1.Contexte des 35 heures pour nos métiers

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1.Contexte des 35 heures pour nos métiers
L'Ilec et les trente-cinq heures
Résolution du conseil, 4 décembre 1997
1.Contexte des 35 heures pour nos métiers
2.Les entreprises membres de l'Ilec et les 35 heures
3.Conséquences prévisibles
4.Que faire ?
5.Conclusion
Vu le rapport du comité des ressources humaines et après en avoir délibéré, le conseil
d'administration de l'Ilec a adopté la résolution suivante :
L'Ilec ne souhaite pas porter de jugement de valeur sur la réduction à trente cinq heures de la
durée hebdomadaire légale de travail. Il s'agit d'un choix de nature politique qui échappe à
l'appréciation des entreprises. En revanche, l'association désire affirmer du point de vue
économique son attachement à la valeur travail, et sa préférence pour le développement de
l'emploi, à commencer dans l'industrie, plutôt que pour son partage qui relève de la politique
sociale.
Pour l'essor des industries membres de l'Ilec ce n'est pas la durée du travail qui importe en
premier lieu, mais son coût qu'il s'agit de limiter, afin de fortifier l'emploi par la relance de
l'activité.
La nécessaire diminution du coût du travail doit être obtenue par des allégements de charges
inconditionnels, généraux et pérennes, plutôt que par des aides conjoncturelles. Elle doit résulter
de l'aménagement du temps de travail, lequel comporte des modalités variées : annualisation,
conditions de recours aux heures supplémentaires ou aux intérims, régime des avantages
annexes tels que pauses ou congés par exemple. Le choix entre ces options dépend de la
situation particulière de chaque société dans son contexte économique défini par le marché, et
dans son environnement social déterminé par la loi ; il ne saurait résulter que de la négociation
entre partenaires sociaux dans le cadre de chaque entreprise.
L'appréciation du travail des cadres et des forces de vente en fonction des horaires pratiqués,
avec le système de contrôle qui en résulterait, serait, pour ces catégories, une régression sociale
dépourvue de justification économique.
Faute de diminuer le prix du travail, notre pays s'exposerait à devenir moins attractif pour les
investissements voire à perdre, par la délocalisation de sièges ou de centres de production, une
partie de sa richesse, tandis que les entreprises en place seraient obligées de rechercher dans
l'accroissement de la productivité le moyen de compenser celui de leurs charges, contribuant
ainsi contre leur volonté négativement à l'emploi.
La présente résolution sera portée à la connaissance de tous les adhérents, à charge pour eux de
la diffuser dans leurs organisations syndicales et leur environnement institutionnel. Elle sera
également transmise aux décideurs politiques et aux administrations avec lesquelles l'association
est habituellement en relation.
Les trente cinq heures
Comité des ressources humaines - 3 Décembre 1997
Le comité des ressources humaines de notre association a consacré deux séances de travail au
projet gouvernemental du passage aux 35 heures.
Durant l’été, nous avons mené auprès des directeurs des ressources humaines de nos adhérents,
une étude sur l’organisation et l’aménagement du temps de travail en 1997. Celle-ci a permis
d’apprécier les conséquences des 35 heures à partir de la situation qui prévaut aujourd’hui dans
nos entreprises.
1.Contexte des 35 heures pour nos métiers
Nos entreprises, commercialisant des produits de grande consommation sont, en France, dans la
situation suivante :
Marchés souvent stables, parfois en régression, rarement en progression. La part des dépenses
des ménages en produits de grande consommation diminue.
Le poids croissant des MDD et des premiers prix a réduit de 30 % en moyenne la part des
marques sur la dernière décennie.
Seuls les produits leaders ou numéro 2 peuvent espérer survivre dans les linéaires, ce qui
implique en permanence des efforts coûteux d’innovation et de communication.
Le consommateur, attentif au prix et au rapport qualité-prix ne laisse place à aucune dérive
tarifaire.
La libre circulation des biens et services au sein des pays de l’Union, alors que les produits de
marque sont de plus en plus internationaux, favorise les approvisionnements en parallèle. Le
prix de cession net/net des produits fabriqués en France dépend, pour un même produit, des
prix pratiqués par les autres pays. L’introduction de la monnaie unique renforcera le lissage des
prix européens.
La concentration de la grande distribution, et son niveau d’exigence en matière de réduction de
prix, de coopération commerciale et de gestion des flux, oblige chaque année à des efforts de
productivité.
2.Les entreprises membres de l'Ilec et les 35 heures
Nos entreprises sont, pour beaucoup d’entre elles, filiales de groupes internationaux dont le
siège et les centres de décisions sont souvent hors de France.
Partant, les filiales françaises sont confrontés à un double système de jugement :
- jugement quant aux performances en France (rentabilité, retour sur investissement, parts de
marchés....) ;
- jugement comparatif vis-à-vis des autres pays (coût du travail, prix de revient, taux de marge,
organisation, fiscalité, droit du travail, qualité de la main d’œuvre, climat social...).
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Ces éléments de comparaison décident des implantations d’usines ou de sièges dans un pays ou
dans un autre. Ce sont ces mêmes éléments qui, s’ils deviennent défavorables aux filiales
françaises, conduisent aux délocalisations.
