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p lanète alimentaire leS boulangerS et candidatS à l'inStallation S'étaient déplacéS en couple. Quand les boulangers sortent de leur pétrin ©FOTOLIA Quel avenir pour la boulangerie artisanale, notamment dans nos campagnes ? Une question au cœur des « Rencontres de la boulangerie » fin octobre àAncenis. Ambiance dans la profession et pistes. D ire que dans les fournils, on mange son pain blanc comme si de rien n’était, serait comme boucher son nez à l’odeur de brûlé. L’affluence aux toutes premières « Rencontres de la Boulangerie » est sans doute le meilleur signe d’un besoin vital de sortir la tête du four pour voir comment le vent tourne, en jetant un œil côté moulin. Patrons, ouvriers, élèves, enseignants, ils étaient plus de mille à confluer de tout le grand Ouest à Ancenis, décrétée capitale régionale de la boulangerie artisanale durant quatre jours. Fin octobre, s’y tenait un salon très professionnel orchestré par les moulins Evélia. Cinquième meunier national, avec ses huit minoteries dispersées sur un bon quart ouest du pays. Elles y alimentent quelques mille trois cents boulangers. L’artisanat compte ainsi pour un large tiers de l’activité économique du meunier (un quart en volume). Or ce poumon du commerce alimentaire de détail, le seul qui ait résisté au développement de la grande surface, ce cœur qui fait battre la vie endormie des bourgs de campagne - une boulangerie sur deux est en milieu rural - ces PME du territoire souffrent elles aussi du ralentissement économique. « Depuis deux ans, nous assistons à une chute de 30 % du nombre de transactions de fonds de commerce sur notre zone qui couvre la Loire Atlantique, le Maine et Loire et la Vendée » témoigne Luc Audureau directeur du cabinet Bocquier lors d’un atelier du salon. Son officine basée à Nantes est spécialisée dans l’appui à la reprise, l’installation et la cession des boulangeries. Plusieurs causes à ce coup de frein. Les acquéreurs sont moins nombreux. L’accès au crédit est plus difficile pour eux. D’une part, « la vie de boulanger fait moins rêver ». De l’autre, les candidats motivés essuient plus souvent le refus des banques de financer leur projet. Signe encore plus marquant : « Il y a aussi moins de vendeurs ». Et en parallèle « on assiste à une hausse des dépôts de bilan ». Dominique Pairochon du Crédit Agricole Anjou Maine confirme. Selon lui ce marasme est général : « Sur l’immobilier nous sommes à -30 ou -40 %. Nous constatons une hausse des dépôts de bilan dans de nombreuses activités comme les hôtels, restaurants et les commerçants. Toutes les professions sont touchées avec une montée de risques et des tensions dans les trésoreries. » La boulangerie a ses fragilités propres. « Nombre d’affaires reprises il y a trois ou quatre ans avaient des plans de financement élaborés avec une trop faible marge de manœuvre. Elles sont aujourd’hui en difficulté et si les banques ou le fournisseur ne peuvent plus suivre c’est au final le dépôt de bilan. » Le coup dur des artisans boulangers est d’avoir cumulé plusieurs hausses de charges : matières premières, main d’œuvre et énergie notamment. Sans compter les nouvelles, rappelle Luc Audusseau. Ainsi l’obligation faite aux patrons boulangers de prendre à leur compte le nettoyage des vêtements de travail de leur personnel. Mesure acceptée en Loire Atlantique mais encore âprement discutée par les syndicats en Maine et Loire. « Nous avons estimé ce coût à 90 euros par mois et par personne. » Par prudence, les banques ont relevé les seuils pour entrer dans le métier : « Avant nous financions des projets avec 10 % d’apport personnel ou moins. Aujourd’hui le minimum c’est 20 % voire 30 % » reconnaît Philippe Pairochon. suite p. 10 dÉC e m B r e 2012 le magaziNe d e T e r r eNa N° 96 7 p lanète alimentaire en Janvier, leS équipeS deS moulinS evélia vont propoSer une nouvelle marque à quelqueS Six centS boulangerieS clienteS. Pour ce jeune couple d’Ille et Vilaine rencontré durant le salon, le rêve de s’installer à leur compte en a pris un coup. Tous deux sont employés en boulangerie. Ils