Epandage Doux Monts d`Arrée - Eau et rivières de Bretagne

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Epandage Doux Monts d`Arrée - Eau et rivières de Bretagne
Délégation Finistère-sud
13 rue Louis de Montcalm - 29000 QUIMPER
02.98.95.96.33
[email protected]
Quimper, le 6 mai 2013
Madame le Commissaire enquêteur
Hôtel de ville
29150 Châteaulin
Objet : demande de régularisation de l’activité et à l’actualisation
du plan d’épandage de l’abattoir sis dans la zone industrielle du Lospars
à Châteaulin présentée par la société Doux
Enquête publique du 25 mars au 27 avril 2013
Madame le Commissaire enquêteur,
Notre association, Eau & Rivières de Bretagne, est agréée par l’État et œuvre dans le
domaine de l’environnement. Nous agissons pour la préservation et l’amélioration de la qualité des
eaux et la sauvegarde des milieux naturels et des paysages, si riches mais si fragiles en Bretagne
Le dossier soumis à enquête publique 25 mars au 13 mai 2013, qui concerne la
régularisation des activités de l’abattoir DOUX de Châteaulin et l’actualisation de son plan
d’épandage des boues issues de l’épuration des eaux appelle de notre part un certain nombre de
remarques :
1) Préambule
1-2) Situation administrative :
La dernière autorisation d’exploitation du site date de 2004 pour une capacité de 80 000 t
de poulets. Depuis 2006, la production a régulièrement augmenté pour atteindre 123000 t en
2011, sans que l’industriel ne dépose une nouvelle demande d’autorisation qui aurait dû intervenir
au plus tard fin 2009 (augmentation de 20%). De son côté, l’administration qui a dans ses
attributions la surveillance ce type d’activité, ne semble pas avoir joué son rôle en mettant en
demeure l’industriel de déposer un dossier en 2010, alors même que l’entreprise déposait une
demande d’extension-actualisation de son plan d’épandage.
1-3) L’entreprise DOUX :
Le dossier présenté est antérieur aux difficultés de l’entreprise (dépôt de bilan en 2012). Sa
situation reste fragile (redressement judiciaire). On remarque d’ailleurs que certaines données ne
sont plus d’actualité (voir tableau 3-4 page 15 du dossier)
1
L’activité concerne l’abattage de poulets qui sont congelés et destinés à l’exportation.
L’alimentation, principalement à base d’OGM, des élevages intégrés au système Doux, est, pour
l’essentiel importée. Ces élevages hors sol contribuent ainsi aux excès d’intrants dans la sole
bretonne, notamment d’azote et de phosphore et sont fortement responsables de la dégradation
de la qualité des cours d’eau, des plans d’eau bretons et des eaux marines : développement
d’algues toxiques en eau douce (cyanobactéries) et prolifération des algues vertes sur le littoral et
de phytoplanctons qui peuvent être toxiques, quoi qu’en dise le directeur du GES, bien connu pour
ses positions en matière d’algues vertes
Ce système de production bas de gamme est, en raison de la concurrence internationale,
voué à disparaître à moyen terme et ne permettra pas de pérenniser les emplois. De plus, il ne
répond pas aux exigences environnementales. La politique du groupe Doux doit être totalement
repensée et s’orienter vers une production de qualité à haute valeur ajoutée.
2) Le dossier soumis à l’enquête publique
2-1) Consommation d’eau et production:
95% de l’eau consommée sert à l’abattage, soit un ratio de 8,1 m3/t de carcasses en 2011 (8,5m3/t
avec la découpe). En 2012 la moyenne par tonne de carcasses plus la découpe est de 7,3m3 soit
environ 6 ,9 m3/t pour l’abattage. Même si des efforts de réduction de la consommation ont été
réalisés depuis 2007, il est encore possible de diminuer le ratio pour atteindre 6 m3/t voire 5 m3/t,
valeurs qui correspondent aux consommations généralement admises pour un abattoir de volailles1.
La consommation pourrait tomber à 2,4 m3/t avec une récupération à sec des déchets (des plumes et
des viscères)1. S’agissant d’eau du réseau public, les économies permettraient de diminuer les
prélèvements sur l’Aulne et/ou de fournir un volume d’eau supplémentaire pour la consommation
domestique ou pour d’autres activités industrielles.
