faire adapter une œuvre audiovisuelle : ce qu`il faut savoir

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faire adapter une œuvre audiovisuelle : ce qu`il faut savoir
FAIRE ADAPTER UNE ŒUVRE AUDIOVISUELLE :
CE QU’IL FAUT SAVOIR
PETIT GUIDE DU SOUS-TITRAGE ET DU DOUBLAGE
SOMMAIRE
Pourquoi ce guide ?
3
L’adaptation d’une œuvre audiovisuelle
4
Les métiers de l’adaptation audiovisuelle
5
Les métiers de l’adaptation audiovisuelle
6
Les conditions d’un travail de qualité
9
Derrière l’adaptation, l’auteur… et son savoir-faire !
12
Vous êtes… un réalisateur ou un producteur
16
Vous êtes… un distributeur
17
Vous êtes… une chaine de télévision
17
Vous êtes… un éditeur vidéo
19
Vous êtes… un festival
20
Vous passez par un prestataire
21
Les sociétés d’auteurs
23
La traduction et son auteur
25
POURQUOI CE GUIDE ?
Ce guide a été rédigé par des auteurs de traductions audiovisuelles
dans un triple but :
Faire connaître les différentes facettes de leurs métiers et lutter
contre la déprofessionnalisation de la traduction audiovisuelle.
Accompagner les professionnels du cinéma et de l’audiovisuel
désireux de faire traduire une œuvre.
Œuvrer, par là même, à l’amélioration de la qualité des
adaptations.
L’ADAPTATION D’UNE ŒUVRE AUDIOVISUELLE
Qu’est-ce que l’adaptation ?
L’adaptation est la traduction, sous forme de doublage, sous-titrage
ou voice-over, d’une œuvre audiovisuelle : long métrage, série
télévisée, film documentaire, etc. A ce titre, la traduction
audiovisuelle est une branche de la traduction littéraire, et non de
la traduction technique.
Qui concerne-t-elle ?
Réalisateurs, producteurs, distributeurs, éditeurs DVD, chaînes de
télévision, festivals, sites de VoD… Tous les professionnels du
cinéma et de l’audiovisuel sont amenés à commander des
adaptations.
A quoi sert-elle ?
L’adaptation constitue l’unique moyen d’exploiter une œuvre
audiovisuelle étrangère et de l’exporter au-delà de son espace
linguistique d’origine.
A ce titre, elle est porteuse d’une forte valeur ajoutée :
• Elle est indispensable sur le plan économique
Sans la perspective de ventes internationales, bon nombre d’œuvres
(notamment les coproductions européennes) n’entreraient même
pas en production.
Sans adaptation, pas de festivals du cinéma sud-américain, pas de
séries américaines à la télévision, pas de films japonais, indiens ou
italiens au cinéma, pas de DVD multilingues…
• Elle est tout aussi incontournable d’un point de vue créatif
Le traducteur communique non seulement le sens général, mais
surtout les subtilités de l’œuvre. Sans une adaptation de qualité, une
œuvre peut être diffusée, mais elle ne sera pas appréciée à sa juste
valeur. Et seule une adaptation de qualité permet de ne pas trahir
l’original.
Les sous-titres d’Entre les murs ne sont sans doute pas étrangers à
la Palme d’or attribuée à ce film au Festival de Cannes en 2008.
Car sans un excellent sous-titrage, ce film aurait-il eu la Palme,
face à un jury en grande majorité non-francophone ?
• Elle présente une valeur éducative non négligeable
Qu’il s’agisse de leur langue maternelle ou des langues étrangères, la
qualité des adaptations que regardent les enfants et les adolescents
a un effet direct sur leur niveau de langue, la richesse de leur
vocabulaire et leur capacité à la lecture.
Côtoyer des sous-titrages fantaisistes ou des doublages truffés de
fautes de français peut donc avoir un impact très fâcheux « à
retardement ».
"For some reason I'm more appreciated in France than I am back
home. The subtitles must be incredibly good."
Woody Allen
LES METIERS DE L’ADAPTATION AUDIOVISUELLE
Le sous-titrage de fiction et de documentaire
Créer des sous-titres, c’est transposer un discours oral à l’écrit. Pour
suivre le rythme de parole du locuteur, il est impératif d’opter pour
une écriture claire et précise, qui synthétise les propos originaux
sans perdre leur substance, tout en respectant des contraintes de
lecture très strictes.