ont étudié leur projet de reprise mais n’ont point l’apport exigé. « Nous avons l’accord de la commune mais comme nous avons déjà investi dans notre maison nous ne pouvons mettre de l’argent dans notre affaire. » Le montant des reprises est un obstacle supplémentaire. Il est souvent très élevé lorsque la boulangerie est bien placée, ou gonflé par le montant des travaux de remise en état des équipements et agencements intérieurs. « On a vu des boulangeries obsolètes se vendre très chères parce que l’emplacement était recherché et que les acheteurs arrivaient avec des moyens conséquents » explique-t-on chez Bocquier. Pour d’autres, la reprise ne se fera pas. « Avant tout se vendait, aujourd’hui non. » Les nouveaux boulangers cherchent d’abord une qualité de vie. Ils accordent beaucoup d’importance à l’attrait du logement, à la proximité des écoles, à la qualité du cadre de vie. Le contexte aidant, ils privilégient le revenu immédiat plutôt qu’une capitalisation hypothétique : « Il y a quinze ans, on achetait un fond dans lequel on vivait comme on pouvait en améliorant petit à petit car on pouvait le faire. Aujourd’hui les gens sont moins sûrs de dégager ce qu’il faut pour cela et préfèrent une rémunération constante. » de villages peinent à absorber le poids croissant des charges, faute de chiffre d’affaires. C’est l’une des raisons qui pousse le meunier à proposer une nouvelle approche de marque aux boulangers de son territoire. D’ores et déjà, ils sont sept cents à bénéficier du soutien du réseau Festival des Pains, marque collective des Meuniers de France à laquelle Evélia adhère et participe activement. A côté de cette locomotive, les moulins diffusaient à leurs clients une multitude de démarches offrant des services disparates (Valépi, Pain des moines, Boulangerie de quartier, etc.). A partir du 1er janvier, une seule et même identité sera proposée aux six cents boulangeries qui n’ont pas adopté Festival. « L’Ami du village » se veut une marque de proximité à la ville mais aussi destinée « à booster les ventes des boulangeries de campagne ». Sous des dehors souriants et colorés, elle habillera les pains issus de six modalités de farines et de pâtes aux noms sans chichi : Gourmande, Tradition, Belle agri, Tonique, Galante et leur cousine anonyme car ordinaire. En complément le meunier va proposer une large palette de services tels que audits du magasin ou du fournil, animations, aide au mailing vers la clientèle, enquête de satisfaction, relooking intérieur et extérieur, formation, etc. Deux farines sont estampillées Agriconfiance, façon de marquer en filigrane l’ancrage sur le territoire. Les blés sont en effet produits par 350 agriculteurs de la coopérative Terrena sur 6 500 ha selon un cahier des charges pointilleux que détaille Philippe Estivalet. Du choix des parcelles et des variétés aux méthodes de culture et d’assemblage des blés dans les silos, le maximum est fait pour mettre en œuvre des pratiques respectueuses de l’environnement et offrir une bonne qualité sanitaire et boulangère, assure le spécialiste de la coop. Evélia absorbe la plus grosse partie des cinquante mille tonnes de blé ainsi produites. Un couple de boulangers de Châteaubriant, déjà utilisateur de ces farines, réagit. Une nouvelle marque de proximité en 2013 Ce poids du contexte très prégnant lors du salon pose clairement la question du maintien du tissu de boulangeries sur le territoire. Un enjeu vital pour le meunier Evélia mais aussi pour les populations et l’économie locale. En 2007, l’Insee comptait 7,7 boulangeries pâtisseries pour dix mille habitants dans les zones urbaines et 11,9 en zone rurale. Ce tissu, deux fois plus dense que celui des boucheries charcuteries, fait que moins de 1 % de la population est à plus de quinze minutes en voiture d’une boulangerie. Or c’est bien en campagne que son maintien semble le plus compromis souligne Thierry Mondolfo le directeur d’Evélia. D’un côté en effet se développent de grosses affaires en centre ville ou près des ronds points et sur les axes de trafic important. Tandis qu’à l’opposé, les commerces 8 N° 96 le magaziNe d e