Alexis de Tocqueville - Ecole MLF de ShenZhen

Transcription

Alexis de Tocqueville - Ecole MLF de ShenZhen
Alexis de Tocqueville (1805/1859)
I.
Eléments de biographie
Aristocrate français né à Paris, en 1805, Alexis de Tocqueville est issu d'une famille ultra-royaliste
partiellement décimée par la Terreur qui suivit la Révolution française de 1789. Pour cette raison sans
doute, il se méfiera toute sa vie des intentions révolutionnaires sans pour autant verser dans un
conservatisme à tout crin. De fait, cette méfiance ne l'empêchera pas d'être un libéral engagé, lui qui
vivait justement à une époque où la France tentait maladroitement de réfréner la montée des
revendications sociales mises de l'avant à la faveur de la Révolution française. Auparavant, le jeune
Tocqueville aura toutefois pris soin de poursuivre ses études en droit avant d'être nommé juge auditeur
en 1827, à Versailles.
L'état de sa société suscite par ailleurs de profonds déchirement chez Tocqueville, le laissant écartelé
entre les traditions familiales et ses sympathies naturelles à l'égard d'un système politique plus
démocratique, à l'image de celui développé par les Américains depuis 1776. Et cette sympathie était
d'autant plus importante que ses lectures de Châteaubriand l'avaient convaincu que la liberté américaine
avait plus à voir avec la liberté des Lumières que celle des primitifs dépeinte par Rousseau. Un voyage
d'étude de neuf mois aux États Unis, voyage qui devait permettre au juriste qu'il était d'étudier le
système carcéral américain considéré par les philanthropes d'alors comme étant le plus évolué de
l'époque, allait d'ailleurs lui permettre de vérifier de près les thèses de Châteaubriand. En fait, bien
davantage un prétexte pour fuir momentanément son pays où son engagement politique lui vaut
quelques inimitiés qu'un véritable voyage d'étude, il profite de son séjour pour cumuler une importante
quantité de notes sur la vie politique américaine.
De retour de voyage en 1835, il abandonne la magistrature pour rédiger le premier tome de son célèbre
ouvrage De la démocratie en Amérique. Suite au succès de ce livre, Tocqueville est reçu à l'Académie
des sciences morales et politiques en 1838, puis à l'Académie française en 1841. Il publiera le second
tome De la démocratie en Amérique en 1840, de même que l'Ancien Régime et la Révolution en 1856,
ainsi que de nombreux autres textes avant de mourir en 1859, à Cannes.
II.
Notions clés de l'auteur
Egalite des conditions caractérise la société démocratique. Elle est à la fois égalité juridique (égalité
devant la loi), égalité sociale (égalité des chances et mobilité sociale), égalité de respect (égale dignité
de chacun). Elle n’implique pas l’égalité réelle, c’est-à-dire l’égale répartition des biens sociaux
(richesse, pouvoir, prestige) mais la possibilité ouverte à chacun d’entrer dans la compétition pour y
accéder (en opposition à la société aristocratique). Pour cette raison, il est fort critique à l'endroit des
tenants de la Révolution représentant à ses yeux une classe moyenne (petite bourgeoisie mercantile de
l'époque et capitalistes) qui ne songe guère à autres choses qu‘à gérer les affaires publiques afin de les
faire tourner au seul profit de ses affaires privées comme il le mentionne dans ses Souvenirs. Une telle
volonté aurait en effet beaucoup plus à voir avec une lutte corporatiste qu'avec une véritable volonté
d'affranchir les masses et de construire une société plus égalitaire.
L'esclavagisme : Tocqueville, pour sa part, est intimement convaincu, depuis son voyage aux EtatsUnis que l'esclavage est non seulement un scandale en soi mais qu'il représente également un fléau
pour la société. Il semble en effet avoir été profondément choqué, lors de son périple à travers le sud du
pays, par le sort réservé aux esclaves et par les traitements qu'ils subissent de la part de blancs, alors
même que ces derniers se prévalent d'une idéologie extrêmement puritaine. Ses notes de voyage
prouvent également qu'il a pressenti que la question de l'esclavage serait à l'origine d'un vaste conflit
qui devrait opposer les États esclavagistes aux États abolitionnistes.
