La pratique de la «locked box» dans les acquisitions
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La pratique de la «locked box» dans les acquisitions
Analyses M&A La pratique de la «locked box» dans les acquisitions d’entreprises E Par Jérôme Herbet, associé, Winston & Strawn 10 Mercredi 29 avril 2015 n matière d’acquisitions d’entreprises, la détermination du prix des actions (ou des parts) cédées est toujours un exercice délicat. Il repose sur une valeur d’entreprise très souvent fixée en fonction de plusieurs critères, dont celui tiré de la situation financière et comptable de la cible, en faisant le plus souvent abstraction de la trésorerie disponible et des charges liées à l’endettement de la cible (debt-free cash free). Deux grandes méthodes existent pour déterminer le prix des actions cédées : la méthode reposant sur la valeur d’entreprise telle qu’elle est au jour de la réalisation de l’opération, qui entraîne la nécessité de procéder à un ajustement comptable postérieurement à la prise d’effet de l’acquisition, ou la méthode de la forfaitisation, qui exclut un tel ajustement et est désignée en anglais comme celle de la «locked box». En retenant cette dernière méthode, le prix des actions est déterminé de façon définitive au jour de la signature du contrat d’acquisition. La méthode de l’ajustement comptable repose sur l’utilisation des derniers états financiers audités disponibles pour déterminer le prix d’acquisition, qui est susceptible, dans un second temps, d’être ajusté postérieurement à la prise d’effet de l’opération et au paiement du prix «initial» sur la base d’états financiers audités préparés immédiatement après la prise de possession de la société par l’acquéreur. Cet ajustement peut donner lieu au paiement d’un complément de prix par l’acquéreur, ou à la restitution par le vendeur d’un trop-perçu. Dans le cas du recours à la méthode de la «lockedbox», l’acquéreur accepte de ne pas pouvoir réviser le prix initialement estimé, quelle que soit la situation de trésorerie, d’endettement, ou l’évolution du besoin en fonds de roulement de la cible. La trésorerie, les charges d’endettement et le besoin en fonds de roulement sont des données existantes, qui ressortent des états financiers de référence. La valeur d’entreprise est donc appréciée sur une base historique et non prospective et, pour garantir à l’acquéreur qu’il la trouvera bien au moment de la prise d’effet de l’acquisition, le contrat d’acquisition prévoit les circonstances limitatives dans lesquelles la substance reflétée dans les comptes de référence peut évoluer. Le contrat recense ainsi les pertes de valeur («leakage») auxquelles le vendeur s’interdira de procéder entre la date de signature du contrat d’acquisition et la date de sa prise d’effet. Le contrat encadre donc les modalités selon lesquelles le vendeur peut gérer l’entreprise entre la période de signature du contrat et celle de sa prise d’effet. Il s’agit d’engagements du vendeur susceptibles d’être sanctionnés s’ils ne sont pas respectés par un engagement d’indemnisation propre. Il n’est dans ces conditions pas nécessaire d’établir d’états financiers postérieurement à la prise d’effet de l’acquisition et la conséquence la plus directe est la certitude pour le vendeur d’un prix «net» et le transfert à l’acquéreur du bénéfice économique de la cible dès la signature du contrat d’acquisition. La méthode de la «locked-box» est en conséquence traditionnellement réputé être favorable au vendeur, qui connaît dès le départ le prix qu’il encaissera pour la vente. Elle a la faveur des vendeurs pour lesquels cette certitude est un élément important du processus décisionnel, notamment les fonds d’investissement. Mais aussi, de plus en plus souvent, des vendeurs eux-mêmes soumis à des contraintes de reporting, notamment les sociétés cotées, pour qui l’annonce d’un prix de cession susceptible par la suite de faire l’objet d’une révision à la baisse complique la communication financière. Le recours au mécanisme de la «locked-box» n’est cependant pas nécessairement défavorable aux acquéreurs, dès lors qu’un temps raisonnablement court s’écoule entre la date d’établissement des comptes de référence et la date de prise d’effet de la cession, et à partir du moment où le vendeur est disposé à fournir à l’acquéreur les garanties contractuelles couvrant une éventuelle perte de valeur dans la période intermédiaire. La différence majeure entre les deux méthodes repose en effet sur le moment auquel les risques de l’acquisition sont transférés du vendeur à l’acheteur. Dans la méthode traditionnelle de l’ajustement comptable, ce risque ne sera assumé par l’acheteur qu’à l’issue du processus de révision comptable, ce qui peut prendre un certain temps notamment en cas de divergence d’interprétation sur les ajustements à effectuer, qui peut entraîner le recours à un tiers arbitre, selon une procédure plus ou moins complexe en fonction des termes du contrat d’acquisition. Dans la