Corrigé 2006
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Corrigé 2006
A– 1. La séquence explicative. Le texte explicatif répond à la question, explicite ou implicite, « Pourquoi en est-il ainsi ? » ou « Comment cela est-il possible ? ». Il vise à instaurer ou à restaurer la compréhension supposée défaillante du récepteur. L’énonciateur d’une explication présente l’existence d’un phénomène comme acquise, mais pose le caractère énigmatique, curieux ou nouveau du fait présenté, ce qui le conduit à communiquer au récepteur la solution de cette énigme. Autrement dit, l’énonciateur soulève explicitement ou implicitement des interrogations à propos d’un fait, auxquelles il va substituer des certitudes. Les textes répondant à la question en comment peuvent être considérés comme des variantes du types explicatif expositif. Le compte rendu constitue le cas particulier de l’exposition. L’explication proprement dite doit plutôt être considérée comme une réponse à « pourquoi être, devenir ou faire cela ? ». J.-M. Adam considère la justification comme un cas particulier de l’explication : il la définit comme une réponse à la question implicite « pourquoi affirmer cela ? ». En d’autres termes, on justifie des paroles et on explique des faits. Adam (1992) propose le schéma suivant de la séquence explicative prototypique : SS exp. : P.exp. 0 : Schématisation initiale ou Introduction P. exp 1 : Problème ou question P. exp 2 : (Ré)solution ou Réponse P. exp. 3 : Conclusion – Evaluation Dans le texte de presse, l’explication est souvent amenée par un énoncé informatif que constitue le chapeau ou l’accroche dans un article : celui-ci ne vise pas à établir une conclusion : il transmet des données organisées et hiérarchisées, mais pas à des fins démonstratives. Il ne faut donc pas confondre l’énoncé informatif qui vise à faire savoir quelque chose, à informer, et l’énoncé explicatif qui a, sans doute, une base informative, mais se caractérise, en plus par la volonté de faire comprendre les phénomènes : d’où, explicite ou implicite, l’existence d’une question, comme point de départ que le texte s’efforcera d’élucider. A– 2. Les macro-propositions de la séquence explicative initiale de l’article. Prop. exp. 0 : par rapport à la suite de l’article, le §1 fonctionne comme une schématisation initiale. Le journaliste y « constate le phénomène » du succès des mangas et le présente comme énigmatique : par sa quantité (« en passe de détrôner les bulles franco-belges », « ils seront sans doute des milliers ») et par son intensité (« boivent des yeux sans modération »). Le caractère inattendu de ce succès est souligné par le fait qu’au contraire des jeunes, « les parents considèrent souvent comme des « japoniaiseries » » les mangas. Ce paragraphe est plutôt informatif que descriptif et, de toute façon, il ne prend sa valeur de Prop exp. 0 que parce que le sous-titre et le §2 sont manifestement explicatifs. Prop. exp. 1 : la première phrase du §2 est une demande d’explication explicite sous la forme d’une question comportant le mot « pourquoi » : « Mais pourquoi un tel engouement pour le manga ? » Elle reformule le sous-titre de l’article : « Pourquoi les bandes dessinées japonaises ont conquis les lecteurs du monde entier ». Malgré l’absence de point d’interrogation, ce sous-titre indiquait déjà la visée explicative du texte. Prop. exp. 2, 3 et 4 : les phrases 2, 3 et 4 de ce paragraphe annoncent les trois réponses que développera l’article. Les deux premières sont explicitement marquées par le connecteur de cause « parce que », et le cheminement logique de l’explication est construit par les connecteurs d’ordre « d’abord », « ensuite », « enfin ». Dès lors, le journaliste n’a pas jugé utile de répéter à nouveau « parce que », mais on peut le rajouter sans difficulté, et la phrase 4 formule effectivement une raison de plus du succès des mangas. Prop. exp. 5 : les phrases 5 et 6 forment la conclusion-évaluation de l’explication. Elle est marquée par le connecteur « du coup », qui indique à la fois la conséquence et la récapitulation. On peut considérer la phrase 5 comme plus conclusive et la phrase 6 comme plus évaluative. Ce ne sont pas les mangas qui sont évalués (puisque « le pire côtoie le meilleur »), mais l’intérêt des réponses apportées à la question : l’explication prouve l’insuffisance du stéréotype qui « réduit le manga à la pornographie et à la violence », elle lui substitue des raisons plus sérieuses