La production demandée passe de 80 000 t (année 2004) à 130 000 t
Concernant la journée de pointe de production annoncée de 520t, on remarque qu’en 2012
elle a été dépassée 24 fois soit en moyenne 533 t/j pour un volume d’eau entrant à la station
d’épuration de 3750m3/j soit un ratio de 7,02m3/t de carcasses. Pour 520 t/j le volume moyen
serait de 3 650 m3/j. On est loin des 4 400 m3/j demandés qui correspondent à un ratio de 8,5 m3/t
de carcasses (page 105 tableau 3-1) alors qu’il n’est que de 8,1 m3 en 2011 (tableau 2-1 page 87),
mais de 8,3 m3 (tableau 3-1)
Pollution à traiter par la station d’épuration
L’entreprise fait valoir une pollution organique de 10 000 kg de DBO5 pour une activité
maximale de 520t/j (page 105). Le ratio pollution sur carcasse est de 19,23 kg de DBO5/t alors que
les résultats de l’année 2012 en entrée de station sont inférieurs à 15kg/t, si on élimine quelques
résultats manifestement erronés en plus ou en moins. La quantité de DBO5 ne dépasserait pas
7 800 kg/j arrondi à 8 000 t pour 520 t/j.
L’entreprise en demandant 10 000 kg de DBO5/j, surestime volontairement la pollution et
les débits dans la perspective d’augmenter sa production au-delà de la production de pointe et
donc de la production annuelle.
2-2) la station d’épuration, performances, résultats et nomes de rejet :
Sur la capacité hydraulique et organique, les données sont incohérentes ou pour le moins
mal présentées:
1
Impact environnemental des effluents d’abattoirs : actualités techniques et réglementaires, thèse de doctorat vétérinaire
présentée en 2002 par Gaël Peiffer, université Paul Sabatier de Toulouse
2
Page 89 : charge nominale de 3 500m3/ j et 9 900 kg/j de DBO5
Page 105 : capacité de traitement 10 000 kg/j de DBO5, une capacité de 4 800m3 du
prétraitement physicochimique et dans le tableau 3-1 le ratio retenu de 20 kg/t de DBO5 donne
10 400 kg/j de DBO5.
Débits demandés :
Entrée : 4 400m3/j
Rejet dans le milieu : 3 750 m3/j
Le débit d’entrée qui est surestimé (voir supra) s’approche de la capacité nominale et risque
d’entraîner une diminution des capacités épuratoires de la station.
La différence (650 m3) entre entrée et sortie apparaît surévaluée. Si on reprend le tableau de
la page 97 pour les années 2009 à 2011, seules les eaux de refroidissement et les boues extraites
ne sont pas rejetées par la station d’épuration dans l’Aulne. Des éclaircissements semblent
nécessaires.
Charge organique : les 10 400 kg/j de DBO5 sont trop élevés et vont affaiblir les rendements
épuratoires.
Les résultats des rejets : Ils sont globalement bons au regard des normes de rejet fixées par
l’arrêté préfectoral
On note cependant des incohérences entre la mesure de l’azote total kjeldahl (NTK) qui
comprend l’azote organique et l’azote ammoniacal (NH4) et la mesure de NH4 seule : cette
dernière est parfois beaucoup plus élevée que celle de NTK (le tableau des résultats des rejets de
juin 2011 en est l’exemple caricatural)?
Normes de rejet :
Comme le fait remarquer l’autorité environnementale à juste titre, les normes de rejet
devraient être ajustées pour se rapprocher de la réalité
Extrait de l’avis de l’AE
Les normes pourraient être les suivantes :
Débit 3800 m3/j
MES : 15mg/l
DBO5 : 15mg/l
DCO: 60mg/l
NTK: 10mg/l
NGL : 15mg/l
Pt : 2mg/l (Si débit de rejet < 4 000m3/j)
Pollution microbiologique :
Aucune norme n’est fixée pour le rejet dans l’Aulne, alors qu’il en est fixé une pour la station
d’épuration de Châteaulin dont le rejet se situe en face de celui de Doux. Le rejet de l’industriel
contient des bactéries pathogènes dont des salmonelles et des virus.
