Khalil SLAOUI Le BYOD : simple mode
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Khalil SLAOUI Le BYOD : simple mode
Khalil SLAOUI IUT de Vélizy - UVSQ 18 ans Le BYOD : simple mode passagère, ou système D qui va perdurer ? Le BYOD, pour Bring Your Own Device, est un acronyme qui est de bon ton d’utiliser aujourd’hui en société. Mêler vie pro / vie perso, se sentir obligé de « checker » ses mails pendant son temps de repos, montre que nous sommes toujours actifs, que nous avons des responsabilités. Et le faire sur son iPhone 5s ou Galaxy S4 personnel, plus que sur son has been BlackBerry mis à disposition par son entreprise, « ça fait classe » ! Et si nous arrivons à placer juste derrière l’acronyme BYOD, c’est effet garanti ! Sauf qu’aujourd’hui, cela est devenu tellement commun que cela enlève l’effet Waouh escompté. Et l’effet inverse peut se produire si nous n’avons pas nos mails sur notre mobile. Nous pourrions aussi passer pour quelqu’un qui ne vit pas avec son temps, qui n’a pas vécu la révolution digitale des dernières années. Alors le BYOD est-il une mode temporaire ? Les entreprises vont-elles réagir, s’organiser, pour l’accepter ou le tolérer dans leur fonctionnement, ou reprendre la main sur le choix des terminaux de ses collaborateurs ? Et si le BYOD était bien plus qu’utiliser son smartphone ou sa tablette au travail ou pour checker ses mails en dehors du bureau ? What is the BYOD ? Le BYOD, en français “Apportez vos appareils personnels”, est l’utilisation d’un terminal personnel (ordinateur, tablette, mobile) dans le cadre professionnel. Selon le cabinet de conseil Gartner, le BYOD prend source dans deux phénomènes concomitants : la consumérisation de l’informatique (pénétration dans l’entreprise des outils de communication grand public) et l’arrivée des digital natives (appelés aussi Génération Y) dans l’entreprise. Ces derniers sont très demandeurs d’appareils numériques, car eux-mêmes les utilisent tout à fait naturellement dans leur vie privée. Dans l’imaginaire collectif, le BYOD concerne surtout le mobile, mais il concerne aussi l’ordinateur et la tablette. Voici ce qu’on entend souvent chez ceux qui se justifient sur l’utilisation de leurs propres appareils numériques au travail : - « J’utilise mon mobile perso pour faire des recherches pros sur internet, consulter mes mails / agenda à distance… » - « la tablette, ça me permet de prendre mes notes en réunion, de tout avoir sur moi tout le temps, de montrer des vidéos, notre catalogue en PDF et notre site web, à nos clients en réunion, et c’est plus joli qu’un PC portable » - « je préfère la suite bureautique Mac car les présentations sont plus belles : je veux un Mac, pas un PC » ou « ça sera plus convergent avec mon iPhone et mon iPad » - « un seul agenda pro/perso, disponibles sur tous les terminaux, est aussi plus facile à gérer, et j’ai aussi envie de pouvoir consulter mes mails perso au travail » - 69 % des salariés issus de la Génération Y estiment que l’utilisation d’un appareil personnel est un droit, et non un privilège 3 BYOD, casse-tête pour les DSI Les DSI ne sont pas des méchants qui ne souhaitent pas que les collaborateurs utilisent un autre outil que celui qu’il a choisi pour l’entreprise. Simplement, la sécurité informatique est mise à mal par ces outils qui a priori, ne sont pas sécurisés, ou du moins ne sont pas aux standards de l’employeur. La perte ou le vol du terminal contenant des informations professionnelles, l’utilisation de bornes wifi publiques ou d’espaces de stockage grand public… donnent des sueurs froides à nos DSI. Il est évident que ce phénomène est récent car ils concernent des technologies et des usages très récents. Selon Google Trends (graphique plus haut), le BYOD est une expression utilisée massivement depuis 2 ans, et n’était que très confidentielle avant janvier 2012. Pour avoir un ordre d’idée du phénomène, nous pouvons dire que : - 50 % des entreprises interrogées jugent le BYOD inévitable 1 - 78 % des décideurs informatiques affirment que les salariés utilisent déjà des appareils personnels à des fins professionnelles2 1 2 Etude B2B International, pour Kasperky Lab (étude monde, 2012) Etude Forrester / Trend Micro (étude monde, 2012) 3 Etude mondiale Fortinet “Génération Y, adepte du