Alexis de Tocqueville

Transcription

Alexis de Tocqueville
Les limites de la démocratie
Alexis de Tocqueville
Alexis Clérel de Tocqueville (1805-1859) est issu d’une
vieille famille noble normande.
Juge au tribunal de Versailles en 1827, il est mandaté par le
ministère de l’intérieur pour étudier le système
pénitentiaire américain. Arrivé à New York en 1831, il
entame un périple au Canada et aux Etats-Unis.
Fasciné par ce qu’il a observé, il rédige à son retour le
premier volume de De la démocratie en Amérique (1835), le
second volume paraissant en 1840.
Libéral et démocrate convaincu, Tocqueville étudie la
démocratie naissante aux Etats-Unis mais ne manque pas
d’en relever les vices et les défauts.
Son analyse est de ce point de vue, d’une évidente actualité.
Texte 1
- En démocratie, la liberté est garantie par l’égalité, et l’égalité est garantie par la liberté.
C’est là l’idéal démocratique.
- Cet idéal est illusoire car les hommes ne parviennent jamais à un degré d’égalité qui leur
convienne. L’égalité parfaite est impossible car subsistent toujours les inégalités naturelles
(Tocqueville les attribue à Dieu).
- Ainsi, les hommes vivent cette quête de l’égalité dans un état de frustration qui s’accroit au
fur et à mesure que les inégalités reculent ( voir les théories plus récentes sur la frustration
relative).
Texte 2
- Les peuples démocratiques ressentent une passion ardente pour l’égalité, qu’ils vivent comme
une conquête, car elle incarne la fin des anciennes hiérarchies sociales (société d’ordre
d’ancien régime).
- En réalité, la soumission « égalitaire » à un pouvoir absolu a ancré l’égalité dans l’inconscient
du peuple, car dans une société telle que celle de l’ancien régime, et au-delà des hiérarchies,
tous sont également sujets du monarque absolu.
- En revanche, la liberté est un fait nouveau et les hommes y sont moins accoutumés et donc
moins attachés.
- Aussi, les peuples démocratiques, qui souhaitent l’égalité, sont prêts à y sacrifier leur liberté.
Texte 3
- L’égoïsme est un amour exagéré de soi, alors que l’individualisme est un sentiment, né de la
démocratie, et qui pousse chacun à rechercher son bien-être et à se replier sur sa sphère
privée (famille, cercle d’amis…).
- Profitant de droits égalitaires, l’individu peut se constituer une « petite société à son usage ».
- Tout à cette préoccupation personnelle, l’individu s’éloigne alors de la société qui l’entoure.
- A mesure que la société devient plus égalitaire, les hommes « s’habituent à se considérer
toujours isolément », au risque de se couper des autres.
- Ainsi, pour Tocqueville, l’individualisme représente, en démocratie, un risque pour le lien
social.
Texte 4
- La démocratie représente aussi, pour Tocqueville, le pouvoir sans partage de la majorité
sur la minorité. Cette situation lui semble aussi insupportable que le pouvoir exclusif d’un
seul individu.
- De la même façon qu’un homme peut abuser d’un pouvoir absolu (le monarque) qu’il
détient, une majorité peut aussi abuser du pouvoir que la démocratie lui confère sur la
minorité (car les hommes ne sont pas plus sages en étant plus nombreux).
- Ainsi, Tocqueville dénonce le risque de « tyrannie de la majorité » qui guette les systèmes
démocratiques. Il dénonce d’ailleurs un fonctionnement démocratique qui fait naitre une
« servitude consentie ».
Illustration des textes 1 et 2
Réjane Sénac : « Sans contrainte, l’exclusion persiste »
- Les lois sur la parité homme-femme en politique imposent la présence d’autant de femmes
que d’hommes aux élections législatives, municipales, régionales et européennes ont pour
but d’atteindre l’égalité.
- Elle traduit la préférence de l’égalité contre la liberté (composition des listes, candidats,
choix de l’électeur…).
- Cependant, cette égalité n’est pas atteinte, l’égalisation des situations ne satisfait personne
(hommes ou femmes).
-
Cette situation génère de la frustration, qui est d’autant plus forte que la position des
femmes s’améliore (frustration relative).
Illustration des textes 2 et 3
Quand la non-ville nous menace
- En matière d’urbanisme, l’idéal de cité « hospitalière, ouverte et généreuse » peuplée
« d’habitants citoyens » s’efface face à la réalité des non-villes.
- Non-ville : agglomérat d’îlots résidentiels cloisonnés (gated communities), peuplés de
semblables (logique de ghettos, de « bunkerisation », qui cultive l’entre soi individualiste).
- On y voit une volonté de privilégier l’égalité sur la liberté (puisqu’on s’enferme avec ses
semblables).
- Le risque est alors le développement du communautarisme, qui juxtapose au sein de la
société des groupes fermés les uns aux autres qui ne vivent plus ensembles…
Synthèse :
Les limites de la démocratie selon Tocqueville
- La passion égalitaire pousse à la négation du travail et du talent (égalitarisme).
- L’individualisme, c’est-à-dire le repli sur la sphère privée, conduit à ne plus se
préoccuper du sort d’autrui, et menace le lien social.
- La démocratie est le règne de la majorité, ce qui incite au conformisme et bannit toute
forme de déviance.
- La passion égalitaire réduit la liberté individuelle. L’égalité est liberticide.
Sujets à analyser à la lumière des apports de Tocqueville :
- L’abstentionnisme électoral
- L’influence des sondages d’opinion
- La mode
- La représentation politique
- Les discriminations positives

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