Discours de Dominique Sorain, préfet de La Réunion 14 juillet 2016
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Discours de Dominique Sorain, préfet de La Réunion 14 juillet 2016
Commémoration de la Fête nationale Dominique Sorain, préfet de La Réunion Jeudi 14 juillet 2016 Mesdames et messieurs les parlementaires, Monsieur le président du conseil régional, Madame la présidente du conseil départemental, Monsieur le maire de Saint-Denis, Mesdames et messieurs les représentants des autorités militaires, judiciaires et religieuses, Mesdames et messieurs les élus, Mesdames et messieurs les chefs de service, Mesdames, Messieurs, Nous sommes ici rassemblés pour célébrer notre fête nationale. C’est pour moi un immense plaisir et une grande fierté que de vous accueillir ici, en préfecture, pour commémorer le 14 juillet. Cette année encore, des milliers de Réunionnais se rassemblent pour fêter cette date déterminante de notre histoire nationale. 1 C’est la tradition, mais à la tradition il faut donner du sens. Si nous commémorons chaque année le 14 juillet, c’est en souvenir de deux événements : la prise de la Bastille en 1789 bien sûr mais également la fête de la fédération en 1790. Cette fête du 14 juillet 1790 avait été instituée par l’assemblée constituante pour célébrer l’unité nationale. Tous les Français s’engageaient ainsi symboliquement à rester unis « par les liens indissolubles de la fraternité ». C’est la jeune IIIème République en 1880 qui choisit la date du 14 juillet en référence à ces deux événements comme date de la fête nationale. C’est donc bien pour célébrer le fait que nous partageons la République comme bien commun que nous sommes réunis aujourd’hui. Après défilé haut en couleurs de ce matin, je constate une fois de plus avec émotion, combien les Réunionnais demeurent attachés à la République, combien ils portent la France, la communauté nationale et les valeurs qui en sont le fondement en leur cœur. Face aux temps difficiles que nous traversons, nous devons nous retrouver dans cette unité nationale. Voilà pourquoi j’ai souhaité placer cette cérémonie sous le signe du vivre ensemble. Certains vous diront qu’il s’agit là d’un concept désincarné. 2 Je veux au contraire y voir notre héritage historique et notre destin commun. Pour nous, citoyens français, le vivre ensemble nous donne des droits, mais il nous engage aussi pour le présent et pour l’avenir. Comme Français, nous partageons une histoire riche et tumultueuse. Mais comme Français, nous devons aussi continuer à nous projeter dans l’avenir. Le vivre ensemble, au quotidien, est la base de notre projet commun. ***** À La Réunion, le vivre ensemble est un concept bien ancré dans les mentalités. Derrière cette expression se cache en effet un principe de vie très concret qui préexistait à la départementalisation de 1946. Si cela fait aujourd’hui 70 ans que les Réunionnais sont devenus des citoyens d’un département français, ce principe de vie en commun était déjà là avant 1946. Il est au cœur de l’identité réunionnaise et fait d’ailleurs de La Réunion un modèle dans la République. 3 Dans notre île, par le fait de l’histoire et des flux migratoires, cohabitent toutes les origines et toutes les grandes religions. Le respect, la tolérance, la fraternité sont les emblèmes du vivre ensemble. Il s’agit d’un socle commun qui nous évite le piège du communautarisme. Le dialogue interreligieux est apaisé chez nous et les relations entre communautés se font dans un climat remarquable et constructif. Au-delà du dialogue interreligieux, le vivre ensemble est notre patrimoine. Si la Réunion s’est construite par apport successif, les tensions ont toujours cédé la place au fil du temps à la cohésion de la population. Cela s’explique par la mise en commun d’identités différentes, par un véritable syncrétisme culturel. Notre vivre ensemble repose sur une culture commune et partagée, qui est le fruit d’un véritable métissage. En dépit des diversités religieuses, culturelles, ou peut-être grâce à elles, l’unité des Réunionnais s’est construite à l’école républicaine et dans la vie de tous les jours. Il n’est pas question de nier les appartenances individuelles, bien au contraire, c’est la diversité de la population réunionnaise qui trouve à s’exprimer dans un cadre apaisé et tolérant. 4 À l’heure où cette question agite l’hexagone, l’expérience réunionnaise est une source de réflexion fructueuse. Nous avons l’expérience de la diversité au quotidien, dans les familles, à l’école, dans les lieux publics. Ce vivre ensemble s’inscrit pleinement dans la définition que donnait Ernest Renan à la fin du XIXème siècle de la Nation française : « ce qui constitue une nation, ce n’est pas de parler la même langue, ou d’appartenir à un groupe ethnographique commun, c’est d’avoir fait ensemble de grandes choses dans le passé et de vouloir en faire encore dans l’avenir ». Mais à La Réunion, plus qu’ailleurs peut-être, nous connaissons aussi la fragilité du vivre ensemble. Elle n’est pas nouvelle et j’entends souvent dire qu’il serait mis à mal parce que notre société change, parce que le contexte national et international est difficile et que désormais ce concept serait devenu un simple slogan. Oui, la société réunionnaise change. Oui, le contexte national est marqué parfois par un repli identitaire. Oui, le contexte géopolitique fait naître de nouvelles tensions. Faut-il pour autant remettre en cause ce qui est le fondement de notre société ? 