CigaleMag n°47

Transcription

CigaleMag n°47
N°47
Le Prix
du public
ENQUÊTE
Paris,
ventre
de la France
LE RUBAN BLEU
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Bleu
de
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Le
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Le ruban
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présente
les meilleurs
commerces
BONS PLANS
Des cartes à la carte !
AVEC
de Paris
RENCONTRE AVEC
Bruno
Cormerais
et
Gontran Cherrier
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Synacom - Photo : Gettyimages
Carte BRED ACEF
Sommaire
12ENQUÊTE
r
hiffmache
BONS PLANS
Paris, ventre de la France ?
20
ART ET CULTURE
Théâtre
22ARTISANAT
École Olivier de Serres
Projet Arts et Cités
Trésors Vivants de l’Artisanat - Prix du public
30SPORT
Boxe avec Abdoulaye Fadiga
32
LA CHRONIQUE
34
SECRETS DE VIGNES
38
LE RUBAN BLEU
47
HISTOIRE DE BOULANGER
50
SECRETS DE CHEF
Ma rencontre avec
Gontran Cherrier et Bruno Cormerais
Foire aux vins - Chalet des îles
Philippe Faure-Brac
Le Guide des bons petits commerces
Dominique Anract et la French touch
Brioche traditionnelle de Christophe Coët
par Françoise Lemoine
[email protected]
© N. Sc
4
Édito
LE VENTRE DE PARIS
L
e Ventre de Paris… C’était le titre d’un roman d’Émile
Zola, publié en 1873. Le théâtre de ce livre, c’était les
halles centrales de la capitale, sur lesquelles on a construit
Beaubourg et le Carré des Halles. Les plus jeunes ne les
ont pas connues. Les un peu plus anciens se souviennent,
eux, de cet espace bruyant, tourbillonnant, tout à la fois
brutal et chaleureux, bordés de restaurants pour solide
appétit. Toutes les nuits, jusque dans les années 60-70, des
bourgeois venaient s’encanailler là, leur belle au bras. Le
Ventre de Paris c’était tout un symbole. Ce temps a-t-il tant
changé ? Dans sa forme, oui. Aujourd’hui, Rungis a pris le
relais. Paris est aujourd’hui débordé par l’Ile-de-France qui
s’étale et s’étend bien loin de ses fortifications. Et précisément, sur le fond, nous vous démontrons, dans ce numéro
que cette Ile-de-France est devenue le ventre de la France !
Des producteurs de tous les coins de l’Hexagone lui
apportent leurs meilleurs produits : des viandes, des poissons, des fromages, des fruits, des légumes, des vins…
Rien ne manque. Vous le découvrirez peut-être au fil des
lignes qui suivent, mais non seulement les Français restent
très attachés aux produits de leur terroir et à leur qualité,
mais, mieux, la cuisine, la bonne table et le bon goût et les
bons produits reviennent en force. Le nombre d’émissions
télé consacrées à la cuisine en atteste. Nous qui vantons,
depuis des mois, le talent de nos producteurs et de nos
artisans, ne pouvons que nous en féliciter. D’ailleurs Cigale,
toujours à la pointe de l’actualité ne pouvait que s’associer
à ces rendez-vous médiatiques. Notre magazine est partenaire de la nouvelle émission quotidienne de M6 Où est la
meilleure boulangerie de France ?
Maintenant, à table !
Vous voulez nous faire part de vos bons plans, vos coups de cœur, vous voulez voir apparaître une nouvelle rubrique,
nous envoyer votre témoignage pour illustrer un dossier ? Écrivez-nous à : [email protected]
Direction, administration, rédaction : 36, rue Scheffer - 75116 Paris – Tél. 01 84 19 06 53 – Directrice de la Rédaction : Françoise Lemoine : [email protected] – Directeur
artistique : Nestor Burlington : [email protected] – Service photo : Nicolas Schiffmacher – Ont collaboré à ce numéro : Christian Rol, Arsène Corvec, Sabine Corvec, Alexis Sainte
Marie, Marie Beauquet, Jean Lapoujade – Service publicité : [email protected] – Tél. 01 84 19 06 53 – Directeur de la publication : Alexis Sainte Marie : [email protected] –
Cigale est édité par la société Taliesin 36, rue Scheffer - 75116 Paris - Tél. 01 84 19 06 53 – SARL au capital de 100 000 €
Imprimé par : Infopress Group - 9G, Ardealului Street, Otopeni, Bucharest, Romania
BONS PLANS
ap pl i
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ex po
Louer une voiture
Les organismes de location de voiture dépensent beaucoup d’argent
pour rapatrier leurs véhicules de location à l’agence de départ et
rééquilibrer leurs parcs automobiles. Alors pourquoi ne pas faire
appel aux particuliers qui ont besoin de se déplacer ? La plateforme
luckyloc.com met en relation les particuliers et les loueurs professionnels en recensant tous les transferts en France. En devenant
« convoyeur », le particulier n’aura plus qu’à payer l’essence et les
péages pour s’en aller le portefeuille apaisé vers sa destination. Pour
le moment, peu de trajets disponibles, mais nous, on parie sur cette
start-up malicieuse.
Pour réserver votre véhicule : www.luckyloc.com
10%
À PARTIR DE
cu is in e
À ceux qui sont déjà lassés des soirées rooftop, voici un concept qui
devrait redonner vigueur à leur coup de fourchette. Des dîners dans
des rames de train désaffectées, des arrière-boutiques, des cours
de récréation ou des ateliers d’artistes, voilà ce que proposent Maud
et Olivier, deux passionnés de cuisine et de rencontres fortuites. En
créant une communauté d’hôtes et de convives de tous horizons, ils
rêvent de donner un jour naissance à la plus grande table du monde.
Au-delà du plaisir de mettre les pieds sous la table d’un inconnu, le
« cooker », les « meeters », les invités donc, amènent sur la table
leurs histoires, leurs passions et leurs idées. Encore un site communautaire qui fait la part belle à l’humain et à l’insolite.
Bon plan Cigale : appelez de notre part pour avoir -30 %
sur votre prochain dîner !
Réservations sur le site www.icooknmeet.com
ch in e
À PARTIR DE
Cuisine Cook’n’meet,
un goût de clandestinité…
15%
Blanche, ses conseils
et petits prix !
Dans son lumineux dépôt-vente, Blanche a opté pour une mode
fondée sur le partage et le recyclage nous amenant à repenser
notre consommation. Seul indice : la douceur des prix, tout est
vendu en moyenne au tiers de la valeur du neuf. Au sein de ce bel
écrin dédié à la féminité et au bon goût, on déniche une robe Maje
à 60 €, une paire de Weston à 80 €, des boucles d’oreilles Scooter
à 15 €, un sac cuir Darel à 70 €, des lunettes de soleil de toutes
marques à 80 €... Non ce n’est pas magique, c’est IKONIK !
40, rue de la Tour d’Auvergne - Paris 9e – Tél. 09 50 01 73 56
www.ikonik-depotvente.com
4 CIGALE 47
À PARTIR DE
dé br ou ill e
su r le po uc e
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Mozza & Co, sur
les chapeaux de roue…
Un drôle de petit marché italien monté sur roues, et imaginé par les
trublions Arthur Gambard et Thibault Merendo, sillonne les quais de
la Rive Gauche pour le plus grand plaisir des amateurs de mozzarella.
Qu’ils s’appellent Madone, Cicciolina, Berlusconia ou Castafiore,
ces délices crémeux accompagnés de jambons, de poivrades et de
légumes grillés, étalent sans complexe qualité artisanale et petits
prix. Ce bar à mozza élégant n’a rien à envier aux Food Trucks qui font
déjà partie du mobilier parisien.
Pour savoir où capturer cette trattoria mobile : www.mozzaandco.it
pe rs o
À PARTIR DE
Un Anglais tombé amoureux de Montmartre, c’est arrivé plus d’une
fois. Un Anglais tombé amoureux du vin français, c’est courant
également. Mais l’unique Anglais qui rende hommage à ses amis de
la confrérie vineuse de Montmartre, c’est Dudley Bennett, dont les
toiles sont exposées tout le mois d’octobre à la Commanderie du
Clos-Montmartre. Une plongée en toute discrétion dans l’intimité de
ces chevaliers de la tradition vineuse parisienne, qui ont ouvert leurs
portes et leur cœur à cet artiste incontournable de l’art figuratif.
Commanderie du Clos – Montmartre, 9 bis rue Norvins - Paris 18e
Du 1er au 22 octobre de 11h à 18h30 sauf le lundi
www.dudleybenett.com
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« J’espère pour toi que tu as un bon avocat… » Oui, et en plus je
l’ai tout le temps avec moi. Fraîchement débarquée dans la forêt
des applications smartphone, voici celle qui répondra à toutes vos
questions d’ordre juridique. Avocat GC, éditée et mise à jour par un
cabinet de neuf avocats, rassemble une centaine de vidéos couvrant
les problématiques du droit de la famille, des sociétés, de la route,
de l’immobilier… et propose des devis et des calculs de pension
gratuits. Pour les clients du cabinet, un espace personnel dédié vous
permet même de consulter vos affaires en cours.
Avocats GC, disponible gratuitement sur App Store et Google Play
« What’s that », Dudley ?
99%
Sa valise toute sa vie !
À l’aéroport cet été, qui n’a pas pris la valise d’un autre ou qui n’a
pas laissé tourner le tapis 3 fois au minimum avant de trouver sa
valise ? Et nous sommes même inquiets de ne pas pouvoir la reconnaître ! C’est pourquoi maintenant plus d’excuses, vous pouvez
créer votre propre valise unique au monde, en la personnalisant
à votre goût et la reconnaître au premier coup d’œil. Calibag vous
donne les moyens de configurer votre valise en ligne et de choisir
sa couleur, celle de ses accessoires et de sélectionner votre propre
sticker. Une belle collection de stickers smart, rigolos et vraiment
sympas est à votre disposition ou, bonne nouvelle, vous pouvez
aussi télécharger votre propre visuel, votre photo par exemple. Élément important, les stickers sont très résistants et indéchirables.
Avec plus de 14 millions de configurations possibles, il y a donc
peu de chance que votre valise ressemble à une autre.
www.calibag.com
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ça dé m én ag
À PARTIR DE
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Avocat GC, le droit au droit
pour tous
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Des bras en plus,
déménagement à la
Un nouveau service permettant de réduire les coûts de déménagement vient d’être lancé par le collectif Des bras en plus. Ils
mettent à votre disposition des déménageurs, des véhicules, des
emballages, et c’est vous qui décidez du nombre de personnes,
de la quantité de matériel et de la durée dont vous en aurez besoin.
Gain d’argent : vous et vos amis participez au déménagement,
vous adaptez votre formule à votre budget. Gain de temps : vous
organisez vous-même votre déménagement à votre mesure. Une
très bonne idée pour les têtes en l’air prises au dépourvu de déménageurs quand la rentrée fut venue.
Les agences : 60 rue Ramey - Paris 18e et 141 rue Cardinet - Paris 17e
Renseignements au 01 84 16 18 00 ou sur www.desbrasenplus.com
BONS PLANS
JUSQU’À
ec o
-70%
La course aux économies
Et cette année ce n’est pas du luxe tant notre pouvoir d’achat se
réduit. Alors nous allons ici nous occuper de votre budget voiture,
un des plus gros budgets du ménage. Grâce à revisersavoiture.
com, vous pourrez bénéficier d’offres promotionnelles pour
l’entretien de votre voiture et en plus près de chez vous. Sur ce
site, les garages s’inscrivent pour vous faire connaître toutes leurs
meilleures offres pour l’entretien, la révision, le contrôle technique,
la vidange, la batterie, le pare-brise, les phares, la carrosserie,
les pneus, les amortisseurs, les bougies… Votre inscription est
gratuite. Vous pourrez même aller voir les promotions directement
en cliquant sur l’enseigne qui vous intéresse et toutes les marques
sont présentes ! Alors à vous de jouer.
www.revisersavoiture.com
Les enfants rois
Le très chic Hôtel Royal Monceau propose chaque samedi aux
enfants et adolescents de ses clients aussi bien de l’hôtel que de
l’extérieur un brunch, des ateliers de cuisine, d’arts plastiques et de
musique, voire des cours pour s’improviser D.J.
Hôtel Royal Monceau – 37 Avenue Hoche Paris 8e – Tél : 01 42 99 88 75
www.leroyalmonceau.com
be au té
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Chezlecoiffeur.com
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Le fabuleux jardin
de l’École du Breuil
Bonne nouvelle, depuis le 12 juillet dernier, l’accès aux 6 hectares
du jardin de l’Ecole du Breuil (créée en 1867) est en libre accès
toute l’année. Jusqu’à présent seul l’arboretum était ouvert
au public. Découvrons ce que nous réserve ce beau jardin en
perpétuelle mutation puisqu’il s’agit du terrain d’expérience des
300 élèves qui se forment aux métiers de paysagistes, d’horticulteurs, de bucherons etc. Dorénavant nous pouvons contempler
son jardin anglais et sa marre bordée de plantes aquatiques et de
joncs refuge de hérons, colverts, poules d’eau, et autres perruches
à collier, sa roseraie, son fruticetum et ses 800 arbustes, sa collection de 1000 plantes, plantations saisonnières éphémères modifiant l’aspect du jardin au fil des saisons et son jardin de rocaille.
Sans oublier les Rhododendrons, les Camélias, les Magnolias, les
Narcisses… Cet Etablissement d’enseignement horticole propose
une scolarité gratuite et des cours publics de jardinage à la carte
très prisés... Une belle sortie bucolique !
Route de la Ferme / Route de la Pyramide (entrée publique)
Bois de Vincennes - Paris 12e
M° Château de Vincennes puis bus 112, arrêt « Carrefour de Beauté »
RER A direction Boissy-Saint-Léger – Station « Joinville-le-Pont »
Autoroute A4 (de Paris) sortie Joinville-le-Pont puis 2e à gauche.
www.ecoledubreuil.fr
80e Fête des Vendanges
à Montmartre
La Fête des Vendanges de Montmartre revient sur les hauteurs de la
butte. Pour célébrer l’art des mets et l’art d’aimer, elle s’est pourvue
d’une marraine de charme et d’un parrain de choix, Nolwenn Leroy
et Thomas Dutronc. Expositions, concerts, défilés, dégustations de
produits artisanaux s’invitent à cette édition dont les temps forts sont
le Grand Défilé, le Ban des Vendanges et le Feu d’artifice en musique
au Sacré Coeur. Très attendu également, le Parcours du Goût à la
découverte de nos régions, des vins du monde et de l’eau. Cette année
encore, plus de 400 000 visiteurs devraient se rendre à cette invitation
conviviale et désormais incontournable. Et vous ?
Du 9 au 13 octobre – www.fetedesvendangesdemontmartre.com
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Free Troc Box, le club
des échangeurs anonymes
Un grand carton, un hall d’immeuble, quelques affiches bien placées,
et voici la « Free Troc Box » prête à ranimer des flammes entre voisins.
Chacun peut y déposer des objets qui ne lui servent plus, et récupérer
ce qui lui plaît. Ce système de troc tout simple peut également marcher
au bureau ou dans une association. Il suffisait d’y penser…
Pour télécharger les affiches et les logos, rendez-vous sur la Page Facebook
Free Troc Box.
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Ce site malin vous ouvre les portes des meilleurs salons de coiffure
parmi une sélection de partenaires à proximité de chez vous. L’avantage ? Chezlecoiffeur.com vous garantit des réductions de 30 à 40 %.
Vous vous inscrivez, vous entrez vos critères, et vous sélectionnez le
créneau qui vous convient. Le site se charge du reste ! Comme un
vrai site communautaire, les utilisateurs partagent leurs avis sur les
prestations. Un service à découvrir d’urgence.
www.chezlecoiffeur.com
so rti e
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ré cu p’
at el ie rs
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fe st iv al
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10e biennale d’Issy,
l’art et le goût
Consommation, gourmandise, alimentation… le goût sous tous
ses angles investit la Biennale d’Issy que 55 artistes font vivre du
13 septembre au 17 novembre. Les créations de grands chefs étoilés
côtoient les œuvres de plasticiens, de sculpteurs, de photographes et
de peintres. Le parcours des salles dévoile un regard critique, parfois
amusé, parfois tendre, sur la nourriture et la relation que les hommes
entretiennent avec elle.
Du 13 septembre au 10 novembre Musée Français de la Carte à Jouer,
16 rue Auguste Gervais - 92130 Issy les Moulineaux,
et du 15 octobre au 17 novembre à la Médiathèque,
33 rue du Gouverneur Général Eboué - 92130 Issy Les Moulineaux
www.biennaledissy.com
pa rti r
230%
Voyager ensemble
c’est tout !
