LA FIdéLIsATIon des RessouRces HumAInes en péRIode de cRIse

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LA FIdéLIsATIon des RessouRces HumAInes en péRIode de cRIse
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© Éditions ESKA, 2012
LA FIdéLIsATIon
des RessouRces
HumAInes en péRIode
de cRIse économIque
Laurent GIRAUD
IAE Lyon, Magellan, EMLYON Business School, OCE
Alain ROGER
IAE Lyon, Magellan
Sandrine THOMINES
IAE Lyon
e
n Gestion des Ressources Humaines
(GRH), la fidélisation est un enjeu important et donc « une préoccupation majeure
de nombreuses organisations » (poulain-Rehm,
2006, p. 442). un taux de turnover non-maîtrisé
peut avoir de lourdes conséquences pour les entreprises. Lorsqu’elles en ont conscience, elles
mettent en place un ensemble de mesures permettant de réduire les départs volontaires des salariés (peretti, 2001).
La mise en place de mesures de fidélisation
est particulièrement pertinente lorsque les offres
d’emploi sont nombreuses et que les salariés
peuvent aisément trouver un poste alternatif. La
fidélisation est-elle toujours d’actualité lorsque
la situation du marché de l’emploi est en faveur
des entreprises, c’est-à-dire lorsqu’il y a plus de
demandeurs d’emploi que d’offres d’emploi ?
La crise financière puis économique de 2007 a
provoqué l’inversement des rapports de force
sur le marché de l’emploi. dans un contexte où
le taux de chômage dépasse 10%1 et où les
bases contractuelles sont précarisées au détriment des salariés (80% des embauches en
contrat à durée déterminée2), la crise a conduit
les entreprises à réduire leur sureffectif via le
chômage partiel, le gel des embauches ou les licenciements. paradoxalement, elles doivent
aussi fidéliser leurs ressources-clés pour assurer
leur pérennité.
1
http://www.lefigaro.fr/emploi/2010/03/04/01010-20100304ARTFIG00458-le-taux-de-chomage-repasse-labarre-des-10-en-france-.php
2
http://www.lefigaro.fr/societes/2010/08/11/04015-20100811ARTFIG00501-les-entreprises-n-ont-jamais-autantrecrute-de-cdd.php
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La fidélisation des ressources humaines en période de crise économique
L’objet de cet article est de mieux comprendre la manière dont la fidélisation est abordée
par les organisations en période de crise économique. nous évoquerons d’abord la façon dont
la littérature a approché la notion de fidélisation,
notamment en période de crise économique. La
méthode et les résultats d’une étude empirique
auprès de neuf entreprises de tailles et de secteurs variés seront ensuite présentés. enfin, ces
résultats seront discutés avec le souci d’apporter
des éléments de réponse à notre question.
1. LA FIDÉLISATION ET SES ENJEUX
La littérature distingue le concept de fidélité
de celui de fidélisation et évoque ses conséquences, principalement en termes de satisfaction et d’implication au travail. paillé (2004, p.
5) précise que « la fidélité insiste sur les
conduites individuelles en situation professionnelle tandis que la fidélisation amène l’entreprise à mobiliser des dispositifs de management
pour obtenir la fidélité de ses salariés ». La fidélité du salarié est donc ce que les pratiques de
fidélisation espèrent générer. ses enjeux peuvent
être très importants pour les entreprises, à différents niveaux.
1.1. La notion de fidélisation
et ses implications
La fidélité du salarié
poulain-Rehm (2006) note que le terme « fidélité » provient du latin fidelitas proche des
mots fides (foi) et foedus (pacte, convention, alliance). Le dictionnaire3 mentionne aussi son
sens le plus extrême, « la qualité qui fait qu’on
garde la foi promise à un souverain ». La fidélité
a donc un objet : une ou des personne(s), une organisation, une cause, un pays, etc. et ces différents objets de fidélité peuvent entrer en conflit
(souryal & mcKay, 1996). schrag (2001) remarque cependant que la fidélité est fondée, non
pas sur les caractéristiques de ces objets (ou personnes) mais sur une connexion relationnelle
particulière : un salarié est fidèle à m. X parce
que c’est son ami. d’autres personnes pourraient
avoir les mêmes caractéristiques sans que le sa3
larié leur soit fidèle pour autant. L’auteur défend
enfin l’idée que pour que le salarié soit fidèle à
une entreprise, certaines conditions doivent être
remplies qui lui permettent d’envisager un futur
commun avec cette entreprise. sa fidélité se traduira alors par de la bonne volonté, une identification, voire un sacrifice. Toutefois, si le
salarié peut offrir certains de ces éléments, l’entreprise peut difficilement les exiger.
Tout comme en marketing dans l’analyse des
relations entre l’entreprise et ses clients, la fidélité peut être approchée de manière comportementale ou de manière attitudinale.
Guerfel-Henda et Guilbert (2008) remarquent
que le seul fait qu’un salarié reste dans l’entreprise n’est pas forcément représentatif de sa fidélité : il faut savoir si son maintien dans
l’entreprise est dû à une volonté réelle ou à une
sorte de rétention. Luchak (2003) distingue deux
formes de fidélité à l’entreprise : un attachement
affectif et émotionnel et un attachement rationnel et calculé. La première forme rejoint ce que
peretti (2001) appelle la fidélité réelle, qu’il distingue de la fidélité conditionnelle et de la fidélité de façade. pour Hirschman (1970), la fidélité
(loyalty) est une forme de réponse possible à
l’insatisfaction au même titre que la démission
(exit) ou l’expression de l’insatisfaction (voice).
La fidélisation par l’entreprise
La fidélisation est un « ensemble de mesures
permettant de réduire les départs volontaires des
salariés » (peretti, 2001). L’entreprise ne recherche pas toujours la fidélisation de son personnel, ou du moins de tout son personnel : les
départs volontaires ne sont pas toujours néfastes
pour elle car ils peuvent être l’occasion de voir
partir des salariés peu performants (poulainRehm, 2006), et ils favorisent un renouvellement : l’arrivée de « sang neuf » permettant
l’apport d’idées et évitant un vieillissement excessif de l’effectif (colle, peretti, & cerdin,
2005).
selon une étude du cabinet Hewitt4, seulement 20 % des entreprises cotées en bourse ont
mis en œuvre des programmes explicites de fidélisation. une enquête menée par de Bovis et
al. (2010) fait ressortir que c’est encore moins
souvent le cas pour les jeunes de moins de 30
Littré, e. 1889. dictionnaire de la langue française. paris: Librairie Hachette et compagnie.
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La fidélisation des ressources humaines en période de crise économique
ans (la génération Y) : même si les entreprises
ont identifié un besoin et qu’elles expriment le
souhait de fidéliser cette population, elles ne
mettent pas en place de programme particulier.