En matière d’investissement, outre la recherche du meilleur retour, la visibilité est pour nos
entreprises, un point fondamental. Or, les dernières décisions n’ont pas amélioré celle-ci :
- hausse rétroactive de l’impôt sur les bénéfices de 1997 ;
- annonce des 35 heures, sans que les modalités d’application soient arrêtées ;
- remise en cause de la loi Robien ;
- renforcement des contrôles de l’inspection du travail notamment pour les cadres;
- difficulté accrue des procédures de licenciement.
Les systèmes d’aides à l’emploi, déjà complexes, vont être renforcés par les incitations au
passage à 35 heures. Les entreprises (multinationales ou pas) sont plus attentives à la baisse
durable des charges pesant sur l’emploi qu’aux aides, dont la longévité n’est jamais certaine.
La rigidification du temps de travail, calculé sur la semaine, avec des plafonds sur les heures
supplémentaires, va à l’encontre de la flexibilité par l’aménagement du temps de travail. Celle-ci
est mise en avant dans les autres pays de l’Union dans le cadre de négociations branche par
branche, entreprise par entreprise.
L’interventionnisme de l’Etat, dans un monde marqué par la globalisation et la dérégulation
apparaît peu compréhensible pour les centres de décision notamment étrangers.
En France, la qualité de la main d’œuvre a, pendant de nombreuses années, permis
d’atténuer les différences de coûts du travail entre pays. Aujourd’hui, le niveau de qualification
des autres Etats a considérablement augmenté, rendant cet argument caduc. L’explosion des
télécommunications et la baisse des coûts de transport (marchandise et personnel)
renforcent le risque de délocalisations. La surcapacité industrielle, l’évolution
technologique, le montant des investissements, le recentrage sur des activités à forte
contribution favorisent également les réimplantations.
Le passage aux 35 heures est une vision tayloriste, alors que les ouvriers, dont la proportion
diminue, travaillent déjà, pour la plupart d’entre eux, 35 heures, voire moins si l’on considère la
durée effective du travail.
Le vrai souci est celui des cadres et des forces de vente, dont la mission et la motivation sont
peu compatibles avec une gestion comptable hebdomadaire du temps.
3.Conséquences prévisibles
Nos adhérents convergent sur le fait que le passage aux 35 heures ne peut, sans risque sur
l’emploi, entamer ni la marge, ni l’investissement, ni la R & D, ni la communication, garants de la
compétitivité de nos entreprises dans un monde ouvert. Le coût constant du travail, ou mieux
sa diminution, est fondamental.
Pour les quelques groupes actifs sur des marchés encore porteurs, il existe une petite marge de
manoeuvre où la négociation avant le butoir de l’an 2000 et l’utilisation des aides prévues par le
gouvernement pourraient, en combinant aménagement du temps de travail, remise à plat des
avantages acquis et incitations financières, permettre de ne pas nuire à la santé économique de
ces entreprises.
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Pour les groupes agissant sur des marchés mûrs, le passage aux 35 heures ne peut se concevoir
sans accélération des gains de productivité. Ceux-ci peuvent être de nature multiple :
- technique et organisationnel :
- analyse des organisations ;
- recentrage sur les produits à valeur ajoutée forte ;
- avancée technologique ;
- gestion du personnel :
- flexibilité par annualisation, travail en continu ;
- remise en cause des avantages (vacances, intéressement, primes, retraites...) ;
- renégociation des conventions collectives ;
- chasse aux intérims et aux heures supplémentaires ;
- stratégie de sous-traitance ou d’outsourcing ;
- rajeunissement de la pyramide des âges.
Enfin, le problème posé par les fonctions cadre et force de vente n’apparaît pas soluble sans
flexibilité et sans recours à des techniques comme le contrat épargne temps. Les contrôles de la
DDT, les injonctions au badgage vont à l’encontre du management moderne des cadres.
Une chose est sûre : l’équation consistant à réduire le temps de travail en maintenant
la rémunération, les avantages et la compétitivité, n’a pas de solution.
4.Que faire ?
Nos directeurs des ressources humaines estiment que le débat sur les 35 heures généralisées est
un mauvais dossier, alors que les points suivants devraient être considérés :
- le travail ne doit pas être considéré uniquement comme une contrainte humaine, alors qu’il est
un facteur d’épanouissement personnel ;
- la compétitivité est seule garante de la pérennité des entreprises et des emplois. Partant, le
coût du travail particulièrement élevé en France doit diminuer ;
- notre pays doit rester attractif pour les multinationales si l’on veut éviter des délocalisations ;
- la diminution durable des charges, notamment sur les bas salaires est préférable à tout
système d’aide qui créé des comportements non économiques de court terme ;
- l’économie moderne, placée dans son contexte de mondialisation, ne peut vivre sans flexibilité;
- les situations très diverses, par branche et par société, s’accommodent mal d’une décision
générale et de l’interventionnisme étatique ;
- la concertation et la négociation dans l’entreprise sont les moteurs du progrès social. Elles
garantissent l’esprit d’entreprise, la motivation des équipes, la croissance et l’emploi ;
- le pouvoir d’achat des salariés en place pâtira de la nouvelle loi, alors que l’aspiration légitime
est au mieux être.
5.Conclusion
Le groupe de travail a recommandé, en conclusion, que les arguments exposés ci-dessus soient :
- exposés au personnel dans les entreprises ;
- relayés auprès des fédérations professionnelles ;
- soumis au conseil d’administration de l’Ilec.
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