Pour les prochaines vacances, voici un concept original destiné aux célibataires et aux monoparentaux qui en ont assez d’être isolés au sein de
couples ou de familles. Grâce aux Covoyageurs, vous pouvez choisir de
partir avec d’autres célibataires par thème, donc par affinités, afin d’installer très rapidement une convivialité et des échanges chaleureux. Les
thèmes et profils proposés sont les suivants : explorateur, randonneur,
passionné et monoparental avec les enfants. Autre avantage non négligeable, vous pouvez découvrir les profils des covoyageurs déjà inscrits
et échanger avec eux avant de partir. Des économies sont réalisées bien
sûr grâce au partage des chambres et les circuits sont de fabrication
« maison », élaborés en collaboration avec des agences locales, sans
intermédiaires. Les meilleurs circuits aux meilleurs prix peuvent être ainsi
proposés. Exemple pour 230 €, sur un week-end de 3 jours, évadez-vous
pour une randonnée dans le massif secret du Caroux au sein du parc
naturel du Haut Languedoc. Une belle idée pour ne plus jamais être seul.
www.les-covoyageurs.com
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Marie est inscrite à Université de la Sorbonne – à Café du Buraliste avec Buraliste
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Marie
Timbre acheté,
candidature postée !
On croise les doigts !
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réagir
partager
Café du Buraliste
Si ça marche,
c’est ma tournée !
BONS PLANS
0%
ex po
Throwback, douce
souffrance de la rentrée
Ça peut vous tomber dessus en pleine réunion, en plein dîner familial, en plein cours d’aqua-bike. Il faut dire que vous l’avez cherché, en
laissant votre doigt glisser vers l’application Throwback. Vous le saviez
pourtant, qu’elle prendrait un malin plaisir à vous envoyer par mail
vos photos de vacances de manière impromptue le reste de l’année.
Et vous voilà figé devant votre smartphone, avec cet air mélancolique
de ceux qui repensent aux apéros sur le port, aux flirts en anglais,
aux soirées rosé-potins… Allez, courage.
Throwback, disponible gratuitement sur App Store
fe st iv al
2%
Festival annuel
de la randonnée
Dimanche 29 septembre, le Comité départemental de la randonnée
pédestre de Paris vous invite dès 10heures aux « Parigorandos »,
un festival de randonnées au coeur du Bois de Boulogne, l’un des
poumons verts de la capitale. Ouvert à tous, petits, grands, sportifs
ou pas, en famille ou entre amis, chacun pourra pratiquer à son
rythme cette activité sportive en toute convivialité. Toutes les randonnées seront animées et encadrées par les bénévoles du comité.
Voir sur le site les heures de rendez-vous des différents parcours.
Inscriptions sur place :
Bois de Boulogne , nord du lac inférieur, route de Suresnes
www.rando-paris.org
À PARTIR DE
m us iq ue
12%
Jazz Sur Seine,
12 jours de fête
Avec 450 mélomanes mobilisés pour le Festival Jazz sur Seine,
on peut parler d’une véritable opération séduction pour faire (re)
découvrir ce genre musical sur lequel des générations entières se
sont déhanchées. Dans 18 clubs de jazz franciliens, et dans la rue
des Lombards, se côtoieront jazzmen confirmés et jeunes pousses
françaises. À noter, des ateliers de sensibilisation destinés aux
jeunes des quartiers prioritaires.
Jazz sur Seine, du 12 au 24 octobre 2013. Programmation complète près de
chez vous sur www.jazzsurseine.fr
JUSQU’À
so in
-80%
Le bien-être à petits prix
Prendre soin de soi c’est se consoler des vacances qui s’éloignent,
c’est aussi gagner de l’assurance pour affronter le bureau et sans
culpabilité grâce ici aux réductions de prix. Balinéa.com est un site
formidable dédié à la beauté et au bien-être, une vraie révolution
dans le sens où il répertorie tout ce qui se fait de mieux en Spas,
instituts de beauté, salons de massage, salons de coiffure, écoles
de danse en associant toujours un descriptif complet des soins
avec photos ainsi que les réductions de prix. Ces petits prix sont
le fruit du travail d’une équipe de choc qui sélectionne rigoureusement les établissements référencés et négocie pour nous les bons
plans. Tout se fait en ligne auprès des Instituts 24h/24 et 7j/7 avec
mises à jour en temps réel. Plus de 1 000 bons plans sont à votre
disposition. Vous aussi prenez du temps pour vous.
www.balinea.com
8 CIGALE 47
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Derniers jours
du London Art Wall
London Art Wall est un collectif londonien qui met à disposition des
artistes et publicitaires certains murs de la ville. Cette introduction
est nécessaire pour comprendre ce qu’il se trame au Printemps
Haussmann. À l’occasion de la Fashion Week anglaise, cinq artistes
de ce collectif ont disposé des créations uniques là où vous trouvez
d’ordinaire vos jeans et paires de talons préférés. Que ce soit à la vue
de cabines téléphoniques anglaises ou des fresques murales hallucinantes, votre shopping sera bouleversé à tous les coups !
Jusqu’au 9 octobre aux Galeries Printemps – 64, Bd Haussmann - Paris 9e
Du lundi au samedi de 9h35 à 20h, nocturne le jeudi jusqu’à 22h - 01 42 82 50 00
an im at io ns
À PARTIR DE
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Versailles :
Paroles de jardiniers
Pour rendre hommage à André Le Nôtre, jardinier du Château de
Versailles, qui aurait fêté ses 400 ans cette année, Yvelines Tourisme
organise la deuxième édition de Paroles de Jardiniers, du 7 au
29 septembre. Pendant quatre week-ends, plus de 120 animations
sont prévues : visites des jardins privés, rarement ouverts au public,
ateliers de jardinage, rencontres avec des experts, découverte de
plantes singulières, animations pour les enfants… Ne pas manquer
les temps forts de l’événement en réservant pour : une promenade dans les serres tropicales de l’Arboretum de Chèvreloup (le
15, tarifs : 2 € à 4 €) ou pour des animations dans le Domaine de
Port-Royal des Champs (le 22, gratuit). Au programme également,
lectures en musique au Domaine national de Saint-Germain-en-Laye
(le 29, gratuit).
Réservation obligatoire : 01 39 07 85 02
ta bl e
20%
Cuisinez express
comme des chefs
Tout pour vous plaire et vous faire gagner du temps. Il faut dire que
Les Commis vous mâchent le travail et ils aiment ça ! Voilà, vous
aimez cuisiner mais vous redoutez les courses et les files d’attente,
vous n’appréciez pas non plus particulièrement l’épluchage des
légumes, leur découpe, la pesée… Ne vous inquiétez pas pour ça,
Les Commis s’en chargent pour vous. Oui c’est possible ! D’abord
vous choisissez sur le site des Commis parmi les 4 menus élaborés
par des chefs étoilés - Yann Tanneau, Chef du restaurant de l’Opéra à
Paris et Johannes Bonin, Chef Pâtissier à Dubaï – (ou vous composez
votre propre menu) puis vous commandez et recevez votre kit avec
tous les ingrédients frais, préparés, dosés (fournisseurs à l’identique
des grands restos) et vous cuisinez votre repas chez vous en moins
d’une heure. Vous ne vous réservez donc que la meilleure partie de la
préparation du dîner qui est l’art de cuisiner que vous aimez tant. Fini
le stress du retard, fini de coucher les enfants trop tôt, fini de courir
tout simplement… En plus, c’est un menu du chef, ce qui ne gâche
rien et changera peut-être de l’éternel saumon en papillote, quoi que
très bon… Clément et Cyril sont à votre disposition et vous attendent.
Les Commis – 51, avenue Trudaine - PARIS 9e– Tél. 01 48 74 83 14
À partir de 8 personnes à table, bénéficiez d’une réduction de 10 %.
Entrée-Plat ou Plat-Dessert : 16 €/pers. – Entrée-Plat-Dessert : 20 €/pers.
Plat : 12,50 €/pers. – Possibilité de retirer votre kit en boutique
www.lescommis.com
BONS PLANS
E
PAYSAGE ET ELAGAG
Arbor-Essences
Pour les copropriétés et les particuliers,
l’élagage des arbres est un vrai problème.
Problème relatif, puisqu’il nécessite
un jardin, chance inouïe à Paris – mais
problème quand même.
Laurent Michel a la solution.
par Alexis Sainte Marie
Photo : DR
U
ne pincée de chauvinisme
nous pousserait à dire que
depuis les chefs-d’œuvre
de Le Nôtre à Versailles, l’art
topiaire (entendez l’art de tailler
les végétaux) est venu s’ajouter à
la longue liste de savoir-faire que
le monde entier envie à la France.
Mais le chauvinisme, même par
pincées, s’accorde mal avec cet art
discret et patient dont Laurent Michel est un éminent représentant.
TAILLE DOUCE
« J’ai grandi à la campagne. Mes
grands-parents, agriculteurs, m’ont
donné la passion de la terre 
»
raconte Laurent Michel. C’est
ainsi qu’il est devenu paysagiste.
Quelques années plus tard, il crée
Art Topia, qui emploie aujourd’hui
une cinquantaine de personnes,
puis Arbor-Essences, une unité
de cinq personnes spécialisée dans
l’élagage et le soin des arbres… « Le
principe de l’élagage tel que nous le
pratiquons, c’est le respect de l’architecture de l’arbre. Un arbre tout
juste élagué n’a pas plus de raison
de ressembler à un portemanteau
qu’un homme qui sort de chez le
coiffeur, d’avoir le crâne rasé. Seulement trop de gens pensent qu’un
arbre ne s’élague qu’en hiver ; que
lorsqu’on élague, il faut y aller un
grand coup… En fait on peut élaguer toute l’année et il vaut mieux le
faire une fois par an intelligemment
qu’une fois tous les trois ans brutalement : au final, ça prendra à peu
près autant de temps et l’arbre sera
nettement plus beau ! C’est ce qu’on
appelle la taille douce, dite « à l’anglaise », et c’est notre spécialité. »
LE VÉGÉTAL D’ABORD
Que ce soit pour la taille d’un arbre
près d’un bâtiment, le délierrage
d’une façade, l’abattage d’un arbre
dangereux ou encore le dessouchage, Arbor Essences sait répondre
à toute demande dans la gestion du
patrimoine arboricole. Très engagé
dans la préservation de l’environnement, l’entreprise recycle tous les
rémanents issus des tailles pour en
faire du paillage, pratique la lutte
biologique contre la Mineuse des
Marronniers, et utilise de l’huile de
colza pour ses machines… écologie oblige ! Pour un arbre dans une
cour parisienne, ou la gestion d’un
parc de château en Normandie,
une taille de Vigne Vierge sur un
pignon ou de la taille de topiaires,
Laurent Michel ne fait pas de différence, c’est le végétal qui prime…
par passion.
Retrouvez l’interview filmée
de Laurent Michel sur www.cigaletv.com
ARBOR ESSENCES - Ferme du Vivier
78860 Saint-Nom-la-Bretèche
Tél. : 01 61 06 20 53 – Fax : 01 61 06 20 54
Mail : [email protected]
Site : www.art-topia.eu
CIGALE 47 9
© dalaprod - Fotolia.com
BONS PLANS
S
’il fallait résumer en deux
mots la mission de l’ACEF,
on parlerait d’accompagnement personnalisé ; car c’est bien le
cœur de métier de cette association,
créée par et pour des fonctionnaires, que d’aider ses adhérents à
bâtir une relation privilégiée avec
les banques partenaires.
L’ACEF
AU SERVICE DES
FONCTIONNAIRES
TES EN
VOUS AVEZ LES CAR
MAIN
Les cartes
personnalisables
de l’ACEF
L’ACEF, Association pour le Crédit et
l’Épargne des Fonctionnaires et Agents
des Services Publics, a lancé il y a
quelques mois une carte personnalisable.
L’initiative a remporté un franc succès qui
ne cesse de se confirmer…
par Alexis Sainte Marie
Photos : DR
10 CIGALE 47
L’ACEF a pour but d’accompagner les fonctionnaires et les agents
des services publics tout au long de
leur carrière – et même plus loin,
puisqu’elle propose aussi des plans
d’épargne retraite. Autrement dit,
le principe même de l’ACEF, avant
d’être financier, est humain. Avant
d’être une histoire de banque,
l’ACEF est une histoire de personnes. Cela passe par de grandes
choses, comme la multitude de produits bancaires spécialement réservés
aux fonctionnaires que les Banques
Populaires, partenaires de l’ACEF,
leur proposent – cela passe aussi par
de petites choses du quotidien, des
petits riens qui disent la vocation humaine de cette association. Et parmi
eux, la dernière en date à l’initiative
de la Bred pour les ACEF de son
territoire : les cartes de paiement personnalisables destinées aux membres
de la fonction publique ou établissements assimilés, adhérents à l’ACEF.
UNE CARTE
PERSONNALISÉE
Ça peut paraître accessoire comme
ça, mais la carte de crédit est sans
doute ce qui, au quotidien, nous
rapproche le plus de notre banque.
On a toujours sa carte sous la main.
Elle est comme la porte d’entrée de
l’ensemble des services que l’on peut
BONS PLANS
sourire numérique ; et sur ceux de
la troisième génération, là, photos
de famille, paysages montagneux et
autres marqueurs de notre personnalité s’étalent en couleurs. Est-ce
à dire que la carte bancaire suit le
même chemin ? C’est bien probable et c’est tant mieux : on
sort si souvent sa carte au fil de
la journée qu’il était temps de faire
quelque chose pour la rendre plus
agréable à l’œil.
DES AVANTAGES
EXCLUSIFS
attendre en tant
que client. Une
carte est en fait le
symbole de la relation qui nous unit
à notre banque.
Quoi de plus logique donc que de
voir l’ACEF, dont la proximité avec
ses adhérents est le maître mot, proposer des cartes de crédit plus personnalisées que l’habituel (et assez
peu esthétique) dégradé de couleur
bleu ou marron ? C’est désormais
chose faite, avec une carte MasterCard qui, mis à part son aspect,
diffère peu des autres : les plafonds
de retrait ou les différentes assurances proposées sont tout ce qu’il y
a de plus habituels. On notera juste
quelques services supplémentaires ;
ainsi, en plus des assurances et assistances standards, cette carte offre
une garantie achats, une prolongation de garanties constructeur et
une protection juridique ainsi que
le paiement en trois fois par SMS.
DES VISUELS
À L’INFINI
Venons-en donc maintenant à l’apparence, grand avantage de cette
carte.
Après
l’unique visuel
proposé à l’origine de la mise en place de la carte,
l’ACEF et la Bred offrent désormais à leurs clients adhérents une
gamme de visuels se rattachant à
trois thèmes : solidarité, bénévolat
et nature. Certains auront un coup
de cœur pour un de ces visuels, les
autres pourront aller plus loin en
chargeant carrément le visuel de
leur choix par Internet. Là, tout est
possible : photos de sa famille, de ses
vacances, de son chien… Seule restriction : une carte appartenant ultimement à la banque qui l’émet, on
évitera les images de tabac, d’alcool
ou les photos, disons, un peu trop
personnelles qui tomberaient sous le
coup de la loi !
On pense ici au téléphone portable : sur les portables de première
génération, un écran noir et blanc
affichait l’heure et le réseau ; sur
ceux de la seconde génération, une
grosse tête ronde qu’on aurait crue
dessinée par un enfant de quatre
ans vous renvoyait un généreux
Éditée par la Bred Banque Populaire, partenaire de l’ACEF, cette
carte reprend en fait le principe de
la carte Bred&moi, sortie il y a près
de deux ans. À cela près que lorsque
l’ACEF propose quelque chose à ses
adhérents, elle s’arrange généralement pour leur négocier au passage
quelque avantage exclusif… Cette
carte ne fait pas exception : cette fois,
cet avantage exclusif se traduit par
un programme affinitaire dédié.
Avec la carte BRED ACEF, les adhérents bénéficieront toute l’année
de bons plans exclusifs négociés auprès des enseignes partenaires, Celio,
Marionnaud, UGC ou Gaumont,
pour n’en citer que quelques-unes…
Des offres mensuelles viendront
s’ajouter à ces offres permanentes.
Enfin – mais là, ce n’est plus l’affaire
de l’ACEF – puisque cette carte est
une MasterCard, son propriétaire
bénéficie également du programme
Priceless Paris, qui propose un certain nombre d’offres et de bons plans
exclusifs pour profiter au maximum
de Paris. Décidément, l’ACEF
prend soin de ses adhérents !
www.bredacef.com
CIGALE 47 11
ENQUÊTE
Charcuterie au Gallia
PARIS, VENTRE DE LA
FRANCE
Tous à la capita(b)le !