La littérature en GRH traite fréquemment de
l’intention de quitter ou de l’implication organisationnelle, mais la question spécifique de la fidélisation est rarement abordée : sur les 131
articles publiés dans la Revue de Gestion des
Ressources Humaines entre 2002 et 2008, un
seul traite spécifiquement de la fidélisation
(point & Retour, 2009).
paillé (2004, p. 15) remarque que la fidélisation des ressources humaines pose la question
de la qualité des relations professionnelles. La
satisfaction au travail apparaît comme un vecteur incontournable de la fidélisation du salarié
(eskildsen & nussler, 2000; Gosse, Alves, &
sprimont, 2009; Lauver & Kristof-Brown,
2001; Wright & Bonett, 2007) : elle renforce
l’implication affective et donc l’attachement à
l’entreprise (mathieu & Zajac, 1990; meyer,
Allen, & smith, 1993; meyer, stanley, Herscovitch, & Topolnytsky, 2002; neveu, 1996; somers, 1995). La satisfaction au travail et
l’implication organisationnelle sont considérées
comme des variables-clefs dans la plupart des
modèles de turnover (colle et al., 2005; meyssonnier & Roger, 2006; neveu, 1996; palmero,
2000). « L’implication est un lien qui attache
l’individu à une entité, à une notion ou à un
comportement » (meyer & Herscovitch, 2001,
p. 301). ce lien peut être de trois natures : affective, calculée ou normative (Allen & meyer,
1991). L’implication affective traduit l’attachement émotionnel du salarié à son organisation
(meyer & Allen, 1997) à travers l’identification
à l’entreprise (T. e. Becker & Billings, 1993;
Lodhal & Kejner, 1965) et l’attachement aux valeurs (Buchanan, 1974). La deuxième forme
d’implication organisationnelle est l’implication
calculée. elle rend compte de la perception des
coûts associés à un départ de l’organisation.
cette forme d’implication est aussi appelée
« implication de continuité » (Bentein, Vandenberghe, & dulac, 2004). enfin, l’implication
normative représente « une attitude de loyauté
envers l’organisation, dérivée d’un sentiment
d’obligation morale à son égard » (Bentein et al.,
2004, p. 1).
4
La fidélisation du personnel est donc présentée comme un enjeu important pour les entreprises. est-ce toujours le cas dans une période
de crise économique ?
1.2. Instaurer des relations durables
et devenir un partenaire de référence
un premier enjeu de la fidélisation des Ressources Humaines est d’instaurer des relations
durables à une époque où les relations d’emploi
sont devenues plus instables. Baudet (2008, p.
7) souligne que « L’ancien modèle du cadre dévoué à une entreprise et attaché à la sécurité de
l’emploi a basculé vers un modèle où l’individu
souhaite s’épanouir dans son travail sans y sacrifier sa vie privée ». Les concepts de boundaryless career (Arthur & Rousseau, 1996; cadin,
Bailly-Bender, & saint-Giniez, 2000; Hirsch &
shanley, 1996) ou de carrière « protéenne »
(Hall, 1996) mettent en avant le rôle prédominant de l’individu dans la gestion de sa carrière.
ces « nouvelles approches » avancent que les
entreprises ne veulent plus, voire ne peuvent
plus prendre totalement en charge la gestion des
carrières sur le long terme (Hall & mirvis,
1996).
La fidélisation des salariés, qui vise à plus de
stabilité dans les relations d’emploi, semble
donc aller à contre-courant de ces approches.
certains salariés n’ont pas forcément l’envie ou
les capacités de mener eux-mêmes une carrière
« nomade » et restent demandeurs d’une carrière
organisationnelle (sturges, Guest, conway, &
davey, 2002). de plus, l’entreprise doit convaincre les personnes dont elle a besoin de rester
dans l’organisation pour assurer son bon fonctionnement.
L’arrivée sur le marché de l’emploi de la Génération Y conduit à penser que les difficultés
de fidélisation risquent d’augmenter. ces jeunes
de moins de 30 ans semblent en effet être plus
individualistes, accorder moins d’importance à
l’éthique professionnelle ainsi qu’à la place du
travail dans la vie (Twenge, 2010; Twenge,
campbell, Hoffman, & Lance, 2010). Fidéliser
la Génération Y présenterait donc plus de difficultés dans la mesure où il s’agit d’une population très mobile et prête à « zapper » sur le
marché de l’emploi.
La Tribune du 08/01/2007, article de JunGHAns p., étude réalisée auprès de trente groupes cotés dont 15 du cAc
40 (cité par Guerfel-Henda et Gilbert (2008).
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La fidélisation des ressources humaines en période de crise économique
1.3. Une problématique pertinente en période
de crise économique ?
dans un contexte de crise et de fort chômage,
il semble a priori paradoxal pour une entreprise
d’aborder la question de la fidélisation et ce,
pour trois raisons principales.
d’abord, lorsque la crise se traduit par une
situation de sureffectif, l’entreprise, pour assurer
sa survie, utilise comme premier levier d’action
le chômage partiel, voire le licenciement (Kamoche, 2003). prendre des mesures pour garder
les salariés parait à première vue incohérent.
ensuite, dans ces périodes, la plupart des salariés ont peu ou pas d’alternatives d’emploi. Il
serait donc inutile de mettre en place des pratiques de fidélisation car ces salariés, même s’ils
le souhaitaient, auraient beaucoup de mal à trouver un autre emploi.
enfin, même si on voulait réaliser des efforts
de fidélisation, il serait difficile d’obtenir les financements nécessaires pour ces actions dans
une période de crise. en effet, les priorités de la
direction dans ces périodes concernent plutôt la
réduction des coûts de GRH (sanséau, matmati,
& calamel, 2009).
La plupart des travaux francophones récents
traitant la problématique de la fidélisation ont
été publiés dans une période de croissance économique sereine (colle et al., 2005; paillé, 2004;
poulain-Rehm, 2006). Les chercheurs reconnaissent que « l’étude de la fidélisation des ressources humaines doit tenir compte des
contrainte issues de l’évolution des environnements » (paillé, 2004, p. 11). steel et Lounsbury
(2009) notent que la plupart des modèles de turnover existants incluent les variables contextuelles comme « les perceptions d’alternatives »
(88% des modèles) ou encore « les critères objectifs sur l’état du marché » (63% des modèles).
pourtant, les chercheurs en GRH ne semblent
pas s’être posé la question de savoir si la fidélisation des Ressources Humaines était bien une
problématique pertinente en période de crise
économique. À notre connaissance, seul l’ouvrage de maccooey (2009) aborde cette question mais sans approfondissement scientifique.
en période de crise économique et de fort
chômage, une entreprise aurait pourtant intérêt
5
à aborder la question de la fidélisation. Il faut
probablement nuancer les trois paradoxes cités
ci-dessus.
