Contrat de mandat NIP Carrefour 2016

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Contrat de mandat NIP Carrefour 2016
N° 9 16 – 21 avril 2016
Contrat de mandat NIP
Carrefour 2016
Carrefour a présenté à ses fournisseurs une nouvelle version de contrat de mandat censé encadrer
le
déroulement
des
opérations
promotionnelles
sous
forme
de
« nouveaux
instruments
promotionnels ». La modification fondamentale porte sur les modalités de détermination des
sommes consenties par les industriels aux consommateurs, en pourcentage du PVC et non plus en
remises unitaires.
Au-delà des conséquences immédiates sur le fonctionnement du contrat, ce changement de mode
opératoire met en question le contrôle qu’a le fournisseur sur l’opération, à l’origine de laquelle il
est supposé être et plus généralement le rôle du « quatre net » dans la politique commerciale,
ainsi que la perte de maîtrise de sa politique promotionnelle par le fournisseur.
1 Courrier et présentation du 8 avril 2016
Les termes utilisés par l’enseigne sont d’importance : ils expriment une dépossession du
fournisseur de l’initiative de l’opération de NIP. Ainsi, Carrefour indique : « en complément de
notre mandat actuel… nous souhaitons également mettre en place un mandat de pourcentage qui
permettra de proposer à nos clients une remise en pourcentage du prix de vente ou des produits
en promotion que Carrefour aura librement déterminés ».
Le modèle de mandat est préparé par l’enseigne, sous sa rédaction, ainsi que les modalités de
facturation.
2 Description du mécanisme d’abondement
Aujourd’hui, la contribution du fournisseur à un NIP mandat prend la forme d’une remise unitaire
par produit, exprimée en euros, appliquée sur l’ensemble des produits vendus dans le cadre de
l’opération. Sous réserve de la fiabilité de la reddition de comptes, il est relativement aisé pour le
fournisseur, en fonction de la qualité du document établi par le distributeur, de vérifier le bien-
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fondé des sommes effectivement versées à celui-ci, mandataire dont le rôle consiste à être
l’intermédiaire entre le fabricant et le consommateur.
La proposition de mandat Carrefour viserait désormais une remise en pourcentage, qui
s’appliquerait sur le prix de vente promo de chaque magasin.
La présentation de Carrefour insiste sur le fait que l’enseigne « peut fixer différents prix de vente
pour les produits d’une même gamme » ; le projet de contrat précise à ce titre que « le prix de
vente du ou des produits est librement et exclusivement déterminé par Carrefour », ce qui soustend l’idée d’une variabilité potentielle du montant dû in fine par le fournisseur, le prix de
vente consommateur pouvant varier au gré de la politique de prix du distributeur,
pendant la durée de l’opération. Ces modalités sont par ailleurs de nature à favoriser des
discussions sur les prix de vente consommateur entre les parties. Il conviendra dès lors d’être
particulièrement
vigilant
sur
le
risque
corrélatif
de
pratiques
de
nature
anticoncurrentielles.
Les modalités de reddition de comptes sont également modifiées. Ainsi, le montant des
réductions accordées est indiqué en TTC et non plus en HT, et le chiffres d’affaires est
également déclaré en total TTC, pendant la durée de l’opération.
La valeur globale de la réduction est pourtant indiquée en HT dans le document de
reddition. Le point reste à vérifier, car le document joint en page 5 de la présentation et intitulé
« format des documents justificatifs – nouveau format (2/3) » semble quant à lui indiquer une
remise TTC.
3 Caractère impératif
Les courriers d’accompagnement de la présentation et des modèles de contrat de mandat indiquent
que ces modalités doivent enter en vigueur la semaine 22 (début juin). En l’état, le caractère
impératif n’est pas établi, le fournisseur conservant la possibilité de ne pas aller dans
cette voie, en ne souscrivant pas au « complément » en pourcentage « souhaité » par Carrefour,
et il le peut d’autant plus que par principe il est censé avoir la maîtrise de l’initiative et de la
rédaction du contrat.
4 Problèmes posés
La modification « proposée » (à ce stade) emporte un certain nombre de conséquences pour le
fournisseur qui amènent à s’interroger sur l’intérêt d’y souscrire.
4.1 Perte de visibilité du montant final de l’opération
La détermination d’une remise unitaire permet, sur la base d’une estimation des volumes, d’avoir à
tout le moins une idée du montant qui sera finalement dû, lorsque l’opération porte sur une durée
précise (et respectée). Le passage à une remise en pourcentage, sur la base d’un prix
évolutif pendant la durée de l’opération (prix de vente consommateur fixé par le distributeur
et par magasins) est porteur d‘incertitude sur le montant final qui sera demandé au
fournisseur dans le cadre de la reddition des comptes (une incertitude susceptible d’être
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particulièrement préjudiciable aux entreprises dont la trésorerie est fragile, à l’encontre de la
simplification des relations commerciales que l’enseigne prétend promouvoir avec les PME).