Paris. Ses grandes avenues, son
métro, ses pigeons… et ses quelques
2 250 000 bouches à nourrir. Chaque
semaine, des milliers de produits
artisanaux affluent des quatre coins
du pays pour ravitailler la Ville Lumière.
par Alexis Sainte Marie
et Jean Lapoujade
Photos : Nicolas Schiffmacher / DR
”P
aris est un village »,
dit l’adage, et à voir les
étals des innombrables
commerçants de proximité qui
émaillent nos rues et nos boulevards,
on est tenté de le croire. Profitons
de la fin de l’été pour déambuler
un peu dans la ville : ici, des bourriches d’huîtres fraîchement arri12 CIGALE 47
vées d’Oléron, là, des fromages de
chèvres de Chavignol ; dans la brasserie du coin de la rue, de la viande
d’Aubrac ; au café d’en face, un petit
Beaujolais de derrière les fagots
venu tout droit de Villié-Morgon…
Oui, Paris est un village – ou plus
exactement un concentré de tous les
villages de France. Cette incroyable
variété de produits, on la doit avant
tout aux commerçants de proximité
parisiens. Restaurateurs, primeurs,
poissonniers, bouchers, charcutiers,
fromagers : tels ont été nos interlocuteurs pour cette grande enquête au
cœur du ventre de Paris…
UNE IMAGE DE PARIS
Qui dit village dit ambiance de village. Car l’atmosphère n’est pas tout
à fait la même lorsqu’on se promène
dans le Paris des commerçants, où
chaque devanture annonce une
arrière-boutique aux airs de gardemanger campagnard… Cliché ?
Aucun Parisien n’a le droit de le
croire, avec à portée de métro la rue
Montorgueil, et le marché couvert
de Passy, celui des Batignolles, les
Halles ! Car cela, c’est le Paris des
commerçants – une tour de Babel où
l’on parle tous les patois de France,
un bazar oriental façon cocorico. S’y
promener suffit à s’en convaincre,
cette image n’a rien d’une image
d’Epinal. C’est une image de Paris,
ENQUÊTE
par ce qu’on sert aux clients. »
Et Gérard Bohélay de nous envoyer
nous faire une opinion dans le 11e
arrondissement, chez Jean-Pierre
Lebrave, patron du Gallia, un bartabac à l’ancienne…
COMMERÇANT
À L’ANCIENNE
La viande de la Maison Conquet
et elle est rigoureusement exacte.
Mais allons plus loin et demandonsnous en quoi consiste vraiment cette
atmosphère si particulière… Estelle simplement faite du défilement
incessant des badauds et des sempiternelles répliques des commerçants,
ces célèbres « Il est beau, mon pâté ! »
et autres « Deux pour le prix d’un ! »
qu’on croirait tout droit sorties d’un
film d’avant-guerre ? La description
est pittoresque, et pour cause : c’est
celle d’un marché de spécialités régionales. Tout est là. Remplacez les
produits du terroir par autre chose et
l’édifice s’écroule. « Elles sont belles
mes casseroles ! », « Une tondeuse
achetée, une tondeuse offerte ! » Ça
tombe complètement à plat.
« Dans l’imaginaire collectif français,
la table est synonyme de convivialité,
nous explique Gérard Bohélay, notre
premier interlocuteur. C’est comme
ça, c’est français : on n’imagine pas
conclure une affaire sans en parler
autour d’un déjeuner ; on n’envisage pas de séduire une femme sans
l’inviter à dîner. » Gérard Bohélay
est président de la Fédération des
Buralistes de Paris Île-de-France et
s’il en connaît un rayon sur le sujet,
c’est parce que 80 % de ce réseau,
en parallèle de la vente de tabac,
développe une activité bar brasserie.
« Pour nous, c’est quelque chose de
très important. Les buralistes sont,
en nombre, le premier réseau de
proximité du pays. Mais cela, ça ne
veut rien dire : notre vocation est
d’être le premier réseau « social »
de France. Un réseau accueillant,
convivial – et comme je le disais, en
France, ça passe par la table. D’autant que le tabac n’a pas bonne presse
aujourd’hui et que les marges sur ce
produit sont extrêmement faibles…
Alors le côté brasserie, pour un buraliste, c’est une façon de tenir son
rôle de premier commerce de proximité, pas seulement dans les chiffres,
mais dans la vie de son quartier – et
un moyen de boucler les comptes à
la fin du mois… »
Gérard Bohélay défend depuis des
années cette vision de son réseau,
bien loin de la peinture sinistre que
nous en font régulièrement médias
et ministres. « Les buralistes sont
malheureusement une proie facile
pour certains parlementaires en
manque de reconnaissance… Taper
sur notre réseau, c’est s’attirer à coup
à peu près sûr les faveurs de la presse.
Mais quand on y regarde de plus
près, on voit que beaucoup de buralistes sont des acteurs majeurs de la
vie de leur quartier. Quand je dis
ça, je ne pense pas au tabac : vendre
des cigarettes n’est pas une fin en soi.
Mais la brasserie, le comptoir et sa
célèbre philosophie… Ça, c’est toute
une ambiance, qui passe forcément
Comme la plupart des patrons de
bar-tabac parisiens, les racines de M.
Lebrave sont ailleurs, dans l’Aveyron précisément. « Les Aveyronnais
et les cafés parisiens, c’est toute une
histoire, commence-t-il, rigolard.
Depuis la fin du XIXe, la région
fournit Paris en patrons de bar-tabac ! » À l’époque, les Aveyronnais
ne sont pas arrivés les mains vides,
question de politesse. Dans leurs valises, ils ont apporté toute la panoplie
de leurs spécialités régionales…
Aujourd’hui, magret, foie gras, aligot et autres truffades se disputent la
carte du Gallia. « Je ne crois pas aux
cartes pléthoriques. Un menu trop
rempli, ça cache toujours quelque
chose, nous confie-t-il, songeur. Mais
il y a une chose sur laquelle je ne
Jean-Pierre Lebrave
CIGALE 47 13
ENQUÊTE
transige pas, c’est la qualité de mes
produits : uniquement du frais, et
des producteurs que je connais. Ma
viande d’Aubrac vient de la maison
Conquet (voir encadré), une référence en la matière ; mes fromages
de chèvre, de chez un petit producteur du Poitou. Pour mes vins,
un ami œnologue me conseille, on
goûte ensemble, avec quelques copains et si ça nous plaît, je l’ajoute à
ma sélection. »
Gérard Bohélay ne s’y est pas trompé : Jean-Pierre Lebrave est le parfait
exemple de ces bougnats qui alimentent Paris en produits de qualité
et le Gallia, une de ces innombrables
tables qui ouvrent la capitale aux
producteurs régionaux. « Ce choix
que j’ai fait de ne me fournir que
chez des artisans me permet de me
différencier, ce qui est très impor-
La carte des vins du Gallia
Lucien Conquet
TROIS QUESTIONS À LUCIEN CONQUET,
MAISON CONQUET, LAGUIOLE (AVEYRON)
Comment vos produits se sont-ils retrouvés à Paris ?
Paris regorge d’Auvergnats. A une époque, les trois quarts des brasseries parisiennes étaient tenus par des gens de la région. Alors dans la tête d’un Auvergnat, Paris, c’est peut-être loin en kilomètres, mais le chemin est ouvert depuis
si longtemps qu’il y a comme une grosse route toute droite qui y mène en un
rien de temps ! Aujourd’hui, expédier à Paris, c’est presque une tradition : on
fournit plus Paris que les villes des départements voisins !
Qu’est-ce qui pousse les restaurateurs parisiens à faire appel à vous ?
D’abord des produits de qualité : la maison Conquet ravitaille les Parisiens
depuis plusieurs générations. Et puis les scandales alimentaires ont poussé les
gens vers plus de traçabilité : en tant qu’artisans bouchers-charcutiers, c’est une
garantie que nous fournissons. Pour la viande par exemple, nous ne proposons
que de la viande d’Aubrac, qui est une référence chez les amateurs. En faisant
appel à nous, les restaurateurs savent que la qualité sera là.
Que représentent les circuits parisiens dans votre production ?
Nous travaillons avec beaucoup de restaurateurs, plus quelques bouchers et
quelques épiceries fines : au total, Paris représente 50% de notre activité.
14 CIGALE 47
tant dans notre profession. Et puis je
dois dire qu’à mon avis, la cuisine, ce
n’est pas seulement ce qu’il y a dans
l’assiette : c’est une façon d’accueillir les gens. Si on veut faire dans la
convivialité et qu’on sert du surgelé,
on voit bien que ça coince. La cuisine
aveyronnaise, c’est une cuisine chaleureuse, généreuse. Derrière chaque
produit, il y a une histoire qu’il faut
raconter. Et ça, parler avec les clients
pour leur conseiller tel plat, tel vin,
tenir en fait son rôle de commerçant,
ça, c’est le métier comme avant. »
LE CONTACT
HUMAIN
Aveyronnais ou autre, des hommes
de terroir comme Jean-Pierre Lebrave, il en existe des centaines à Paris, avec chacun son carnet d’adresses
et ses produits confidentiels. C’est
le Paris du bouche-à-oreille : vous
travaillez avec un boucher, il vous
conseille le jus de pomme de son
beau-frère ; vous connaissez un
poissonnier, il vous présente un ami
viticulteur. Et ce n’est pas neutre.
Cela veut dire que cette fameuse
ambiance dont Gérard Bohélay et
Jean-Pierre Lebrave nous parlaient
n’est pas l’apanage du restaurateur
et de son client : elle existe déjà à
ENQUÊTE
l’échelon du dessus, lorsque le détaillant va chercher ses produits chez le
producteur.
« Nos métiers sont des métiers de
contacts humains, affirme Philippe
Olivier, président de la fédération
des crémiers-fromagers (Fédération Nationale des Détaillants en
Produits Laitiers). Connaître ses
producteurs, c’est la seule façon de
dénicher le produit vraiment exceptionnel, celui derrière lequel tout le
monde court. Moi, mes fournisseurs,
je ne les appelle pas seulement quand
il y a un problème de livraison. Passer un coup de fil de temps en temps,
juste pour prendre des nouvelles,
c’est comme ça que je conçois le
métier. Au fil du temps, l’immense
majorité de mes relations professionnelles sont devenues des relations
amicales. Le contact humain, c’est le
secret de nos métiers. Il m’est arrivé
de demander des fromages spéciaux
à des producteurs, avec des formes
particulières, des tailles bien précises… Avec certains producteurs,
nous avons ressorti des recettes de
fromages disparus. Et si j’ai pu monter ça avec eux, c’est parce que je les
connaissais, qu’on s’entendait bien,
Les fromages de Jean-Pierre Lebrave
Le comptoir du Gallia
qu’on se faisait confiance. Alors je
vais grossir un peu le trait : le contact
humain est un vrai savoir-faire.
Ça vaut pour nos relations avec les
clients, ça vaut aussi pour nos relations avec nos fournisseurs. »
Derrière les mots de Philippe Olivier, on voit se profiler un réseau
d’une incroyable densité, comme une
gigantesque toile, faite de détaillants
et de producteurs. D’un côté c’est
Paris, et de l’autre la France… Et
ce réseau a ceci de particulier qu’en
dépit des tonnes de marchandise
qu’il voit défiler chaque semaine,
en dépit du poids économique qu’il
représente, il fonctionne à la parole,
à l’amitié, à la confiance. Dans ces
circuits, les contrats d’exclusivité se
résument à une poignée de main ;
les négociations se font autour d’un
verre. La paperasse n’a pas cours – la
qualité a-t-elle jamais été affaire de
paperasse ?
LA GRANDE
DISTRIBUTION,
UNE MENACE ?
Face à ce réseau, il en est un autre
aux méthodes radicalement différentes, c’est celui de la grande distribution. Ses arguments sont simples
et – entend-on trop souvent – imparables. Notre enquête ne pouvait
faire l’impasse sur ce sujet.
« Le véritable problème lorsqu’on
parle de la grande distribution, nous
répond Philippe Olivier, c’est que
l’on compare des choses qui ne sont
pas comparables. Rapprocher un
camembert industriel d’un camembert artisanal n’a aucun sens : ce ne
sont pas les mêmes fromages. L’un
demande un certain temps d’affinage et un lait d’excellente qualité, le
second est une pâte de fromage que
l’on passe dans une machine et qui,
deux heures plus tard, a l’apparence
d’un camembert. Les comparer est
absurde, il n’y a qu’à goûter : ce sont
CIGALE 47 15
ENQUÊTE
deux fromages différents, un point
c’est tout. Nous, nous faisons des fromages avec des goûts pas nécessairement forts – mais prononcés. Alors
après, c’est une question de goût, et
tous les goûts sont dans la nature,
c’est connu… »
Philippe Olivier parle de la grande
distribution avec le flegme du
connaisseur qui en a vu d’autres :
pour lui, commerces indépendants
et grandes enseignes ne chassent
pas sur les mêmes terres. « Je vais
même aller plus loin. Est-ce que
vous avez déjà essayé de comparer,
en termes de prix je veux dire, un
camembert artisanal acheté chez
le fromager du coin de la rue et le
meilleur camembert que la grande
distribution puisse offrir ? C’est assez amusant : ce camembert-là affiche le même prix que le camembert artisanal que l’on trouve dans
nos crémeries-fromageries, voire
même un peu plus ! »
Convaincu comme tout un chacun
que les prix pratiqués par la grande
distribution sont imbattables, mais
La Fromagerie d’Auteuil, dans le 16e
pourtant intrigué par l’assurance
du président des crémiers fromagers, nous avons suivi son conseil
et découvert, non sans surprise,
qu’effectivement, à produit à peu
près égal, il revenait plutôt moins
cher de se fournir chez les petits
commerçants. Saviez-vous qu’un
steak haché de haute qualité, en
La Maison Conquet
16 CIGALE 47
grande distribution, valait le même
prix qu’un steak haché de boucher,
pourtant nettement plus savoureux ? Il faut croire que tout est
question de communication : l’argument est de taille…
LE DÉFI
DE LA TRAÇABILITÉ
Aujourd’hui, les circuits courts
ont la cote et les petits détaillants,
le vent en poupe. Du scandale de
la vache folle dont nous parlait
Lucien Conquet aux lasagnes de
cheval du début de l’année, les
consommateurs se méfient. Ils
veulent savoir ce qu’ils mangent ;
qu’on leur explique, les yeux dans
les yeux, d’où viennent leur entrecôte, leur dos de saumon et leurs
pommes de terre. La traçabilité est
devenue un enjeu majeur que les
détaillants de tout poil ont relevé
aisément. La grande distribution
en revanche a une particularité,
c’est d’être grande, justement.
Trop grande, même. Au jeu de la
traçabilité, elle a perdu d’avance.
« Je travaille pour l’Union Nationale de la Poissonnerie Française,
commence Patrice Marie-Surelly.
ENQUÊTE
Ce qu’on note dans la poissonnerie, c’est que les gens viennent chez
nous pour avoir un conseil, pour
qu’on leur explique d’où viennent
les produits, comment ils ont été
pêchés, comment on les prépare…
Ça, dans la grande distribution,
c’est quelque chose d’impensable :
vous imaginez si à chaque rayon,
il fallait un vendeur spécialisé ? On
n’en sortirait plus ! Le principe de
la grande distribution, c’est la réduction des coûts pour augmenter
les marges. On fait dans le grand.
C’est l’inverse de la poissonnerie
artisanale, qui cherche avant tout
le produit d’exception. Le saumon
par exemple : en grande distribution, vous trouverez généralement
du saumon d’élevage norvégien.
1,2 tonne produite en 2012, un
produit « tout-venant » de qualité
honorable. Chez un poissonnier,
ce sera du saumon d’Écosse Label
Rouge, introuvable en grande distribution à cause de son prix et
parce qu’il demande un travail de
préparation trop long – et pourtant
le goût s’en ressent ! Idem pour les
crevettes bleues ou le cœur de thon
L’écume Saint-Honoré, dans le 1er
blanc… Ou le Skrei par exemple,
une espèce de cabillaud qu’on commercialise depuis quelque temps :
c’est un poisson délicieux, une
espèce de cabillaud au goût particulièrement délicat. Forcément, le
prix est en conséquence : la grande
distribution ne peut pas suivre.
Et puis, il faut dire que le Skrei
arrive entier ! Il n’y a qu’un poissonnier pour savoir découper ça ! »
De cette conversation avec Patrice
Marie-Surelly, on retiendra que
le réseau des artisans poissonniers
offre une variété et une qualité que
la grande distribution ne peut pas
concurrencer. On en profitera également pour saluer son fair-play
au sujet du saumon d’élevage norvégien de la grande distribution,
puisqu’il a très élégamment omis
de préciser que manger de ce poisson plus de deux fois par semaine
présenterait pour l’organisme des
risques suffisamment élevés pour
faire l’objet d’une recommandation officielle de son pays d’origine
(source : rue89) ! Mais revenons à
des choses plus légères…
LE RESPECT
DES PRODUITS
Ils sont nombreux, les producteurs
boudés par la grande distribution
faute de produire en quantités suffisantes. Mais retournons le problème
en demandant son avis à l’Union
Nationale des Syndicats de Détaillants en Fruits, Légumes et Primeurs : « Le propre des petits producteurs de fruits et légumes, c’est
l’attention très particulière qu’ils
portent à leurs produits. Pour les
fruits par exemple, ils font un travail
formidable sur le taux de sucre – ni
trop, ni pas assez ; sur la façon de les
cultiver sans les gorger d’engrais…
Forcément, le goût s’en ressent.
Le marché du boulevard Charonne
CIGALE 47 17
ENQUÊTE
Le marché du boulevard Charonne
Il y a un vrai savoir-faire. Alors ces
producteurs sont certes trop petits
pour intéresser la grande distribution, mais ce qu’on constate, c’est
que ceux qui pourraient travailler
avec les centrales d’achat, quand ils
ont le choix, préfèrent ne pas le faire.