Le renforcement de la fidélisation peut être
justifié dans une vision à moyen et long terme,
surtout dans des activités où les compétences
sont une source capitale d’avantage concurrentiel. en effet, même si la masse salariale doit être
réduite, il faut aussi garantir la survie de l’entreprise en s’assurant de la fidélité de certains experts, hauts potentiels ou de personnes-clefs
menant des projets décisifs. Jolis (1997, p. 103)
explique qu’« à trop vouloir alléger les masses
salariales, et ne plus se préoccuper des compétences humaines que l’on juge dans l’instant non
directement rentables pour un marché donné ou
une période considérée, on risque… l’assèchement, la désertification des ressources humaines… au profit des partenaires, des
concurrents […] ». Fidéliser permet donc à l’entreprise de conserver les compétences indispensables à la fois pour survivre et pour faire la
différence avec la concurrence, que ce soit en
période de croissance ou de crise économique.
c’est probablement ce qui a conduit les dRH
pendant la période de crise en 2009 à considérer
comme l’une de leurs priorités la détection et la
fidélisation des talents, potentiels et hauts potentiels (enquête cegos, 20095). Les salariés représentent un « capital humain », source d’avantage
compétitif durable du fait de leur niveau de compétences et de connaissances (Jolis, 1997). Il est
stratégiquement primordial pour une entreprise
de ne pas perdre certains éléments dans lesquels
elle a investi à long terme. on voit mal comment
un retour sur investissement est possible sur des
efforts de formation auprès de salariés « éphémères ».
une faible satisfaction au travail provoque
d’autant plus de frustration chez le salarié que
les alternatives sur le marché du travail sont
rares, ce qui est le cas en période de crise. cette
frustration entraîne souvent des comportements
déviants de retrait organisationnel ou autres dysfonctionnements sociaux qui perturbent le fonctionnement de l’entreprise (Fisher & Locke,
1992; Gupta & Jenkins, 1983; martory & crozet, 1988). Fidéliser en période de crise permet
d’éviter une rupture du contrat psychologique
(Rousseau, 1995), d’échapper à ce type de frus-
http://www.cegos.fr/nous-connaitre/rapport-etudes/commandez-etudes/documents/cp%20fonction%20RH%20%20def.pdf
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La fidélisation des ressources humaines en période de crise économique
tration et d’anticiper une potentielle période de
reprise.
malgré les objectifs prioritaires de réduction des coûts en période de crise, la fidélisation des salariés peut être un moyen de
rationaliser les coûts de GRH dans une optique
de moyen et long terme. elle permet par exemple d’éviter les coûts associés au remplacement
d’un salarié (dany & Livian, 2002). « Le départ de salariés performants, compétitifs et
compétents engendre pour toute organisation
des coûts élevés » (paillé, 2004, p. 17). ces
coûts élevés sont non seulement les coûts de
remplacement d’un salarié estimés selon les cas
entre 6 mois à 2 ans de salaire (dany & Livian,
2002) mais aussi les coûts dits « cachés » car
ils n’apparaissent pas, ou seulement avec un
temps de décalage. ce peut être par exemple
l’impact déstabilisant du départ d’un collaborateur sur toute une équipe (chaminade, 2003).
ces « coûts-performances cachés » s’élèvent
selon savall et Zardet (2006) entre 9000 € et
45000 € par personne et par an. L’enjeu de la
rétention des salariés est donc fort, surtout
lorsqu’une crise économique rend l’organisation plus fragile.
pour comprendre comment les entreprises
abordent la question de la fidélisation en période
de crise économique, nous avons réalisé une
étude empirique auprès de neuf entreprises très
diverses.
2. ÉTUDE EMPIRIQUE
dans cette étude empirique exploratoire,
nous présenterons d’abord la méthode de l’enquête, puis la synthèse et l’analyse des résultats.
2.1. Méthode
L’enquête a été menée pendant la période de
crise économique de février à mars 2010 dans
plusieurs types de structures (huit grandes entreprises du secteur privé et une grande association
à but non lucratif) dans des domaines d’activité
variés : agences de travail temporaire, construction de locomotives et d’autre matériel ferroviaire roulant, assurances, fabrication d’appareils
électroménagers, télécommunications, commerce de détail de meubles, fabrication de préparations pharmaceutiques, construction de
bâtiments, et enfin messagerie, fret express. s’il
s’agit d’un groupe international, l’entité prise en
compte pour l’étude est la filiale nationale française.
La taille des organisations sondées varie
d’environ 180 salariés à 90 000 salariés, mais la
plupart sont des grandes entreprises qui ont ressenti à des degrés divers les effets de la crise :
deux d’entre elles (org1 et org4) ont accusé un
lourd impact de la crise sur leur activité ; les autres ont moins souffert de la situation, comme le
montre le tableau 1. Les principaux indicateurs
de l’impact de la crise économique que nous
avons retenus dans ce tableau sont des résultats
de l’entreprise faibles, c’est-à-dire :
• soit un chiffre d’affaires et un résultat net en
diminution par rapport aux années précédentes en 2008 et 2009,
• soit un résultat net négatif en 2008 et en
2009.
des entretiens semi-directifs d’environ une
heure et en face-à-face ont été menés sur le lieu
de travail avec le dRH ou un cadre responsable
RH de chacune des organisations (les grandes
lignes du guide d’entretien sont présentées en
annexe), et ils ont été complétés par des entretiens téléphoniques d’environ une heure chacun
avec trois managers. compte tenu de la situation de tension due à la crise et de l’aspect délicat de notre problématique, seules 3
entreprises (agence de travail temporaire, fabrication d’appareils électroménagers et assurances) nous ont autorisés à rencontrer des
managers. Après retranscription de ces entretiens, nous avons examiné le discours de nos
répondants par une analyse thématique de
contenu, bien adaptée et répandue pour ce type
de données qualitatives (point & Retour, 2009;
Thiétart, 2006).
2.2. Synthèse des résultats
Les résultats de notre étude exploratoire
montrent que la fidélisation reste un sujet d’actualité en période de crise économique. L’analyse de contenu des discours distingue trois
thèmes d’analyse : les répondants insistent sur
les motifs de fidélisation des salariés, le processus de fidélisation et enfin sur les individus particulièrement concernés par la fidélisation,
notamment dans cette période de crise.
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La fidélisation des ressources humaines en période de crise économique
Tableau 1 : Indicateurs des neuf organisations au sein desquelles l’étude a été menée.
