EMI EMI - Nouvelobs
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EMI OFFRES SPECIALES de FIN D'ANNÉE valables du20/10/69 au 31/1/70 • CHOPIN/Samson François Intégrale des POLONAISES. Coffret 2 disques 2c 065 10291/2 52,80 F • LISZT/Cziffra Concertos 1 et 2 Totentanz -Fantaisie hongroise. Orchestre de Paris, direction Gyorgy Cziffra Junior. Coffret 2 disques 52,80F 2c065 10313/4 • CHOPIN/Weissenberg Intégrale des NOCTURNES. Coffret 2 disques. 52,80 F 2e 065 10382/3 • WERTHER/massenet Nicolaï Gedda - Victoria de los Angeles - Mady Mesplé - Roger Soyer. Orchestre de Paris : Georges Prêtre. Coffret 3 disques ( dont 1 monoface ) 79,25 F 2e 065 01949/51 • MADY MESPLE "L'Art de la Coloratura" Hamlet - Lakmé - Mignon - Roméo Contes d'Hoffmann - Manon - Pêcheurs de Perles. Orchestre de l' Opéra Direction J.-P. Marty. 24,25 F I disque 2c oss 90289/91 Le catalogue lyrique "V.S,N1. - 1970 sera joint à ce disque. Mélodiya • RACHMANINOV/svetlanov Symphonies n' 1, 2, 3. Orchestre Symphonique de l'URSS. Coffret 3 disques 72,75 F 2e 065 90289/91 Téléfunken • TELEMANN Der Tag des Gerichts "Le Jour du Jugement" C. Canne-Meijer - K. Eguiluz - V. Egmond - G.-L. Hermann -J. 1URGENS. Direction : N. Harnoncourt. Coffret 2 disques 56,80 F SAWT 9484/5 • MONTEVERDI Vespro della beata Vergine R. Hansmann - I. Jacobeit- N. Rogers Hoff -* M. Egrnond - J. Villisech N. Harnoncourt. Direction : J. Jürgens. Coffret 2 disques 56,80 F SAWT 9501/2 Les prix mentionnés indiquent un maximum. En vente chez les Disquaires classiques LA VOIX DE SON MAITRE EMI Page 44 Lundi 22 .sepiembre 1969 * On a beau se dire qu'on ne ressemble pas à ces gens-là, on finit par se sentir comme eux LE GARDIEN de Harold Pinter (trad. Eric Kahane) Théâtre Moderne L'admirable pièce. La.meilleure de Pinter. On l'avait créée au théâtre de Lutèce, il y a une dizaine d'années, dans une mise en scène de Roger Blin Elle n'avait eu aucun suc 7 cès. On ne connaissait pas Pinter en France, et il a fallu attendre a la • Collection » Our qu'on s'y intéresse. Parce qu'il y a un clochard dans « le Gardien », on avait parlé de Beckett — sans aller voir plus loin. Et c'est vrai que Pinter a profité du « théâtre de l'absurde »,, mais pour le rendre réaliste. Son absurde, il l'a trouvé chez les gens qu'il Voyait vivre autour de lui, dans cette langue, l'anglais, qui n'est faite que de monosyllabes, d'expressions toutes faites, de « Chevilles » qui tiennent lieu de conversation, tous ces, « I mean », e Ygu know », Go, on », Actually », qui sont à la base du « small talk ». ïuatfrolk lacets L'understatement; ce cime nous nommons chez nous plus pompeusement : litote et euphémisme, Pinter l'a mis au service de situations sans issue, de personnages entièrement e paumés ». LeS n'ois personnages qui, pendant toute la durée du « Gardien s, parlent pour ne rien dire sont un clochard — pas celui de e Godot » mais un vrai clochard — et deux jeunes gens complètement cinglés. De vrais cinglés. Qui ont été enfermés dans des asiles, auxquels on a fait des électrochocs -- minutieusement décrits, d'une voix monocorde, au milieu d'une chambre pleine d'un invraisemblable bric-à-brac. L'un de ces fous, le plus inoffensif, a recueilli un clochard, sans doute polir ne plus être seul, pour pouvoir, de temps en temps, parler, monologuer en essayant de réparer une prise électrique. L'autre fou, qui se dit le frère' de l'autre, mais pourrait être un compagnon d'asile ou un quelconque homosexuel — avec Pinter, avec les Anglais, on ne sait jamais très bien —, a une folie plus active, plus dynamique. Mais aucun des deux ne réalisera jamais aucun JACQUES DUMLHO DANS « LE GARDIEN » Extraordinaire mais écrasant des projets qu'il caresse avec plus ou moins de violence verbale. Le moins fou des trois, sinon le moins délirant, c'est le clochard qui, peu à peu, se fait tyrannique, râle parce que la fenêtre est ouverte, parce que les souliers qu'on lui donne n'ont pas de lacets et que, quand on lui donne des lacets, ils sont marron, alors que les souliers sont noirs. Le dialogue ne s'élève jamais audessus de ce niveau. Ce ne sont que des détails infimes, « absurdes », que des répétitions sans fin. On rit beaucoup au début. Et puis, les ,rires se figent. On entre, peu à peu, dans un cauchemar à la fois terne et grandiose, sans fin — une espèce de « huis clos » très réaliste. On a beau se dire qu'on n'est pas comme ça, qu'on ne ressemble pas à ces cinglés, à ce clochard, on finit par , se sentir comme eux. Sans morale ni métaphysique, sans une once d'intellectualité, Harold Pinter arrive à nous dire quelque chose de terrible et, avec méchanceté, nous rentre nos rires dans la gorge. Tout cela ne va pas sans artifices. Pinter connaît son métier. Il y a des morceaux de bravoure, des « mots s, des effets souvent un peu gros. Dans la mise, en scène de JeanLaurent Cochet, habitué à Molière, ces effets sont souvent un peu trop soulignés. Ce n'est pas tout à fait sa faute. En français, je j'ai toujours dit, Pinter perd la raison principale qui le fait écrire : jouer avec un idiome. La traduction, qu'elle soit de Jacques Brunius ou de Erik Kaliane, rend les choses plus lourdes. Et puis, dans ce spectacle, il y a surtout et avant tout Jacques Dufilho dans le rôle du clochard. C'est évidemment pour lui qu'on ira voir la pièce. 11 est extraordinaire. Ses mimiques, ses silences sont aussi expressifs que sa façon de parler. Totalement enfermé dans son person- - nage, iF passe de la pleurnicherie à la lâcheté, de la mythomanie à la méchanceté sans jamais cesser d'être le même, c'est-à-dire sans paraître jouer, alors même qu'il occupe toute la scène. UP, air trop léger Un peu trop, même. Ce n'est pas parce qu'il parle plus que les dèux autres personnages qu'il ne doit y en avoir que pour le clochard. Je me rappelle une représentation anglaise du « Caretaker », où ce n'était pas le clochard qukmt regardait, mais celui qui se taisait. 'Celui-ci, le doux maniaque qui répare les prises électriques, c'est Sacha Pitoëff qui le joue. Il est tout à fait merveilleux et inquiétant de vérité. Simplement, on n'a Pas assez ménagé de silences. L'air qu'on respire n'est pas assez épais. On a voulu distraire. On fait crier l'autre « frère », Claude Giraud, qui a le physique un peu voyou de l'emploi et a, lui aussi, quand Dufilho le laisse jouer, de très beaux moments. Pour le véritable amateur de Pinter et du « Gardien », c'est une socarée très réussie et, en même temps, un petit peu agaçante. Si le spectacle faiblit dans ,la dernière partie, c'est qu'on a trop compté. sur des numéros d'acteurs et pas assez fait confiance à la pièce. Jacques Dufilho est trop grand comédien pour ne pas le comprendre au bout d'un certain nombre de représentations. Alors, l'équilibre seta rétabli et e le Gardien » fera la carrière qu'il avait ratée il y a dix ans. Même s'il s'est passé d'autres choses depuis, le bon théâtre est trop ta- re pour ne pas sauter sur l'occasiàn. Et précisément dans ce théâtre moderne, où Pinter succède très normalement à Tchékhov. GUY DUMUR