Les étapes du sous-titrage :
1. Le repérage, une étape technique
Il s’agit, à l’aide d’une copie du film et d’une transcription des
dialogues, de définir sur un logiciel spécial le point d’entrée, le
point de sortie et donc la durée de chaque sous-titre.
2. La traduction, un travail d’auteur
Le traducteur reçoit une copie du film, un script faisant apparaître
le découpage des sous-titres, ainsi que le fichier informatique
contenant le repérage. Il peut alors commencer à traduire l’œuvre.
3. La simulation, un contrôle indispensable
Une fois la traduction achevée, le traducteur visionne les soustitres tels qu’ils apparaîtront à l’écran avec un technicien et, dans
la mesure du possible, en présence de son commanditaire. Ce sont
les premiers spectateurs de l’œuvre sous-titrée, cette étape est
donc cruciale. C’est aussi la dernière occasion de modifier et de
corriger les sous-titres.
Le doublage de fiction (dit « doublage synchrone »)
En fiction, l’auteur de doublage se livre à un exercice triplement
périlleux : créer un texte fluide et naturel une fois joué par des
comédiens, suivre autant que possible les mouvements des lèvres
des acteurs à l’écran (sous peine de rompre l’illusion propre au
doublage), et respecter dans le même temps le sens et la cohérence
des paroles prononcées dans la version originale.
Les étapes du doublage (fiction) :
1. La détection, une étape technique
Elle consiste, sur une bande-mère ou sur un logiciel spécial, à
inscrire les indications qui seront nécessaires au travail de
l’auteur : dialogues originaux, signes de détection, changements
de plan, etc.
2. L’adaptation, un travail d’auteur
Sur une table de doublage, un logiciel professionnel ou
simplement sur son bureau face à la copie vidéo du film, l’auteur
peut ensuite commencer à adapter l’œuvre.
3. La vérification, un contrôle indispensable
Lorsque l’auteur a fini son travail, il se rend au studio de doublage
pour présenter son adaptation au directeur de plateau qui
supervisera l’enregistrement des voix. L’auteur lit son texte à voix
haute à mesure que défile le film, tandis que le directeur de
plateau regarde l’image et s’assure de la qualité de l’adaptation.
Il ne reste plus ensuite qu’à « calligraphier » le texte de l’auteur
sur une bande rythmo et bien sûr à réaliser l’enregistrement, puis
le mixage des dialogues de la version doublée.
Le doublage de documentaire (dit « voice-over »)
Le doublage de documentaire concerne un univers très vaste où se
côtoient enquêtes, reportages, animaliers, documentaires de
création, émissions de télé-réalité… Le traducteur doit donc
s’adapter à une multitude de tons et d’univers, jongler entre registre
parlé et rigueur terminologique, restituer la cohérence du discours
et trouver un style vivant pour captiver son public.
Les étapes sont plus restreintes qu’en doublage de fiction : muni
d’une transcription complète du documentaire et d’une vidéo,
l’auteur effectue la traduction à l’aide d’un logiciel de traitement
de texte. A la relecture, il est important de s’assurer que les
différentes interviews sont bien « calibrées » (ni trop longues ni
trop courtes par rapport à la version originale), que le texte est
fluide et cohérent, enfin que la terminologie est adaptée.
LES CONDITIONS D’UN TRAVAIL DE QUALITE
Pour permettre à l’auteur de travailler dans de bonnes conditions et
de donner ainsi le meilleur de lui-même, voici quelques éléments
indispensables à prendre en compte :
Des supports matériels fiables
Un document vidéo de bonne qualité, en particulier en ce qui
concerne le son. Si vous fournissez un fichier numérique, par
exemple, mieux vaut le compresser le moins possible.
Un script fidèle de la version originale, comportant notamment les
noms propres et termes spécialisés correctement orthographiés.
Des délais suffisants
Voici, à titre indicatif, les délais minimaux permettant à l’auteur de
réaliser une traduction de qualité :
Sous-titrage
Documentaire unitaire ou épisode de série (52 mn) : 1 semaine
Long métrage (100 mn) : 2 semaines
Doublage de fiction
Episode de série (52 mn) : 1 semaine à 10 jours
Long métrage (100 mn) : 2 à 3 semaines
Doublage de documentaire (voice-over)
Programme de 26 mn : 3 jours à 1 semaine (en fonction de
l’ampleur des recherches à effectuer)
Programme de 52 mn : 1 semaine à 10 jours
En audiovisuel, comme partout, il arrive bien sûr de devoir travailler
dans l’urgence. Toutefois, n’oubliez pas que traduire un
documentaire de 52 minutes en deux jours ou un long métrage en
quatre jours donne rarement des résultats probants.