Activité de l’organisation
Variation du chiffre Variation du résultat
d’affaires
net
Résultat net *
2008/
2009
2007/
2008
2008/
2009
2007/
2008
2009
2008
org1- Agences de travail temporaire
en baisse
-6%
en baisse
-50%
+
+
org2- construction de matériel ferroviaire roulant
-8%
+12%
-59%
+98%
+
+
org3- Assurances / organisation à but
non lucratif
n/A
n/A
n/A
n/A
+
+
org4- Fabrication d'appareils électroménagers
-6%
+32%
+91%
-713%
-
-
org5- Télécommunications
-3%
-3%
-144%
-56%
-
+
org6-commerce de détail de meubles
+6%
+13%
-36%
-26%
+
+
org7- préparations pharmaceutiques
-12%
+21%
-30%
+30%
+
+
org8- construction de bâtiments
-8%
-4%
+39%
+12%
+
+
org9- messagerie, fret express
-3%
+2%
+1%
-14%
+
+
* (Le + signifie que le résultat net est positif et le – signifie que le résultat net est négatif. Lorsque l’information reste imprécise, seul le mouvement global de la variation est indiqué)
Les motifs de fidélisation
– La préparation de la reprise économique
La fidélisation des salariés est considérée
comme importante en période de crise par ceux
qui souhaitent relancer la performance et préparer la reprise économique.
« La priorité est de développer les collaborateurs, pas seulement pour qu’ils ne partent
pas mais pour être performants et préparer
l’avenir de l’entreprise. » (org2)
« Il faut stabiliser aujourd’hui les équipes de
demain. Lorsque l’activité redémarrera, il faut
que tout le monde soit prêt. On ne peut pas être
en train de se réorganiser lorsque ça va repartir.
Donc, il faut pouvoir compter sur nos collaborateurs et être auprès d’eux […] » (org1)
– La conservation de compétences aux dépens de la concurrence
Les organisations sont conscientes que, malgré la mauvaise conjoncture, les compétences
risquent de se faire plus rares. À travers la fidélisation des salariés, elles comptent conserver
ces compétences et assurer un retour sur investissement.
« Nous devons fidéliser les collaborateurs au
sein du groupe pour éviter la fuite des compétences car c’est une perte d’investissement pour
l’entreprise. Cette prise de conscience s’est véritablement faite suite à des départs. » (org1)
« Il y a une pénurie de compétences sur des
profils commerciaux spécifiques.» (org3)
Les organisations savent aussi que les compétences ont besoin d’être conservées pour ne
pas qu’elles soient récupérées par les concurrents.
« Il faut conserver nos compétences pour rester compétitif. » « On va être sur un marché fortement concurrencé donc c’est important d’être
attractif. » (org1)
« Autant, on a connu une période difficile
[…], autant on va vers des années où on va tous
s’arracher des compétences. » (org5)
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La fidélisation des ressources humaines en période de crise économique
« La région est hautement concurrentielle
sur la partie pharma-chimie. On sait que si on
laisse partir les compétences, elles partent chez
la concurrence. » (org7)
– La fidélisation et la satisfaction du client
Il est intéressant de noter dans les réponses
que la fidélisation des salariés est associée à la
satisfaction voire à la fidélisation des clients, ce
qui est loin d’être négligeable face à une situation de crise. en fidélisant les salariés, on fidélise aussi les clients.
« La fidélisation [des Ressources Humaines]
permet de fidéliser le client : s’il y a un fort
turnover, c’est difficile de fidéliser les clients.
En effet, si vous êtes en permanence en train de
recruter, vous ne stabilisez jamais le savoir donc
le client est déstabilisé. » (org3)
« Un collaborateur engagé évolue vers de
la satisfaction client. […] Nos valeurs sont en
lien avec les clients ; il s’agit de viser la satisfaction du client, l’excellence client ; c’est aussi
pour cette raison que l’on recherche l’engagement. » (org9)
« Les collaborateurs que l’entreprise souhaite conserver sont les vendeurs-entreprise.
Les clients sur les marchés « entreprises » n’aiment pas changer de vendeurs. […] L’entreprise
n’aime pas avoir de turnover sur ce profil et les
clients non plus. » (org5)
« Le client, à un moment donné, oublie qu’il
travaille avec notre entreprise. Il travaille avec
son responsable de recrutement qu’il a l’habitude d’avoir au téléphone tous les jours. » (manager, org1)
– L’optimisation des coûts de GRH
contrairement aux idées reçues, la fidélisation du personnel peut être une manière d’optimiser les coûts de GRH en période de
ralentissement économique. on voit ainsi que
pour une entreprise, « La fidélisation est l’axe
prioritaire 2010 » (org1).
La fidélisation des salariés permet notamment
de réduire les coûts de recrutement « Le recrutement est compliqué sur ces profils et coûte cher »
(org3) et d’éviter la perte d’un investissement fait
pour développer les compétences : « Nous devons
fidéliser les collaborateurs au sein du groupe
pour éviter la fuite des compétences car c’est une
perte d’investissement pour l’entreprise. » (org1)
La formation est un processus lourd, surtout
pour certains métiers. « La fidélisation est une
nécessité car le temps d’acquisition des connaissances sur le métier est relativement long : c’est
un métier complexe avec de nombreux codes à
maîtriser […] » (org3). La fidélisation des salariés permet de garantir un temps suffisant pour
former les salariés.
– une meilleure performance de l’entreprise
et un maintien de l’avantage compétitif
À travers les compétences détenues par le
personnel, les dRH font un lien entre fidélisation des salariés et performance de l’entreprise.
Les Ressources Humaines apparaissent ainsi
comme une source d’avantage compétitif à travers laquelle l’entreprise peut améliorer sa performance et par exemple « maintenir son
avancée technologique » (org2).
« Un collaborateur engagé est un collaborateur performant ; s’il est performant, l’entreprise l’est aussi. […] Replacer l’humain dans
l’économie […] c’est ce qui est en train de se
produire. L’Homme était considéré comme une
ressource. À présent, il est considéré comme une
richesse. Pour notre PDG, l’humain c’est un
peu sa matière première ; nous n’avons pas de
machine, tout se fait à la main ; donc sans les
hommes, l’entreprise n’est rien. » (org9)
Les répondants sont également conscients
qu’il n’est pas souhaitable d’avoir un taux de
turnover égal à zéro, ce qui pourrait empêcher
que de nouvelles idées puissent apparaître dans
l’organisation.