D’abord parce que la politique de
prix des centrales d’achat n’est pas
à leur avantage, ce qui est quand
même important ! Ensuite, parce
qu’avec un primeur il y a une discussion possible, un respect du produit
et du travail bien fait. Ce contact humain entre producteurs et primeurs
est quelque chose d’essentiel : c’est en
fait ce qui garantit la qualité pour le
consommateur final. »
Nous noterons au passage que cette
façon de penser n’est pas sans rappeler les mots d’un fromager qui
figure ce mois-ci dans notre rubrique
Ruban Bleu, M. Maret (voir p.42) : il
nous expliquait que de plus en plus
de jeunes agriculteurs, plutôt que
de vendre leur lait à pasteuriser à
la grande distribution, préféraient
se lancer dans la production de fromages. Leurs marges n’en sont que
plus élevées et leur produit, mieux
apprécié…
Arrivé au terme de cette enquête
– dont nous espérons qu’elle aura
18 CIGALE 47
intéressé le lecteur – nous résumerons notre propos en professant qu’à
miser sur les commerces de proximité, commerçants, producteurs et
consommateurs : tous sont gagnants ;
qu’à tabler sur les circuits courts, on
garantit non seulement la vitalité
économique, mais aussi le respect du
travail bien fait et bien sûr, la variété
gastronomique…
Nous laissons désormais la parole
à Jean Lapoujade, notre expert ès
vins, pour un mot sur ce marché
particulier et une de ces conclusions
gaillardes dont il a le secret, entre
produits du terroir et petit verre au
comptoir – à la vôtre !
LES CAVES
SE REBIFFENT !
Nos ancêtres consommaient le vin
comme un substitut alimentaire désaltérant et ingurgitaient à foison des
litres de rouge épais qui leur donnait
de la force à l’ouvrage, du cœur au
ventre et la lippe vagabonde. Même
dans les cantines scolaires, le quart
de vin avait droit de cité. Fort de
cette consommation conséquente,
le viticulteur pouvait faire pisser sa
vigne sans souci de qualité, sa production était toujours vendue. Il ne
craignait que le phylloxéra et le mil-
diou. Aujourd’hui, la morosité de
nos estomacs délicats ne supporterait
plus ces jajas d’autrefois.
Mais d’une extrémité à l’autre, le
vin est souvent devenu un nectar
précieux que le consommateur se
doit de payer un bon prix avant de
le glouglouter en prenant des airs
inspirés, tout en débitant entre deux
lampées un jargon technico-œnologique bien senti.
Cette nouvelle consommation a créé
de nouveaux marchés : les intermédiaires se multiplient entre le viticulteur et le consommateur. Grossistes,
négociants, chaînes de cavistes ou
pire, acheteurs de la grande distribution ont verrouillé la filière. Pour
survivre, les producteurs doivent
rentrer dans cette boucle strangulatoire, même si quelques vacanciers
en goguette leur donnent encore un
peu d’oxygène en s’arrêtant déguster
dans leur domaine.
Depuis quelques années, le vin
retrouve un certain allant sur les
comptoirs parisiens. Le petit canon
de rouge et de blanc fait fureur à
l’heure apéritive et détrône peu à
Jean Lapoujade
ENQUÊTE
peu les sempiternels laxatifs anglosaxons. À l’origine de ce phénomène, les bougnats auvergnats qui
monopolisaient la vente de charbon
dans la capitale jusque dans les années 50. Après la Deuxième Guerre
mondiale, ce commerce fructueux
tomba sur un bec… de gaz. Pour
redonner vie à leurs échoppes, nos
bougnats les convertirent peu à peu
en bistrots à vin, n’hésitant pas à
descendre dans les vignobles pour
trouver des petits producteurs de
qualité dans des appellations moins
connues que Bordeaux ou Bourgogne. Ils gardaient jalousement
leurs adresses vineuses, mettant
eux-mêmes le vin en bouteille et es-
tampillant le flacon d’une étiquette
au nom de leur établissement.
Il fallut attendre les années 70
pour voir les premiers viticulteurs
tenter l’aventure inverse et monter à la capitale. Dans le sillage de
Roger Thévenet (voir encadré), ces
hommes de la terre quittèrent leur
terroir pour battre le pavé parisien
et proposer leur production dans les
bar-tabac, brasseries, cafés, bistrots
à vin et autres estaminets de bon
aloi qui constituent aujourd’hui
un marché non négligeable pour la
survie de leur profession.
Le vin, souvent ringardisé dans
l’esprit du grand public, retrouva
peu à peu une dimension gastrono-
mique à laquelle on ajouta celles du
plaisir et du partage. Bien entendu,
la grande distribution, sentant un
marché juteux, voulut se mêler à la
fête. Heureusement, dans le sillage
de tradition du Vin, association
qui décerne chaque année la Bouteille d’Or au « Meilleur Bistrot
à vin » (cette année, « Le Bistrot
d’à côté », 16 rue Lalande, dans le
14e), la notion de vin de propriété
s’installa dans la tête et les papilles
du consommateur. Conscients de
l’opportunité de ce mode de distribution, les vins de Blaye, Chinon
ou Juliénas n’ont pas hésité à organiser des journées dédiées à leurs
appellations au cours desquelles les
viticulteurs montent ensemble à la
capitale avant de s’éparpiller dans
tous ces établissements à la rencontre des consommateurs.
Quel plaisir de pouvoir s’accouder
à un comptoir à n’importe quelle
heure de la journée en compagnie d’un hydrophobe distingué,
d’un œnophile crapuleux ou d’un
habitué au nez fleuri pour y déguster un ou deux verres de vin issu
de nos terroirs de France. Avec
quelques rondelles d’une saucisse
d’Auvergne ou un Saint-Nectaire
au lait cru, la vie prend tout de
suite un sens plus émoustillant…
TROIS QUESTIONS À : ROGER THÉVENET,
DOMAINE DU PETIT PÉROU, MORGON
Roger, vous avez été l’un des
premiers à monter à Paris.
Racontez-nous l’origine de
cette démarche.
C’était dans les années 70. Je voyais
depuis quelques années des propriétaires de bistrots venir chez moi et
m’acheter des fûts entiers. Peu à peu,
j’ai sympathisé avec certains d’entre
eux, notamment Cathy et Daniel
Vidalenc qui tenaient « Le Réveil du
10e ». Ce sont eux qui m’ont invité à
venir les voir sur Paris et qui m’ont
présenté à de nombreux confrères.
Aujourd’hui, combien servezvous de clients parisiens ?
Entre 120 et 130, tous des débits de
boisson.
Et quelle proportion de votre
production écoulez-vous ainsi ?
Près de 50%, ce qui n’est pas rien !
Roger Thévenet
CIGALE 47 19
7 > 1O
NOV 2O13
CARROUSEL
DU LOUVRE
PARIS
THÈME 2O13 :
PATRIMOINE ET TERRITOIRES
www.patrimoineculturel.com
20 CIGALE 46
Théâtre
ART & CULTURE
OMBRE ET LUMIÈRE
Moi, Caravage
par Marie Beauquet
T
out commence par un chant, une longue complainte italienne qui nous hante jusqu’à la scène
finale. Mais autant que vous le sachiez d’emblée, la pièce débute par un Caravage déjà mort.
Même mort, il n’est que bruit, tumulte et agitation. À l’image de sa vie, dont il est question dans
cette pièce. Les thèmes qui ont dirigé l’œuvre de Caravage, de son vrai nom Michelangelo Merisi, sont tous là, adroitement mis en scène : la rébellion contre ses maîtres et contre le carcan
ecclésiastique, la sensualité à tout prix, la fascination pour la décapitation. Le décor, subtilement
dépouillé, est semblable au peintre : il ne vit que par la force du clair-obscur. On ne résiste pas
longtemps à ce regard fou, ces cheveux indomptés, et ce tumulte créatif. Accompagné par Laetitia Favart qui incarne les hommes et les femmes de la vie du peintre, l’italien Cesare Capitani
donne corps et fougue au Caravage tel que Dominique Fernandez l’avait imaginé dans son roman
La Course à l’abîme. Si la pièce s’appelle Moi, Caravage, Capitani peut se proclamer lui, le Génie.
Petit conseil : pour apprécier encore plus la pièce, une petite revue de ses œuvres principales n’est pas superflue.
Moi, Caravage – Théâtre des Mathurins, 36 rue des Mathurins - Paris 8e
Du mardi au dimanche à 19h, le week-end à 15h30
Théâtre
IGALE
BON PLAN C
POUR 2
10 INVITATIONS
ER
À GAGN
EMAG.COM,
SUR WWW.CIGAL TIONS
VI
RUBRIQUE IN TA
MET
IC MÉTAYER AU SOM
ÉR
Le train fantôme
par Alexis Sainte Marie
A
près le triomphe des « 39 Marches », il serait faux de dire qu’on attendait Eric Métayer au tournant.
Au contraire, on trépignait d’impatience de découvrir sa nouvelle pièce. Bienvenue dans Le train
fantôme, adaptation de Dracula à la sauce Métayer ! Alors comment dire tout le bien qu’on en pense ?
Commençons par la mise en scène, puisque c’est la marque de fabrique du maître. À elle seule, elle
suffit à justifier le spectacle : chaque nouvelle innovation scénique – et il y en a beaucoup, beaucoup,
beaucoup – déclenche instantanément l’hilarité de la salle. Avec ça, un jeu d’acteurs au cordeau, mené
tambour battant (une franche engueulade à deux voix notamment, jouée par une seule actrice, aussi
brillante que drôle) et des dialogues particulièrement comiques. Arrive-t-on au niveau des 39 Marches ?
C’est qu’Eric Métayer avait mis la barre haut. En ce qui nous concerne, nous avions adoré sa précédente
pièce. Le temps aidant, il semble qu’elle soit devenue à peu près indétrônable dans notre souvenir, la question ne se pose
donc plus. Courez malgré tout voir Le train fantôme. En entrant dans la salle, les ouvreurs, se prenant au jeu, nous ont souhaité
une soirée « terrifiante », « moche », puis finalement « horrible ». C’est raté : on a passé une soirée fantastique.
Théâtre de la Gaîté Montparnasse – 26, rue de la Gaîté - Paris 14e
Mardi, Mercredi, Jeudi, Vendredi, Samedi à 21h, Samedi à 16h30, Dimanche à 15h
Théâtre
IGALE
BON PLAN C
E
TÉLÉPHONE DE FOLI
Aphone
POUR 2
10 INVITATIONS
À GAGNER
EMAG.COM,
SUR WWW.CIGAL TIONS
RUBRIQUE INVITA
par Alexis Sainte Marie
L
’aphone est le dernier gadget à la mode, le nec plus ultra de la technologie qui va changer votre vie –
peut-être même plus que vous ne l’auriez voulu ! Car l’aphone ne vous permet pas seulement de téléphoner : il téléphone pour vous. Imaginez un monde d’où tout coup de fil rasoir serait banni : c’est l’aphone,
seul téléphone capable de se brancher sur votre cerveau et de tailler une bavette à votre place. Voila la
trame alléchante du spectacle de Jérémy Manesse. Une fois cette trame posée, accrochez-vous, ça part
dans tous les sens : rien d’étonnant, on est au Café de la Gare, théâtre mythique qui a su rester fidèle aux
folies de sa jeunesse, quand Coluche, plutôt que de hanter ses murs, les faisait trembler à grands coups
de vannes. Si vous ne connaissez pas, allez-y – et si vous connaissez aussi, d’ailleurs. Le Café de la Gare,
c’est un endroit où tout est permis. Une scène sur laquelle les acteurs ont le droit de s’amuser autant que la salle. Des pièces
dans lesquelles les plus loufoques énormités font rire comme des gamins le plus sérieux des publics. « Aphone » est fidèle à
l’esprit du lieu : plein d’énergie et d’excentricité. On en sort ravi, un peu perdu aussi mais qu’importe : pendant une heure et
demi, on a rigolé. Comme des gamins. Et c’était bien.
Café de la Gare – 41 rue du Temple - Paris 4e - Samedi et Dimanche à 18h, Lundi à 20h
CIGALE 47 21
ARTISANAT
ERRES
ÉCOLE OLIVIER DE S
L’intelligence de la main
L’École Olivier de Serres, autrement dit,
L’École Nationale Supérieure des Arts
Appliqués et des Métiers d’Art (ENSAAMA)
est issue de l’École des Arts Appliqués
à l’industrie (1922), et de l’École
des Métiers d’Art (1941). Sous le magistère
de sa Directrice Marie-José Mascioni,
les 710 heureux élus alternent sculpture,
décor mural, céramique, architecture
d’intérieure, esthétique industrielle
et joie de vivre.
par Arsène Corvec
Photos : Nicolas Schiffmacher
L
’École Olivier de Serres a
une âme. Celle-ci s’appelle
Marie-José Mascioni qui
accompagne davantage qu’elle ne
« dirige » ses élèves. D’ailleurs, ceuxci n’ont besoin que d’être encadrés. Ils
le sont par les meilleurs professionnels
22 CIGALE 47
dans leur catégorie. Fred Barnley est
en charge de la création sur métaux :
l’orfèvrerie et l’horlogerie. Lui-même
est un artiste accompli qui expose à
New-York. Pascal Geoffroy ne quitte
son atelier du Larzac que pour son
cours de céramique. Sophie Clercy
et François Paturange initient leurs
troupes aux matériaux de synthèse
tandis que le domaine fresques-mo-
saïques est tenu par Edwige et Sabine.
Plus étonnant est le concept développé
par le Maître Choï, la composition
graphique et volumes. Cette liste non
exhaustive – n’oublions pas les cours
d’expression française, de maths et de
physique – est un gage d’épanouissement pour ceux et celles qui ont
choisi d’emprunter le chemin difficile
des Métiers d’Art d’Olivier de Serres
où les maisons de luxe puisent abondamment ; ainsi que la firme Renault
avide de concepteurs de prototypes
en design.
Maire-José Mascioni, en ambassadrice
d’Olivier de Serres, loue et promeut
« le génie français, cette notion très
abstraite, qui s’épanouit chez nous et
s’exporte aux 4 coins du monde. Nous
y perpétuons aussi de vieilles sciences
oubliées comme la laque. Au point
que des Chinois viennent chez nous
retrouver les secrets de leur propre
héritage. » En parcourant les couloirs de l’établissement, refait à neuf,
la maturité des sujets d’étude laisse
pantois. La bohème désordonnée
ARTISANAT
qui y règne est illusoire car l’enseignement est rigoureux. « Dans notre
école, les élèves sont tellement pris par
leur passion qu’il faut les mettre à la
porte le soir » explique la Directrice
en souriant. « Nous sommes, dans la
grande tradition des Écoles d’arts appliqués (Boulle, Estienne et Duperré)
des « accoucheurs de talents ». Pour
atteindre cette ambition, les meilleurs équipements, locaux et matières
sont mis à disposition. « Nous avons
chaque année des milliers de postulants pour quelques 700 places. Les
plus motivés des post-bac, ceux chez
qui nous décelons un potentiel, sont les
heureux élus de notre jury ». D’autant
plus heureux qu’Olivier de Serres est,
malgré son élitisme légitime, un établissement public, donc gratuit… Un
peu comme si les ateliers Rolls-Royce
mettaient leurs ateliers et leurs experts
à la disposition d’apprentis mécano
qui voudraient tâter de la bielle ou de
l’arbre à cames.
On ne dira pas que les élèves d’Olivier de Serres sont des « apprentis
mécano » mais Marie- José Mascioni
s’inscrit dans le sillage de Gérard
Desquand (voir Cigale N°45) et préconise, elle aussi, l’instauration de
diplômes de 3e cycle – en lieu et place
d’un simple BTS – véritables passeports pour l’international où, comme
l’on sait, la touche française bénéficie
toujours de ce prestige – fondé – qui
repose sur l’extrême professionnalisation de nos compatriotes lorsque
ceux-ci exercent dans les techniques
de pointe. Mieux encore, Olivier de
Serres développe des techniques et
des Arts pratiquement invisibles ailleurs dans le monde. D’où l’extrême
urgence pour les Pouvoirs Publics
de prendre à cœur cette préoccupation. « Gérard Desquand est un
défricheur, un pionnier » dit-elle « Il
ne bataille pas pour lui mais pour le
rayonnement français en termes de
métiers d’art et pour l’économie qui
en découle. Nos domaines ne sont pas
des « niches » confidentielles mais de
véritables mines. » Des mines d’or et
de talents qui motivent les partenaires
institutionnels. Delsey, Thompson,
Décathlon, Mitsubishi, Peugeot et
d’autres encore soignent ce vivier où
l’on prélèvera les « perles rares » pour
mieux les polir, les dégrossir et les
amener jusqu’à maturité. La « patte »
Olivier de Serres est reconnaissable
entre toutes (comme, dans leurs domaines respectifs, Duperré, Estienne
et Boulle) : l’intelligence, plus la main.