Il reste à cet égard que, avec Carrefour, le risque de dépassement des volumes de produits
standard alloués à une opération est déjà un problème récurrent, comme le sont les incertitudes
relatives aux dates de paramétrage des caisses. La remise en pourcentage, en plus ou à la place de
la remise unitaire, ne fait qu’ajouter de la complexité à un contexte commercial déjà
caractérisé par une maîtrise médiocre du partage entre la promo et le fonds de rayon.
4.2 Contrôle des montants dans la reddition des comptes
La « proposition » de Carrefour emporte des difficultés de vérification et de consolidation des
chiffres présentés par l’enseigne, le système passant de la vérification d’une somme des
produits vendus pendant l’opération, multipliée par la remise unitaire, à une analyse de tous les
prix de vente pratiqués pendant la durée d’opération, pour tous les magasins concernés, ce qui
induit une complexité accrue pour l’enseigne en termes de remontées d’informations,
mais aussi pour le fournisseur en termes de vérification du bien-fondé des sommes exigées.
L’atelier NIP Ilec 2014 soulignait les difficultés, avec certaines enseignes, en matière de fiabilité des
redditions de comptes, et le caractère chronophage et complexe de la vérification ; un passage à
un système d’abondement en pourcentage ne peut qu’aggraver cette situation.
4.3 Détermination de l’assiette
La « proposition » introduit une ambiguïté quant à l’assiette de calcul de la rémunération. Il doit
être précisé que le montant sur lequel s’applique le pourcentage est le prix de vente
consommateur hors taxes et non TTC, comme semblent l’indiquer les documents.
5 Un enjeu général : la maîtrise des NIP
La « proposition » de Carrefour traduit, au-delà de la modification du mécanisme, une dérive en
matière de NIP et de quatre net, alors que l’étude Ilec sur la formation des prix montre que les
sommes transférées des fournisseurs vers les distributeurs, au bénéfice des consommateurs, est
en constante évolution.
5.1 Un terrain complexe
L’Ilec a constamment attiré l’attention de ses adhérents sur la complexité des opérations de NIP,
sur les risques d’inflation des sommes qui y sont consacrées, et sur les dangers juridiques
inhérents.
Ainsi,
les
sommes
doivent
être
affectées
aux
consommateurs
ou
restituées
intégralement au fournisseur, le distributeur n’étant qu’un mandataire intermédiaire.
Les divers ateliers organisés sur le sujet ont montré les difficultés et les dérives liées aux NIP, le
consommateur n’ayant pas le sentiment que l’avantage dont il bénéficie provient du fournisseur, et
les distributeurs s’abstenant de toute communication sur ce sujet et même s’attribuant, au compte
du fournisseur, les mérites de l’opération auprès du consommateur. Et de manière constante, les
fournisseurs se plaignent de la fiabilité et de la régularité des redditions de comptes présentées par
le distributeur.
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5.2 Des règles applicables récemment revues
La Commission d’examen des pratiques commerciales
puis le législateur se sont préoccupés du
sujet.
La CEPC indiquait dans un avis (10-10) du 3 juin 2010 que « les NIP sont parfois traités comme
des opérations classiques de coopération commerciale (article L. 441.7.2) et doivent alors être
intégrés dans la convention écrite définie par ce même article ». Sous le régime Galland-Dutreil,
les NIP étaient en effet traités indifféremment en coopération ou en mandat (contre lequel l’Ilec
mettait en garde ses adhérents, cf. Faxilec n° 3-2007), liberté qu’a consacrée la CEPC, alors même
que la LME avait commencé à modifier les usages et à vider la coopération.
La Loi Hamon du 17 mars 2014 a entériné l’usage et, au contraire de la CEPC, a opté pour le
système exclusif du mandat, à l’article L. 441.7 du Code de commerce : « Les conditions dans
lesquelles, le cas échéant, le fournisseur s’engage à accorder aux consommateurs, en cours
d’année, des avantages promotionnels sur ses produits ou services sont fixées dans le cadre de
contrats de mandat confiés au distributeur ou prestataire de services ; conclu et exécuté
conformément aux articles 1984 et suivants du Code civil, chacun de ces contrats de mandat
précise, notamment, le montant et la nature des avantages promotionnels accordés, la période
d’octroi et les modalités de mise en œuvre de ces avantages ainsi que les modalités de reddition de
comptes par le distributeur au fournisseur ».
La perspective de modifications législatives nouvelles conduit à s’interroger sur les NIP, au regard
du montant inflationniste des sommes qui leur sont consacrées et de la perte de maîtrise par les
fournisseurs sur les opérations, qu’illustre éminemment le cas Carrefour, avec une rédaction et une
modalité de rémunération qui les dépossèdent entièrement.
Diffusion :
Conseil d’administration – Comité des dirigeants – Bureau affaires publiques –
Bureau et Comité commercial – Comité juridique – Bureau et comité supply chain–
Bureau et Comité Europe – Comité financier – Comité marketing de la marque
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