« La fidélisation est nécessaire à l’entreprise
mais il faut aussi faire entrer du sang neuf […]
pour le renouvellement de l’entreprise.» (org3)
– La remobilisation des salariés
cette thématique est particulièrement abordée dans les organisations sur lesquelles l’impact de la crise économique a été lourd. en effet,
les répondants des entreprises des secteurs
« agences de travail temporaire » (org1) et « fabrication d’appareils électroménagers » (org4)
voient dans la fidélisation des Ressources Humaines un moyen de remobiliser psychologiquement leurs salariés. ces entreprises ont besoin
de faire sentir à leur personnel qu’un avenir
meilleur est possible malgré la situation délicate
de l’entreprise : « Dans ce contexte de Plan de
Sauvegarde de l’Emploi, l’objectif pour 2010 est
de stabiliser les équipes existantes et de gommer
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La fidélisation des ressources humaines en période de crise économique
ce PSE, redonner envie, remotiver, redonner
confiance aux équipes pour repartir ensemble et
ainsi éviter d’autres départs » (dRH, org1)
« [On constate une] perte de la motivation
car les transferts de références se poursuivent
en Pologne. Il faut que la motivation soit totale
au niveau de la tête de l’entreprise, et là, on
commence à sentir un frémissement ! » (dRH,
org4)
cet argument avancé par les dRH est
confirmé par les managers. « On sent une vraie
volonté de l’entreprise pour que le collaborateur
reste au sein du groupe ; elle se met en place depuis un à deux ans et s’accentue. On donne de
plus en plus d’outils pour que le collaborateur
prenne en main sa carrière : parcours d’intégration, formations e-learning… » (manager, org1)
« […] Fidéliser [les salariés] c’est faire une
promesse pour l’avenir, c’est s’engager. La difficulté est qu’il ne faut pas les décevoir. » (manager, org4)
– La réduction de dysfonctionnements sociaux
Les dRH qui ont participé à notre enquête
insistent sur l’importance des pratiques de fidélisation pour réduire les dysfonctionnements sociaux en période de crise. ceux-ci sont liés à une
baisse de l’implication ou à du désengagement
et nuisent à la performance de l’entreprise.
« Notre préoccupation n’est pas de gérer les
départs des salariés, nous avons eu très peu de
turnover depuis un an. Le problème c’est le désengagement qui est pour l’instant très localisé
à la population ouvrière. » (org8). Au-delà
« des absences non justifiées » les répondants
vont jusqu’à déplorer de la « casse volontaire »
et même des « simulations d’accident du travail » (org6).
Le processus de fidélisation
Les répondants insistent sur la nature implicite du processus de fidélisation, le rôle incontournable du responsable hiérarchique et
l’absence de « méthode-type » de fidélisation.
– une fidélisation implicite
Les responsables nous indiquent souvent que
la fidélisation se fait de façon implicite, sans
qu’elle constitue un axe bien identifié de la politique de GRH.
« La fidélisation est implicite. » (org3)
« La fidélisation n’est pas l’objectif principal
mais indirectement l’entreprise fidélise. […] La
fidélisation est une conséquence. » (org7)
« La politique de fidélisation est intégrée
dans la gestion des RH au quotidien et s’appuie
sur l’ensemble des processus » (org2)
« La fidélisation est fondue dans la politique
des RH. » (org8)
« Ce n’est pas une volonté de fidéliser mais
plutôt donner l’envie de faire, créer de la motivation. » (org5)
Les organisations fidélisent indirectement à
travers des pratiques visant à augmenter la satisfaction au travail et l’implication organisationnelle. c’est notamment le cas pour la
formation - « En travaillant sur le développement des collaborateurs, on fidélise » (org2) -,
la reconnaissance du travail - « Le seul levier,
dans ce contexte morose de crise économique,
est peut-être la reconnaissance du collaborateur
tout simplement : lui donner du feed-back. Ce
sont des solutions simples et ne nécessitant pas
de moyens. En agissant là-dessus, en étant clair
dans les communications, en reconnaissant le
travail, en agissant sur leur performance, on fidélise. » (org9) -, les avantages en nature - « On
travaille à acheter des places de crèches… à
faire en sorte que les jeunes ingénieurs, les
jeunes vendeurs que l’on recrutera prochainement aient, en comparaison avec une autre entreprise, plus d’avantages à venir chez nous. »
(org5) - et l’application de l’entreprise à la carte
- « Nous avons aussi des salariés avec de vraies
difficultés liées à des aspects personnels. Quand
c’est compatible avec l’organisation, on peut
trouver des solutions à la carte : changement
d’équipe, changement d’horaire… » (org8) -.
– Le rôle incontournable du responsable hiérarchique
qu’ils soient managers ou dRH, les répondants s’accordent à dire que les responsables
hiérarchiques sont incontournables dans le processus de fidélisation des salariés en période de
crise économique.
« La crise a eu un effet très compliqué. […]
On s’est rendu compte de l’importance de la dimension management sur l’accompagnement
des collaborateurs en perte de repères ; certains
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La fidélisation des ressources humaines en période de crise économique
n’ayant connu que la croissance et croyant l’entreprise incontournable. » (manager, org1)
« Le point central de la fidélisation reste le
mode de management. » (manager, org3)
« La fidélisation passe aussi par les relations
avec le Manager. Il ne s’agit pas uniquement du
management au quotidien mais aussi être là
quand le collaborateur rencontre une difficulté,
reconnaître le collaborateur, faire du feed-back.
Tous ces aspects contribuent à la fidélisation. »
(dRH, org2)
– L’absence de « méthode-type » de fidélisation
Les résultats montrent qu’il n’y a pas de
« méthode-type » de fidélisation : « C’est une
notion complexe. On peut la représenter comme
un cube à multi-facettes sur lequel on peut entrer de façons différentes. Il n’y a pas une méthode de fidélisation ; c’est un agglomérat de
situations et de comportements qui engendrent
de la fidélisation. Il n’y a pas de modèle
unique. » (dRH, org3).
« La fidélisation dépend aussi du profil du
collaborateur : des salariés jeunes avec peu
d’expérience dans le métier n’ont pas les mêmes
attentes qu’un collaborateur de 40 à 50 ans. Les
jeunes sont là pour se faire une carte de visite
[…] Des mères de famille qui se sont arrêtées
de travailler pour élever leurs enfants ont d’autres attentes : recherche de stabilité, indépendance financière, éviter l’isolement chez soi. »
(manager, org3)
« La fidélisation c’est individu par individu,
c’est une gestion au cas par cas. » (dRH, org8)
Les individus particulièrement concernés
Les répondants indiquent que les personnes
les plus concernées par la fidélisation sont d’une
part les hauts potentiels et les personnes-clefs,
et d’autre part, les individus de la Génération Y.
– Les hauts potentiels et les personnes-clefs
Au vu des entretiens réalisés, la fidélisation
concerne d’abord les hauts potentiels, les salariés performants.