ENSAAMA - Olivier de Serres
63, rue Olivier de Serres - Paris 15e
M° Convention
Tél. : 01 53 68 16 90
Fax : 01 53 68 16 99
www.ensaama.net
CIGALE 47 23
ARTISANAT
ARTS & CITÉS
L’œil, la main et l’idée
La plupart de nos monuments sont
issus de la collaboration entre artistes,
artisans et ingénieurs. Le projet « Arts
et Cités » entend remettre cet esprit au
goût du jour en réunissant des étudiants
de filières techniques, artistiques et
généralistes, autour de projets dont, de
fait, ils maîtriseront toutes les phases de
réalisation…
par Alexis Sainte Marie
Photos : Nicolas Schiffmacher /DR
I
l faut dégraisser le mammouth ».
Ces mots prononcés par Claude
Allègre quelques jours seulement après son arrivée à la tête du
Ministère de l’Éducation nationale lui
avaient valu la haine tenace des professeurs… L’enseignement, véritable
citadelle assiégée à la française alors
même que Bruxelles tente désespé24 CIGALE 47
rément d’uniformiser les diplômes
européens, n’en finit pas d’échauffer
les esprits – et pas seulement dans les
cursus généralistes…
RÉUNIR LES FILIÈRES
Alors faut-il dégraisser le mammouth ? À cette question dangereuse,
nous préférerons celle-ci : dans le
fond, qu’est-ce qu’un mammouth ?
Un pachyderme anachronique. Un
gigantesque machin tout de poils
emmêlés et de lourdeur pataude,
disparu quelques milliers d’années
avant notre ère. Les poils en moins,
cette définition n’est pas sans rappeler certaines institutions françaises
qui portent leur lourdeur comme un
symbole d’efficacité et leur anachronisme comme l’emblème du respect
des traditions.
L’enseignement est de ces institutions,
indéniablement, et le pire anachronisme qu’elle commette, c’est sans
doute cette dichotomie entre formations dites intellectuelles et manuelles
– dichotomie d’autant plus grave
qu’elle a tendance à franchement
favoriser les premières au détriment
des secondes…
Or formations techniques et formations généralistes, bien loin d’être
concurrentes, sont complémentaires.
Combien d’œuvres n’auraient jamais
vu le jour sans l’étroite collaboration
d’artistes, d’artisans et d’ingénieurs ?
On pense ici à bon nombre de nos monuments, Arc de Triomphe, Château
ARTISANAT
de Versailles ou Pyramide du Louvre
entre autres, qui n’auraient jamais vu
le jour sans le travail conjoint de ces
trois catégories de personnes.
Et c’est là que le système tel qu’il
existe apparaît dépassé, car aujourd’hui, chaque filière est parfaitement cloisonnée. Et si l’on reprend
ce trio, pourtant gagnant, de l’artiste,
l’artisan et l’ingénieur, il est flagrant
de voir combien les formations actuelles les poussent à travailler chacun
dans leur coin, sans la moindre passerelle entre eux, alors même que leur
carrière amènera forcément les élèves
qui suivent ces formations à travailler
ensemble. C’est pour remédier à ce
triste état de choses que Gérard Desquand et Alain Derey ont imaginé le
projet « Arts et Cités », un concours
qui rassemblera des élèves de filières
différentes à travailler ensemble au
cours de l’année scolaire 2013-2014.
s’affirmer, chacun dans sa spécificité.
« Pour ce projet coordonné par l’Institut National des Métiers d’Art,
explique Gérard Desquand, nous
avons réuni des écoles d’arts appliqués
comme Boulle, Duperré, Estienne
ou Olivier de Serres, mais également
l’École nationale supérieure d’architecture de Marne-la-Vallée, les BeauxArts de Bretagne ou l’École des Ingénieurs de la Ville de Paris. Le but, c’est
que les élèves aient accès à d’autres
horizons, qu’il n’y ait pas ce cloisonnement idiot entre les filières. Ça ne veut
pas dire que l’artisan va devenir ingénieur ou l’ingénieur artisan : ça veut
dire que lorsqu’un ingénieur imagine
quelque chose, c’est l’artisan qui le réalise ; que lorsque l’artisan a une idée,
c’est l’ingénieur qui la rend possible. »
Faire se rencontrer ces jeunes, c’est
affirmer que l’artisan n’est pas qu’une
« petite main », tout comme l’ingénieur n’est pas qu’une machine à
calculer ou l’artiste, un pur esprit
conceptuel. C’est reconnaître la légitimité de chacun à s’intéresser au travail de l’autre et faciliter des échanges
qui viennent servir la réalisation
commune. « Arts et Cités » vient
ainsi illustrer la complémentarité
des savoir-faire, aussi bien artistiques
qu’artisanaux ou techniques.
« 
Ce programme est d’autant
plus important, continue Gérard
Desquand, qu’il y a l’envie chez
les élèves de s’ouvrir sur ces autres
formations. Le système actuel est
verrouillé, mais les jeunes, eux, ont
soif d’échanges entre filières. Le but
de notre projet, c’est de combler ce
manque en créant des passerelles
autour d’un concours commun. »
UN TRAVAIL
D’ÉQUIPE
Car une fois les écoles réunies, il a fallu
imaginer le projet autour duquel elles
DES ÉCOLES
PARTENAIRES
Alain Derey est directeur de l’École
d’architecture de la Ville et des Territoires de Marne-la-Vallée, ancien directeur de la prestigieuse Villa Arson,
et à l’origine docteur en philosophie
– Gérard Desquand, graveur héraldiste, Maître d’Art, président de l’Institut national des Métiers d’Art et professeur à l’école Estienne. L’ambition
de leur projet, c’est donc de créer des
passerelles entre différentes filières et
différentes écoles, de les réunir autour
d’un projet commun qui doit permettre à tous ces talents de pleinement
CIGALE 47 25
ARTISANAT
allaient pouvoir collaborer tout en
faisant valoir leur savoir-faire particulier : c’est sous la forme d’un prix que
le programme « Arts et Cités » se lancera dès le mois de décembre. Et pas
un prix qui verrait s’opposer les écoles
entre elles… « Surtout pas, s’amuse
Alain Derey : cela, c’est précisément ce
que l’on combat ! » Non, pour « Arts
et Cités », les groupes en compétition
seront composés d’élèves des différentes écoles, chargés de conceptualiser et de réaliser un projet de leur
choix dans le domaine de l’espace public. « Et puisque chaque groupe maîtrisera l’ensemble des compétences
demandées, continue Alain Derey, ils
seront en mesure de le réaliser d’un
bout à l’autre. Prenons un exemple : si
un groupe choisissait de fabriquer, je
ne sais pas… un lampadaire, disons :
les élèves des Beaux-Arts le dessineront, les artisans le réaliseront et les
ingénieurs s’occuperont de le faire
fonctionner. Mais ce qui sera intéressant, c’est que les élèves ne pourront
26 CIGALE 47
pas réaliser leur partie chacun dans
leur coin : ils seront obligés d’échanger
et d’avoir en tête les trois étapes de la
réalisation lorsqu’ils y ajouteront leurs
compétences, vous comprenez ? Ce
qui signifie qu’au-delà de la satisfaction d’utiliser leurs compétences pour
mener à bien un projet commun, ce
que ces élèves vont découvrir, c’est
la richesse des savoir-faire de leurs
coéquipiers. De ces échanges vont, je
crois, naître des choses fabuleuses. »
Concrètement, ce projet prendra la
forme de deux ateliers intensifs d’une
semaine pour lesquels l’appel à candidatures débutera en décembre. Le
premier des ces ateliers, en févriermars 2014, permettra aux groupes de
définir leur projet selon des critères
à la fois esthétiques, économiques et
économiques ; et le second, six mois
plus tard, de le réaliser.
VERS UN NOUVEAU
DIPLÔME
Mais puisque ces échanges entre
filières coulent si parfaitement de
source, comment se fait-il qu’ils
n’existent pas depuis plus longtemps ?
« En fait, il en existe quelques-uns,
modère Gérard Desquand, dans cer-
ARTISANAT
taines écoles – mais si peu ! Et il y a
une explication simple à cela, qui est,
au fond, la vraie raison d’être de notre
projet : c’est qu’en France, le système
des diplômes est terriblement verrouillé. Vous savez comme, dans les
études généralistes, si par exemple
vous faites deux ans de prépa scientifique pour passer ensuite en fac d’histoire, il n’est pas certain que vous ayez
la moindre équivalence ? C’est pareil
dans les formations artistiques et artisanales. En pire. »
Ainsi, le concours « Arts et Cités »
a pour vocation de réunir les filières
autour d’un projet commun mais
même, à plus long terme, de légitimer la création un Diplôme National
Supérieur des Métiers d’Art unique
qui soit reconnu par l’ensemble des
écoles. Car on touche ici à un autre
problème du système : alors que les
filières généralistes visent à peu près
toutes le bac+5 – et plus encore depuis
la réforme LMD qui doit permettre
au système français de se caler sur les
standards européens – les formations
aux métiers d’art, elles, dépassent rarement les deux ans…
« Il y a quelque chose de presque
infâmant aujourd’hui à ne faire que
deux ans d’études post-bac, nous explique Gérard Desquand. On peut le
regretter, le fait est qu’il est anormal
qu’un élève qui souhaite continuer à
se perfectionner après son Diplôme
des Métiers d’Art en deux ans ne
puisse pas le faire… Ou du moins pas
en France, car ne nous leurrons pas :
des Français doctorants en métiers
d’art, il y en a – ils se sont simplement
expatriés dans des pays qui proposent
ce type de diplômes : l’Angleterre, les
pays scandinaves ! Vous me direz,
ça leur fait apprendre les langues…
Mais tout de même ! N’est-il pas désolant que ces jeunes ne puissent pas
se spécialiser en France, alors même
que nos savoir-faire artisanaux sont
une référence mondiale ? Le diplôme
que nous voulons créer doit pallier ce
manque, en formalisant une filière
complète de formation aux métiers
d’art, du bac+2 au bac+5, ce qui revient en fait à relever le niveau de ces
diplômes en s’alignant sur nos homologues européens. »
En mettant en lumière la collaboration entre les différentes filières et
en facilitant les passerelles, le projet
« Arts et Cités » invite en fait les étudiants à prendre leur avenir en main,
à faire bouger les choses ; en un mot,
à forcer la main de l’administration
pour réinventer leurs formations et
les métiers auxquels ils se préparent.
Artisans, artistes et ingénieurs vont
travailler ensemble : l’idée est fascinante, ne doutez pas que Cigale vous
en reparlera…
CIGALE 47 27
AT 2013
N
A
IS
T
R
A
’
L
E
D
S
T
N
A
TRESORS VIV
Prix du Public
Ça y est, l’édition
2013 des Trésors
Vivants de
l’Artisanat est
lancée et avec elle,
le « Prix du Public »
qui propose aux
internautes de voter
pour l’artisan
de leur choix.
par Françoise Lemoine
Photos : DR
28 CIGALE 47
J
usqu’au 15 octobre, il suffira
aux internautes de regarder une des vingt vidéos
de trois minutes sélectionnées par
des experts et de voter en ligne
pour conduire un « maestro » des
métiers d’art à devenir « Trésor
Vivant de l’Artisanat ». L’avantage
de ce vote ? On n’est, pour une fois,
jamais déçu de son choix !
UN VOTE
« COUP DE CŒUR »
Le vote du public récompensera
un artisan d’art sélectionné préalablement par le jury sur la base de
deux valeurs fondamentales : l’excellence de sa technique et la place
qu’occupe son entreprise dans le
patrimoine national qu’il convient
de protéger.
Indépendamment de ce vote « coup
de cœur » ouvert au public, le jury
des Trésors Vivants de l’Artisanat,
composé d’experts, de mécènes et
de journalistes spécialisés, récompensera, en toute indépendance,
trois artisans d’art majeurs dont
les noms seront révélés au cours du
Salon du Patrimoine Culturel qui
se tiendra au Carrousel du Louvre
en novembre 2013.
Ce trophée est une consécration
pour l’artiste car il met en valeur
non seulement le talent et la réussite professionnelle mais aussi le
rôle de « passeur de témoin » des
artisans qui tiennent à transmettre
Forum Francophone
des Affaires
ce dont ils sont les héritiers : une
technique…
DES MÉTIERS
À TRANSMETTRE
En votant par Internet, vous serez
donc dans l’esprit du jury : portraits de chaque artisan, vidéos
Haute Définition filmant l’atelier
en effervescence, note de synthèse
sur l’entreprise et son marché, etc.
Et côté « coup de cœur », vous risquez de devoir faire des choix en
découvrant des artistes indépendants que le monde entier nous
envie ! Mais qui, paradoxalement,
doivent se battre pour que l’État
préserve les programmes de formation qui assureront la transmission à de nouvelles générations.
Information complémentaire qui
donnera un sens encore plus grand
à votre vote ; derrière les vingt qualifiés, se cache une organisation
qui a reçu quatre cents dossiers de
candidature pour les Trophées. Et
au-delà de la sélection des profils
particulièrement adaptés à la philosophie originelle des Trophées,
le jury a pu constater la vitalité
des métiers courus par les élites du
monde entier malgré le patronyme
baroque des spécialités : gaufreur,
glypticien, plumassier, passementier… Un véritable microcosme,
en fait la crème de la crème des
métiers d’art, qui s’est pressée aux
portes du concours.
SOUTENEZ
L’ARTISANAT !
Car les Trophées servent aussi à
pointer du doigt une réalité : Depuis plusieurs décennies on a préféré le diplôme à la technique. Mais
les chiffres de Pôle Emploi restent
malheureusement sourds aux
sirènes du tout-diplômé et réper-
torient rarement des artisans d’art
dans leurs fichiers.
Pourquoi ? Parce que les artisans
d’art n’en finissent jamais de se former et que le marché français comme
le marché international assure des
commandes régulières et précieuses
à une grande partie des trente-quatre
mille artisans d’art français.
Aussi, en votant, comme près de
20 000 amateurs en 2012, vous
lancerez un signal fort aux institutions : les métiers d’art sont des
métiers vivants qui ouvrent des
perspectives à long terme pour
ceux qui s’y forment.
Les Trophées des Trésors Vivants
viennent ainsi, de façon professionnelle et ludique, mettre en
lumières les meilleurs artisans d’art
qui ont fait ce choix et permettent
aux Français, en surfant sur le
site avant de voter, de redécouvrir
l’incroyable richesse de plus de 200
différents métiers en naviguant
d’un artiste à l’autre.
Les votes sont ouverts
du 15 septembre au 15 octobre
sur le site tresorsvivants.com
Résultats annoncés le 16 octobre
et remise des prix le 7 novembre
au Salon du Patrimoine Culturel.
CIGALE 47 29
SPORT
BOXE
Champion spirit,
noble art et beaux quartiers
Le 50 Foch, comme son nom l’indique,
est situé sur la prestigieuse avenue où le
multiple champion Abdoulaye Fadiga initie
au noble art célébrités, anonymes motivés
et capitaines d’industrie.
par Sabine Corvec
Photos : Nicolas Schiffmacher
O
utre l’exclusivité du
concept Champion Spirit,
on notera la valeur ajoutée : les coachs comptabilisent à eux
seuls 29 titres nationaux et 16 titres
internationaux.
La clientèle ? Huiles du Cac 40
venues fondre, « people » discrets,
sportifs de haut niveau et « communicants » sulfureux constituent
30 CIGALE 47
l’essentiel des troupes d’Abdoulaye Fadiga, champion du Monde
de Boxe Thaï 2007 et sept fois
champion de France, avec 63 victoires sur 69 combats (!). Ce palmarès impressionnant vaut à ce
jeune homme accort d’entraîner
les Forces Spéciales d’Intervention
et d’assurer parfois la sécurité de
diverses personnalités. Mais, désormais, son activité principale est
celle d’un manager entrepreneurial
autant que celle d’un coach. Son
univers et celui de ses clients est
un décor de cinéma aux lumières
savantes et à la déco épurée. « J’ai
commencé dans un petit local rue
Marbeuf en 2009 où je donnais des
cours particuliers parallèlement à
ma carrière. En 2010, j’ai ouvert
une autre salle avenue de Malakoff
à Paris et le 50 Foch en juillet 2013.
Depuis le début, le bouche-à-oreille
a fonctionné et m’a amené une
clientèle aussi discrète que fidèle. »
Beau parcours pour ce Français
d’origine malienne qui suivit sa
mère, puéricultrice pour Médecins
sans Frontières, dans la brousse et
les villages africains avant de venir
s’installer en France, dans la banlieue ouest où Abdoulaye a grandi
et pratiqué de manière intensive le
sport. » Mais ceux qui rêveraient
de s’encanailler et frémissent de
volupté à la seule évocation de la
SPORT
banlieue en seront pour leurs frais.