Une rémunération adaptée
L’auteur d’adaptations audiovisuelles touche une « prime de
commande » à la remise de sa traduction. Reflet du travail fourni par
le traducteur, elle lui est aussi versée en contrepartie de
l’autorisation d’exploiter l’œuvre. Seul un contact direct entre
commanditaire et traducteur permet de négocier une rémunération
« juste » qui conviendra aux deux parties.
Le SNAC (Syndicat national des auteurs compositeurs) publie
périodiquement une grille de tarifs minima, consultable sur le site
www.snac.fr/actus.htm#db.
La question du « juste prix » d’une traduction est délicate et bien
sûr, rien ne garantit que l’adaptation la plus chère sera la meilleure.
Toutefois, en dessous d’un certain seuil de rémunération, la
traduction risque de nuire à l’œuvre plutôt que de la mettre en
valeur. Rogner sur son tarif (ou laisser votre prestataire de
postproduction le faire) augmente donc mécaniquement vos
chances d’obtenir un résultat décevant. De même, forcer le
traducteur à « abattre du volume » est généralement contreproductif.
Enfin, le doublage et le sous-titrage sont les filtres qui
conditionneront la réception de l’œuvre. Tout le temps, tous les
efforts, tout le professionnalisme et l’argent que vous avez investis
dans cette œuvre doivent passer par ce filtre.
Les modes de rémunération
– En doublage de fiction : traditionnellement, les tarifs sont
exprimés à la bobine (de 10 minutes) et sont calculés suffisamment
largement pour donner à l’auteur de bonnes conditions de travail,
que le film comporte beaucoup de dialogues ou au contraire, très
peu.
– En sous-titrage et en doublage de documentaires (voice-over) :
l’auteur de l’adaptation est rémunéré en fonction du travail
réellement fourni, c'est-à-dire respectivement « au sous-titre » et
« au feuillet ».
– Depuis quelques années, cependant, les auteurs de sous-titrages
et de voice-over se voient parfois imposer des tarifs forfaitaires (à la
minute de programme, à l’épisode, etc.). Or un long métrage de 90
minutes peut comporter entre 700 et 1 500 sous-titres, de même
qu’un documentaire peut être extrêmement dense ou, à l’inverse,
très peu bavard. Ce mode de rémunération ne correspond donc pas
au travail réellement fourni. De ce fait, le versement d’un forfait
représente trop souvent pour l’auteur un tarif minoré.
DERRIERE L’ADAPTATION, L’AUTEUR… ET SON
SAVOIR-FAIRE !
L’adaptation d’un film ou d’une série ne s’improvise pas : les
professionnels de la traduction audiovisuelle ont des compétences
multiples, toutes également essentielles.
Une excellente connaissance de la langue source
et des cultures qui s’y rapportent
L’auteur doit être à même de saisir toutes les subtilités de la langue
qu’il traduit, de comprendre les expressions régionales, les parlers
vulgaires comme les différents accents. Il doit également connaître
suffisamment l’histoire et la culture du pays d’origine de l’œuvre
afin, par exemple, de comprendre les plaisanteries et d’identifier
références culturelles et niveaux de langue.
Une maîtrise parfaite de la langue cible
Il n’y a que dans sa langue maternelle qu’un auteur possède toutes
les subtilités de langage qui sont nécessaires pour rendre les finesses
d’un dialogue ou d’un commentaire, et pour jouer des différents
niveaux de langue. Certaines personnes peuvent être très à l’aise
dans plusieurs langues ; cependant, il est extrêmement rare que
cette aisance se retrouve à l’écrit dans deux langues différentes. En
mot, un professionnel ne traduit que vers sa langue maternelle.
Par ailleurs, qu’il s’agisse d’un documentaire animalier, d’un film de
yakusas, d’une série de science-fiction, d’un film d’horreur ou de
télé-réalité, chaque genre a ses conventions, son vocabulaire, ses
codes et son ton qu’il faut respecter, sous peine de décevoir le public
que l’on souhaite toucher en les diffusant.