« […] Notre processus c’est : attirer, faire
évoluer et fidéliser des collaborateurs de qualité. » (org9)
« Conserver les bons managers et les bons
leaders de demain pour préparer le futur et res-
ter compétitif. […] La première motivation est
d’avoir les gens compétents au bon endroit au
bon moment pour réussir notre challenge ;
après, il faut que les bons restent !» (org2)
« L’objectif est de fidéliser oui mais les salariés capables de s’adapter à un environnement
mouvant, aux besoins et aux évolutions de l’entreprise. » (org7)
Le processus de fidélisation vise aussi des salariés qui ont un rôle-clef dans le succès de l’organisation :
« Conserver nos experts pour maintenir
notre avancée technologique. » (org2)
– Les individus de la Génération Y
enfin, il semble que la fidélisation des individus de la Génération Y (« les jeunes ») ne soit
pas chose aisée pour nos répondants.
« Les jeunes ont une autre façon d’appréhender le travail ; ils viennent et ils partent
lorsqu’ils ne sont plus satisfaits ». (org3)
« L’engagement des jeunes n’est pas le même
et se battre corps et âme pour une entreprise
[…] Nous avons de plus en plus de profils de mercenaires […] aujourd’hui, on rencontre des profils atypiques qui peuvent surfer d’une entreprise
à l’autre pour gagner cent euros de plus ! […] Il
y a une notion d’engagement actuelle qui est différente chez les jeunes […] L’engagement de solidarité n’est plus le même qu’avant. […] Donc,
les valeurs ont moins de prise sur cette population qui a une attitude de consommateur : je
pioche, je zappe et je jette. » (org5)
– L’entreprise ne cherche pas à fidéliser tous
ses collaborateurs
une politique de fidélisation n’a pas pour objectif de chercher à garder tous les collaborateurs. L’entreprise peut en même temps vouloir
fidéliser certains, mais vouloir se séparer d’autres qui ne répondent pas à ses attentes ou à ses
besoins.
« Toutes les compétences ne sont pas à fidéliser ; la fidélisation se fait au cas par cas. Il y
a des domaines où l’entreprise va laisser partir
facilement des collaborateurs car leurs compétences correspondent à une fin de cycle technologique. » (org5)
« Les dispositifs de rétention ne s’adressent
pas à tous les collaborateurs. » (org2)
«Le départ d’un collaborateur peut être simplement dû à un problème de perspective, une
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La fidélisation des ressources humaines en période de crise économique
Figure 1 : Synthèse des principaux thèmes de l’analyse.
problématique de mobilité géographique. Dans
un premier temps, le collaborateur va rester au
sein de l’entreprise : ce sera alors une « fidélisation forcée » qui va avoir une incidence sur la
performance. » (org2)
3. DISCUSSION
Les résultats seront discutés pour chacune
des trois catégories que nous avons retenues lors
de la synthèse précédente.
« Plus vite mes collaborateurs partent, mieux
c’est pour mon service car j’aurai moins de
frustrés à gérer ! » (manager, org3)
3.1. Les motifs de fidélisation des salariés
La figure 1 représente de façon synthétique
l’ensemble des points qui ont été abordés par
nos répondants pour expliquer pourquoi ils menaient une politique de fidélisation dans cette période de crise, comment ils s’y prenaient, et
quels étaient les salariés les plus concernés dans
leur organisation.
L’analyse de nos données montre que la fidélisation des Ressources Humaines reste une
problématique d’actualité en période de crise
économique. plusieurs raisons sont avancées, et
notamment le besoin d’une vision à long terme
nécessaire à une bonne GRH.
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La fidélisation des ressources humaines en période de crise économique
À travers le premier motif de fidélisation
cité par nos répondants, la préparation de la
reprise économique, on constate que les organisations ayant participé à notre enquête sont
bien conscientes que la fidélisation des Ressources Humaines nécessite une certaine vision à moyen et long terme. elles s’assurent
ainsi de pouvoir rebondir en cas de retournement favorable de la conjoncture. cette préoccupation rejoint les préconisations de
chercheurs comme chaminade (2003) ou
paillé (2004) quant à la « planification » du
processus de fidélisation.
Les entretiens font aussi ressortir que la fidélisation des salariés est associée à une meilleure
performance de l’entreprise et à un maintien de
l’avantage compétitif. Les répondants défendent
l’idée que la fidélisation des Ressources Humaines permet la conservation de compétences
aux dépens de la concurrence. ce résultat est cohérent avec la littérature en GRH et notamment
les travaux de Jolis (1997) ou Becker (1993) qui
présentent le « capital humain » comme une
source d’avantage concurrentiel durable.
un autre motif de fidélisation en période de
crise économique, la fidélisation et la satisfaction du client, est particulièrement souligné dans
certains métiers : la fidélisation du personnel est
liée à la fidélisation d’autres partenaires-clefs de
l’entreprise comme les clients. Reichheld (1996,
p. 113) indique que « la stabilité des salariés est
susceptible d’entraîner une amélioration des
produits, de la valeur apportée au client et du
taux de fidélisation de la clientèle », ce qui renforce la confiance de différents partenaires
comme les clients bien sûr, mais aussi les fournisseurs, les actionnaires ou les institutions gouvernementales. on retrouve ici l’importance de
la cohérence entre l’image interne et l’image externe de l’entreprise évoquée par peretti (2004).
L’entreprise peut alors conserver les partenaires
indispensables pour sa survie voire son succès.
La fidélisation des salariés permet de garantir un délai suffisant pour la formation des salariés. cela valide l’enjeu économique de la
fidélisation cité par chaminade (2003) qui rappelle qu’un retour sur investissement en formation et une Gpec ne sont possibles qu’avec un
effectif relativement stable. cet aspect économique se traduit aussi par une optimisation des
coûts de GRH même en période de crise grâce à
la conservation des compétences (G. Becker,
1993; Jolis, 1997) et à la réduction de coûts cachés comme les coûts de recrutement en cas de
départ (dany & Livian, 2002; Fisher & Locke,
1992; martory & crozet, 1988; savall & Zardet,
2003, 2006) ou la réduction de dysfonctions sociales (absentéisme, casse volontaire, grèves),
selon l’appellation de paillé (2004). ces comportements liés à une faible implication et à une
faible satisfaction sont coûteux, mais difficiles
à estimer (savall & Zardet, 2006). Les efforts de
fidélisation devraient réduire ces dysfonctions
sociales en limitant le stress au travail (sahler,
2007), première cause de risques psychosociaux
(nasse & Légeron, 2008). en effet, les « frustrés » évoqués par exemple par le manager de
l’organisation 3 peuvent souffrir d’un environnement de travail délétère. Au-delà des conditions de travail déplorables, des efforts de
fidélisation maladroits pourraient également
créer ou renforcer les dysfonctions sociales.
enfin, nos résultats montrent qu’au-delà de
la réduction des dysfonctionnements sociaux, la
fidélisation des Ressources Humaines permet
surtout la remobilisation des salariés. derrière
le terme « remobilisation », nous pouvons identifier l’implication organisationnelle d’Allen et
meyer (1991). ce motif de fidélisation est particulièrement cité par les organisations sur lesquelles l’impact de la crise a été lourd. en effet,
il semble que la fidélisation des salariés permette
la survie de l’entreprise qui a besoin de renforcer
des niveaux d’implication organisationnelle devenus faibles suite à un sérieux impact de la
crise économique, et notamment à des suppressions de postes dans le cadre de plans sociaux.