« Mon but, explique le champion
bien élevé, c’est précisément de
sortir la boxe de la banlieue. Je
veux dire, de s’affranchir de cette
connotation. De toute façon, tout
le monde le sait, les champions de
haut niveau en boxe ne sont pas des
gens qui se battent dans la rue. »
Ce paradoxe, qui n’en n’est pas un,
laisse plutôt la place à l’esprit des
lieux et à la métaphore : « La boxe
est une école de la vie. On prend des
coups. Tout le temps, quel que soit
le niveau social et sa position. Avec
la boxe, on apprend à encaisser, à
se relever et à reprendre l’avantage.
Les cadres dirigeants qui viennent
ici sont sensibles à cette philosophie
simpliste mais qui s’ancre dans le
réel dans des proportions inimaginables. » Mais peut-on être bourgeois et dur au combat ? « Je ne
vois pas de différence. Je pense que
les gens naissent avec les mêmes
dispositions à être méchants,
agressifs, forts, faibles ou sournois.
Après c’est selon sa propre vie et le
milieu dans lequel on évolue qui
développent ou pas la niaque. »
Deux types de clientèle se réunissent autour de ce Champion
Spirit : ceux qui viennent pour la
défense et le combat ; et ceux qui
viennent pour se muscler, perdre
du poids et se vider la tête. Et les
femmes qui constituent 50 % de la
clientèle sont les plus assidues et les
plus présentes. Pour 95 euros de
l’heure (prix dégressif en fonction
du nombre de séances), les heureux
élus pourront côtoyer lors de leur
propre entraînement, Ahmed El
Mousaoui, champion de France
de boxe et Brian Denis, champion
intercontinental de boxe Thaï et
autres champions de passage. Pour
l’heure, le 50 Foch c’est l’assurance
d’un entraînement unique par
des athlètes de haut niveau et des
prestations de luxe : fourniture de
serviette, de bouteilles d’eau, d’un
casier à l’année.
La fin de la séance, après le « retour
au calme », appelle systématiquement les mêmes attitudes de fierté et
les encouragements du coach n’ont
rien de surjoués. Plus que vous, il
sait que vous êtes allé jusqu’au bout.
Pour Claude, un des coachs, pas
de mystère, il faut compter entre
10 et 15 séances pour retrouver
une forme physique permettant
de supporter le programme au
point de se sentir progresser. Car
ici, aucune répétition, l’inscription
revient à entrer en compétition
face à la routine, à la déprime,
au mauvais stress. Les points de
convergence psychiques sont tels
entre le management d’une PME
et le programme millimétré de
chaque séance que passer le cap
d’une heure revient à surmonter les
autres « montagnes » qui attendent
le manager de PME à la sortie de la
salle selon Christophe, leader français dans le marketing mobile.
Quant aux plus prometteurs des
abonnés, ils peuvent même espérer
être épaulés par la dream team locale.
« Nous avons un petit jeune que
nous allons emmener en compétition, et un autre qui a des dispositions
pour l’athlétisme. » Et, pour ceux qui
souhaiteraient des cours particuliers
à domicile, c’est envisageable. Enfin
les femmes qui préfèrent la boxe
au botox, elles disposeront, comme
leurs homologues masculins, des
conseils d’un nutritionniste maison
et des soins d’un ostéopathe. Quant
à l’accueil que réserve Abdoulaye, il
n’a pas de prix.
50 Foch
50 avenue Foch – Paris 16e
Tél. 01 45 00 19 51
E-mail : [email protected]
www.champion-spirit.com
Abdoulaye Fadiga Coaching Team
147 avenue de Malakoff – Paris 16e
Tél. 01 45 02 10 55
CIGALE 47 31
LA CHRONIQUE
sur
MA RENCONTRE AVEC
&
Gontran Bruno
Cherrier Cormerais
Depuis la rentrée, Bruno
Cormerais et Gontran Cherrier
sont les animateurs et le jury de
l’émission de M6, « La meilleure
boulangerie de France ». Nous
avons rencontré les deux
boulangers cet été, alors qu’ils
revenaient de trois semaines de
tournage…
par Alexis Sainte Marie
Photos : DR
Dans l’émission, vous sillonnez la France à la rencontre de
boulangers. Comment avez-vous sélectionné les boulangeries
que vous visitez ?
Bruno : C’est un des points forts de l’émission : la première
sélection ne vient pas de nous, mais des clients des
boulangeries eux-mêmes ! Ce sont eux qui les ont inscrits,
parce qu’ils pensaient que leur boulangerie pouvait bien être
« la meilleure boulangerie de France »…
32 CIGALE 47
Gontran : C’est vrai que les gens ont vraiment joué le jeu : la
chaîne a reçu plus de 5 000 réponses, et là-dessus, pour des
raisons pratiques, elle en a sélectionné 84. Sinon ce n’est pas
trois semaines, mais trois ans qu’on aurait dû partir !
Quand on regarde l’émission, on sent une vraie complicité
entre vous. Vous vous connaissiez avant ?
Bruno : Pas du tout, alors qu’on travaille pourtant pas si loin
l’un de l’autre ! Mais on s’est tout de suite bien entendu. Même
dans nos appréciations des boulangeries, on était quasiment
toujours d’accord. Et en même temps, on se complétait bien :
moi j’ai une approche très « technique » de la boulangerie,
très précise. Je ne plaisante pas avec le poids de la baguette ou
la fermentation de la farine…
Gontran : Et moi non plus, mais j’ai une approche plus
« gastronomique » : j’aime surprendre ; ce qui m’amuse, ce
sont les associations de goûts auxquelles on ne s’attend pas…
Comment avez-vous été choisis pour l’émission ?
Gontran : J’avais déjà eu la chance de faire de la télévision
à plusieurs reprises, du coup M6 a pensé à moi pour cette
émission… Et puis je pense que le fait que je sois jeune, avec
des boulangeries un peu à la mode à Paris et à l’étranger et
que les caméras ne m’effraient pas… Enfin, vous voyez, ça
a joué, quoi !
LA CHRONIQUE
Bruno : Ça, clairement,
moi on me connaît
moins ! (rires) En fait
moi, c’est en devenant
Meilleur Ouvrier de France en 2004
que je me suis mis à recevoir quelques
propositions à droite à gauche…
Mais jamais rien d’aussi gros !
Et vous n’aviez pas le trac au début ?
Bruno : Au début, honnêtement, si ! Mais bon, d’abord,
comme on le disait, le courant est tout de suite passé avec
Gontran. Et puis chaque jour, c’étaient des boulangers qu’on
allait voir : des gens qui font le même métier, qui ont la même
passion que nous. Et ça, ça met tout de suite à l’aise ! Ces
boulangers, on ne les connaissait pas, mais on avait tellement
de choses en commun que ça se passait forcément bien.
Certains nous demandaient des conseils, comment on faisait
tel ou tel type de pain, on s’échangeait nos trucs, d’artisan à
artisan… C’était des discussions géniales !
Gontran : Je crois que c’est vraiment ce qui nous a le plus
marqués : le contact humain qu’on a eu avec ces boulangers.
Et dans tout ce que vous avez goûté, il y a eu des choses
marquantes ?
Gontran : Bien sûr ! Des choses délicieuses ! Beaucoup,
même… Mais on ne peut rien dire pour le moment : il faudra
regarder l’émission !
Bruno : Il y a aussi eu quelques ratés mémorables ! (rires)
Non, mais vraiment, des choses à la limite du comestible !
Enfin, peu, heureusement… On a surtout eu beaucoup de
bonnes surprises : le principe de l’émission, c’est de juger
les boulangeries sur leurs spécialités. Parmi elles, il y avait
beaucoup de spécialités locales dont on n’avait jamais
entendu parler. La plupart étaient très bonnes, certaines
étaient carrément délicieuses…
Gontran : C’est vrai que dans les concours traditionnels,
les recettes imposées sont
généralement très complexes,
mais pas nécessairement
très bonnes au goût. Alors
que là, en jugeant sur les spécialités, il y a bien sûr une
part technique, mais au final, c’est le goût qui compte.
La boulangerie, d’après vous, ça passe bien à la télé ?
Gontran : Quand on fait du pain, on utilise des matières
nobles, les gestes sont à la fois amples et précis : ça donne des
images magnifiques.
Bruno : Et il y a nous, qu’on voit quand même beaucoup dans
l’émission : je trouve qu’on passe plutôt pas mal ! (rires)
Vous êtes tous les deux chefs d’entreprise. Pour enregistrer
l’émission, vous avez accepté de partir sur les routes pour les
tournages. Ça n’a pas été compliqué ?
Bruno : Si, on ne va pas se mentir. Une boulangerie, c’est
comme n’importe quelle entreprise, pour qu’elle tourne
bien, il faut que le patron soit là. Partir comme ça pendant
plusieurs semaines, ce n’était pas évident. Et moi, je dois
avouer qu’à la fin, mon fournil me manquait !
Gontran : Bruno, moi et tous les boulangers que je connais (et
j’en connais un certain nombre !), on a tous ça en commun :
on aime notre métier. Quand on travaille, on s’amuse. Alors
au bout d’un moment, ça finit par manquer !
Et qu’est-ce qui vous a décidés à accepter malgré tout ?
Gontran : Je crois que prendre du temps pour montrer la
noblesse de notre métier, sa diversité, pour mettre les gens
en avant, c’est quelque chose d’absolument essentiel. Il faut
montrer au public les coulisses de l’artisanat – d’abord parce
que c’est intéressant, ensuite parce que les artisans le méritent !
Bruno : Moi, ce qui m’a vraiment décidé, c’est que je ne
voulais pas entendre dire n’importe quoi sur la boulangerie !
Que le pain fait grossir, que la baguette est trop chère…
La baguette n’est pas trop chère ?
Bruno : Pas quand elle est bonne. Ce sont les mauvaises
baguettes qui sont trop chères : une baguette dégueulasse,
c’est toujours trop cher !
Et le pain ne fait pas grossir ?
Gontran : Regardez-nous : 84 boulangeries visitées et pas
un gramme de trop, des vrais athlètes ! Ça dit bien ce que
ça veut dire, non ??!!!... (rires)
actu
La Meilleure Boulangerie de France
Diffusion du lundi au vendredi à 17h35 sur M6.
www.m6.fr/emission-la_meilleure_boulangerie_de_france
CIGALE 47 33
SECRETS DE VIGNES
FOIRE OVINS
Petits producteurs en danger
Au mois de
septembre, pendant
que le viticulteur
vendange, les foires
aux vins pullulent
comme le phylloxéra
dans les vignes
de jadis.
par Jean Lapoujade
Photo : DR
À
grand renfort de publicité,
les grandes enseignes prétendent ainsi démocratiser
la consommation du vin – miroirs
à luette !
DES FOIRES...
Dénigré toute l’année comme un
poison pour automobilistes, vilipendé pour ses connotations vieillottes
et ses producteurs bougons, le vin
retrouve en septembre une notabilité attrayante.
34 CIGALE 47
Dès la rentrée, nos boîtes aux lettres
débordent de catalogues qui annoncent les foires aux vins. Le tout
selon un agenda étonnamment
cohérent qui évite la concurrence
entre enseignes. Chaque page
grouille d’appellations rutilantes,
parées de vertus châtelaines, gouleyantes, odoriférantes et surtout
tarifaires. Quelques coups de cœur
à flanquer un infarctus aux buveurs impénitents palpitent dans
des couleurs criardes.
Ces vins ne sont ni meilleurs ni plus
originaux. Ils sont juste proposés à
un prix particulièrement bas, dû
soit à des stocks invendus de l’année
précédente, soit à un malheureux
viticulteur qui s’est fait essorer par
des acheteurs experts dans l’art
d’étrangler le fournisseur. Combien
de ces hommes de terroir, plus à
l’aise dans la vinification que dans
la négociation, se sont ainsi laissés
piéger ? Au départ, ils croient à un
débouché inespéré pour écouler leur
production. Mais une fois ferrés, les
acheteurs vont leur demander de
réduire les marges et produire plus,
la qualité et l’esprit du vin restant
les grands absents de ces tractations
vineuses et vénales.
ET DES LIVRES
Pour vous orienter à travers tous
ces coups de cœur corporatistes, il
suffit d’acheter l’un des multiples
guides œnologiques qui refleurissent dans les rayons de nos
librairies à chaque rentrée littéraire. Avec une morgue solennelle,
ils nous expliquent ce que nous
devons boire et aimer. Par une
coïncidence à défriser un bouchon,
nous en retrouvons acoquinés avec
certaines enseignes pour parrainer
ces grandes braderies viticoles. Les
vins « recommandés par » bénéficient alors de commentaires élogieux…
Alors pourquoi bouder cette
embellie saisonnière d’un monde
viticole en difficulté ? Parce qu’elle
ne profite pas à tous ces petits viticulteurs indépendants qui ne possèdent ni les armes ni la production pour rentrer dans le troupeau
de ces foires « ovins » qui font
de l’abattage pour certains et de
l’abattoir pour d’autres.
RESTO
LE CHALET DES ILES
Au milieu coule une rivière
En semaine ou le
week-end, le Chalet
des Îles, véritable
havre de paix au
cœur du Bois de
Boulogne, invite les
Parisiens à se mettre
au vert…
par Alexis Sainte Marie
Photo : DR
D
eux minutes de barge suffisent à traverser le petit bras
du Lac inférieur du Bois de
Boulogne derrière lequel se retranche
le Chalet des Îles. Qu’importe donc
que vous ayez ou non le pied marin,
le voyage n’est pas de ceux qui s’estiment en miles nautiques…
UN DÉCOR IDYLLIQUE
Et pourtant, quel dépaysement
lorsqu’on débarque sur cette microscopique île, alors qu’on rou-
lait cinq minutes plus tôt porte de
la Muette… Régulièrement cité
comme une des terrasses les plus originales et les plus agréables de Paris,
le Chalet des Îles réussit le tour de
force de nous faire quitter la ville
sans pourtant nous en faire sortir
– géographiquement du moins. En
semaine, dans ce restaurant au bord
de l’eau, rendez-vous amoureux et
déjeuners d’affaires se suivent et ne
se ressemblent pas : les businessmen
se détendent en faisant honneur à
l’excellente cuisine du chef Cédric
Poncet composée exclusivement de
produits du marché – les couples,
eux, préfèrent se dévorer des yeux,
cadre bucolique oblige.
SUMMERTIME
Puis vient le week-end, auquel se
prête si bien l’atmosphère du Chalet… Cette année, les dimanches
après-midi sont réservés au « Summertime » : de 16h à 2h du matin,
sur fond de musique lounge et
électro, on déambule un verre à la
main, on danse, on s’allonge dans
l’herbe pour une sieste d’autant
plus agréable qu’on ne l’a pas méri-
tée, en un mot on profite d’un dernier bol d’air avant le lundi. Dans
un esprit festif et décalé, le Chalet a
voulu faire revivre, en plein Bois de
Boulogne, l’ambiance des « afternoon parties » de certaines plages
américaines… Le Chalet des Îles
reprend ainsi ce concept de « fête
de jour », débarqué il y a quelques
années en France, dans certaines
stations de ski notamment. À cela
près que si, en haut des pistes, ces
fêtes ont quelque chose de surexcité, au bord de l’eau, elles apaisent.
Question d’ambiance, question
de goût ! Dans les montagnes, de
lourdes chaussures de ski aux pieds,
une pinte à la main, on gigote dans
tous les sens après une journée de
sport intensif : c’est la biture techno. Au Chalet des Îles, on profite
en sirotant un verre de blanc, on
se laisse porter par la fin de l’été :
c’est un certain art de vivre, et on y
adhère pleinement !
Lac inférieur du Bois de Boulogne
Porte de la Muette - Paris 16e
01 42 88 04 69
reservationlechaletdesiles.net
www.chalet-des-iles.com
CIGALE 47 35
SECRETS DE VIGNES
IGNERON
LES VENDREDIS DU V
Philippe Faure-Brac
Les vignerons
ne parlent pas
de leur vin, ils le
racontent et tous les
vendredis, Philippe
Faure-Brac vous
invite à venir écouter
leur histoire…
par Alexis Sainte Marie
Photo : Nicolas Schiffmacher
Q
“
u’est-ce qui vous a fait aimer le vin ? ” À première
vue, poser cette question
à Philippe Faure-Brac peut sembler
ingénu. Meilleur Sommelier du
Monde 1992, créateur du Bistrot du
Sommelier et associé du Domaine
Duseigneur : arrivé à ce niveau, les
souvenirs de jeunesse ne relèvent36 CIGALE 47
ils pas de la simple anecdote ? Eh
bien non, justement. Car la passion
de Philippe Faure-Brac pour le vin,
c’est toute une histoire. Pas celle d’un
homme d’affaires avisé qui aurait
trouvé le bon créneau : homme d’affaires, il l’est par la force des choses,
presque sans rendre compte. Mais
son amour du vin, lui, est sincère,
bouillonnant ; il suffit de déjeuner
au Bistrot du Sommelier pour s’en
apercevoir, lorsqu’invariablement,
depuis trente ans, Philippe FaureBrac fait le tour des tables pour
discuter avec ses clients, conseillant
un verre à l’un, dissertant sur une
appellation avec un autre, recommandant tel petit producteur à un
troisième.