et plus subtiles. On observe donc ici une séquence explicative très réduite dont le reste de l’article développera les raisons, mais selon une structure beaucoup moins nette. B– 3. Séquence construite par le §3, sous l’intertitre « Icônes virtuelles ». Le paragraphe en question constitue une séquence descriptive : en effet, il développe un hyperthème, « les mangas », en déclinant certains de ses aspects ou bien en le mettant en relation avec d'autres objets. Les deux premières phrases (l. 39-43) posent l'hyperthème et le mettent en relation spatiotemporelle avec les périodiques où paraissent les mangas (« hebdomadaires », « mensuels à grand tirage ») ainsi qu'avec leur contexte de consommation (« on les lit, on les jette »). C'est une mise en situation du phénomène culturel. Viennent ensuite deux aspectualisations par fragmentation et une sous-thématisation, également aspectualisée par fragmentation : – l. 43-54, les sous-genres de mangas (« shonen » et « shojo ») et, à l’intérieur des shonen, les « shonen ai » ; – l. 54-67, les « sujets » ou « thèmes » des manga, démarqués par une courte mise en relation temporelle (« depuis les années 1980 »), avec successivement les « salarymen », les lolitas, le go, les « rônin » et l'économie ; – l. 67-81, sous-thématisation du « manga gourmand », souligné par le connecteur « aussi » et à son tour aspectualisé par deux titres différents. Les mises en relation sont assez fréquentes. Elles peuvent introduire un thème ou un sous-thème comme nous l’avons dit ci-dessus : « Au Japon, la plupart du temps », « Depuis les années 1980 ». Mais les plus développées visent à expliciter le contexte de ce phénomène culturel : – lieux et rythmes de parution des mangas en début de paragraphe ; – pratique du « cosplay », qui s'applique à tous les sous-genres évoqués dans la fragmentation 1 ; – produits dérivés télévisuels et boulangers de Mister Ajikko en fin de paragraphe. Les opérations de qualification sont rares et inégalement développées dans les deux séries de fragmentation. Les qualifications par adjectif ou expansion du groupe nominal sont peu fréquentes dans la fragmentation 1 : « tendance surprenante » sert surtout à introduire une sous-fragmentation. On en rencontre davantage dans la fragmentation 2 : « lolitas déjantées », « succès planétaire » de Hikaru no Go, le « très sérieux » quotidien Nikkei. C'est parfois une prédication verbale qui qualifie : Yakitate Ja-Pan « fait le délice d'un large public ». On trouve aussi un certain nombre de gloses, traductions approximatives. Au total, les sous-thématisations et emboîtements créent l'impression de foisonnement qui commande cette séquence descriptive, par ailleurs beaucoup plus énumérative que qualifiante. La description repose surtout sur la fragmentation et la mise en relation : c’est ce qui lui permet d’être didactique. B–4. L’appartenance de cet article au genre « Enquête ». L’enquête se définit comme un ensemble d’articles ou un article long, élaboré autour d’un événement ou d’une situation, souvent à composante explicative et reposant sur une recherche méthodique –variété des sources d’information, interviews, témoignages– pour en donner une vision approfondie, parfois sans lien direct avec l’actualité. Même quand elle prend la forme d’un seul article, elle fera au moins une page pleine et souvent plus, elle est donc longue à préparer et à lire. C’est le cas ici, où l’article principal est accompagné d’un insert. Elle présente souvent une composante explicative, ce qui est le cas ici (cf. question 2). L’enquête est multiple : elle combine parfois plusieurs reportages, mais on peut aussi la faire – en compilant des informations, ce que montrent ici les notes 2 et 6 annonçant des parutions et l’intertitre « Un lieu » annonçant l’événement du week-end ; – en lisant des livres sur le sujet, ce qu’attestent ici les cinq références citées dans l’intertitre « À lire » ; – en consultant des archives, ce qu’illustrent ici les notes 1 et 5, ainsi que les trois mangas recommandés dans l’intertitre « Coups de coeur » ; – en interviewant des experts, ce dont témoignent ici les discours rapportés du graphiste L.-J. Lefèvre ; – en se documentant sur Internet, ce que prouvent ici les huit adresses de sites citées dans les notes 2 à 6 et sous les intertitres « Un lieu » puis « Sur Internet ». Sans que ce soit obligatoire, l’enquête peut être liée à l’actualité, ce qui est le cas ici avec l’annonce de Taïfu Festa.