Les traductions relais
Faire traduire un film à partir d'une liste de sous-titres
réalisés préalablement dans une autre langue (souvent l’anglais)
peut sembler tentant pour des raisons de budget ou de temps… mais
comment évaluer la fiabilité des sous-titres « relais » ? Comment
savoir si le premier traducteur a opéré des choix judicieux ?
Dans les faits, ce filtre supplémentaire aboutit souvent à un
appauvrissement des dialogues, à des imprécisions, voire, à des
contresens. Ainsi, le « you » anglais gomme la distinction entre
« vous » et « tu », les anime japonais regorgent de répliques très
longues que l’anglais tend à synthétiser à outrance, les plaisanteries
et références culturelles se perdent, les concepts philosophiques
deviennent des platitudes.
Dans un film bulgare pour lequel il disposait d’une traduction
en anglais, un traducteur s’est ainsi trouvé face à l’échange suivant :
- Yes, sir !
- Don’t call me “sir”.
… qu’il a traduit sans états d’âme par :
- Oui, monsieur !
- Ne m’appelez pas « monsieur ».
Un bulgarophone aurait tout de suite remarqué que « sir » était ici la
traduction (parfaitement juste) de « mon colonel » et aurait traduit
correctement l’échange :
- Oui, mon colonel !
- Ne m’appelez pas « mon colonel ».
En un mot, rien ne remplace un adaptateur capable de
traduire directement de la langue d’origine dans sa langue
maternelle. Cela vaut aussi, bien sûr, pour les traductions vers des
langues autres que le français (DVD multilingues). Et si vous ne
trouvez pas la « perle rare », pourquoi ne pas faire travailler deux
auteurs en binôme : un traducteur natif de la langue de départ et un
adaptateur maîtrisant parfaitement la langue cible.
La maîtrise des techniques de recherche
Le réalisateur de l’œuvre originale a passé des mois à se documenter
avant de passer à la phase d’écriture. Que penser d’un
« traducteur » qui ne ferait aucune recherche, ou qui n’utiliserait pas
– faute de compétences ou de temps – les techniques de recherche
documentaire ? Dans la version traduite aussi, les spectateurs
doivent sentir que le sujet du film est maîtrisé.
Une sensibilité artistique et des talents de dialoguiste
L’adaptation audiovisuelle repose bien entendu sur un travail de
traduction. Mais elle implique en outre une transposition : un
discours oral devient un texte écrit (sous-titrage), ou un autre texte
destiné à être entendu après avoir été enregistré par un comédien
(doublage).
Pour que les répliques du film traduit soient aussi naturelles,
percutantes et brillantes que celles qu’a écrites le dialoguiste
d’origine, leur auteur doit disposer d’un sens de l’écriture aussi
développé.
Faire appel à un non professionnel,
une fausse bonne idée
Qui n’a pas dans son entourage une nièce qui parle anglais, un ami
professeur d’allemand ou une connaissance qui revient d’un séjour
linguistique au Japon ?
Dans la vie courante, parler, enseigner ou étudier une langue suffit à
comprendre et à se faire comprendre. Mais cela n'a rien à voir avec
la traduction, a fortiori avec l’adaptation audiovisuelle. Un non
professionnel ne connaît pas nécessairement de fond en comble la
culture du pays dont l’œuvre est originaire. En outre, il risque de ne
pas posséder les compétences littéraires et le talent de dialoguiste
qui seuls permettent de réaliser une traduction percutante, claire et
fluide.
Le recours à des stagiaires en traduction peut également paraître
tentant – d’ailleurs, le secteur audiovisuel emploie des stagiaires.
Mais ils sont assistant régie, chauffeur ou assistant montage.
Personne ne penserait à employer un stagiaire à des postes clefs,
comme directeur de la photographie ou monteur. Pourquoi le faire
sur un poste tout aussi important, celui de l’adaptation ?
VOUS ETES… UN REALISATEUR OU UN PRODUCTEUR
– Envisagez les problèmes de traduction dès la conception de
l’œuvre. Connaissez-vous bien la langue parlée sur place ? Aurezvous besoin d’un interprète ? Et surtout, connaissez-vous un
traducteur francophone capable de comprendre la langue parlée
dans l’œuvre ?