La démocratie : La nouvelle société est mobile, matérialiste et assure différemment l'intégration de ses
membres. Dans la société aristocratique, les positions sociales sont figées. La transmission de l'héritage
ne suffit plus à maintenir un niveau social et la possibilité de s'enrichir se présente à tous. La société
démocratique apparaît comme une société où les positions sociales sont constamment redistribuées.
Dans une société où les positions sociales sont héréditaires, chaque classe pouvait développer des traits
communs suffisamment marqués pour lui permettre d'affirmer des valeurs propres. En revanche, dans
la société démocratique, les traits culturels de chaque classe s'estompent au profit d'un goût commun
pour le bien-être. Ce matérialisme s'affirme lorsque l'accès à la richesse devient possible pour les
pauvres et que l'appauvrissement menace les riches. Si l'égalité est hors d'atteinte, c'est pour deux
raisons : d'une part les hommes sont naturellement inégaux, d'autre part, le fonctionnement de la société
démocratique est lui-même à l'origine de mouvements inégalitaires. L'inégalité naturelle des individus
fait que certains possèdent certaines aptitudes intellectuelles ou physiques. Or en démocratie c'est
l'intelligence qui est la première source des différences sociales. Il y a une institutionnalisation des
inégalités fondées sur le mérite, on parle donc de méritocratie. La société démocratique est de cette
manière traversée par des forces divergentes. D'une part un mouvement idéologique irréversible qui
pousse vers toujours plus d'égalité et de l'autre des tendances socio-économiques qui font que les
inégalités se reconstituent sans cesse.
Les risques de la démocratie : C'est dans le renoncement à la liberté que se trouve le danger majeur
pour la société démocratique. Le premier risque est celui de la tyrannie de la majorité: un régime
politique se caractérise par la règle de la majorité qui veut que, par le vote, la décision soit celle du plus
grand nombre. Tocqueville relève que la démocratie comporte le risque d'une toute puissance de la
majorité. Parce qu'il s'exerce au nom du principe démocratique, un pouvoir peut s'avérer oppressif à
l'égard de la minorité qui a nécessairement tort puisqu'elle est minoritaire. Il est évident que le vote
traduit des divergences d'intérêt et de convictions au sein de la société. Il peut ainsi se faire que la
poursuite de l'égalité s'exerce au détriment exclusif d'une partie de la population. La démocratie
engendrerait le conformisme des opinions dans la société à cause de la moyennisation de la société.
Ainsi il dénonce l'absence d'indépendance d'esprit et de liberté de discussion en Amérique. Quand
toutes les opinions sont égales et que c'est celle du plus grand nombre qui prévaut, c'est la liberté de
l'esprit qui est menacée avec toutes les conséquences qu'on peut imaginer pour ce qui est de l'exercice
effectif des droits politiques. La puissance de la majorité et l'absence de recul critique des individus
ouvrent la voie au danger majeur qui guette les sociétés démocratiques : le despotisme.
La liberté : Elle peut se définir comme la capacité d’un individu à résister vis à vis d’un pouvoir ou
d’une influence. Pour être effective selon Tocqueville, la liberté suppose quatre conditions : l’absence
d’arbitraire ; un pouvoir qui s’exerce conformément aux lois ; l’existence de nombreux centres de
décisions qui s’équilibrent les uns les autres ; le peuple doit se gouverner lui même.
III.
Citations
« En politique, la communauté des haines fait presque toujours le fond des amitiés »
« Il ne faut pas mépriser l'homme, si l'on veut obtenir des autres et de soi de grands efforts »
« L'histoire est une galerie de tableaux où il y a peu d'originaux et beaucoup de copies »
« Les grands hommes se passionnent pour les petites choses quand les grandes viennent à leur
manquer »
« Les peuples démocratiques haïssent souvent les dépositaires du pouvoir central : mais ils aiment ce
pouvoir lui-même »
« Qui cherche dans la liberté autre chose qu'elle même est fait pour servir »
« Un mot abstrait est comme une boîte à double fond, on y met les idées que l'on désire et les en retire
sans que personne le voit »
« En politique, ce qu'il y a de plus difficile à apprécier et à comprendre c'est ce qui se passe sous nos
yeux. »
« Les tyrans ne sont que parce que nous sommes à genoux »
« La démocratie ne vaut que par la qualité des citoyens »
IV.