3
Le projet de SAGE de l’Aulne adopté par la CLE le 12 avril 2013, situe le rejet Doux en zone
prioritaire pour la reconquête de la qualité des eaux des zones conchylicoles de l’estuaire avec un
objectif de qualité B+ en 2021 et A en 2027.
Une norme de rejet identique à celle de la station communale doit être imposée à Doux qui devra
mettre en place une désinfection adaptée (Châteaulin traite par UV), même si les résultats (voir
tableau juin 2011) sont bons en raison d’un très bon abattement des matières en suspension (MES).
Remarque : l’auto surveillance 2012 n’analyse plus la microbiologie ?
2-3) Rejet des eaux pluviales
La gestion des eaux pluviales est très mal assurée.
Un arrêté de mise en demeure du 30/08/2011 a été pris par le préfet pour absence
d’entretien du bassin d’orage rempli de boues : de ce fait ce bassin ne jouait plus son rôle de
régulation du débit de sortie dans le milieu naturel. Le groupe Doux est coutumier de ces mauvaises
pratiques puisqu’en 2009, Eau et Rivières de Bretagne a signalé à la police de l’eau un défaut
d’entretien (voire un abandon) du bassin d’orage chez père Dodu (société Doux) à Quimper.
L’entreprise a été dans l’obligation de revoir son dispositif.
2-4) Boues de station d'épuration :
Les boues de flottation (notamment des graisses), 120 à 210 t/semaine, 7 300 t/an sont
exportées pour traitement (méthanisation et compostage) à Plouédern (29) et St-Gilles du Méné (35).
Environ 9 800 m3 (400 t de matières sèches) de boues seraient produites par an après
décantation dans les bassins d'aération et passage au tambour rotatif Rotosieve.
Ces boues « biologiques » ou « secondaires »sont à considérer comme des déchets2.
Nous constatons :
− Qu'elles sont stockées à découvert (p. 115) : l'entreprise devrait se doter d'un stockage
couvert pour limiter les volumes et l’hétérogénéité du produit.
− Que la teneur en phosphore total exprimée en P2O5 était de 93,2 kg par tonne de matière
sèche soit 4,3 kg par m3 de boues à 45 g/l de siccité. Seul 60 % de ce phosphore est
assimilable par les plantes, le reste va s'accumuler dans les sols en cas d'épandage...
− Que les boues ne sont pas stabilisées : odeur forte à l'épandage.
− Que les boues ne sont pas hygiénisées, ce que reconnaît le pétitionnaire en page 120 :
Présence de salmonelles, bactéries pathogènes.
Dans ce cas, selon l'Arrêté du 8 janvier 1998, les prescriptions de distance d'épandage sont
différentes (100 m des habitations, 200 m des plans/cours d'eau si pente > 7%).
Les résultats d'analyses des coliformes fécaux (thermotolérants) de 2012 n'ont pas été
communiqués.
2
Gestion des sols et apports de matières organiques en Bretagne
http://www.eau-et-rivieres.asso.fr/media/user/File/PDF/gestionsolsrapportCSR.pdf
4
2-5) Plan d'épandage :
La demande porte sur 285 t de MS/an soit 6 355 m3 de boues « biologiques », épandues sur
815 ha.
Le plan d'épandage est un patchwork de parcelles, parfois très éloignées : jusqu'à 25 km pour
Saint Rivoal, Collorec et Landeleau !
L'on peut s'interroger sur la nécessité de transporter des déchets, somme toute dangereux pour
l'environnement en cas de déversement accidentel, sur d'aussi longues distances.
Beaucoup de ces parcelles ne faisaient pas partie du plan d'épandage de 2004 ni de
l'extension-actualisation en 2010. Les surfaces passent de 229 à 815 ha mais on peut s'interroger sur
la pertinence des parcelles retenues, cf. exemples non exhaustifs :
Parcelle JT1, St Adrien 29510 BRIEC
Le relevé parcellaire donne :
La partie en Aptitude 1 (aptitude faible à l'épandage, possible en période de déficit hydrique)
est une prairie en forte pente, > à 7 %.
