ASV : club de rugby de Lavaur

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ASV : club de rugby de Lavaur
ASV : club de rugby de Lavaur
GENCOD : 9782708928312
PASSAGE CHOISI
AVANT-PROPOS
UN CLUB, UNE ÉTHIQUE, DES FLEURS
L'univers du rugby français se divise en plusieurs planètes. Il y a les grandes, qui depuis des
lustres imposent leur prestige du côté de Toulouse, Castres, Toulon, Perpignan, Agen,
Bayonne, Paris, Bordeaux, Lyon, Clermont et quelques autres.
Il y a celles qui furent grandes et qui aspirent à le redevenir : Lourdes, Béziers, Pau, Tarbes
ou Narbonne. Il y a ces nouveaux corps célestes à la recherche de lumière, tel Montpellier, ou
ces anciennes «lunes» qui se satisfont de leur nouveau statut comme Graulhet, Le Creusot
ou Auch, symboles d'un rugby ouvrier et paysan balayé par la mondialisation. Et puis il y a
les autres, ces petites étoiles qui illuminent le ciel et sans lesquelles il n'y aurait pas de belles
nuits d'été. Ces petites étoiles scintillantes qui donnent des repères au voyageur, qui
permettent de s'orienter dans un monde de moins en moins clair. Ces clubs de villages, de
quartiers ou de gros bourgs qui constituent l'armature d'un sport qui se veut autre chose
qu'un sport, entendant être le porte-drapeau de valeurs de plus en plus compliquées à
maintenir. L'Amicale sportive vauréenne est de ceux-là. On dit qu'un club reflète l'image de
sa ville, et ce n'est pas faux, quel que soit le sport. C'est particulièrement vrai ici, en ce pays
de Cocagne si bien nommé. L'ASV est le porte-drapeau d'une vieille cité chargée d'histoire,
et surtout très influente puisqu'elle fut le siège d'un important évêché. Est-ce cet héritage qui
en fait aujourd'hui un club finalement hors norme, plein d'ambition, certes, sinon on n'avance
pas, mais raisonnable, plaçant au premier rang de ses valeurs et de son héritage les valeurs
humaines ?
Quand on découvre ce club, ce qui surprend d'abord c'est sa sérénité. La première fois que
j'ai rencontré les dirigeants et les cadres techniques (aujourd'hui, on dit «le staff» ou «les
coaches»), la situation sportive n'était guère folichonne. L'ASV était aux portes de la 2e
division (elle les a franchies quelques semaines plus tard), et très franchement l'ambiance
n'était guère «olé olé». Certes, on pestait contre l'intrusion de l'argent, les différences
incroyables entre clubs, la difficulté, dans ces conditions, de lutter à armes égales. Et
comment ne pas s'indigner ? Il n'y avait toutefois ni consternation, ni résignation, mais le
sentiment réel et bien arrimé que quoi qu'il arrive, il ne pouvait rien arriver de grave à cette
petite collectivité tant les valeurs imposées par l'histoire étaient fortes. «Votre ASV manque
bien d'ambition», va-t-on rétorquer. Bien au contraire. Il y en a ici au moins autant qu'ailleurs.
Mais en fiers descendants de paysans avisés, les Vauréens savent bien, d'abord qu'il ne faut
pas mettre la charrue avant les boeufs, ensuite que la plus belle fille du monde ne peut
donner que ce qu'elle a. Ce qui ne l'empêche pas d'être la plus belle fille du monde.
Bien sûr, les présidents et le trésorier ne font pas de beaux rêves toutes les nuits. Boucler les
fins de mois n'est facile pour personne. Mais on sent poindre constamment cette volonté
d'aller de l'avant, de défendre les valeurs qui ont permis à cette petite collectivité humaine de
franchir les décennies sans encombre, et ce malgré deux guerres mondiales et des crises
économiques à répétition. Malgré les profonds changements sociologiques qui ont
bouleversé la vie de la cité. C'est clair, il m'est apparu d'emblée que l'ASV était un des liens
les plus solides qui unissaient, parfois sans même qu'ils s'en rendent compte, les habitants
de cette ville. Ce club fait partie du patrimoine de Lavaur au même titre que Saint-Alain ou le
jacquemart. Et moi, «l'étranger», j'ai compris pourquoi il y avait là du grain à moudre. J'ai
compris pourquoi une personnalité comme Pierre Fabre, qui avait choisi de résider à Lavaur,
s'était attaché à une ASV dont il avait saisi quelle place elle tenait, et surtout quelles valeurs
elle défendait, lui qui en avait tant.
Il pleuvait, ce jour-là. Le ciel était très bas. Les gamins du collège qui rentraient du cours
d'éducation physique à petites foulées se dirigeaient vers leur salle de classe. La belle
demeure de briques, si typique du Pages suivantes : pays, dont le premier étage abrite le
siège (on dit désormais le «club house»), semblait sortie de nulle part. C'est le QG, le centre
stratégique où se prennent toutes les décisions qui engagent la vie du club. Derrière le long
bar trônent en désordre coupes et trophées gagnés au fil des ans. Trônent ? Non, les
trophées semblent posés là comme pour dire, accompagnés de photos jaunies, «Vous voyez,
nous aussi on en a !», mais sans ostentation, à l'air et à la poussière, libres, comme des
images de famille qui déclenchent un petit sourire nostalgique quand on les regarde, mais
auxquelles la plupart du temps on ne prête guère attention, sinon de temps en temps pour
les montrer au visiteur ou au dernier petit-enfant quand lui vient l'âge de se prendre pour Dan
Carter ou Fred Michalak. Il y a là les portraits des «petits» qui ont réussi ailleurs, comme
Emile Ntamack, la grande fierté de l'ASV. Il y a là, un peu de guingois, Roger Guiter, qu'on
aimait tant et qui est parti si vite. Trop vite. René Catala, qui est au club le gardien de toutes
les traditions, sert de guide. C'est qu'il a tant de choses à raconter depuis soixante ans qu'il
est au club... Il nous parle des titres, des grandes joies, mais aussi de ces vaches maigres qui
n'en finissaient pas mais qui jamais, au grand jamais, n'ont mis l'avenir en péril.
Alors, on les laisse parler, ces rugbymen vauréens. Des noms reviennent. J'écoute, je prends
des notes. Je commence à comprendre de quel bois est bâtie la famille au sein de laquelle
j'ai mis les pieds et qui me fait l'honneur de m'accueillir, contrite de ne pas pouvoir
m'énumérer une liste de victoires à tire-larigot, mais ravie de me laisser entendre, à la façon
de Malraux, que «l'avenir est un présent que nous fait le passé».
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