méthode de la «locked-box», les risques sont Analyses assumés par l’acquéreur dès le jour de la signature du contrat d’acquisition, et si la réalisation de l’opération nécessite d’être différée à une date ultérieure (par exemple, en présence de conditions suspensives liées à l’autorisation des autorités compétentes en matière de contrôle des concentrations), le vendeur sera réputé avoir géré l’entreprise pour le compte de, et au bénéfice (mais aussi au risque) de l’acquéreur. En termes rédactionnels, le recours à la «locked-box» permet de simplifier le contrat d’acquisition, en éliminant la nécessité de décrire les modalités de révision du prix. Mais il entraîne la nécessité de distinguer, parmi les engagements d’indemnisation du vendeur, ce qui relève de la violation des déclarations et garanties «usuelles», traditionnellement soumises à des planchers et à des plafonds d’indemnisation, de ce qui procède du non-respect des clauses encadrant les pertes de valeur observées depuis la date d’établissement des états financiers de référence, qui doit être indemnisé sans limitation d’aucune sorte. De la même façon, dès lors que l’acquéreur dispose du bénéfice économique de l’activité de l’entreprise au jour de l’établissement des états financiers de référence, il est logique et fréquent qu’il rémunère le vendeur pour le «coût» induit par le fait qu’il continue à «porter» l’entreprise jusqu’à la date de prise d’effet de l’opération : il ne bénéficiera en effet pas de l’accroissement de la trésorerie liée à l’activité, mais n’encaissera pas immédiatement le prix de cession. Notons que si l’opération s’accompagne d’une nécessité de restructuration préalable à la prise d’effet, celle-ci suppose d’être décrite en détail au titre des pertes de valeur permises («permitted leakage») par rapport aux états financiers de référence, ou de réfléchir aux états financiers de référence eux-mêmes, qui pourraient être constitués d’états pro forma. Dans ce cas, le postulat sera que ces états financiers seront représentatifs de l’entreprise post-restructuration et permettront de faire ressortir la «vraie» valeur de l’entreprise. Dans tous les cas, le recours au mécanisme de la «locked-box» suppose un vérification diligente comptable et fiscale approfondie en amont de la signature du contrat d’acquisition, puisqu’aucun ajustement ultérieur n’est envisagé. n Synthèse des avantages et inconvénients de la méthode de la «locked-box Avantages pour le vendeur : - Certitude quant au prix de cession - Contrôle du processus - Simplicité d’exécution - Pas de distraction «indue» des équipes dirigeantes accaparées par la préparation des états financiers de clôture - Economies liées à l’absence de nécessité d’établir des états financiers de clôture - Comparabilité des offres dans le cadre d’un appel d’offres ou d’enchères Avantages pour l’acquéreur : - Certitude quant au prix de cession - Pas de distraction «indue» des équipes dirigeantes accaparées par la préparation des états financiers de clôture - Economies liées à l’absence de nécessité d’établir des états financiers de clôture Inconvénients pour le vendeur : - Absence de bénéfice tiré de l’exploitation postérieure à la date de signature du contrat d’acquisition - Le taux d’intérêt servi par l’acquéreur pour rémunérer le «portage» postérieur à la date de signature du contrat d’acquisition, s’il existe, peut être relativement bas Inconvénients pour l’acquéreur : - Importance des déclarations et garanties du vendeur et de la confiance requise dans les états financiers de référence : augmentation du coût des vérifications diligentes - Risque lié à la détérioration de l’activité postérieurement à la date de signature du contrat d’acquisition - Suppose de négocier la base de valorisation en amont sans nécessairement une parfaite connaissance de la cible & DROIT AFFAIRES Directeur de la publication : Jean-Guillaume d’Ornano 01 53 63 55 55 Rédactrice en chef : Ondine Delaunay Chambaud 01 53 63 55 61 [email protected] Rédaction : Florent Le Quintrec 01 53 63 55 73 [email protected] Editeur & Responsable Commerciale: Lucy Letellier 01 53 63 55 56 [email protected] Assistante : Sylvie Alinc 01 53 63 55 55 [email protected] Conception graphique : Florence Rougier 01 53 63 55 68 Maquettiste : Gilles Fonteny (55 69) Secrétaire générale : Laurence Fontaine 01 53 63 55 54 Responsable des abonnements : Magali Viette 01 53 63 55 58 [email protected] Gabriel Mikulfka a participé à ce numéro 10 rue Pergolèse • 75016 Paris • Tél. 01 53 63 55 55 Administration, abonnements Service abonnements : 10 rue pergolèse 75016 Paris Tél 01 44 84 80 45 - Fax 01 53 63 55 60 optionfinance : [email protected] Impression : Ambiance graphique - Hôtel d’Entreprises, rue Aristide Bergès, Local D1 - 17180 Périgny N° de commission paritaire : 0117 I 90179 N° ISSN : 2105-1909 Editeur : Option Droit & Affaires est édité par Option Finance SAS au capital de 2 043 312 euros. 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