Bonheur des uns, cauchemar des autres : les balades avec un

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Bonheur des uns, cauchemar des autres : les balades avec un
Bonheur des uns, cauchemar des autres : les balades avec un molosse
Partir en promenade avec son molosse peut être un moment plaisant pour beaucoup de maîtres, ou
au contraire difficile voire redouté par d’autres, incapables de bien contrôler leur animal à l’extérieur.
Des chiens de grandes ou petites races molossoïdes sont parfois peu sociables, distants voire
menaçants avec leurs congénères, les êtres humains, ou les deux à la fois !
De nombreux mâles sont spécialement sourcilleux avec leurs congénères du même sexe (les femelles
leur disputant parfois cette réputation) et très prompts à aller « s’expliquer » de manière musclée dans
leurs rencontres.
Favoriser une bonne socialisation aux congénères (consciencieusement menée depuis le plus jeune
âge) et travailler le bon contrôle du chien avec une relation clairement organisée autour de
rigoureuses règles de vie, tempèrent beaucoup ces intolérances et peuvent façonner un molosse tout
à fait équilibré.
Des rencontres pas faciles
Typox le Dogo n’est pas resté avec sa mère et sa fratrie pendant 8 semaines (strict minimum pour le
bon développement d’un chiot). De ce fait mal socialisé à sa propre espèce, il redoute ses congénères
et cherche plutôt à les fuir, mais lorsqu'il est maintenu en laisse sur les trottoirs, terrifié, il les agresse
bruyamment dès qu’il en aperçoit qui cheminent non loin.
Ulma la Cane Corso, n’a connu que des chiens dans son chenil isolé, où seul l’éleveur distribuait la
nourriture sans véritables interactions. Elle est folle de joie quand elle aperçoit un autre chien, mais
croiser tout humain petit ou grand en promenade la met dans le plus grand désarroi. Elle tente alors
de freiner leurs approches en les menaçant avec grondements et aboiements.
Spot le Dobermann, ne sort pas souvent de son jardin, en conséquence il n’est pas très à l’aise par
manque de familiarisation avec tout son environnement. Quand ses maîtres le lâchent, il court après
tous les joggers, cyclistes et enfants qui se poursuivent en jouant.
Les difficultés de Rustine la Boxer ne sont pas les mêmes. Ses maîtres ont perdu leur précédent
compagnon dans une bagarre qui a mal tourné avec des chiens rencontrés en promenade. Ils sont
maintenant très crispés dans leurs balades, guettent anxieusement toute approche du moindre
canidé, et malgré eux, communiquent leur appréhension à Rustine. A la moindre tension de sa laisse,
avertie que quelque chose de suspect se profile, la jeune molosse réagit fortement et de plus en plus
inquiète. Au fil des sorties et par peur à son tour, elle est devenue menaçante elle aussi.
Pour plus de facilité
Les meilleures rencontres entre chiens se font quand ils sont tous lâchés.
Échanges de regards, flairages, frôlements, battements de queue, hérissement du poil et
positionnement des oreilles permettent à chacun d’évaluer l’autre et ses intentions.
Vont-ils jouer ensemble ou passer leur chemin? En tout cas leur approche est naturelle et sans
entrave.
En ville nous devons tenir nos compagnons en laisse, et leurs rencontres ne sont pas facilitées.
Tiré et tenu souvent fermement par un maître un peu inquiet et malhabile, l’animal se sent vulnérable
et grogne ou aboie, surtout et avant tout par peur. Il veut freiner toute approche à laquelle il ne se
sent pas capable de faire face, parce qu’il est attaché.
Pour parer toute éventualité, il dispose pourtant de moyens naturels qu’il pourrait utiliser s’il n’était pas
en laisse :
• l’immobilisation, le temps de jauger et de s’ajuster au type d’approche, amicale ou offensive
de l’autre
• ou la fuite, s’il lui semble que l’autre a des intentions plutôt belliqueuses et qu’il ne tient pas à
l’affronter
• ou bien encore l’attaque, s’il se sent au contraire tout a fait prêt à s’imposer et se croit en
mesure d’avoir le dessus sur l’autre individu
On comprendra mieux ainsi l’inconfort (et donc les menaces) de certains chiens en laisse qui voient
arriver vers eux un congénère en liberté !
Le chien « libre » peut (dans le meilleur des cas) être assez décontracté ou « intimidé » par les
menaces de l’entravé, et passer son chemin au large. Ou au contraire il peut décider de
« s’expliquer » avec ce menaçant qui ne l’impressionne pas du tout et vouloir alors engager un
combat avec un chien qui ne pourra strictement rien pour lui-même.
Des responsabilités collectives
Dès son plus jeune âge, de multiples facteurs peuvent retentir de façon défavorable sur l’équilibre
psychique et comportemental d’un chien, pouvant l’amener à des peurs et des conduites agressives
en extérieur.
On recense notamment :
• L’isolement en chenil ou en boxes à l’élevage, qui ne prépare pas des chiots bien sociables
soit avec les congénères soit avec les humains (ex : Ulma). Rappelons que la nouveauté fait
peur, et que si les chiots n’ont pas été suffisamment familiarisés aux « deux » ou aux « quatre
pattes », il est possible qu’ils les craignent à l’âge adulte.