Extrait d'oeuvre
Quand le pouvoir royal, appuyé sur l'aristocratie, gouvernait paisiblement les peuples de l'Europe,
la société, au milieu de ses misères, jouissait de plusieurs genres de bonheur, qu'on peut difficilement
concevoir et apprécier de nos jours. La puissance de quelques sujets élevait des barrières
insurmontables à la tyrannie du prince [...] Placés à une immense distance du peuple, les nobles
prenaient cependant au sort du peuple cette espèce d'intérêt bienveillant et tranquille que le pasteur
accorde à son troupeau [...] N'ayant point conçu l'idée d'un autre état social que le sien, n'imaginant pas
qu'il pût jamais s'égaler à ses chefs, le peuple recevait leurs bienfaits et ne discutait point leurs droits. Il
les aimait lorsqu'ils étaient cléments et justes, et se soumettait sans peine et sans bassesse à leurs
rigueurs, comme à des maux inévitables que lui envoyait le bras de Dieu. L'usage et les moeurs avaient
d'ailleurs établi des bornes à la tyrannie et fondé une sorte de droit au milieu même de la force. Le
noble n'ayant point la pensée qu'on voulût lui arracher des privilèges qu'il croyait légitimes, le serf
regardant son infériorité comme un effet de l'ordre immuable de la nature, on conçoit qu'il put s'établir
une sorte de bienveillance réciproque entre ces deux classes si différemment partagées du sort. On
voyait alors dans la société, de l'inégalité, des misères, mais les âmes n’y étaient pas dégradées. Ce
n’est point l'usage du pouvoir ou l’habitude de l’obéissance qu'ils considèrent comme illégitime, et
l'obéissance à un pouvoir qu'ils regardent comme usurpé et comme oppresseur. D’un côté étaient les
biens, la force, les loisirs, et avec eux les recherches du luxe, les raffinements du goût, les plaisirs de
l'esprit, le culte des arts; de l'autre, le travail, la grossièreté et l'ignorance. Mais au sein de cette foule
ignorante et grossière. on rencontrait des passion énergiques, des sentiments généreux, des croyances
profondes et de sauvages vertus. Le corps social ainsi organisé pouvait avoir de la stabilité, de la
puissance, et surtout de la gloire. Mais voici les rangs qui se confondent ; les barrières élevées entre les
hommes s’abaissent ; on divise les domaines, le pouvoir se partage, les lumières se répandent, les
intelligences, s'égalisent ; l'état social devient démocratique, et l'empire de la démocratie s'établit enfin
paisiblement dans les institutions et dans les moeurs.[...] Je comprends que dans un État démocratique,
constitué de cette manière, la société ne sera point immobile ; mais les mouvements du corps social
pourront y être réglés et progressifs ; si l'on y rencontre moins d'éclat qu’au sein de l’aristocratie, on y
trouvera moins de misères ; les jouissances y seront moins extrêmes et le bien être plus général ; les
sciences moins grandes et l’ignorance plus rare ; les sentiments moins énergiques et les habitudes, plus
douces; on y remarquera plus de vices et moins de crimes.[...] Il me parait hors de doute que tôt ou tard
nous arriverons comme les Américains, à l'égalité presque complète des conditions. Je ne conclus point
de là que nous soyons appelés un jour à tirer nécessairement, d'un pareil état social les conséquences
politiques que les Américains en ont tirées. Je suis très loin de, croire qu'ils aient trouvé la seule forme
de gouvernement que puisse se donner la démocratie; mais il suffit que dans les deux pays la cause
génératrice des lois et des moeurs soit la même, pour que nous ayons un intérêt immense à savoir ce
qu’elle a produit dans chacun d’eux. [...] Je ne sais si j'ai réussi à faire connaître ce que j'ai vu en
Amérique, mais je suis assuré d'en avoir eu sincèrement le désir, et de n'avoir jamais cédé qu'à mon
insu au besoin d'adapter les faits aux idées, au lieu de soumettre les idées aux faits.
A. De Tocqueville, De la démocratie en Amérique
V.
Sujets possibles
En démocratie, l'homme est-il libre ?
Dans un régime démocratique, les hommes sont-ils tous égaux ?
Quels sont les risques de la démocratie ?
L’Etat peut il garantir les libertés individuelles ?
Faut il rechercher l’égalité des conditions ?

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