LE PREMIER VERRE
Plus qu’un nom, « Le Bistrot du
Sommelier » est une feuille de route.
« Lorsque j’ai ouvert, au début des
années 80, j’ai voulu accentuer le
côté table d’hôtes. J’aime cette ambiance. Si je pouvais, je ne ferais que
ça. Les gens discutent, échangent :
cette convivialité, pour moi, c’est le
principe même du vin. Quand on
goûte un vin, on a envie de le partager. Le vin est tout sauf un plaisir égoïste. Alors qu’est-ce qui m’a
fait aimer le vin ? Le premier que
j’ai goûté, je m’en souviens comme
si c’était hier, c’était un Muscat
Beaumes-de-Venise, avec des notes
de pêche, d’agrumes, un soupçon
de rose… J’étais tout gosse, treize
ou quatorze ans. Mon frère et moi
étions en vacances chez nos grandsparents, dans les Hautes-Alpes. On
avait décidé d’aller escalader le
Mont Ventoux et c’est là qu’on s’est
retrouvés au milieu des vignes,
au coucher du soleil, avec un producteur qui nous a fait goûter son
vin… Aujourd’hui, la scène est
aussi claire dans ma mémoire que
les parfums de ce premier verre –
SECRETS DE VIGNES
devenir inaccessible, c’est un crèvecœur pour les amateurs. L’argent
est un critère dangereux. » Ce qui
explique au passage le prix très raisonnable de ces tables d’hôtes.
ACCORDS METS-VINS
Philippe Faure-Brac
c’est cette atmosphère que j’essaie
de faire vivre au Bistrot. »
TABLE D’HÔTES
Trente ans plus tard, le succès du
Bistrot du Sommelier ne s’est jamais démenti. Après d’importants
travaux cet été, il vient de rouvrir
ses portes et avec lui, les « Vendredis du vigneron », une table
d’hôtes hebdomadaire qui réunit
une quinzaine de personnes dans
les caves du restaurant, novices et
amateurs, autour d’un producteur
venu présenter entre cinq et huit
vins de sa propriété.
« J’ai lancé les Vendredis du Vigneron en 2005. Là encore, l’esprit
convivial des tables d’hôtes domine. Et même si on a eu beaucoup
de chance, puisque ça a tout de
suite très bien marché, on a tenu (et
réussi, je crois) à garder un côté intimiste. Si on est trop nombreux, ça
devient une foire aux vins – l’ambiance n’est plus la même, ce n’est
pas ce qui m’intéresse. » Intimiste,
pas exclusif, Philippe Faure-Brac
insiste : « Exclusif est un mot que
je n’aime pas quand il s’agit de vin :
tout le monde doit avoir accès à de
bons vins. Quand la cote de certaines bouteilles grimpe au point de
Les « 
Vendredis du Vigneron 
»
mettent un producteur à l’honneur
en proposant un menu composé
spécialement autour de ses vins.
« On s’amuse beaucoup en préparant ces menus. Le jeu consiste à
trouver des accords mets-vins surprenants pour révéler au mieux les
vins. » Et Philippe Faure-Brac de
nous décrire l’air franchement incrédule de certains viticulteurs dont
on s’apprêtait à accompagner le
rouge d’un poisson ou le blanc d’un
fromage – pour se ranger à l’avis du
maître des lieux après dégustation et
repartir la recette en question sous le
bras… « Ces menus, c’est une certaine lecture des vins, qui n’est pas
nécessairement celle du vigneron en
arrivant chez moi : rien que ça, c’est
déjà l’occasion de discussions fascinantes. » Si Philippe Faure-Brac
tient tant à faire rencontrer les producteurs à ses clients, c’est qu’il a le
plus grand respect pour leur travail.
« Séparer le vin des hommes qui le
crée, avec leurs goûts, leur histoire,
cela n’a pas de sens. Le vin est un
produit très humain, il a une âme :
rencontrer les vignerons et parler
avec eux, c’est déjà commencer à
apprécier leurs vins. »
À l’entendre parler comme ça, on
ne s’étonnera pas d’apprendre qu’il
s’est lui-même associé en 2004 au
Domaine Duseigneur. « À force
de parler de vin, ça devait arriver !
C’est un domaine que j’aime beaucoup ; un domaine familial, tenu
par des passionnés. J’aime leur vin
et l’esprit dans lequel ils l’élaborent.
Dans le fond, la seule chose que je
regrette, c’est de ne pas pouvoir y
aller plus souvent ! » Et lorsqu’on
lui demande, pas très sûr de nous, si
une retraite anticipée ne lui permettrait pas d’y passer plus de temps,
son sourire laisse entendre que la
retraite, en ce qui le concerne, n’est
pas pour tout de suite… Et pourtant, dans ce sourire, on croit lire
aussi que la vraie place d’un sommelier, pour Philippe Faure-Brac,
est peut-être là : les mains dans la
terre, au milieu des vignes.
Le bistrot du Sommelier
97 boulevard Haussmann - Paris 8e
01 42 65 24 85 - ouvert du lundi au vendredi
www.bistrotdusommelier.com
CIGALE 47 37
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Bleu
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Chocolaterie-confiserie À la mère de famille
PETITS COMMERCES
Les meilleurs
à côté de chez vous
Avec sa rubrique
Ruban Bleu qui
met à l’honneur les
métiers de bouche,
Cigale poursuit
ses enquêtes dans
les coulisses de
l’excellence. Ces
artisans n’auront
plus aucun secret
pour vous.
par Françoise Lemoine
Photos : Nicolas Schiffmacher
38 CIGALE 47
À LA MÈRE
DE FAMILLE :
NOTRE MADELEINE
DE PROUST
Julien Merceron, 26 ans, lauréat
en 2007 de la coupe de France des
jeunes chocolatiers ne pouvait trouver meilleure adresse que « À la
mère de famille » pour se perfectionner : c’est la plus ancienne chocolaterie de Paris. Après son apprentissage
de pâtissier-chocolatier-confiseur, en
Vendée, Julien a poussé la porte de
ce monument parisien du chocolat.
Mais avant de monter à la capitale,
il fait ses gammes à Biarritz où l’emblématique maison fabrique des
caramels, des truffes et des Folies
d’Écureuil. Deux ans après il arrive
rue du Faubourg Montmartre et
s’installe dans l’atelier, voisin de la
boutique. « Depuis, je me consacre
exclusivement au chocolat », déclare timidement le jeune homme.
Attirés par les effluves du chocolat,
nombreux sont les passants à s’arrêter pour le voir œuvrer derrière
la vitre. En plus des chocolats aux
pralines, aux pistaches, au sésame
et des rochers de Biarritz, il réalise
des pièces uniques pour la décoration des vitrines du magasin. Les
saisons et les événements guident
son inspiration : un coq pour la
fête des Mères, un ours pour Noël,
une poule mouillée pour Pâques :
« C’est un travail de création et de
otre site
ption sur n
merces d’exce
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Retrouve
sculpture à part entière » estime fièrement Julien. Cette boutique classée Monuments historiques vaut le
détour. D’abord grâce à un rapport
qualité-prix jamais égalé, mais aussi
pour l’ambiance surannée qui s’en
dégage : dans un coin, une caisse du
XIXe siècle, autour de gros bocaux
en verre avec à l’intérieur : bêtises
de Cambrai, bergamotes de Nancy,
Madeleine de Commercy, coquelicots de Nemours, calissons d’Aix,
sucettes… Un peu plus loin des
macarons et toute une gamme de
glaces fabriquées maisons, comme
tous les produits proposés. Il y en a
pour tous les goûts et tous les âges :
« 
Nous fabriquons notre propre
chocolat et sommes très vigilants sur
les dates de production afin que le
stock soit le plus frais possible, explique une responsable. Ici pas d’esbroufe, on vise l’originalité : « Nous
sommes modernes en innovant dans
la forme tout en restant traditionnel ». Une valeur sûre qui assure son
succès depuis des décennies.
À La Mère de Famille
35, rue du Faubourg-Montmartre - Paris 9e
Tél. : 01 47 70 83 69
CIGALE 47 39
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septembre 2014, ce sont 350 m2 qui
verront le jour à Tokyo : « J’aime
créer. Mes moindres économies sont
réinvesties ». Une revanche sur la
vie ne serait pas étrangère à cette
boulimie… On ne s’en plaindra pas,
tant la qualité est à chaque fois au
rendez-vous.
Boucherie Hugo Desnoyer
Hugo Desnoyer
45, rue Boulard - Paris 14e
Tél. : 01 45 40 76 67
et 28 rue du Dr Blanche - Paris 16e
Tél. : 01 46 47 83 00
Kebab de luxe
15, rue Saint-Augustin - Paris 1er
DE L’ÉLEVEUR
À L’ASSIETTE
Plus besoin de présenter Hugo Desnoyer, une des stars de la boucherie
parisienne, même s’il prend un coup
de sang, tant cela heurte sa modestie, qu’on le nomme ainsi. Et pourtant… il en a fait du chemin depuis
l’ouverture à 27 ans de sa boucherie
emblématique du XIVe. Hugo Desnoyer fournit les plus grands restaurants (L’Arpège, l’Astrance, Pierre
Gagnaire…), mais aussi l’Élysée.
Le client peut lui aussi apprécier
depuis quelques mois ces morceaux
de choix dans sa nouvelle boutique
du XVIe, voire savourer sur place
à pas d’heure, le menu dégustation
(50 €). Une reconnaissance méritée pour l’homme au long tablier
blanc. Ici pas de viande aux origines indifférenciées, il travaille
main dans la main avec des éleveurs indépendants, dont il taira le
nom, de crainte qu’on ne lui pique
ses bonnes adresses « Je préfère
rester discret, je me suis fait trop
souvent avoir, même par les plus
grands… ». Pendant longtemps il
a sillonné la campagne auvergnate
mais aussi la Haute Vienne et le Lot
40 CIGALE 47
AMÉDÉE,
LE ROI DU BOUDIN
et Garonne « À chaque fois, c’était
de belles rencontres », déclare ce
Mayennais, en découpant 2 tranches
de faux-filet. Depuis quatorze ans
il a passé la main aux « sourciers »
qui se chargent de trouver de nouveaux producteurs. Il faut dire qu’il
ne peut être au four et au moulin
avec 49 employés à gérer. À peine
a-t-il ouvert une nouvelle adresse,
qu’il se lance d’autres défis. En juin
dernier, il ouvrait un kebab de luxe,
à l’angle de la rue Sainte Anne et de
la rue Saint-Augustin, à Paris. Peu
d’années avant, il créait une boucherie à Bucarest (Roumanie), et en
Anthony Coufourier, 20 ans, Prix
Rabelais « charcuterie-traiteur » en
2013, est entre de bonnes mains. Depuis janvier dernier. Il fait son apprentissage chez Amédée Gamboa,
le roi du boudin, de la choucroute,
du pâté de tête, du jambon de Paris,
etc. Les clients n’hésitent pas à venir
de Clamart, d’Issy-les-Moulineaux
ou encore de Vincennes pour acheter tous ses produits faits maison.
Dans son magasin de nombreuses
coupes alignées sur des étagères en
témoignent. Non seulement c’est
un excellent professionnel reconnu,
mais en plus un pédagogue hors
Charcutier-traiteur Amédée Gamboa
otre site
ption sur n
merces d’exce
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Retrouve
UN CAVISTE
ÉCOSSAIS
Anthony Coufourier
pair. Anthony en a bien conscience :
« 
C’est très enrichissant d’être
dans ce milieu, témoigne le jeune
homme, même si ce n’est pas toujours facile de quitter sa famille, en
Normandie, mais cela fait grandir
et cela forge le caractère ». Après
un CAP, un brevet professionnel
de boucher et un stage chez ses
parents bouchers à Fécamp, il opte
pour charcutier-traiteur. En 2012,
il remporte dans cette catégorie le
prix de meilleur apprenti charcutier.
Anthony sait qu’il ne manquera
jamais de travail dans son domaine.
Il compte bien rester chez Amédée
Gamboa, « pour acquérir une bonne
expérience ». Son patron ne tarit
pas d’éloge sur son employé : « Il en
veut. C’est de moins en moins courant. On voit que ses parents lui ont
inculqué la culture du travail. Cela
fait plaisir de transmettre son métier
et surtout sa passion ». En 2014, Anthony compte bien se présenter au
concours des jeunes espoirs charcutiers traiteurs. Il semble sur la bonne
voie pour l’obtenir.
Quelques tables et chaises rouge
rubis… entourées de bouteilles et
de caisses de vin, l’endroit est exigu,
mais infiniment convivial. Juvéniles, rue Richelieu propose près
de 120 références de vins à des prix
raisonnables, mais amateurs de bordeaux et de bourgognes, s’abstenir :
le patron Thimothy Johnson n’en
vend pas. « Trop chers et l’endroit
est trop petit ». En revanche, dans
la limite des places disponibles on
trouve un grand choix de vins du
Languedoc, de Provence mais aussi
du monde entier (Australie, USA).
« Les vins doivent tourner, nous
n’avons pas assez de place pour les
entasser ». Ce sympathique Écossais passionné de vin est arrivé en
France en 1969. « À cette époque la
vie ici était beaucoup plus agréable
qu’en Grande-Bretagne. J’ai adoré
ces années, mais maintenant je comprends que les Français quittent
l’Hexagone pour l’Angleterre… ».
Nous ne parlerons donc pas de sujets qui fâchent… Associé pendant
de longues années à Marc Williamson, autre grand amateur de vins,
au wine-bar Willi’s, à deux pas de
là, rue Croix des Petits Champs, il
a décidé de faire bouteille à part en
1987 pour ouvrir Juvéniles. Dans
cet endroit intime et convivial où
l’on peut également venir déjeuner
ou dîner autour d’un plat simple ou
de tapas, ou encore d’une assiette de
charcuterie, arrosée d’un bon vin.
Juveniles
47, rue de Richelieu - Paris 1er
Tél. : 01 42 97 46 49
Amédée Gamboa
89 rue Cambronne - Paris 15e
Tél. : 01 47 83 79 85
Caviste Juveniles
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CHOCOLATS
ROCHOUX : TABLETTE
ÉPHÉMÈRE
Dans sa boutique de poche, rue
d’Assas, Jean-Charles Rochoux,
Moussoir d’or pour son chocolat au
basilic et coq d’or en 2008, ne cesse
d’innover. Et bien lui en a pris « Les
clients viennent pour la qualité et
l’originalité de mes chocolats ». Sa
dernière trouvaille : la tablette éphémère du samedi à base de fruits de
saison. L’été réalisé avec des fraises,
des cerises, des framboises ou encore
des abricots, et l’hiver avec de la
mangue, des litchis ou de la banane :
« C’est une tablette de gourmandise
réalisée le matin même et à déguster
dans les deux jours, précise JeanCharles Rochoux. C’est dans son
laboratoire situé au sous-sol de sa
boutique minuscule qu’il innove et
réalise bonbons, chocolats au poivre,
à la rose, voire au cigare… Il vient
même d’exporter au Japon, le Makers mark (bonbon américain). Ses
tablettes classiques aux noisettes
du Piémont, comme les pralinés
Sancho à base de poivre japonais au
goût de citronnelle, sont à tomber.
Sa dernière création : la tablette sakura à la fleur de cerisier du japon,
accommodée de thé vert. En septembre il compte créer un bonbon
composé de 3 miels récoltés à Paris
et en Île-de-France. « C’est toujours
intéressant de se surpasser. Mon
but est de créer des produits qu’on
ne voit pas chez mes confrères. »
Parfois il voit encore plus grand. Sa
passion, c’est aussi les sculptures en
chocolat, comme ce torse d’homme
qu’on peut voir en vitrine : « À chacun sa tablette de chocolat » ironiset-il avant d’exporter ses talents dans
les grands magasins japonais.
Jean-Charles Rochoux
16, rue d’Assas - Paris 6e
Tél. : 01 42 84 29 45
www.jcrochoux.com
42 CIGALE 47
Fromagerie Aux bons fromages
CAVE À FROMAGES
Le chiffre exact fait débat chez les
experts, mais si l’on en croit De
Gaulle, gouverner un pays qui possède plus de 360 sortes de fromages
relève de l’exploit. M. Maret, lui, se
contente de 150 : tout se passe donc
à merveille dans sa fromagerie de la
rue de la Pompe. Et cette carte de
150 appellations, il l’a remplie petit à
petit, au fil de ses découvertes. « Dénicher les meilleurs producteurs,
c’est un travail qui ne s’arrête jamais. On parcourt les salons ; en vacances, quand on passe devant une
ferme, on s’arrête pour goûter…
C’est la vraie richesse de notre fromagerie : une liste de producteurs
passionnés qui font des fromages
d’exception, des fromages de caractère. » M. Maret a repris la boutique
familiale en 1986. Depuis, les pierres
otre site
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Retrouve
qu’il y a ajoutées ont la forme de
crottins, de reblochons, de camemberts… « Nous avons la chance de
disposer de trois caves d’affinage
sous la boutique, une pour les pâtes
pressées, une pour les pâtes molles
et une pour les fromages de chèvre.