5 Je pense effectivement que rien n’est acquis en la matière. Mais face à l’adversité, nous devons nous retrouver unis pour adapter notre bien commun, pour cultiver notre « désir de vivre ensemble ». ***** L’année 2015 a été particulièrement douloureuse pour la France. Deux tragiques attentats l’ont frappée au cœur et, le mois dernier, deux fonctionnaires de police, deux serviteurs de l’État, ont péri sous les coups d’un fanatique extrémiste. Ces épreuves nous ont rappelé la nécessité de témoigner de notre unité. C’est la société française dans son ensemble qui a été visée. Le terrorisme, quelle que soit sa bannière, est le résultat de l’inculture et du déracinement. C’est notre devoir dans le contexte actuel de prendre le temps d’expliquer notre culture commune et de travailler pour que personne ne se sente exclu de notre société. C’est le rôle des responsables administratifs, politiques, économiques, mais plus largement de chaque citoyen français. C’est un combat de tous les jours pour lutter contre le repli identitaire ou contre l’exclusion sociale. 6 La société française est composée d’individus d’origines différentes, de cultures diverses. Elle a montré à maintes reprises, sa détermination et son union, car la République est une et indivisible. Pensons au quotidien que cette unité passe par le respect : respect des lois qui protègent nos libertés et nous préservent du rapport de force, respect des opinions même opposées, respect de l’autre quelle que soit son origine et sa place dans la société. Sans respect mutuel, pas de vivre ensemble. C’est justement avec un immense respect que je veux remercier et féliciter nos forces de l’ordre qui fournissent au quotidien un travail exemplaire d’efficacité et de dévouement. Nos forces armées, nos policiers, nos gendarmes, nos douaniers, nos pompiers et l’ensemble des acteurs du secours sont mis à rude épreuve. La menace terroriste, les violences sociales ont nécessité de leur part des efforts considérables avec la mise en œuvre de l’état d’urgence depuis le 13 novembre. C’est avec la plus grande fermeté que je condamne les violences qui ont pu être commises à leur égard. Le respect des règles démocratiques est la base de notre société et il faut rendre hommage à ceux qui les font respecter au quotidien. 7 Dans un contexte socio-économique difficile, l’expression du respect passe aussi par le civisme. Le civisme est une valeur et un engagement qui contribue au vivre ensemble : en aidant son prochain, en faisant don de son temps et de soi à la collectivité et en s’engageant individuellement au service des autres. C’est l’objectif du service civique et plus largement le sens de l’engagement associatif. Plus qu’une politique publique pour la jeunesse, le Service Civique vise à renforcer la cohésion et la mixité sociale en permettant aux jeunes de s’engager au service de la collectivité et de l’intérêt général. Je souhaite à cet égard rendre un hommage appuyé aux jeunes Réunionnaises et Réunionnais qui s’engagent dans le Service Civique. À La Réunion, plus de 3000 jeunes ont effectué un service civique. Depuis 6 ans, ces jeunes volontaires ont apporté du réconfort à des personnes âgées et/ou isolées, aidé des personnes sans abri, initié des jeunes aux pratiques culturelles, aidé à combattre l’illettrisme, participé à l’éducation à l’environnement et sensibilisé aux enjeux de la santé. 8 Le vivre ensemble s’illustre aussi dans l’engagement associatif. Les associations, composées de professionnels et de bénévoles, favorisent le maintien et la création du lien social. Elles travaillent sans relâche pour aider les autres. Je tiens à saluer tous les représentants du tissu associatif que j’ai eu l’occasion de voir à l’œuvre au cours de l’année écoulée et dont je mesure le rôle social structurant à La Réunion. Par vos actions, vous aidez à l’insertion sociale et professionnelle qui est au cœur du pacte républicain. C’est aussi le sens de l’action de l’État. Je veux citer en exemple le RSMA-R, qui, depuis 1965, a formé des milliers de jeunes et qui bien plus que les aider à trouver un emploi et une situation stables les aide à retrouver un véritable chemin de vie choisi et assumé et surtout pas subi. ***** Donner une place à chacun, c’est préserver le vivre ensemble. Les inégalités l’affectent nécessairement car les difficultés économiques et sociales qui en résultent remettent en cause la cohésion sociale. Si nous voulons continuer à préserver la cohésion de notre société, nous ne devons laisser personne sur le bord du chemin. 