télécharger la page - L`Université Paris Descartes

Transcription

télécharger la page - L`Université Paris Descartes
La femme dans le cinéma de Xavier Dolan
Le 8 octobre dernier est sorti sur nos écrans, "Mommy", le dernier bijou de Xavier Dolan, réalisateur québécois dont
le nom est désormais sur toutes les lèvres.
Jeune talent aux multiples facettes, Dolan est un acteur, réalisateur, costumier, scénariste… Ce cinéaste autodidacte et
pluridisciplinaire âgé aujourd’hui de 25 ans n’en est pas à son premier coup de génie puisqu’avec la sortie de "Mommy", il
compte en tout cinq réalisations à son actif, toutes sélectionnées à Cannes ou à Venise.
Ses films se rejoignent tous à travers le rôle qu’il attribue aux femmes. Tantôt braves, tantôt fragiles, la femme et la mère
gagnent toujours dans ses films. Les femmes inspirent Dolan, c’est la raison pour laquelle il les magnifie à l’écran, avec cette
envie de leur donner la parole, les voir s’exprimer, vivre, exister, ce sont de vraies femmes que l’on peut observer dans son
cinéma, qui se battent pour ce qu’elles sont et ceux qu’elles aiment.
Le jeune prodige québécois est donc fasciné par la figure maternelle. « La mère est toujours au centre de ma démarche, c’est
la figure qui m’inspire inconditionnellement. J’ai besoin d’avoir un rapport viscéral avec ce que j’écris, je dois sentir que je
maîtrise la matière de mes films, et c’est le cas avec la figure de la mère. J’ai tellement observé la mienne, je l’ai tellement
écoutée parler : je la connais par cœur et, à travers elle, j’ai l’impression que j’ai appris à connaître les femmes. »
Mais sa mère n’est pas la seule femme à l’avoir inspiré. Nous distinguons aussi le rôle récurant de l’enseignante qui sauve,
comprend et inspire l’adolescent dans les films « Mommy » et « J’ai tué ma mère ». A ce sujet, Dolan déclare « À 16 ans, j’ai
eu une enseignante, Ève, qui m’a beaucoup donné. Elle ouvrait des horizons à ses élèves, elle a élargi notre culture et nous a
fait prendre confiance en nous, raconte Xavier Dolan. C’est pour cette femme de transmission, cette passeuse de savoir,
d’élégance et d’ambition que j’ai écrit une nouvelle qui s’intitulait le Matricide, et qui est devenue plus tard J’ai tué ma mère. »
Enfin, c’est sa belle-mère qui lui a montré « La leçon de piano », film qui a inspiré Xavier Dolan dans son désir de travailler
dans le cinéma. « Quand j'ai eu 15 ans, mon père s’est mis à fréquenter une scénariste cultivée et globe-trotteuse dont la
sœur était critique de cinéma : ces deux femmes m’ont fait prendre conscience de mon inculture, elles m’ont éduqué. Et c’est
ma belle-mère qui m’a fait découvrir la Leçon de piano, un choc profond. Comment ne pas aimer un film aussi bien écrit et
réalisé, aussi beau et simple ? », confie-t-il.
Alors sans ces femmes qui l’ont inspiré, Xavier Dolan ne serait pas ce cinéaste si prisé actuellement? La question se pose.
Voici un récapitulatif de ce que nous aurions pu louper sans cela.
Dans « J’ai tué ma mère », Dolan nous convie au coeur d’une relation mère/fils extrêmement conflictuelle, où haine et amour
se mêlent, l’histoire d’un fils qui n’arrive pas à aimer sa mère, et d’une mère qui ne sait pas comment retrouver l’amour de son
fils adolescent, pour qui elle était tout, pourtant, jadis. Ce film explore les mécanismes de l’adolescence et la manière dont
l’amour que l’on peut porter à une mère lorsque nous sommes enfant, cet amour inconditionnel car une mère est souvent le
centre du monde d’un enfant, évolue et parfois s’inverse.
« Les amours imaginaires » aborde le thème d’un trio amoureux. Deux amis, un homme et une femme, tombent amoureux du
même homme. S’ensuit alors une lutte inavouée pour conquérir leur amour. Dans ce film, la femme est amoureuse, elle aime
mais doute, trébuche, hésite, fantasme, dissimule, se trompe, et recommence. Ce film met en scène une chorégraphie
amoureuse à 3, et les conséquences que cela entraine.
Puis c’est dans « Laurence Anyways », que la femme est le plus magnifiée, ironiquement à travers un homme. Un homme qui
aime tellement les femme, qu’il souhaite en devenir une. Mais c’est une décision dure à accepter pour celle qu’il aime et qui
partage sa vie. Dans ce film, il nous parle des femmes à travers un homme, et c’est d’un donc d’un point de vue original qu’il
aborde cette thématique qui lui est si chère.
Après « Laurence Anyways », « J’ai tué ma mère » et « Les Amours imaginaires », qui représentent d’un certain point de vue
une trilogie à propos de l’amour impossible, Dolan traite d’un tout autre sujet, change de cap ce qui se ressent dans sa
manière de filmer, auparavant très esthétique, et qui se fera très froide et dure dans « Tom à la ferme » (reprise de la pièce de
théâtre éponyme). Dans ce film, Dolan décide de montrer l’étrangeté, la peur et l’angoisse, et au cœur de cela, une mère qui
vient tout juste de perdre son fils, épuisée et vivant les souffrance d’une femme qui n’a jamais connue que la ferme, les
étreintes maladroites de son mari décédé et de ses fils, le train des vaches, et le chemin de terre au bout duquel on finit par
désespérer de voir quelqu’un arriver. Dolan revient donc vers le thème de la détresse maternelle.
Puis vient « Mommy » la revanche de la mère dans « J’ai tué ma mère » diront certains. Dans son tout dernier film, il explore
une relation mère/fils agitée, parfois violente. Il met en scène une mère au caractère bien trempé, un peu colérique, forte et
belle, mais aussi un amour inconditionnel entre une mère et son fils, qui ferait tout pour le sauver. Et il y a aussi la simplicité
de Kyla, la douce et timide voisine qui a perdu son fils, et vient apporter un peu d’harmonie dans leur vie compliquée.
Vous l’aurez donc compris, si par hasard l’envie vous prend d’étudier les figures féminines à travers l’oeil d’un passionné,
c’est vers Xavier Dolan qu’il faut se tourner. A travers des films à l’esthétisme à couper le souffle, rythmés par une bande son
toujours soigneusement sélectionnée, il nous raconte la femme d’une manière unique, et qui nous plait.
Manuela Thanos