Vous comptez présenter votre œuvre à une chaîne, un festival, un
distributeur, un organisme qui distribue des subventions ? Si vous
voulez que votre travail soit apprécié à sa juste valeur, assurez-vous
d’abord qu’il sera bien compris.
– Les rushs sont votre matière première : confiez leur traduction à
un professionnel. Aucune langue n’est plus « facile » qu’une autre :
on risque tout autant de faire un contresens ou de passer à côté
d’une subtilité en anglais qu’en japonais. Pendant le montage,
n’hésitez pas à consulter la personne qui réalisera l’adaptation.
Exemple de problème à la simu
– Prévoyez un délai suffisant pour l’adaptation, cela sera d’autant
plus facile si vous avez travaillé en amont avec le traducteur.
Entre les murs + Ian Burley
VOUS ETES… UN DISTRIBUTEUR
– Assistez à la simulation ou à la vérification : si vous ne pouvez être
présent pour superviser cette étape importante, veillez à ce que la
personne qui vous représente ait une formation, une expérience en
traduction. Assurez-vous qu’elle connaît l’œuvre, ses enjeux et ses
particularités, mais aussi qu’elle est en mesure de juger de la fidélité
à l’original et de la qualité de l’adaptation. Sans cela, cette
« simulation » ne servira à rien, du fait de l’absence d’un œil
extérieur compétent.
– Privilégiez un contact direct avec l’auteur : les commanditaires ont
tout à gagner d’un contact direct avec les auteurs chargés du soustitrage ou du doublage de leurs films. L’adaptation est en effet un
travail de création – chaque adaptation est unique, car chaque
auteur est unique. Le rencontrer constitue une bonne occasion de lui
transmettre vos consignes, de discuter du ton à adopter dans la
version traduite, du degré d’adaptation que vous souhaitez, etc.
VOUS ETES… UNE CHAINE DE TELEVISION
– Commandez les traductions le plus tôt possible : vous gagnerez du
temps et obtiendrez un résultat bien meilleur. C’est souvent par
manque de temps que pêchent les adaptations.
– Faites faire le relevé de dialogues par un locuteur natif : pour une
œuvre en allemand par exemple, il est indispensable que le relevé
soit rédigé par un germanophone. Le relevé de dialogues sert à aider
l’adaptateur sur les passages difficiles. Or un francophone a de fortes
chances de buter sur les mêmes difficultés, et le temps et l’argent
investis dans le relevé auront été gaspillés.
– Dans la mesure du possible, visionnez les programmes. Une série
télévisée peut changer de ton et de registre en cours de saison. Une
série documentaire peut comporter un ou plusieurs programmes
nécessitant de faire appel à des traducteurs de langues rares.
L’adaptateur peut faire face aux imprévus dans une certaine mesure,
mais vous gagnerez en temps et en qualité à anticiper ces aléas.
De même, dans le cas des séries, prévoyez un travail
d’harmonisation : termes propres à un milieu particulier,
plaisanteries ou surnoms récurrents, phrases de présentation
répétées à chaque épisode : si le traducteur n’a pas accès à tous les
épisodes de la série qu’il adapte ou à une « bible », en un mot, si
l’information ne circule pas, vous risquez de perdre du temps en
corrections, voire en retakes.
– Si vous avez des consignes particulières, veillez à les transmettre
directement au traducteur. Chaque chaîne a son propre style : plus
vous lui fournirez de précisions, plus l’adaptateur sera à même de se
mettre au diapason. Parfois, notamment pour les documentaires, il
peut être judicieux de lui préciser aussi quel est le public que vous
visez ou la case concernée.
– Enfin, ne négligez pas les vérifications et les simulations : si vous
faites traduire un nombre important de programmes ou une saison
complète de série, un bon compromis peut être de se rendre à la
simulation/vérification des premiers épisodes, afin de vous assurer
que l’adaptation répond à vos attentes.
VOUS ETES… UN EDITEUR VIDEO
– Vous souhaitez éditer un film sorti en salles récemment ou une
série diffusée en VOST à la télévision : un auteur professionnel a
donc déjà traduit les sous-titres de l’œuvre et réalisé un travail
approfondi. N’hésitez pas à prendre contact avec lui afin qu’il vous
présente son travail. Si vous avez un doute, prenez contact avec les
sociétés de gestion des droits d’auteur, qui sauront vous renseigner.