Les zones d'exclusion près des habitations sont à porter à 100 m et à 200 m près du cours
d'eau (cf. supra 2-4).
Il nous apparaît évident qu'il sera très difficile d'épandre sur cette parcelle en respectant les
contraintes.
Parcelle DE 01, Bel-Air 29150 DINEAULT
La parcelle était en garenne non cultivée sur l'orthophoto de 2009. Classée en aptitude 1
(aptitude faible à l'épandage, possible en période de déficit hydrique ou présence d'un couvert
végétal), elle est en forte pente, > à 12 % et il n'y a pas d'assolement (uniquement céréales /maïs).
A notre avis, les périodes de déficit hydrique (avril-mai à octobre) sont aussi les périodes
d'interdiction d'épandage ou d'indisponibilité des cultures pour le maïs et les céréales. Seul le mois
d'avril pourrait convenir pour les épandages...
Les contraintes d'épandage sont donc difficiles à respecter sur cette parcelle.
5
Parcelles GTB43 TP4 et TP5, Hirgarz 29530 PLONEVEZ-DU-FAOU
Ces parcelles sont en Aptitude 1 (aptitude faible à l'épandage, possible en période de déficit
hydrique), cultivées en prairies, elles sont en forte pente, > à 7 %.
Les zones d'exclusion sont à porter à 200 m près du cours d'eau (cf. supra 2-4)
Là aussi, il sera très difficile d'épandre sur ces parcelles en respectant les contraintes.
Parcelles GTB4 et GTB5, Kernon 29530 LOQUEFFRET
Même si la pente est faible, la parcelle GTB4 serait à exclure car trop proche du cours d'eau,
quant à la parcelle GTB5, elle se trouve près d'une zone humide, peu protégée par un talus et les
deux parcelles se situent en tête d'un sous-bassin versant qu'il est important de protéger.
Le plan d'épandage serait à revoir en classant correctement les parcelles suivant leur pente et
en prenant en compte les zones d'exclusion. Les parcelles « de complaisance » seraient à exclure.
2-6) Compostage :
Une filière alternative à l'épandage est maintenue pour 155 t de MS/an soit 3 445 m 3 de
boues.
Les déchets sont valorisés en compost sur le site de Pleyben, distant d'une dizaine de
kilomètres et exploité par SEDE Environnement.
Malgré notre demande, nous n'avons pas eu connaissance de la traçabilité du produit après
compostage. D'après la plaquette de l'ADEME :
70 % du compost « Tradisol » produit en 2007 a été utilisé en agriculture,
23 % pour la revégétalisation d’une décharge et le restant pour la préparation d’un terrain de sport.
Pour les lixiviats et les composts qui seraient non-conformes à la norme NF U44-095, la plate-forme dispose de son
propre plan d’épandage (300 ha).
Cette valorisation nous semble une alternative nettement plus efficace et plus sécurisante que
l'épandage direct sur les parcelles, pour un coût de 50 à 70 €/t (chiffres 2009). Elle mériterait d'être
appliquée à l'ensemble des boues produites par l'abattoir.
3) Conclusion :
La demande de régularisation déposée par la société Doux reçoit de notre part un avis défavorable :
Outre notre appréciation générale sur une telle activité, exposée en préambule, le
fonctionnement de l’entreprise est loin d’être satisfaisant en termes de gestion quantitative des eaux
de process, d’entretien du système d’évacuation des eaux pluviales et de gestion des boues produites
par la station.
Si cette station fonctionne correctement, il est nécessaire de lui appliquer des normes de rejets
plus sévères et de lui imposer une norme microbiologique.
A noter que l’entreprise n’a pas envisagé la mise en place d’un méthaniseur, alors que qu’elle
produit une quantité de graisses importante qui permettrait de réutiliser localement les boues, de
produire de l’énergie et donc de diminuer les achats d’énergie.
Enfin nous soutenons les dépositions à cette enquête de Bretagne Vivante et de Vivre dans
les Monts d’Arrée.
Nous vous remercions de l’intérêt que vous porterez à notre déposition et vous présentons,
Madame le Commissaire enquêteur nos plus sincères salutations.
Pour Eau et Rivières de Bretagne,
André Kerdranvat
Jacques Primet
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