Les salariés attendent de l’entreprise un soutien
et peuvent voir dans ces départs une violation du
contrat psychologique (Rousseau, 1995), l’entreprise ne respectant pas ce qu’ils considèrent
comme une obligation de protection alors qu’ils
ont eux-mêmes rempli leurs obligations en s’impliquant dans leur travail. conscientes des probables dégradations du climat social (cornolti,
2005), les organisations sur lesquelles l’impact
de la crise a été le plus lourd insistent tout particulièrement sur le besoin de fidélisation pour remobiliser leur personnel. « Les entreprises qui
surmontent le mieux les crises sont celles qui ont
développé de l’implication auprès de leurs collaborateurs » (Thévenet, 2009, p. 39). Les entreprises cherchent d’autant plus à retrouver des
niveaux d’implication organisationnelle élevés
chez leurs salariés que l’impact de la crise a été
plus lourd.
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La fidélisation des ressources humaines en période de crise économique
3.2. Le processus de fidélisation des salariés
Le responsable hiérarchique a un rôle essentiel pour la fidélisation des Ressources Humaines. nos résultats soulignent que le
processus de fidélisation est en grande partie
mené par les managers. chaminade (2003) ou
dany et al. (2008) rappellent l’importance de
l’implication des managers dans la GRH pour
garantir une meilleure performance organisationnelle. Toutefois, le processus de fidélisation est souvent implicite dans les pratiques
habituelles de GRH qui répondent à d’autres
buts premiers. La formation peut par exemple,
au-delà de l’acquisition des compétences qui
est son but premier, contribuer à améliorer la
satisfaction au travail et l’implication organisationnelle, et donc renforcer la fidélisation.
enfin, nos résultats confirment les travaux
qui prônent la personnalisation des pratiques
de GRH, notamment pour fidéliser les salariés
(colle & merle, 2007; colle et al., 2005) en
soulignant l’absence de méthode-type de fidélisation. Les répondants insistent sur le fait que
la stratégie de fidélisation fondée entre autres
sur la formation, la reconnaissance du travail,
les avantages en nature ou le plan de carrière,
doit s’adapter à chaque cas.
3.3. Quels individus sont particulièrement concernés par le processus de fidélisation ?
nos résultats rejoignent ceux de l’enquête
cegos 20096 qui montre que l’une des priorités
des dRH est la détection et la fidélisation des
talents, potentiels et hauts potentiels. Les personnes concernées par les efforts de fidélisation sont principalement les hauts potentiels et
les personnes-clefs. Guerfel-Henda et Guilbert
(2008) conseillent de cibler les efforts sur des
individus performants ou prometteurs. Les
personnes-clefs de l’entreprise ne sont pas toujours les personnes les plus performantes, mais
surtout celles qui détiennent des compétences
indispensables et que l’organisation tient à
conserver. un dRH (org2) reconnaît que la fidélisation concerne « les bons managers et les
6
bons leaders ». pour crozier et Friedberg
(1992), si le manager est une personne-clef,
c’est qu’en tant que « marginal-sécant », il tire
son pouvoir de sa position organisationnelle située à l’interface de plusieurs systèmes d’action. Les dRH semblent parfois prisonniers
des représentations sociétales françaises qui
valorisent le diplôme et les postes à responsabilités alors que certains salariés ne faisant pas
d’encadrement peuvent aussi être des « personnes-clefs ». Le risque est alors de voir se
développer un sentiment d’injustice qui peut
encore aggraver les frustrations d’autres catégories de personnel qui ne bénéficieraient pas
de ces mesures de fidélisation et qu’ils considèreraient comme des traitements de faveur.
des études montrent par exemple que la perception de l’injustice organisationnelle favorise les risques psychosociaux (elovainio,
Heponiemi, sinervo, & magnavita, 2010).
enfin, les entretiens révèlent que les individus de la Génération Y sont une population
particulièrement concernée par le processus de
fidélisation. Les répondants confirment les résultats de la littérature en gestion qui décrit les
rapports au travail de la Génération Y comme
particuliers (ng, schweitzer, & Lyons, 2010;
Twenge, 2010; Twenge et al., 2010). Il faut
toutefois rester prudent face à ce résultat dans
la mesure où il est difficile de savoir s’il s’agit
vraiment de l’effet des attitudes de la Génération Y qui n’aurait pas les mêmes comportements que leurs aînés au même âge, ou bien si
les réactions observées sont dues à l’âge
(Kessler & masson, 1985) ou à l’étape de carrière des individus (super, 1980). Les répondants peuvent aussi être influencés par ce que
la presse grand public a pu largement diffuser
comme stéréotypes à propos de la Génération
Y (pralong, 2009).
CONCLUSION
par rapport à la littérature en gestion, nos
résultats permettent de mieux comprendre la
manière dont la fidélisation est abordée en période de crise. Ils font ressortir les raisons pour
lesquelles la fidélisation reste pertinente dans
http://www.cegos.fr/nous-connaitre/rapport-etudes/commandez-etudes/documents/cp%20fonction%20RH%20%20def.pdf
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La fidélisation des ressources humaines en période de crise économique
cette période de fort ralentissement économique, contrairement à l’idée reçue que la
préoccupation des entreprises serait plutôt
d’inciter leurs salariés au départ. La question
de la fidélisation n’est pas délaissée pour les
urgences à court terme et elle est même parfois
considérée comme un axe prioritaire. La remobilisation des salariés ressort même comme le
principal motif de fidélisation des organisations sur lesquelles l’impact de la crise a été le
plus lourd.