• Le retrait prématuré des chiots de la portée. La mère n’a pas le temps d’initier toute la fratrie
aux codes sociaux qui régissent les échanges entre chiens (ex : Typox)
• Le manque de socialisation dès l’acquisition d’un chiot par ses propriétaires (même avant ses
derniers vaccins) avec des sorties ludiques en zones nature et urbaine pour des rencontres
multiples et variées (ex : Spot)
• Les possibles expériences traumatisantes de sa 7è à sa 14è semaine (et même plus tard pour
certaines races molossoïdes)
• Les craintes de ses maîtres pour sa vie (ex : Rustine). On néglige trop souvent l’impact de
l’état émotionnel du maître sur son chien, véritable éponge affective qui perçoit finement les
émotions de l’humain
• La méconnaissance qu’ont les propriétaires de chien, du pouvoir tranquillisant d’une relation
clairement organisée autour de règles de vie non changeantes au gré des humeurs et des
emplois du temps.
Préventivement
En France, contrairement à l’Allemagne, nous manquons de lieux de rencontre où chiots et chiens
pourraient s’exercer en toute liberté et sécurité à parfaire leur socialisation, pour qu’ils expérimentent
avec leurs maîtres qu’il n’y a pas que des risques à fréquenter des congénères.
Pendant la période de forte attraction sociale de leurs 12 premières semaines de vie, les chiots qui
sortent peu et ne vivent pas de multiples expériences sociales positives à l’extérieur, seront moins
confiants et hardis lors de leurs futures sorties.
Les contacts avec des chiens de races diverses, adultes ou non et se déroulant précocement de
manière ludique, façonnent un chiot sociable pour plus tard. Comme des adultes n’agressent pas « un
petit » il est bon de favoriser toutes les rencontres puisque le chiot n’a rien à craindre d’eux.
A l’adolescence par contre, les relations changent entre chiens, et certains mâles ne sont plus très
souples avec les autres individus de même sexe. C’est justement une socialisation précoce et
poursuivie toute l’adolescence, qui peut atténuer cela.
De même la confrontation précoce et progressive avec le tumulte urbain, les rencontres de
congénères en laisse et d’humains petits et grands à pied, à vélo ou en rollers familiarise le chiot à
toutes ces situations singulières, qui petit à petit deviennent son ordinaire. (Le tout renforcé de façon
positive par le maître jusqu’à l’âge adulte)
Quelques remèdes
Suivant les contextes et lieux de promenade, il est responsable d’éviter les rapprochements et de
savoir tenir son molosse en laisse quand alentour d’autres sont en laisse aussi. Beaucoup de
personnes sont impressionnées et ont peur pour leur chien en voyant arriver vers eux des molosses.
La grande disproportion des tailles, ou même des âges (entre un Rottweiller et un Cocker par
exemple) ne peut qu’être dommageable au petit s’il y avait combat.
Si par contre les autres chiens sont en liberté, on a le choix de lâcher le sien à la condition d’avoir un
excellent contrôle sur lui. On doit être en mesure alors de réguler n’importe lequel de ses
comportements, y compris celui de la fuite avec un bon rappel.
C’est ainsi qu’il est sage de savoir s’écarter de maîtres que l’on repère mal assurés avec leurs chiens,
en rappelant le sien pour prendre un peu de distance, et ne pas risquer un rapprochement conflictuel.
Si un chien est craintif, on peut le laisser évoluer en liberté dans un lieu clôturé avec des chiens
paisibles et joueurs, éventuellement des femelles si c’est un mâle inquiet. Cela commencera par
restaurer sa confiance en lui puisqu’ il constatera que les autres chiens ne sont pas des ennemis. On
augmentera peu à peu les difficultés, en introduisant dans le groupe un mâle assez calme, et ainsi de
suite. Cette habituation/désensibilisation est délicate et l’on peut se faire aider par un
comportementaliste pour la mener, car une maladresse pourrait faire régresser l’animal.
La convoitise pour un même objet peut déclencher une bagarre. Évitez donc de lancer un jouet à
votre chien lorsqu’il y en a d’autres à proximité, car les chiens ne sont pas tous partageurs, loin de là !
Les déplacements rapides de joggers, cyclistes, enfants en rollers, ou simple landau poussé par une
maman peuvent déclencher l’instinct de prédation* du chien, et c’est alors la course poursuite de ce
qui figure une « proie ». Au maître de développer une grande vigilance et un meilleur contrôle pour
stopper le molosse avant qu’il ne s’élance.
Certains enfants combinent plusieurs attitudes : ils crient, gesticulent, agitent des jouets. Tout pour
plaire à un chien qui peut vouloir participer ou « mettre bon ordre » dans ce chahut !
Prêtez attention à des petits bouts de chou qui peuvent être très effrayés par un molosse se
précipitant vers eux, amicalement ou non !
A vous donc d’apprendre à canaliser votre chien, pour la sécurité de tous.
Un chien se montre parfois menaçant avec les passants, semblant sans peur vouloir « protéger » les
siens et empêcher qui que ce soit de les approcher. Gérer les rencontres en général est à la charge
de ses maîtres, et si c’est le chien qui se croit investi de ce devoir, c’est qu’il n’est pas clairement à sa
place dans sa relation avec ses propriétaires. Une réorganisation du système relationnel s’impose
alors avec un comportementaliste.
Conclusion
On s’en aperçoit au moment des sorties, il est très exigeant d’avoir un molosse. Ses maîtres doivent
d’abord savoir faire le bon choix d’un chiot auprès d’éleveurs sérieux et responsables. Ensuite ils
doivent veiller à développer toute sa vie durant la grande sociabilité de leur animal, en même temps
que leur parfait contrôle sur lui, au risque sinon de participer à renforcer une mauvaise réputation déjà
largement répandue sur les molosses.
Les professionnels que sont le comportementaliste et le dresseur (ou l’éducateur canin comme on
voudra l’appeler) sont là pour les aider tout au long de cette démarche, chacun dans son domaine de
compétence.
* Instinct de chasse
Co-rédaction de Danièle Mirat et
Laurence Bruder-Sergent : http://www.comportement-canin.com