T e r r eNa dÉ C e m B r e 2 0 1 2 démarche originale de différenciation, celle de gaëtan pariS, meilleur ouvrier de france 1997. il développe depuiS 5 anS Sa propre marque (la pariSSe) au Sein du réSeau feStival deS painS. un pain de tradition haut de gamme diffuSé par 120 boulangerieS en france. « Je peux monter davantage en hydratation avec cette farine. Je gagne une dizaine de baguettes par pétrin » précise monsieur. Quant à madame, elle découvre que ces blés sont produits localement, en Pays de la Loire et Poitou. Argument qu’elle pourra glisser au besoin à ces - rares - clients un peu curieux. Des boulangeries champignons pour la campagne Une autre piste pourrait bien tenter les couples candidats au métier : la boulangerie clé en main. La société Bongard présentait en avant-première les plans de ce concept révolutionnaire. Il s’agit de trois ou quatre modules tout équipés - labo, magasin, chambres froides, etc. - et de façon très fonctionnelle. Ils permettent à un couple de s’implanter sur n’importe quel terrain stabilisé équipé d’un compteur électrique, d’eau et d’un raccordement eaux usées. Ainsi, cette boulangerie champignon pourrait éclore en 48 heures à l’endroit le plus favorable d’une commune conjuguant trafic, zone de ralentissement, parking, visibilité, etc. Pour un coût limité, annoncé à moins de 200 000 euros. Surtout sans fonds de commerce à reprendre ni loyer à payer (sauf éventuellement le terrain). Ainsi « un couple pourra démarrer dans les meilleurs conditions et se constituer un capital » souligne Thierry Mondolfo, Evélia étant partenaire du projet sur la zone ouest de la France. La valeur d’une affaire étant moins dans les murs et les équipements par son emplacement et sa rentabilité. Cette solution est présentée comme un moyen d’accéder à une rentabilité rapide. Selon Gérard Conrad de la société Bongard, ce type d’installation peut tenir 15, 20 ans ou plus, donc être cédée entre-temps. Avec un amortissement rapide, la valeur nette comptable serait à zéro, maximisant ainsi le bénéfice en cas de revente de l’affaire. Pour Jean-Claude Pégé de Panicentre, chargé de la diffusion de cette innovation au niveau national, se lancer en boulangerie pourrait demain prendre la forme d’un simple leasing : « Nous avons des partenaires financiers prêt à accompagner ce type de projet sans apport, sauf le terrain mis en garantie. » ■ Dominique Martin Une boulangerie à poser où vous voulez Voilà plus de 20 ans, le fabricant alsacien de matériels Bongard avait conçu, à la demande de l’armée française, des boulangeries mobiles capables de suivre les troupes sur les terrains d’opérations afin de leur fournir leur ration de pain quotidien. « Le but était de la faire tenir dans un espace réduit et fonctionnel, lui même inclus dans un container transportable et facile à installer » explique Gérard Conrad responsable commercial. En 2011, son entreprise répond à la demande d’une société de restauration collective de lui installer une boulangerie clé en main au Gabon pour satisfaire aux besoins des 3 500 salariés d’une firme pétrolière installée là-bas. Ainsi voit le jour une boulangerie constituée de bâtiments modulables tout équipés et climatisés comprenant laboratoire, magasin de vente, chambres froides, stockage farine, locaux techniques, sanitaires et vestiaires. Bref tout ce qu’il faut à un couple pour fabriquer et vendre un assortiment de pains, viennoiseries, de sandwichs et de quelques pâtisseries. Une installation équipée de tous les fluides, « optimisée pour le nettoyage et la circulation ». On l’installe sur un simple terrain stabilisé, en deux jours, le temps de raccorder au compteur électrique, eau potable et au réseau eaux usées. Extensible, en lui adjoignant d’autres modules, cette boulangerie prête à cuire n’est pas à proprement parler mobile. Mais tel un mobile home, on peut envisager de la déplacer de quelques centaines de mètres (ou kilomètres) si l’affaire ne tournait pas assez bien. ■ une gamme Souriante au Service d'une nouvelle marque propoSée à la campagne comme à la ville. dÉCe m B r e 20 12 le magaziNe d e T e r r eNa N° 96 9