COUPE DU MONDE DE FOOTBALL : LE CÔTÉ OBSCUR
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COUPE DU MONDE DE FOOTBALL : LE CÔTÉ OBSCUR
L’HERBIER #19 COUPE DU MONDE DE FOOTBALL : LE CÔTÉ OBSCUR Alors que la Coupe du Monde de Football s’ouvre aujourd’hui au Brésil, de nombreuses réticences se sont déjà fait entendre et menacent le bon déroulement de la compétition. UN ÉVÉNEMENT MAL GÉRÉ AU NIVEAU LOCAL… De nombreux retards ont été pris dans les travaux (stades, transports, réseaux téléphonique et internet), dus notamment à un manque d’expérience dans l’organisation d’un tel événement mais aussi à la corruption. D’aucuns diront même que le Brésil respire cette culture de la dernière minute, très loin des exigences plus « suisse-alémanique » de la FIFA. Si bien que pour finir à temps, le coût d’organisation de cette Coupe du Monde sera proche des 12 milliards d’euros (contre 3,6 en 2006 et 2,2 en 2010), provenant pour l’essentiel de fonds publics alors que la FIFA avait promis que les stades seraient financés par l’initiative privée. Dans un pays où d’autres infrastructures (hôpitaux publics, écoles…) sont en souffrance, la grogne monte ! Mais ce n’est pas tout. Pour réaliser ces travaux, de nombreux terrains ont dû être réquisitionnés, causant plus de 150.000 expulsions de logement, principalement dans les favelas, ces quartiers auto-construits, dans lesquels les habitants ne sont pas propriétaires au sens où ils ne possèdent pas de titres de propriété. La tâche s’avère d’autant plus aisée pour les autorités, au nom de l’intérêt général… Cette vaste restructuration urbaine s’accompagne du renforcement de la sécurité publique. Les dépenses pour assurer la sécurité des touristes et des sportifs atteignent le double de celles déboursées lors de la dernière Coupe du Monde en Afrique du Sud : près de 900 millions d’euros ! … QUI SE VOULAIT POURTANT EXEMPLAIRE ET PLUS VERT L’objectif affiché de la FIFA était d’inscrire ce Mondial dans une démarche de développement durable. A cet effet, les infra et superstructures ont été pensées pour compenser et/ou réduire autant que possible les émissions de gaz à effet de serre. L’HERBIER #19 COUPE DU MONDE DE FOOTBALL: LE CÔTÉ OBSCUR Deux mesures phares ont été prises : ² Construction de stades certifiés HQE: aménagement écologique des sites, gestion efficace de l'eau, préservation de l’énergie et de l’atmosphère, sélection de matériaux et ressources durables, amélioration de la qualité des environnements intérieurs, innovation et processus de design. A noter : Coca-Cola, l’un des sponsors, grâce à une vaste campagne de recyclage de ses bouteilles, a permis de réaliser les 6.770 sièges manquants du stade Maracana (Rio de Janeiro), qui s’est doté également de 1.500 panneaux solaires destinés à fournir l’électricité nécessaire à son fonctionnement. ² Choix du « tatu-bola » (tatou-boule) comme mascotte du Mondial, espèce vulnérable depuis 1996 en raison notamment de la déforestation. Son nom, Fuleco, est d’ailleurs la combinaison de "futebol", football, et "ecologia", écologie. Ses bénéfices s’élèveraient à plus de 3,3 milliards d’euros. Du côté des entreprises, l’équipementier sportif Adidas prévoit près de 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires, et GL Events, spécialiste français de l’événementiel, vise près de 200 millions d’euros. L’organisation impose en effet aux pays hôtes un régime d’exception draconien : exonérations fiscales pour la FIFA et ses partenaires commerciaux, engagements stricts en termes de construction d’infrastructures et d’équipements, liberté totale d’exportation et de conversion de devises, suspension des obligations de visa, dérogations au droit du travail, délimitation de « zones commerciales exclusives » pour les sponsors… Au Brésil, « la Coupe du Monde entraîne des violations des droits humains tels que le droit au logement, le droit à la liberté de réunion et de mouvement, et le droit au travail », violations liées aux exigences de la FIFA. En Afrique du Sud, les habitants expulsés des lieux de construction des « espaces FIFA » avaient été entassés dans des zones de relogement temporaires. La « rénovation » des villes s’accompagne surtout d’un processus de privatisation et de ségrégation spatiale destiné à perdurer bien après l’événement. Les équipements sont laissés à l’abandon ou restent chroniquement sousfréquentés, qu’il s’agisse d’équipements sportifs ou de transports. Bien entendu, les pays hôtes promettent d’organiser les événements sportifs les plus « verts » de l’histoire, ce qui se traduit dans la conception d’équipements « exemplaires » du point de vue écologique, mais trop souvent la démarche d’éco-conception n’est que partielle. En somme, le problème de fond est plutôt le rôle socio-économique que jouent ces grands événements. Mais cette réflexion semble bien loin aujourd’hui des préoccupations et business plan de la FIFA, bien loin aussi des valeurs sociales, culturelles et humanitaires que le football est censé transmettre. En outre, la FIFA a reconduit comme en 2006 et 2010 le dispositif permettant de compenser les émissions de CO2 liées à la compétition (dont 84% dues au transport vers le pays). LA FIFA RESPONSABLE ? Alors que le Brésil n’en finit plus d’être critiqué pour ces dépenses considérables, la FIFA, elle, sort grande gagnante de l’événement. [email protected] DOCUMENTATIONS bastamag.net bresil2014.blog.lemonde.fr juristes-environnement.com L’Équipe (11/06/14) 2014.wordpress.com Crédit photo : Guido Prestigiovanni 01 83 64 70 62