Le théorème de Cauchy-Péano par la méthode d`Euler explicite
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Le théorème de Cauchy-Péano par la méthode d`Euler explicite
Le théorème de Cauchy-Péano par la méthode d’Euler Laurent Dietrich ∗ 18 janvier 2012 Référence : Demailly p.121-128 à retravailler ! Théorème. Soit f : I × V → Rm une fonction continue, où V est un ouvert de Rm et I est un intervalle. Alors pour tout t0 intérieur à I et y0 ∈ V le problème de Cauchy y 0 = f (t, y(t)), y(t0 ) = y0 admet une solution locale. Démonstration. On va trouver une solution au problème intégral, équivalent, y : I → Rm contiRt nue telle que y(t) = y0 + t0 f (u, y(u))du comme limite d’une suite de fonctions approchées par la méthode d’Euler explicite. En vue d’appliquer le théorème d’Ascoli, on voudrait un contrôle uniforme des dérivées de toutes ces fonctions, pour cela il suffit que ces fonctions restent dans un certain compact sur lequel on a une borne pour f : ainsi les dérivées des y, qui s’expriment comme des f de quelque chose, seront bornées par cette borne. Plus précisément, c’est pour cela qu’on introduit la notion de cylindre de sécurité (pas besoin de le mentionner). I × V étant ouvert il contient un certain cylindre C0 := [t0 − T0 , t0 + T0 ] × Bf (y0 , r0 ) qui est compact. Soit M := max(t,y)∈C0 |f (t, y)| et r0 T := min(T0 , M ) et C := [t0 − T, t0 + T ] × Bf (y0 , r0 ) ⊂ C0 le « cylindre de sécurité » qu’on utilisera plus tard : il est fait pour que sur [t0 − T, t0 + T ], nos fonctions restent à valeurs dans Bf (y0 , r0 ), cf. l’étape 1. T Soient t0 < t1 < · · · < tN = t0 + T une subdivision de pas constant h = N , et la suite définie par la méthode d’Euler explicite y0 ∈ V, yn+1 = yn + hf (tn , yn ). On définit ainsi y(N ) sur [t0 , t0 + T ] la fonction affine par morceaux dont le graphe relie ces points par des segments. De même avec le pas −h on prolonge (et note encore de la même façon) y(N ) sur [t0 − T, t0 + T ] grâce à la subdivision notée t0 − T = t−N < · · · < t−1 < t0 . On va raisonner en quatre étapes. 1. Montrons que les y(N ) ainsi définies sont à valeurs dans Bf (y0 , r0 ). Par récurrence (finie !) sur n on montre en fait que (en notant y la fonction pour simplifier) ∀n = 0..N , y([t0 , tn ]) ⊂ Bf (y0 , r0 ) et ky(t) − y0 k 6 M (t − t0 ) pour t ∈ [t0 , tn ]. C’est trivial pour n = 0 et si on suppose le résultat aux rangs 6 n, alors (tn , yn ) ∈ C donc ky(t) − yn k = (t − tn )kf (tn , yn )k 6 M (t − tn ) pour t ∈ [tn , tn+1 ]. Puis par hypothèse de récurrence, kyn − y0 k = ky(tn ) − y0 k 6 M (tn − t0 ), et ainsi par inégalité triangulaire l’hérédité : ∀t ∈ [tn , tn+1 ], ky(t) − y0 k 6 M (t − t0 ) 6 M T 6 r0 . Le cas t < t0 se traite de la même manière en considérant [t−n−1 , t−n ]. 2. Montrons que y(N ) est une N -solution (le sens sera celui de l’inégalité obtenue !) avec T N 6 ωf ((M + 1) N ) où ωf (u) = max {kf (t1 , y1 ) − f (t2 , y2 )k | |t1 − t2 | + ky1 − y2 k 6 u} ∗ http://perso.eleves.bretagne.ens-cachan.fr/∼ldiet783 1 est le module de continuité de f sur C. Toujours en notant y la fonction pour alléger les notations, pour t ∈]tn , tn+1 [, y 0 (t) = f (tn , yn ) donc ky(t) − yn k = |t − tn |kf (tn , yn )k 6 M h. Donc kf (tn , yn ) − f (t, y(t))k 6 ωf (M h + h) par définition de ωf . Soit ky 0 (t) − f (t, y(t))k 6 ωf ((M + 1) T ), ∀n = −N..N − 1, ∀t ∈]tn , tn+1 [ N 3. Montrons que si la suite (y(N ) ) converge uniformément vers une fonction y, alors y est 0 solution du problème de Cauchy. Comme ky(N ) (t) − f (t, y(N ) (t))k 6 N , on obtient par intégration (les points de non-dérivabilité ne gênent pas car sont en nombre fini donc négligeable – ou alors on applique Chasles en tous ces points...) : Z t ky(N ) (t) − y0 − f (u, y(N ) (u))duk 6 N |t − t0 |, ∀t ∈ [t0 − T, t0 + T ] t0 Soit δN := max [t0 −T,t0 +T ] ky − y(N ) k, on a kf (u, y(N ) (u)) − f (u, y(u))k 6 ωf (δN ) →N →∞ 0 car f est uniformément continue sur le compact C et que δN → 0+ . D’où en passant à la limite dans l’expression du dessus, grâce à la convergence uniforme et au fait que N → 0 : Z t y(t) − y0 − f (u, y(u))du = 0 t0 Comme y est de plus continue comme limite uniforme de fonctions continues, elle est solution du problème de Cauchy sur [t0 − T, t0 + T ]. 4. On veut obtenir cette convergence ! Malheureusement, elle n’a pas de raison d’avoir lieu ! Mais ce n’est pas grave : on a tout fait pour que chaque y(N ) soit M -lipschitizienne (c’est clair si les deux points ont des images dans un même segment de droite du graphe de y(N ) , et sinon on applique la M-lipschitzianité sur chaque segment qui les séparent - faire un dessin, c’est tout simple ...), ainsi la suite (y(N ) ) est équilipschitzienne. De plus la condition y(t0 ) = y0 vérifiée pour toutes ces fonctions fait qu’elles sont aussi uniformément bornées (par exemple par ky0 k + M T ) sur le compact [t0 − T, t0 + T ]. On peut appliquer le théorème d’Ascoli et extraire une sous-suite (y(kn ) ) qui converge uniformément vers une fonction continue. Comme les y(kn ) sont kn -approchées, et que kn → 0 la preuve de l’étape 3 fonctionne pour cette suite de fonctions et la limite est solution du problème de Cauchy. Remarques : premièrement, il n’y a clairement pas unicité, par exemple le problème de Cauchy y 0 = 3|y|2/3 , y(0) = 0 admet sur R deux solutions : y(t) = 0 et y(t) = t3 qui ne coincident sur aucun intervalle contenant 0 en son intérieur. Remarquons aussi qu’on utilise fortement la compacité du cylindre C et des segments, c’est pourquoi la preuve est profondément basée sur la dimension finie. En fait, contrairement au théorème de Cauchy-Lipschitz, ce théorème est faux si on veut remplacer Rm par un Banach quelconque. Un contre-exemple dans un espace de suites a été donné par Dieudonné, mais c’est non trivial.