BYOD, pose des défis de sécurité”, 2012 Smartphones et tablettes : Pour l’accès aux mails et agenda sur smartphones et tablettes, les DSI ont en général assez vite répondu à cette demande, de manière favorable, car les constructeurs de terminaux ont intégré des solutions de sécurité suffisantes (VPN, sécurisation des serveurs Exchange…). Ne pouvant empêcher les salariés d’utiliser leur téléphone perso (1/3 des salariés seraient prêts à démissionner s’ils ne pouvaient plus utiliser leurs 4 terminaux personnels au travail ), ou de vouloir être plus performants, alors nos DSI d’aujourd’hui doivent apprendre à changer de dogme, et passer d’un contrôle total, à une logique de confiance maitrisée et de responsabilisation du collaborateur : mise en place de mots de passe sur leur device, respect de différentes règles de sécurité type pas de stockage sur des clouds privés… En ce qui concerne l’accès aux réseaux internes, aux SI, aux stockages en ligne, cela est beaucoup plus compliqué, et demandent des investissements et du temps. La tendance veut que les entreprises donnent de plus en plus accès aux appli professionnelles en mobilité, donc des applis professionnelles seront mises en place progressivement dans les entreprises, certaines d’entre elles ayant même déjà créé des solutions qui leur sont propres, car il s’agit de sur mesure en général. Enfin, nous sommes en train d’assister à une contre-attaque des DSI pour « contrer » le fait que les salariés utilisent leurs propres terminaux. L’échantillon de téléphones mobiles proposé aux salariés est en train de grandir dans les entreprises et de devenir plus haut de gamme. En effet, si les salariés utilisaient leur iPhone ou Galaxy S, c’est parce que leur téléphone professionnel était moins performant, moins tendance… Or les 4 Guillaume Plouin et Hervé Lourdin, à la Conférence USI : Unexpected Sources Of Inspiration, 24&25/06/2013, Paris DSI ont réagi et face à cette demande, propose désormais des terminaux qui leur correspondent plus. Les gens s’habituant de plus en plus aux tablettes, celles-ci devraient être de plus en plus proposées aux collaborateurs. C’est le BYOD qui a permis cette marche en avant des DSI, et ce sont les DSI qui devraient au final faire cesser ce phénomène. Si le BYOD perdure dans une organisation, c’est que celle-ci n’a pas su ou pas voulu répondre à la demande de ses collaborateurs. Applications et logiciels : Quant à l’utilisation d’applications non prévues par la DSI, ou même de système d’exploitation autre que Windows, les DSI semblent encore plus réfractaires. Là encore, face aux demandes pressantes et précises des collaborateurs, autant leur accorder une certaine confiance dans le choix des logiciels qu’ils installent, sous peine qu’ils utilisent totalement en off certaines solutions. C’est le choix qu’a fait Dailymotion par exemple, entreprise totalement numérique, et qui laisse entièrement le choix au collaborateur pour ses outils, aussi bien l’ordinateur (mac ou PC) que les logiciels installés dessus. Matrice réalisée par G. Plouin et H. Lourdin pour la conférence USI Alors au final pour nos amis DSI, nous conseillerions d’être un peu plus dispendieux, pour doter les salariés en terminaux qui leur correspondent un peu plus, et de leur accorder un peu plus de confiance et d’auto régulation dans le choix de leurs applis. Les exemples récents ont démontré qu’aucun système n’était inviolable, alors autant faire confiance à l’intelligence humaine de vos salariés. Et si le tendance « BYOD » était une forme d’expression de la part des collaborateurs, toujours plus formés et ouverts sur le monde, souhaitant davantage exprimer leur créativité et leur façon de faire au sein d’organisations qui peuvent être castratrices par leurs process et leurs circuits de validation ? Le cabinet Forrester 5 introduit la notion de “iworker” ou “mobile-elite”, c’est à dire bien souvent des digital natives disposant d’une envie de mobilité professionnelle importante, de facilités de communication directes aux clients, leurs capacités d’investissement dans du matériel qui les aidera dans leur travail, et leur capacité de résolution par eux-mêmes des problèmes techniques. : soyez plus Aussi, par rapport aux mobiles/tablettes, plutôt que de vouloir contrôler le phénomène