– Méfiez-vous en revanche des « vieilles » listes de sous-titres :
votre prestataire envisage de faire travailler un traducteur à partir
d’une liste de sous-titres préexistante ? Souvent présentée comme
un moyen de réduire les coûts, cette solution pose plusieurs
problèmes :
A-t-on prévenu l’auteur d’origine que son travail allait être
réutilisé, diffusé sur un autre support, voire modifié ?
A quelle époque a été réalisé le sous-titrage ? Les normes et
conventions de l’adaptation en sous-titrage ont beaucoup
changé depuis une vingtaine d’années, sans parler de la
langue elle-même, qui évolue constamment. La simulation,
par exemple, n’existe que depuis 1984. Si le fichier date
d’avant les années 1970, il est illusoire de penser pouvoir le
recycler.
S’il est impossible de sauver le fichier existant, il faudra refaire
entièrement le sous-titrage. Mais pourquoi le traducteur ne serait-il
rémunéré que pour un « toilettage » de la version d’origine ?
– Dans tous les cas, prévoyez une simulation avec l’auteur et
assistez-y. Cette étape importante est une réelle opportunité,
puisqu’elle vous donnera l’occasion d’être le « premier spectateur »
du film que vous souhaitez commercialiser.
VOUS ETES… UN FESTIVAL
– Prévoyez un budget suffisant pour les adaptations. L’organisation
d’un festival relève souvent du parcours du combattant. Après avoir
réussi à obtenir les copies des films que vous souhaitez présenter, à
convaincre des invités prestigieux d’être présents pour l’événement
et à attirer un public nombreux, pourquoi mettre en péril le succès
des projections en rognant sur le poste « adaptation » ?
– Faites appel à des professionnels. Les festivals sont des vitrines
indispensables pour le cinéma et la création audiovisuelle. Ils attirent
dans leur public des passionnés, mais aussi des distributeurs et
autres professionnels du secteur. Pour cette raison, il est
indispensable de confier le sous-titrage des œuvres projetées à des
traducteurs professionnels, qui sauront les mettre en valeur – et par
là même, favoriser leur distribution future. Si le recours à des
étudiants peu ou pas rémunérés peut paraître tentant, c’est un
calcul périlleux à tous points de vue.
– Pensez à réclamer au producteur, au réalisateur ou au
distributeur le matériel nécessaire à la traduction, et notamment le
script de l’œuvre.
VOUS PASSEZ PAR UN PRESTATAIRE
Le recours à une entreprise de postproduction (« laboratoire » ou
« studio ») permet de sous-traiter un ensemble de tâches techniques
à un seul prestataire, et présente à ce titre des avantages
indéniables. Par commodité, il est devenu fréquent que les éditeurs
vidéo et les chaînes de télévision commandent également leurs
adaptations à ces sociétés de postproduction, qui jouent alors un
rôle d’intermédiaire entre commanditaires et auteurs.
Toutefois, l’adaptation n’est pas un travail technique. De plus,
passer par un laboratoire, ce n’est pas nécessairement renoncer au
contact individualisé avec l'auteur. Ainsi, si vous connaissez un
traducteur dont vous appréciez le travail, n’hésitez pas à suggérer à
votre prestataire de faire appel à lui.
Afin d’éviter les mauvaises surprises, voici en outre quelques
questions qu’il peut être bon de vous poser si vous vous en remettez
à un prestataire de postproduction pour faire traduire votre œuvre.
– Connaissez-vous le nom de l’adaptateur qui va traduire l’œuvre ?
Connaissez-vous son travail ? Pouvez-vous le ou la contacter pour lui
présenter l’œuvre ?
– Comment le prestataire a-t-il choisi le traducteur ? Est-ce une
personne dont il connaît le travail, un auteur habitué à ce type de
programme ?
– Quel est le niveau de compétence du traducteur choisi par le
laboratoire ? Est-ce un adaptateur professionnel ? Un stagiaire ? Un
professeur ? Un étudiant ?
Une « bonne affaire » ? Prudence…
Se
voir
proposer
une
adaptation
« tout
compris »
(repérage/détection, adaptation, simulation/vérification) pour 50%
du tarif pratiqué par les professionnels peut sembler alléchant. Mais
en traduction, comme partout, ce qui semble trop beau pour être
vrai… l’est souvent !