9 C’est le sens aujourd’hui de l’action publique. Cela passe par le développement de l’île et c’est la mission quotidienne du représentant de l’État que je suis et de l’ensemble des services de l’État qui œuvrent au service de l’intérêt général. C’est le rôle également des collectivités : région, département, intercommunalités et communes. Nous devons continuer à travailler ensemble pour construire des solutions intelligentes répondant à des problèmes complexes. Je crois à la notion d’intérêt général parce que je crois à l’impartialité du service public et au dévouement des agents publics. Il n’y a pas d’économie prospère sans entreprises dynamiques et les territoires qui réussissent savent combiner de manière optimale l’initiative privée et les politiques publiques : l’an dernier l’économie réunionnaise a crée 5 500 emplois nets supplémentaires, plus de 15 000 depuis 5 ans. Je souhaite donc profiter de cette fête nationale pour rappeler l’engagement de l’État aux côtés des entreprises pour faire vivre l’économie réunionnaise. 10 C’est une activité dynamique qui est la base de la réussite individuelle et collective. L’économie réunionnaise va mieux, mais il nous reste encore beaucoup à faire pour les chômeurs, en particulier les plus jeunes. Aux côtés des collectivités, nous travaillons pour accompagner notre jeunesse vers l’emploi. Un effort considérable de solidarité nationale continue d’être mis en œuvre pour insérer et former les personnes éloignées de l’emploi. Ce sont ainsi 44 000 personnes qui ont bénéficié de dispositifs d’accompagnement et d’insertion en 2015. Je souhaite également souligner l’exemplarité du travail partenarial fourni ces derniers mois pour déposer un dossier solide dans le cadre du programme d’investissement d’avenir « Actions innovantes pour la jeunesse ». Aux côtés de l’État, le conseil régional, le conseil départemental, la CAF, la fondation du Crédit agricole, les associations d’éducation populaire et de jeunesse ont uni leurs efforts pour bâtir un projet d’action répondant aux besoins de la jeunesse réunionnaise (information des jeunes et accès aux droits, culture de l’initiative et esprit d’entreprendre, valorisation des compétences issues de l’éducation non formelle, mobilité locale et régionale). Le montant du dossier déposé s’élève à 10 millions d’euros répartis sur 3 ans, répartis pour moitié entre partenaires locaux et subventions nationales. Ce dossier vient d’être validé par les instances nationales. 11 Je crois que la Nation a besoin d’unité plus que de disputes, de solutions plus que de polémiques pour bâtir une action efficace au service de la société réunionnaise et en particulier des plus fragiles et des plus démunis. Nous sommes pleinement mobilisés, ensemble, avec toutes les forces vives du département, pour faire avancer les dossiers structurants pour le développement de l’île, pour faire valoir les intérêts de la France de l’Océan Indien à l’échelle régionale. Enfin, vivre ensemble c’est partager les mêmes valeurs mais c’est aussi célébrer les réussites individuelles et collectives qu’elles soient médiatiques ou qu’elles soient discrètes. Il existe à la Réunion des réussites exemplaires et il faut le dire : l’excellence, le travail, le mérite sont des valeurs partagées. Nous avons remis avec M. le Recteur le diplôme du baccalauréat aux bacheliers les plus méritants des filières générales, technologiques et professionnelles. Ces jeunes femmes et jeunes hommes sont le symbole de la réussite éducative, chacun dans son domaine de compétence. Certains d’entre eux ont obtenu des notes exceptionnelles et réussi des concours exigeants. Leur travail, leur confiance en soi ont payé, et ce qui est vrai pour eux l’est pour l’ensemble de notre société. Il est important de valoriser aussi ceux qui réussissent, car ils sont des exemples à suivre, à La Réunion et en métropole. 12 ***** Mes chers amis, votre présence aujourd’hui témoigne de votre attachement à la République et à celles et ceux qui la servent, en civil, en uniforme, bénévolement ou dans le cadre de leur travail, au quotidien ou de manière plus ponctuelle. Je remercie chaleureusement tous ceux qui ont participé au défilé et à l’organisation de cette journée. En conclusion, j’aimerais rappeler qu’au cœur de notre vivre ensemble, on trouve l’idée de Nation. Être fier de sa Nation, ce n’est pas tomber dans le nationalisme primaire. Au contraire, la nation française, c’est l’universalisme et la diffusion de valeurs qui parlent au monde entier. Continuons à unir nos énergies pour exprimer ce désir de vivre ensemble avec confiance dans l’avenir et détermination au présent. Vive la Réunion, vive la République et vive la France. Seul le prononcé fait foi 13