Accroître la place de l`herbe dans le système fourrager
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Accroître la place de l`herbe dans le système fourrager
FLAMBEE DES MATIERES PREMIERES DES SOLUTIONS ALTERNATIVES AU SOJA ? Face à une augmentation régulière des cours des matières premières depuis le début de l'année, liée à des conditions climatiques défavorables dans les pays producteurs, nous assistons depuis quelques semaines à une flambée des prix. Le soja dépasse aujourd'hui 500 €, le maïs atteint 240 €, le blé 270 €, des sommets particulièrement préoccupants, et de nature à mettre en difficulté toutes les filières animales. La recherche de l'autonomie alimentaire des exploitations est donc plus que jamais d'actualité. Plusieurs voies sont possibles pour réduire la dépendance alimentaire et protéique. Accroître la place de l'herbe dans le système fourrager : une nécessité Le premier levier important à mettre en œuvre, tant sur les plans économique, zootechnique et environnemental, est l'augmentation des surfaces en herbe et l'amélioration de leur conduite, notamment par une meilleure gestion du pâturage. Production de Matières azotées totales des cultures (Tonne/ha) Tourteaux gras tournesol 27qx Tourteaux gras colza 30qx Foin "classique" dactyle 8 T MS Lupin grain 20 qx Méteil 8 T MS Féverole graine 30qx Foin précoce dactyle Augmenter la part d'herbe pâturée, permet de diminuer les coûts de production (moins de mécanisation, moins de concentré protéique). L'herbe de qualité offerte à volonté, exploitée entre 5 et 15 cm de hauteur, couvre une production de 25 kg de lait sans concentré, tout en diminuant le risque acidogène et améliorant la santé animale et la qualité du lait. Pois protéagineux 50qx Ensilage maïs 90 qx Soja graine entière 30 qx Ensilage dactyle 8 T MS Foin légumineuse 8 T MS Pâture dactyle 8 T MS 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 1,4 1,6 Tonnes de MAT/ha La voie de l'herbe, en culture dérobée ou prairie de longue durée, avec l'objectif prioritaire de pâturer et de faire du foin de préférence à l'ensilage ou à l'enrubannage, qui sont des techniques coûteuses, est à réfléchir dans toutes les situations. L'optimisation du système fourrager se fera en fonction des rapports de rendement entre prairie et maïs, de la facilité d'accès aux parcelles, des objectifs de chacun. La culture dérobée à remettre au goût du jour Les dérobées présentent l'intérêt d'une bonne complémentarité au niveau de l'utilisation des réserves du sol, de couvert végétal et des besoins des animaux. Diverses solutions sont possibles : avoine, ray grass d'Italie, vesce, colza, trèfle incarnat et d'Alexandrie, en pur ou en mélange, produiront dès 60 jours après le semis 2 à 3 tonnes de matière sèche. Capables de pousser en période hivernale (si les températures ne sont pas trop basses), on peut espérer un pâturage abondant dès le mois de mars, voire une récolte de 4 à 6 tonnes dès le 15 avril. Par souci de simplification, du fait de la facilité de culture, pour la pâture on préfèrera un ray-grass d'Italie diploïde ou d'Alexandrie (10 kg de RGI – 10 kg de trèfle). Ces trèfles non météorisants, très appétents, amélioreront la teneur protéique du fourrage. Pour la récolte, les méteils (vesce-avoine, avoine-trèfle incarnat, tricale-pois etc...) sont très productifs (8-10 t MS) dès le mois de mai. Il faut cependant veiller à retourner ces cultures assez tôt pour ne pas pénaliser la culture suivante. La prairie de longue durée Le choix de l'espèce se fera en fonction de plusieurs critères liés aux conditions pédo-climatiques (nature du sol et pluviométrie ou possibilité d'irrigation) des choix de l'éleveur (durée de vie de la prairie, fauche, pâture ?), des animaux (appétence, niveau de besoin des animaux). Ray-grass hybride, dactyle, brome, fétuque élevée, ont des comportements bien différenciés qu'il convient d'analyser. L'espèce retenue est-elle bien adaptée à mon sol, à mes besoins ? L'association avec des légumineuses (trèfle blanc pour le pâturage, trèfle violet ou luzerne pour la fauche permet de diminuer les besoins azotés et améliore l'appétence et la valeur azotée du fourrage. La prairie multi-espèces associe plusieurs graminées à plusieurs légumineuses, en vue d'une meilleure complémentarité par rapport à l'adaptation à la parcelle, à la valeur alimentaire, à l’étalement de la pousse, à l'économie de fertilisation azotée. Pour atteindre ces objectifs, il convient de choisir les espèces du mélange de façon judicieuse, pour que chacune puisse jouer son rôle malgré la concurrence. Le choix des espèces est à réaliser en privilégiant les conditions de milieu et le mode principal d'utilisation de la prairie. La culture de légumineuses (luzerne, trèfle violet), plantes ne nécessitant pas de fertilisation azotée, constitue un apport intéressant de protéines dans la ration des bovins. Si la luzerne est privilégiée de par des qualités de productivité, sa fibrosité et son excellent pouvoir tampon prévenant l'acidose, elle a l'inconvénient de demander un sol sain et une inoculation obligatoire de la semence. Le trèfle violet, moins exigeant, s’accommode de tous les types de sol et n'a rien à envier à la luzerne de par ses qualités dans la ration des bovins, est sans doute à reconsidérer dans bien des situations. Selon les expérimentations de l'ARPEB, le remplacement du foin de luzerne dans une ration à base de maïs par du foin de graminée, ne modifie pas les résultats zootechniques. Les alternatives au soja La forte hausse des matières premières destinées à l'alimentation animale pousse les producteurs à rechercher des