Si l’auteur se trouve obligé d’abattre deux fois plus de travail qu’un
autre confrère en raison d’une rémunération inférieure, il fera bien
sûr de son mieux pour rendre un travail satisfaisant. Mais la
meilleure volonté du monde peut être entamée par une
rémunération qui lui signifie clairement qu’il travaille « au kilo » - et
la qualité risque fort de s’en ressentir.
En effet, de par sa nature intellectuelle et littéraire, la traduction
audiovisuelle ne bénéfice d’aucune économie d’échelle. En d’autres
termes, quel que soit le nombre de programmes confiés à un
traducteur professionnel, le temps et l’énergie qu’il doit consacrer à
chaque adaptation pour produire un travail de qualité sont
incompressibles.
– Vos consignes sont-elles bien transmises à l’adaptateur ? L’utilité
d’avoir pour seul interlocuteur le prestataire disparaît rapidement si
l’on est obligé de faire relire les programmes en interne faute de
respect des consignes.
– Le prestataire a-t-il donné le maximum de temps à l’auteur ? Il
n’est pas rare de devoir se précipiter pour rendre un travail, et
d’apprendre ensuite que le client final avait laissé une ou deux
semaines de plus au prestataire.
– La part réelle de la rémunération versée à l’auteur apparaît-elle
dans le devis présenté par l’entreprise de doublage/sous-titrage ?
Dans le cas contraire, pour quelle raison ?
– Ce montant correspond-il aux tarifs recommandés par les
organisations professionnelles ? S’en approche-t-il ?
LES SOCIETES D’AUTEURS
De même que les écrivains, les musiciens, ou, de façon plus proche,
les traducteurs littéraires, les traducteurs de l'audiovisuel sont des
auteurs. Deux sociétés civiles sont chargées de la gestion collective
de leurs droits d’auteur, liés à l'exploitation et à la diffusion de leurs
adaptations (de la sortie en salle au DVD, en passant par la
télévision). En contrepartie de l’autorisation d’utiliser leur
répertoire, ces sociétés perçoivent une somme globale de la part des
diffuseurs.
La Sacem
(Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique)
Elle gère les droits d’auteur portant sur les traductions de fictions et
de documentaires musicaux distribuées sur le territoire français
(doublage ou sous-titrage) et dans les autres pays avec lesquels elle
a conclu des accords.
Détail du répertoire pris en charge par la Sacem :
– Les films de fiction et les documentaires exploités en salle
– Les films de fiction et les documentaires musicaux diffusés sur
les chaînes de télévision qui émettent à partir de la France.
– Les films de fiction et les documentaires musicaux
édités en DVD.
– Les « scènes coupées » des bonus des DVD.
La Scam
(Société civile des auteurs multimédia)
Elle assure le même rôle concernant les traductions de
documentaires diffusées sur les chaînes françaises et francophones
en doublage, voice-over et sous-titrage.
L’attestation de traduction
Pour déclarer leur œuvre (traduction) auprès des sociétés de
gestion des droits d’auteur, les adaptateurs sont tenus de fournir
une attestation de traduction signée par leur commanditaire.
Les informations qui y figurent permettent d’identifier l’œuvre
et, par la suite, de suivre son parcours lors de ses diffusions
télévisées, de son exploitation en salle ou de sa
commercialisation sur DVD.
LA TRADUCTION ET SON AUTEUR
« L'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre du seul fait
de sa création d'un droit de propriété incorporel exclusif et
opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d'ordre
intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial… »
(article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle)
En tant qu’auteurs, les traducteurs-adaptateurs de l’audiovisuel
conservent indéfiniment leur droit moral sur leurs adaptations. En
revanche, ils sont amenés à céder leurs droits d’exploitation (qui
font partie des droits patrimoniaux) au commanditaire de la
traduction. Comme pour toute transaction, cette cession de droits
doit faire l’objet d’un contrat qui a plusieurs objets :
– C’est d’abord l’instrument par lequel le client commande à
l’auteur une traduction. Ce travail de création est rémunéré par une
prime de commande versée au traducteur à la réception de la
traduction.
– Le contrat d’auteur est par ailleurs indispensable afin d’autoriser
le commanditaire ou le client final à exploiter l’œuvre, en
l’occurrence la traduction, sur divers supports (télévision, DVD, etc.).
Il définit les conditions de la cession des droits d’exploitation
attachés à l’œuvre (durée, territoire, supports).