
l’expropriation. Le défaut de saisine vaut acceptation de cette contre proposition.
L’ancien propriétaire bénéficie d’un délai de trois mois, à compter de la décision
devenue définitive, pour exercer sont droit de rétrocession. Le défaut de réponse
équivaut à une renonciation.
Lorsque le propriétaire a décidé de ne pas exercer son droit de rétrocession, le
bénéficiaire doit ensuite en proposer l’acquisition à la personne qui avait été
déclarée comme acquéreur dans la déclaration d’intention d’aliéner (C. Urb.
article R 213-20).
Si l’identité ou l’adresse de l’ancien propriétaire ou de ses ayants droit est
inconnue, il est procédé par voie d’affichage dans la commune de situation du
bien et par voie de publicité dans un journal du Département. Les intéressés
disposent d’un délai de trois mois à compter de cette publicité pour manifester
leur volonté d’acquérir le bien (C de U article R 213-19).
IV - CLAUSES DE RENONCIATION PAR ANTICIPATION A LA
RETROCESSION :
Très souvent les administrations insèrent dans les actes d’adhésion à ordonnance
d’expropriation ou les actes de vente, une clause par laquelle l’exproprié ou le
vendeur renonce à demander ultérieurement la rétrocession.
Ces clauses sont considérées par la jurisprudence comme nulles au motif qu’une
partie ne peut renoncer à un droit qui n’est pas encore né au jour de la signature
de ladite clause.
Jugé en ce sens (CA Versailles, 1ére ch. A, 4 déc. 1997 - STE CODEVAM c/
STE SORELIA) : la société d'économie mixte, délégataire du droit de
préemption urbain par décision du conseil municipal, chargée d'acquérir des
parcelles à aménager afin de réaliser un ensemble de locaux d'activités,
conformément aux articles L. 210-1 et L. 300-1 du Code de l'urbanisme, ne
respecte pas ces objectifs en revendant immédiatement les parcelles acquises par
préemption, sans y avoir effectué aucun aménagement et sans obliger le nouvel
acquéreur à réaliser les aménagements nécessaires. Cette aliénation n'étant pas
conforme aux objectifs définis dans la décision de préemption, la société devait,
conformément à l'article L. 213-11 du Code de l'urbanisme, proposer en priorité
aux anciens propriétaires l'acquisition de l'immeuble, obligation qui n'a pas été
respectée. La clause de renonciation au droit de rétrocession incluse dans l'acte
de vente initiale est illicite, car imprécise et portant sur un droit qui n'était pas
encore né au moment de la cession et il s'ensuit que l'ancien propriétaire peut,
sur le fondement de l'article L. 213-12 du Code de l'urbanisme, demander
réparation du préjudice économique qu'il a subi du fait du non-respect du droit
de rétrocession
Cf sur ce sujet, rép. min. n° 33533 : JOAN Q 9 sept. 1991, p. 3611 : le Ministre
de l'équipement, du logement et des transports a précisé que conformément au
principe général de droit selon lequel on ne saurait valablement renoncer à un
droit qui n'est pas encore né, l'ancien propriétaire d'un bien préempté - que le
prix ait été fixé à l'amiable ou par la juridiction de l'expropriation - qui dispose
d'un droit de rétrocession lorsque la commune envisage de l'utiliser à d'autres
fins que celles prévues à l'article L. 210-1 du Code de l'urbanisme, ne peut
renoncer à exercer ce droit qu'après que la commune lui ait offert de racheter le
bien en question. Toute convention contraire serait sans effet.
En conclusion, il est évident que la procédure de rétrocession est longue et
lourde et qu’il faut beaucoup de ténacité ou un intérêt financier motivant pour
s’engager dans ce marathon procédural. Le recours à la question préjudicielle
devrait être tout à fait exceptionnel et, pour éviter l’allongement des procédures,
il faut que les juridictions civiles aient le courage de se prononcer aussi souvent
que possible sur le contenu des arrêtés de DUP et que les Préfet s’efforcent de
les rédiger de façon aussi claire que possible. La réforme ne pourra se faire
qu’en même temps que celle de la procédure d’expropriation si un jour il est
décidé de mettre un terme à la dualité de juridiction.