dans une vision à long terme et pour préparer la reprise économique, les organisations
se rendent compte de l’importance de la fidélisation de leur personnel, principalement les
hauts potentiels et les personnes-clefs, pour
leur survie sur un marché concurrentiel. elles
peuvent ainsi conserver leurs compétences,
mais aussi renforcer la satisfaction et la fidélisation de leurs clients. Le lien entre fidélisation des Ressources Humaines et performance
de l’organisation ressort alors plus clairement :
la fidélisation assure une meilleure performance de l’entreprise, un maintien de l’avantage compétitif, une meilleure qualité de la
GRH par une optimisation des coûts de GRH
et une réduction des dysfonctions sociales. La
remobilisation des salariés ressort comme particulièrement importante dans les organisations sur lesquelles l’impact de la crise a été le
plus lourd. Au niveau du processus de fidélisation, les répondants insistent sur le rôle incontournable du responsable hiérarchique, sur
la nature souvent implicite du processus et sur
l’absence de « méthode-type » de fidélisation.
notre recherche à caractère exploratoire
présente bien sûr des limites, premièrement au
niveau de la généralisation des résultats. en
effet, l’étude devrait être étendue pour pouvoir
valider les résultats sur un échantillon plus homogène et plus large. des études de cas approfondie permettraient aussi d’analyser en détail
la situation et les enjeux spécifiques de chaque
entreprise pour resituer dans leur contexte les
mesures de fidélisation adoptées. deuxièmement, une étude longitudinale serait un prolongement utile pour compléter les apports de cet
article, notamment auprès d’autres acteurs que
les managers ou le personnel du service RH.
Troisièmement, dans toute recherche de ce
type, il est difficile d’éliminer l’impact de la
« désirabilité sociale » sur les réponses des
personnes qui participent à l’enquête. malgré
notre souci d’approfondissement et nos de-
mandes de précisions, les dRH peuvent avoir
eu tendance à justifier leur politique et à présenter l’image qu’ils voulaient projeter en faisant abstraction de vrais problèmes et de vraies
souffrances dans leur organisation.
en montrant que la fidélisation des Ressources Humaines reste d’actualité même en
période de crise, cette étude exploratoire
confirme l’aspect temporel évoqué par paillé
(2004) et la nécessaire stabilité et durabilité de
la relation de fidélité (meyssonnier, 2006).
L’analyse de nos résultats rappelle que la fidélisation des salariés devrait se gérer avec une
certaine continuité malgré les variations du
contexte économique. en offrant une relation
d’emploi durable à son personnel, une organisation peut aussi saisir la chance de devenir un
employeur de référence et se présenter comme
un partenaire fiable sur lequel les Ressources
Humaines peuvent compter. cette relation rare
est particulièrement séduisante en période de
crise, de doutes et de désengagement de l’etatprovidence.
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La fidélisation des ressources humaines en période de crise économique
Annexe : GRAndes liGnes du Guide méthodoloGique
de l’entRetien AVec les dRh
1re partie : L’entreprise, identité, environnement, enjeux :
enViRonnement inteRne :
Identité de l’entreprise – quelles sont les dimensions clés de l’identité de l’entreprise ?
enViRonnement exteRne :
quels sont les facteurs environnementaux qui peuvent affecter significativement votre entreprise ? quel est
l’impact de la crise sur l’activité ? quelles sont les mesures mises en place pour « atténuer » les impacts de
la crise ?
2e partie : L’intégration et le recrutement des collaborateurs
quelle est votre politique de recrutement ? A court terme ? A moyen terme ? A plus long terme ?
pour quels types de profils ? quels métiers ?
3e partie : La satisfaction des collaborateurs
mesurez-vous la satisfaction de vos collaborateurs ?
mesurez-vous l’engagement de vos collaborateurs ?
mesurez-vous les facteurs de risques psychosociaux, facteurs de stress… ?
comment mesurer ces comportements afin de les anticiper ?
quel est le rôle du manager ? comment peut-il agir ?
4e partie : Le développement des collaborateurs et leur fidélisation
quelle est votre politique en matière de développement de vos collaborateurs ?
quelle est votre politique en matière de formation ?
quelle est votre politique en matière de rémunération ?
quels sont les avantages spécifiques liés à votre entreprise et qui seraient de nature à favoriser la fidélisation
des salariés ?
Avez-vous une stratégie de Gestion des Ressources Humaines en matière de fidélisation de votre personnel ?
si oui, laquelle ? est-ce une priorité ? une nécessité ? pourquoi ? quels sont les enjeux pour votre entreprise ?
si vous n’avez pas mis en place de politique de fidélisation des collaborateurs, pouvez-vous expliquer pourquoi ?
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© Éditions ESKA, 2012
LA FIDÉLISATION DES RESSOURCES HUMAINES
EN PÉRIODE DE CRISE ÉCONOMIQUE
Laurent gIrauD
IAE Lyon, magellan, EmLYON Business school,
OCE
alain roger
IAE Lyon, magellan
sandrine thoMINes
IAE Lyon
L’objectif de cet article est d’explorer la manière
dont la fidélisation des salariés est abordée par les
entreprises en période de crise économique. une
enquête a été menée pendant la période de crise économique de février à mars 2010 au sein de plusieurs
types de structures (huit grandes entreprises du secteur privé et une grande association à but non lucratif) dans des domaines d’activité variés.
Les résultats montrent que la fidélisation des
ressources Humaines est une question d’actualité,
même en période de crise économique. Alors qu’on
s’attendrait à ce qu’elles centrent leurs efforts sur les
réductions d’effectifs en favorisant les départs, les
entreprises se soucient du maintien de leurs compétences clefs et elles cherchent à éviter des départs
qui pourraient nuire à leurs performances et à leur
climat social. Les organisations sur lesquelles l’impact de la crise a été le plus lourd sont particulièrement concernées par la remobilisation de leurs salariés. La fidélisation des salariés est importante pour
gérer les ressources humaines et elle suppose une
certaine continuité malgré les variations du contexte économique.
Mots-clés : fidélisation, ressources humaines, crise
économique.
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Abstracts
BUILDING HUMAN RESOURCES LOYALTY
DURING AN ECONOMIC CRISIS
Laurent gIrauD
IAE Lyon, magellan, EmLYON Business school,
OCE
alain roger
IAE Lyon, magellan
sandrine thoMINes
IAE Lyon
The objective of this article is to explore the way in
which employee loyalty is addressed by companies
during an economic crisis. A study has been conducted at the middle of the last economic downturn
from February to march 2010 in several kinds of
structures (eight big companies from the private sector and a significant non-lucrative organization)
within different businesses.
results show that building human resources loyalty
is an issue high on companies’ agendas, even during
an economic crisis. While one would expect that
companies focus their effort on staff redundancies
by fostering turnover, they rather care about keeping
their key competencies and struggle to avoid turnover which could hinder their performance and their
social climate. The organizations on which the economic crisis had the heaviest impact are particularly
concerned with staff remobilization. Employee
loyalty building looks then important to manage
human resources and requires continuity despite the
variations of the economic context.
Keywords: loyalty, human resources, economic
crisis.
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