BYOD, peut-être faut-il aussi plus réfléchir à la gestion des applications que du terminal (la DSI ne peut et ne doit pas contrôler un terminal "Amis DSI possédé par un particulier). C’est ce que certaines dispendieux" personnes, comme G. Plouin et Hervé Lourdin, Ce sont ces personnes qui sont les premières à recommandent aux DSI en préconisant la mise en place souhaiter que les organisations revoient leurs offres de services en d’un Mobile Application Management, qui est la gestion des applications mobilité et de terminaux. mobiles. On n’impose pas d’applis au collaborateur, mais on lui propose, via un market d’app de l’entreprise, des applications maison ou C’est ce qui a poussé par exemple Danone et Orange, en 2013, à organiser recommandées par la DSI. Ceci permet aussi la gestion des habilitations, du reverse mentoring entre les membres de leur Comex, et des jeunes recrutés depuis moins de 3 ans, afin que les « jeunes » apprennent à leurs bloquer le téléphone si le collaborateur le perd... dirigeants comment ils se servaient des nouvelles technos dans leur travail, et comment les nouvelles technos pouvaient aider à gagner en temps ou en efficacité. Ces journées étaient presque pour ces deux très grandes entreprises (110 000 salariés pour Danone, 176 000 pour Orange) Le BYOD comme point de départ ? l’acquiescement du fait que les jeunes pouvaient apprendre « aux moins jeunes », et que définitivement, le savoir ne faisait pas que descendre, qu’il pouvait monter. Les entreprises mettent souvent en avant dans leurs discours la formation de ses collaborateurs tout au long de leur carrière, l’amélioration continue et la progression. Et si c’était les salariés qui formaient l’entreprise ? Qui l’a faisait avancer, progresser ? 5 Etude « Consumerization of it study », 2012 Selon une étude mondiale réalisée par Dell 6, 70 % des entreprises ayant mis en œuvre une stratégie BYOD ont constaté une amélioration de la productivité et des temps de réponse aux clients, tandis que 59 % seraient moins compétitives sans stratégie BYOD. En utilisant ses propres outils, le salarié souhaite être plus performant, en étant plus proactif dans la captation d’information, plus réactif en ayant ses mails partout, plus efficace dans son travail en gagnant du temps grâce à certains outils. Donc même si les DSI s’adaptent d’ici 2020 à ce nouveau phénomène et à l’explosion récente des smartphones et des Là encore, il est clair qu’il faille s’occuper de ce phénomène, et l’encadrer. tablettes, ce schéma du salarié qui pousse vers l’avant son entreprise Mais cela montre aussi que le collaborateur, peu risque de se reproduire si une autre fracture importe son niveau dans la hiérarchie ou son âge, numérique apparait. "Le digital native est un peut en tout cas pousser l’organisation à évoluer, Alors libre aux DSI et plus globalement aux salarié 2.0 : collaboratif" et ne pas toujours subir des décisions top-down managers, d’accepter de rester simplement en ou des manières travailler décider par ses chefs. contrôle, de favoriser ces bonnes pratiques et de les généraliser, ou alors de vouloir reprendre de main de fer le pouvoir et le La digitalisation, qu’elle soit subie, ignorée, tolérée, ou encadrée par choix des méthodes de travail. l’entreprise, amène systématiquement à une diffusion de l’information, qui ne se fait plus forcément top-down (car les réseaux sociaux sont plus Mais tout comme le web 2.0, le digital native est un salarié 2.0 : rapides que les services de communication de nos entreprises). De fait, collaboratif. Donc autant profiter de ses bonnes idées. elle amène aussi le manager à changer de type de management. Il : 6 - N’a plus forcément la primeur de l’information (le collaborateur, grâce à internet, Twitter… sera au courant de beaucoup d’informations avant son manager), donc le leadership ne passe plus par le monopole de la diffusion de l’information, mais par de la gestion des talents, l’organisation des idées de son équipe et les décisions. - Doit être encore plus orienté « résultats » et un peu moins orienté « moyens », car le collaborateur saura proposer des solutions grâce à sa propre connaissance des outils numériques notamment. Etude pour Dell : « Une stratégie BYOD bien maîtrisée améliore la productivité des collaborateurs »