Resmusica - Opéra national de Lorraine

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Resmusica - Opéra national de Lorraine
A L’OPÉRA DE NANCY, LA ROSE BLANCHE CONTRE LA BARBARIE
Le 25 mai 2016 par David Verdier
La Scène, Opéra
Nancy. Théâtre de la Manufacture. 20-V-2016. Udo Zimmermann (né en 1943) : La Rose Blanche, Opéra de chambre en 16 tableaux créé au Conservatoire de Dresde, sur un livret de
Ingo Zimmermann, le 17 Juin 1967. Version révisée créée à l’Opéra d’État de Hambourg, sur un livret de Wolfgang Willaschek, le 27 février 1986. Mise en scène : Stephan Grögler.
Costumes : Véronique Seymat. Lumières : Cyril Mulon. Avec : Elizabeth Bailey, Sophie Scholl ; Armando Noguera, Hans Scholl. Orchestre symphonique et lyrique de Nancy, direction :
Nicolas Farine. Coproduction Jeune Opéra Compagnie, Arc en Scènes Théâtre Populaire Romand — La Chaux-de-Fonds
(Suisse)
France
Lorraine
Nancy
Un mur de béton maculé de taches d’humidité, un sol de terre
battue parsemée de cailloux et cet éclairage blafard qui saisit
en oblique les deux protagonistes avec deux chaises comme
seuls accessoires : voilà ce que le spectateur découvre en
pénétrant dans la grande salle de la Manufacture de Nancy de
cette Rose Blanche de Udo Zimmermann.
Donnée à l’Opéra d’Angers-Nantes en 2013 avec les mêmes Elizabeth
Bailey et Armando Noguera dans les rôles de Hans et Sophie Scholl, la
production est placée sous la baguette talentueuse de Nicolas Farine à la
tête de l’orchestre symphonique et lyrique de Nancy. Le livret de
Wolfgang Willaschek évoque avec un réalisme très cru le destin
malheureux des deux héros de la résistance intérieure allemande durant
la seconde guerre mondiale. Hans et Sophie Scholl avaient créé avec
l’aide d’amis étudiants et professeurs, le réseau de la « Rose blanche »,
pour protester contre la brutalité aveugle du régime nazi.
Dénoncés et arrêtés par la Gestapo le 18 février 1943, ils seront exécutés
après trois jours de torture et un jugement expéditif. Enrôlés de force
dans les jeunesses hitlériennes, ils opposèrent à la barbarie les valeurs d’humanisme et de liberté en multipliant entre juin 1942 et février 1943 des
distributions de tracts et des inscriptions tracés sur les murs de l’université. Puisant leurs arguments dans Goethe et Novalis, ils surent au péril de leur
vie se dresser contre l’injustice d’un régime faisant de la privation de liberté le moyen de réprimer les tentatives de rébellion.
D’une brièveté glaçante et redoutable, l’opéra retrace les derniers moments des deux martyrs, emprisonnés dans leur geôle. À la fois anti-dramatique
dans le mouvement narratif et profondément tragique par le sujet, l’action se déroule à partir des répliques qu’échangent le frère et la sœur destinés à
la mort. Ce tableau rétrospectif et psychologique suit une sorte de chemin de croix méditatif en 16 tableaux, encadrés par un fil musical acéré et
contondant. L’écriture volontiers mélodique fait surgir des thèmes obsessionnels qui rythment le temps musical en soulignant le caractère inéluctable
des éléments narratifs. La conclusion s’élève en un kaléidoscope dynamique, mêlant les voix aux cris d’une foule qu’on imagine révoltée contre
l’injustice.
Sollicitée dans les déchirures du registre aigu, la voix d’Elizabeth Bailey se débat en vain, comme pour échapper à des tortionnaires invisibles,
symbolisés dans la mise en scène de Stephan Grögler par ces éclairages obliques et intrusifs qui cisaillent l’espace comme on entrouvre un judas pour
surveiller l’intérieur d’une cellule. Armando Noguera déploie un excellent jeu scénique pour souligner une émission parfaitement calibrée, parfait
complément au drame et à l’angoisse du personnage.
Comme flottant au-dessus de la scène, l’orchestre n’apparaît qu’au détour d’un jeu d’éclairage à la surface du rideau de fond. La présence quasifantomatique de l’effectif instrumental rehausse le caractère funèbre de cette intrigue sans retour.
Crédits photographiques : (c) Jeff Rabillon / Opéra national de Lorraine