Le marché noir des transferts ronge déjà le jeu vidéo FIFA 17

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Le marché noir des transferts ronge déjà le jeu vidéo FIFA 17
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Adrià Budry Carbó
Publié mardi 27 septembre
2016 à 19:05.
MULTIMÉDIA
A l’image de FIFA 15, EA Sports propose un mode qui permet aux joueurs de
créer leur équipe à partir de zéro.
© EA Sports
Le marché noir des transferts ronge déjà
le jeu vidéo FIFA 17
Les développeurs de la célèbre simulation sportive cherchent
à reprendre le contrôle de «leur» marché des transferts. Dans
leur ligne de mire: l’afflux de fonds provenant tout droit de
Chine
Modélisation des visages, !uidité du jeu, gestes techniques: le
football virtuel sent toujours plus le gazon frais. Dernier-né du
studio américain EA Sports, la simulation FIFA 17 –
commercialisée dès jeudi sur toutes les plateformes de jeu –
consacre le sport roi… Mais aussi le développement anarchique
de son marché des transferts.
Lire aussi: «Football Manager, dialogue entre réalité et "ction»
Alors que l’UEFA tente tant bien que mal de faire appliquer ses
standards de fair-play "nancier sur le football européen, les
développeurs du jeu FIFA 17 cherchent, eux, à reprendre le
contrôle de leur marché virtuel des transferts. Une bourse
mondiale créée en 2011 pour son mode de tournois en ligne
FIFA Ultimate Team (FUT) et qui permet aux «gamers» de
s’échanger des joueurs.
Sur ce marché supervisé par l’éditeur EA Sports, toutes les
transactions devaient s’e#ectuer en «coins», des points
d’expérience collectés au "l des rencontres, ou en «points
FIFA», à acheter auprès d’EA Sports.
Des usines produisant de l’argent virtuel
C’était sans compter sur l’esprit d’entreprise «made in China».
Car c’est depuis ce pays que des individus se sont lancé dans la
production et la vente de ces «points FIFA» dont ra#olent les
joueurs occidentaux. Le phénomène du «coin farming» a pris
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de l’ampleur avec le succès de la franchise – FIFA 16 s’est vendu
à 8,5 millions d’exemplaires sur PS4 et 3,2 millions sur Xbox
One, selon le site VGChartz qui compile les ventes des
détaillants – et sa communauté toujours plus compétitive.
En 2014, EA Sports a dû reconnaître le problème et annoncer
des mesures perme$ant de lu$er contre un phénomène
menaçant de dénaturer la compétition online. Mais les fermes
sont déjà devenues usines. Exploitant les moindres failles du
jeu, des machines tournant 24h sur 24 engrangent des points
depuis des pro"ls éphémères. Face aux dizaines de millions de
transferts du jeu, les développeurs ont dû automatiser la
traque aux «tricheurs».
Julien, 28 ans, est l’un d’eux. Fidèle à la simulation depuis trois
ans, il a dépensé une centaine de francs en 2014 pour pouvoir
constituer son équipe de rêve avec Neuer, Robben ou Alaba.
Des joueurs d’ordinaire inaccessibles pour un joueur qui ne
consacre «que» 10h par semaine au jeu.
Sanctions à vie pour les fraudeurs
Voilà au moins deux semaines que les sites de «coin farming»
sont prêts pour le lancement des sept di#érentes versions de
FIFA 17. Pour la Playstation 4, comptez entre 108 et 3289 dollars
pour des lots de 99 000 à 2 999 000 points, soit le prix d’un
Cristiano Ronaldo. Pas de quoi décourager les joueurs
ambitieux. Julien s’a$end à une véritable foire d’empoigne.
«Les premiers jours, les sites sont toujours pris d’assaut. Les
farmers ne peuvent faire face à la demande et les prix
a$eignent des sommets.»
Ce$e contamination de l’économie virtuelle par l’économie
réelle a poussé EA à développer un système de sanctions. Le
premier achat suspect de «coins» est puni d’un carton jaune, le
second d’une expulsion de la plateforme d’EA Sports. Le
commerce de points d’expérience, les transferts arrangés et la
revente de comptes EA sont punis d’un carton rouge direct,
synonyme d’expulsion dé"nitive de tout l’écosystème EA
Sports.
Compétition globale, sanctions exemplaires
Sur FIFA 15 et FIFA 16, les fermetures de compte se sont
multipliées. Une mesure qui n’est, pour François Charlet,
juriste spécialisé en droit des technologies, pas
disproportionnée: «Quand on bidouillait notre Nintendo 64,
c’était pour jouer seul dans notre salon. Les compétitions en
ligne actuelles (qui regroupent des millions de joueurs, ndlr)
c’est comme sur un vrai terrain de football. Les règles doivent
être les mêmes pour tous.»
Niels Weber, psychologue et président de la Gaming
Federation, une association suisse visant à promouvoir la
culture du jeu vidéo, abonde: «Imaginez de jouer au Monopoly
avec quelqu’un qui n’arrête pas de tricher. A partir du moment
où l’exploitation systématique de failles a commencé à nuire
aux mécaniques de jeu, EA a dû reconnaître le problème.»
Remettre les joueurs sur le droit chemin
Julien n’a pas eu besoin de plus d’un mail d’avertissement pour
«retrouver le droit chemin». Celui du marché contrôlé. En
marge de la bourse aux joueurs, EA Sports vend aux «gamers»
des packs surprises de footballeurs. Sur ce marché aléatoire, la
chance n’est pas toujours au rendez-vous. Julien y a investi
quelque 600 francs, soit 10 fois le prix du jeu. «J’ai un peu
perdu la tête», concède-t-il. Les plus gros accros dépensent des
milliers de francs.
Du côté d’EA Sports, on reconnaît que les ventes de packs sont
devenues «importantes» pour la "rme. Comme l’explique le
chef de produit suisse de FIFA, rencontré à Zurich: «Les packs
perme$ent de prolonger le cycle de vie du jeu en "délisant la
communauté.»
Dans la communauté, la suspicion pourrait bien prendre le pas
sur le football. Depuis quelques mois, EA Sports encourage la
délation entre joueurs et régule le marché en imposant un
plafond pour la vente de chaque joueur. Fini les transferts
fantaisistes, utilisés par les «coin farmers» comme des
montages pour vendre leurs points d’expérience. Le nouveau
mot d’ordre: «FIFA Play Fair».
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À propos de l'auteur
Adrià Budry Carbó
@AdriaBudry
Journaliste Éco & Finance, spécialisé dans les PME et l'économie lémanique. Passionné
par les nouvelles technologies et les mondes hispanophones
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