Ça nous permet de terminer l’affinage pour répondre au mieux aux
attentes de nos clients. » La cave à
chèvres, d’ailleurs, se visite : sur rendez-vous, tous les samedis, M. Maret y organise des dégustations vins/
fromages pour huit à dix personnes,
une expérience rare à Paris !
Épicerie Terra Corsa
Aux bons fromages
64 rue de la Pompe - Paris 16e
Tél. : 01 45 04 88 67
ouvert du lundi au vendredi de 8h
à 13h et de 15h30 à 19h30
et le samedi de 8h à 19h30
TERRA CORSA
Terra Corsa regorge de produits qui
rappellent l’île de Beauté : Coppa,
saucissons au porc, au sanglier,
ou encore à la châtaigne, figatelle,
jambon fumé fabriqué à partir de
porcs nourris aux glands et aux châtaignes, mais aussi fromages, bières,
confitures de figues, alcools dans
de jolis flacons, vins de Sartène, de
Balagne, de Patrimonio, des produits tous estampillés du sceau de
la qualité artisanale corse. Les amateurs trouvent leur bonheur dans la
chaleureuse boutique d’Eric Vanderberghe, un corse par sa mère,
comme son nom ne l’indique pas…
On peut également déguster sur
place une assiette de charcuterie ou
de fromage. À deux pas de Montmartre, les touristes, dans un élan
gourmand n’hésitent pas à s’arrêter
en terrasse, tout comme les nombreux habitués du quartier.
Terra Corsa
42, rue des Martyrs - Paris 11e
Tél. : 01 48 78 20 70
Épicerie Terra Corsa
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Boucherie Moncouyoux
LA BOUCHERIE
DANS L’ÂME
Voilà maintenant vingt-sept ans que
Christian Moncouyoux tient une
boucherie dans le centre de Palaiseau (Essonne). Un métier qu’il a
dans la peau, comme ses parents et
arrière-grands-parents. Se lever à 4h
trois fois par semaine pour s’approvisionner à Rungis ne lui fait pas
44 CIGALE 47
peur. « Le commerce marche bien,
mais il faut se donner de la peine,
déclare cet homme jovial en préparant un onglet. C’est un métier où
on ne compte pas ses heures et qui
demande un savoir-faire. Il ne faut
pas croire que la boucherie c’est
uniquement de la vente. Derrière
il y a beaucoup de préparation ».
Pendant que Monsieur découpe la
Blonde d’Aquitaine, la Limousine et
la Salers, Madame, Alsacienne d’origine, concocte des spécialités de sa
région. De nombreuses terrines sont
proposées et l’hiver, Alsace oblige, le
baeckhoffe, la choucroute et le coq
aux myrtilles s’imposent. Dans leur
jolie boutique moderne, décorée de
plats régionaux en faïence, mais aussi des nombreux prix reçus comme
otre site
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Retrouve
celui des Papilles d’Or, un concours
départemental et le 1er prix des Mercure d’Or délivré par la chambre de
commerce, Christian Moncouyoux,
se désole comme un grand nombre
de métiers de bouche, du manque
de relève dans la boucherie. « Nous
ne trouvons pas de personnel, pourtant l’école de la boucherie refuse
du monde. C’est vrai que ce métier
exige des contraintes, mais il paie
bien. Le métier a un bel avenir ».
Pour preuve, nombreux sont ceux
qui souhaitent se reconvertir. Christian Moncouyoux a vu défiler un
conducteur de bus, un pédicure et un
gardien d’immeuble qui finalement
a été retenu. « Il commence l’école
en septembre pour 6 mois. Il viendra ensuite chez moi en alternance
en contrat de qualification professionnel (CQP) ». L’avenir dira s’il est
tombé sur la perle rare. Il le souhaite
en tout cas.
Boucherie du Marché
1, place de la Victoire - 91120 Palaiseau
Tél. : 01 60 14 01 22
Christian Moncouyoux vous ouvre
sa boutique pour une visite virtuelle
sur www.maisonmoncouyoux.com
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Épicerie Causses
CAUSSES
TOUJOURS
C’est l’épicerie dont chacun rêverait en bas de chez lui. Dans cette
boutique spacieuse et lumineuse les
légumes et les fruits sont rafraîchis
en permanence par pulvérisation
et côtoient un grand choix de fromages, d’antipasti, de pâtes fraîches,
mais aussi d’olives de toutes sortes,
d’amandes grillées, de pistaches,
rassemblées dans de grands bocaux
blancs. Un peu plus loin de larges
rayonnages de miel, confitures,
huiles d’olives, confits, soupes,
pain du boulanger réputé Benjamin Turquier, rue de Turenne…
Au sous-sol, une cave à vin avec
107 références entre 10 et 20 €. On
trouve donc de tout pour préparer
à la dernière minute un repas de
qualité et d’extrême fraîcheur. De
plus, ces produits sont à peine plus
chers qu’ailleurs : « Ce n’est pas une
épicerie fine, précise le jeune patron
Alexis Roux de Bézieux, mais une
boutique d’alimentation générale,
46 CIGALE 47
un segment qui jusqu’ici n’existait
pas. ». C’est après avoir rédigé un
ouvrage rendant hommage à l’épicier et à son rôle dans le lien social
que cet ancien auditeur d’Ernst et
Young a eu l’idée d’ouvrir Causses
en 2011 : « Il y avait 120 000 épiciers il y a 20 ans, il n’en reste plus
que 28 000 aujourd’hui », déplore
le jeune homme qui dès le début a
souhaité valoriser le savoir-faire des
producteurs. Son slogan « sain, savoureux et simple », n’a rien d’anodin. Ses 180 fournisseurs doivent
respecter la charte qu’ils ont signée
et qui bannit gluten, conservateurs,
colorants et additifs industriels. « Il
ne s’agit pas d’avoir des produits bio,
mais de s’inspirer du mouvement
slow-food. » Là aussi on peut apprécier sur place, plats du jour, salades,
soupes, préparés le jour même, dans
son petit restaurant situé à côté du
magasin. 400 personnes se pressent
chaque jour chez Causse. Face à
ce succès Alexis Roux de Bézieux
compte ouvrir un deuxième magasin l’année prochaine, rue Rambuteau aux Halles.
Causses
55, rue Notre-Dame-de-Lorette - Paris 9e
Tél. : 01 53 16 10 10
Histoire de boulanger
Dominique Anract
et le père Nathanaël Houssou
DOMINIQUE ANRACT
French touch
La « french touch ». On en entend
beaucoup parler, notamment dans les
métiers de bouche et plus encore en
boulangerie-pâtisserie.
Mais qu’en est-il vraiment ?
La « french touch » fait-elle vraiment
recette à l’étranger ?
Par Alexis Sainte Marie
Photos : DR
Pour répondre à cette question,
nous sommes allés demander son
avis à Dominique Anract, boulanger et patron de « La Pompadour », dans le XVIe. Et c’est par
deux histoires qu’il nous répond…
BOULANGER ET
GRAND VOYAGEUR
Les voyages forment la jeunesse.
Ce dicton qui a servi d’excuse à
des générations d’étudiants partis s’encanailler loin du domicile
paternel pendant qu’à l’autre bout
du monde, des générations de
mères se consolaient des frasques
de leur rejeton en se répétant qu’il
faut bien que jeunesse se passe – ce
dicton, donc, Dominique Anract y
souscrit à 100 %.
Et c’est le sourire aux lèvres, depuis
sa belle boulangerie de la rue de
la Tour, qu’il évoque avec nous
ses vingt ans : lorsque, diplôme
de boulanger en poche et sac au
dos, il est parti à la conquête de
l’Amérique… « À l’époque, les
étudiants des filières généralistes
voyageaient, mais les apprentis,
eux, restaient là, bossaient dur et
personne ne s’inquiétait de savoir
s’il ne serait pas bon de les envoyer
voir un peu à l’étranger comment
les choses se passent. »
Or n’y a-t-il pas là comme un paradoxe ? Car qu’est-ce que la France
exporte le mieux – la faconde de
ses avocats ? Ses fiscalistes surqualifiés ? Le sourire de ses politiciens ?
Non, ce que le monde nous envie,
ce sont nos savoir-faire artisanaux.
Parlez de l’ENA à un Américain,
il aura du mal à vous suivre ; mais
parlez-lui de gastronomie française, il boira vos paroles.
VOYAGER,
C’EST S’ADAPTER
Dominique Anract le dit sans
détour : l’année qu’il a passée aux
CIGALE 47 47
Histoire de boulanger
Dans une boulangerie québécoise
États-Unis lui a à peu près autant
appris que ses années de formation
professionnelle. « Se retrouver loin
de chez soi, devoir se débrouiller
seul, c’était déjà beaucoup. Mais
le plus intéressant, ça a été de
voir comment les choses se passaient là-bas. Quand on arrive à
l’étranger, fraîchement diplômé,
on a l’impression qu’on a fini
d’apprendre, qu’on n’a plus qu’à se
mettre au boulot… En fait, partir,
c’est une vraie leçon d’humilité :
on se rend compte que ce n’est pas
parce qu’on sait faire une baguette
française que tout va nous tomber
tout cuit dans le bec. À l’étranger,
les gens ont d’autres façons de
travailler dont on peut – dont on
doit – s’inspirer. Dans les métiers
de bouche, on parle beaucoup de
la « french touch ». Alors bien sûr,
à l’étranger, dans les cuisines des
restaurants haut de gamme ou parmi les professeurs des meilleures
écoles professionnelles, on retrouve
souvent des Français. Mais ce n’est
pas leur passeport qui les a amenés
là, c’est leur motivation et leur travail. Vous pouvez être le meilleur
boulanger de Paris, vous ne serez
pas pour autant le meilleur boulan48 CIGALE 47
ger de New York : pour ça, il faut
s’adapter. Et voyager, c’est ça : c’est
apprendre à s’adapter. »
« FRENCH TOUCH »
NE SUFFIT PAS
C’est ce principe que le Conseil Régional d’Île-de-France a voulu faire
découvrir aux apprentis franciliens
des métiers de bouche. Aussi trentesix d’entre eux, sélectionnés pour
leur motivation et leur passion du
métier qu’ils apprennent, se sont-ils
vus proposer un séjour au Québec.
Pendant dix jours, encadrés de leurs
professeurs et de deux boulangers –
dont Dominique Anract – les jeunes
ont visité des écoles de formation,
des restaurants, des boulangeries…
Pourquoi le Québec ? Eh bien sans
doute d’abord parce que le Québec, c’est l’histoire d’un grand écart,
entre la vieille Europe d’un côté et
le Nouveau Monde de l’autre. Au
Québec, on parle français et on roule
en Chrysler. On a cet accent particulier, un peu rustique, presque campagnard – mais on glisse entre deux
phrases un mot anglais prononcé
dans le plus pur style yankee… Le
Québec, pour nos petits Français,
c’est à la fois très proche et très loin.
Autre raison, et non des moindres :
le Québec est aujourd’hui particulièrement demandeur de maind’œuvre qualifiée dans les métiers
de bouche. « Pour ces jeunes qui seront bientôt diplômés, ce voyage peut
être déterminant : pour eux, le Québec est riche en opportunités professionnelles, nous explique Dominique
Anract. Mais comme je le disais tout
à l’heure, ce ne sont que des opportunités : à eux de les transformer ! À
l’étranger, personne ne nous attend,
nous Français – à nous de nous adapter et de faire nos preuves. »
Et Dominique Anract de nous parler de cette boulangerie, l’une des
plus belles de Québec, dans laquelle
il a emmené les apprentis : « Cette
affaire a été montée par un Meilleur Ouvrier de France, installé au
Canada depuis des années. Eh bien
dans cette boulangerie, il se vend
chaque jour quelques dizaines de
baguettes… et trois tonnes de fèves
au lard, la spécialité locale ! Je crois
que cette visite était très instructive
pour les jeunes, parce que ça leur
a permis de se rendre compte que
si la « french touch » existe, elle a
quand même ses limites. »
Les cuisines du Québec
Histoire de boulanger
Le père
Nathanaël Houssou
ET POURTANT…
Et pourtant, à peu près au moment où Dominique Anract s’en
retournait des plaines enneigées
du Québec, un apprenti pas tout
à fait comme les autres poussait la
porte de sa boulangerie, rue de la
Tour… Depuis trois mois, le père
Nathanaël Houssou, prêtre du diocèse d’Abomey, au Bénin, apprend
à faire du pain chez Dominique.
Les mains encore pleines de farine,
son tablier noué autour des reins, le
père Houssou rythme ses phrases
des grands sourires des hommes
de foi : « Voilà dix ans que je suis
prêtre. Mon évêque m’a envoyé à
Paris il y a trois ans pour rédiger
un mémoire en théologie à l’Institut Catholique et quand je n’étudie
pas, je suis prêtre rattaché à NotreDame. » Et quand il n’étudie ni
n’officie, le père Houssou apprend
à faire du pain chez Dominique
Anract. « Mon évêque a rencontré
M. Anract à la Fête du Pain l’année
dernière et lui a demandé de me
prendre chez lui pendant un mois
pour apprendre à faire le pain, ce
qu’il a très gentiment accepté ! »
affamé après la fuite d’Égypte
dans l’Ancien Testament, au pain
de la Cène qui institue l’Eucharistie dans le Nouveau Testament, le
pain est omniprésent dans la Bible.
Mais ce n’est pas la seule raison qui
a poussé l’évêque du père Houssou à lui demander d’apprendre à
en faire… « Au Bénin, des jeunes
tournent mal parce qu’ils n’ont pas
de travail. Nous avons donc monté
une association non-confessionnelle dont je suis le coordinateur,
« Le Pain Quotidien », qui leur
propose d’apprendre un travail :
menuisier, maçon – et bientôt boulanger ! L’association est ouverte
aussi bien aux filles qu’aux garçons. Il y a beaucoup de mariages
forcés au Bénin, et les filles qui les
refusent sont mises au ban par leur
famille, ce qui les laisse sans ressources. Alors l’Église les recueille
et grâce à l’association, nous leur
apprenons un métier qui leur permettra d’être indépendantes. En
fait, nous essayons de donner à tous
ces jeunes un projet d’avenir, eux
qui sont généralement très perdus… C’est un projet très ambitieux. » Quant au financement, et
même si le père Houssou assure
faire confiance à la Providence, les
dons sont les bienvenus. Lecteurs
de Cigale, l’adresse de l’association
se trouve à la fin de l’article…
BAGUETTES, ETC.
Voilà donc comment le père Houssou s’est retrouvé chez Dominique Anract. « Au Bénin, le pain
traditionnel, c’est la miche, nous
explique-t-il. En apprenant aux
jeunes à faire des baguettes de tradition, on leur donne une véritable
opportunité. Maîtriser un savoirfaire typiquement français, pour
eux, c’est un atout fort. Et puis, si
M. Anract, est d’accord, je compte
bien revenir plus tard apprendre à
faire les viennoiseries ! » Réponse
de l’intéressé : « Le père Nathanaël
est très motivé, il apprend vite, il
est toujours de bonne humeur – s’il
veut revenir, il connaît le chemin ! »
La « french touch » aura donc bientôt ses assises au Bénin. Entre la
motivation du prêtre béninois et le
savoir-faire du boulanger parisien,
aucun doute, la multiplication des
pains semble être assurée pour le
diocèse d’Abomey !
Pour faire un don
ou des renseignements, écrire à :
[email protected]
ou par courrier :
Diocèse d’Abomey
Projet « Pain Quotidien »
BP 410 – Bohicon – République du Bénin
LE PAIN QUOTIDIEN
Dans la tradition catholique, le
pain n’est pas un aliment comme
les autres. De la manne que Dieu
fait pleuvoir sur le peuple hébreu
CIGALE 47 49
SECRETS DE CHEF
La recette de Christophe Coët
Brioche traditionnelle
Photos : Alexandre Parmentier
Ingrédients
• 1 kg de farine • 20 g de sel • 100 g de sucre • 20 g de levure • 10 œufs
• 100 g d’eau • 500 g de beurre
Étapes
> Mélanger dans un pétrin (ou batteur avec le crochet) en 1
re
vitesse
pendant 5 minutes la farine, le sel, le sucre, la levure et les œufs.
> Mettre en 2 vitesse pendant à peu près 20 minutes pour obtenir une
e
pâte qui se décolle des parois.
> Incorporer le beurre en petits morceaux, pétrir de nouveau en 2
e
vitesse pour décoller la pâte du bord de la cuve.
> Incorporer l’eau petit à petit.
> Plier la pâte en 4 dans un bac.
> Laisser pointer 1 heure à température ambiante, puis procéder à
un rabat.
Rabat : refaire un tour de pétrin, et replier en 4 dans le bac.
Renouveler l’opération de pointage et rabat.
> Réfrigérer la pâte pendant une nuit.
> Former et détailler la pâte dans le(s) moule(s) de votre choix.
> Mettre à pousser à 30 °C pendant 3 heures.
> Dorer au jaune d’œuf et cuire à 180 °C pendant 20 minutes.
Avec ce procédé, la brioche sera beaucoup plus légère et riche en goût !
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