solutions pour limiter l'impact de ce phénomène sur leurs élevages. La maîtrise du coût alimentaire des rations hivernales s'avère être cruciale pour espérer maintenir les revenus. Des solutions techniques existent, le choix d'un produit se fera en fonction des rapports de prix et des disponibilités du marché. L'urée : une utilisation réglementée Classée comme additif nutritionnel et à ce titre sérieusement réglementée, l'incorportion de l'urée dans les aliments des animaux doit faire l'objet d'un agrément et nécessite la mise en place d'une démarche HACCP. Au quotidien on trouvera dans le commerce des compléments alimentaires contenant 60 à 80 % d'urée. Elle reste un produit à gérer avec précision et nécessite d'être associée à des tourteaux tannés de soja ou de colza pour des productions supérieures à 25/27 kg de lait. Elle ne doit pas être utilisée avec des fourrages verts ou des ensilages d'herbe et sa consommation doit être répartie au minimum en deux repas, voire sur toute la journée. Le colza : si le prix reste inférieur à 70 % de celui du soja Le remplacement du tourteau de soja à raison de 1,5 kg de tourteau de colza, pour 1 kg de tourteau de soja, dans les rations à base d'ensilage de maïs, entraîne en moyenne : • une augmentation de 0,9 kg/jour de MS de la consommation totale • une augmentation moyenne de 0,6 kg de lait par jour • une baisse du TB de 1,2 g/kg avec maintien du TP La baisse du taux butyreux est liée à l'augmentation de la production laitière (effet dilution) et à la présence d'acides gras insaturés dans les tourteaux de colza. Valeur azotée des aliments (PDIN/kg MS fourrage/kg brut de concentré) 1 kg d'urée : 1472 g de PDIN Graine tournesol Foin Légumineuse Graine colza Graine Lupin Herbe Dactyle Graine pois Graine féverolle Tourteau tournesol Drêche maïs Tourteau colza Graine soja Tourteau soja 0 50 100 150 200 PDIN g/kg 250 300 350 Le tournesol : des valeurs faibles Le remplacement de 3,5 kg de tourteau de soja dans une ration d'ensilage de maïs ou de blé pour compenser la faiblesse énergétique, ne modifie pas les performances zootechniques (autant de lait et taux identiques). La plus forte proportion de concentré et d'amidon liée à l'apport de céréale supplémentaire, augmente le risque acidogène. La complémentation à base de tournesol n'est pas très adaptée aux rations à base de maïs, on la réservera aux systèmes plus herbagers et pour des animaux à moindres besoins. Du Lupin, du Pois, de la Féverole : pourquoi pas ? Ces protéagineux, utilisés sous forme de graines aplaties, sont bien pourvus en énergie, mais plus faibles en azote. Cette faiblesse amène à distribuer des quantités importantes pour corriger des rations maïs et ne dispense pas de l'apport de tourteau de soja tanné. • les trois sources protéiques permettent la même production laitière • le lupin a tendance à augmenter le taux butyreux (+0,9 g) et diminuer le taux protéique (-0,7 g) • Le pois améliore la reprise de poids et la note d'état d'engraissement de façon sensible par rapport au pois, à la féverole. Dans les systèmes maïs, pois, féverole et lupin viendraient davantage en complément d'un correcteur azoté. Ils seront essentiellement employés comme un concentré de production de type VL 2,5 en mélange, selon les cas, avec du tourteau de soja, un tourteau tanné, ou des céréales. Le tourteau de soja peut être remplacé par du tourteau de colza à raison de 1,5 kg de colza pour 1 kg de soja, mais la part de concentré dans la ration sera alors augmentée. Les Drèches de distillerie de maïs, de blé, diminuent le Taux Protéique Les drèches et solubles de distilleries se présentent sous forme humide, surpressés ou déshydratés. La variabilité de la valeur de ces produits peut être importante en fonction des fermentations alcooliques, de degré de recyclage des vinasses ou encore de la déshydratation. Les drèches sont riches en énergie (1,10 UF), et en protéine (215 g de PDIN). Elles sont riches en matière grasse (10 à 14%) contiennent peu d'amidon (4%) et sont bien pourvues en NDF (35%), elles peuvent trouver leur place dans la complémentation des rations maïs. Les drèches peuvent être utilisées en mélange dans le concentré du commerce ou par introduction de 3 kg dans la ration, se substituant ainsi à 2 kg de soja. Une expérimentation sur vache laitière menée par l'ARPEB met en évidence des productions laitières identiques par rapport au lot témoin (maïs – soja), par contre le TP diminue de 1,2 g/litre. Le prix d'intérêt de la drèche se situe à environ 60 % du prix du tourteau de soja. Produire et valoriser sa graine de soja, de colza... … pour produire de l'huile et des tourteaux La production d'oléo-protéagineux est à priori une démarche séduisante. A partir de graine de soja, de colza, on obtient des huiles végétales et des tourteaux gras par pression à froid dans des presses fermières , les tourteaux valorisés par les vaches laitières. D'un point de vue zootechnique, on a intérêt à rechercher un matériel capable d'extraire un maximum d'huile. Les tourteaux contenant 10 à 15 % d'huile résiduelle seront de meilleure qualité et mieux valorisés par les animaux. La substitution de 3 kg de soja par 4,5 kg de tourteau de colza fermier à 20 % de matière grasse, conduit à une augmentation sensible de la production laitière (+ 2 kg/VL/jour), liée à une augmentation de concentré et à une diminution importante du taux butyreux en liaison avec l'effet dilution et à l'apport important de matière grasses dans la ration. Une analyse du taux de matière grasse du tourteau fermier est indispensable, pour déterminer la quantité à distribuer aux vaches laitières, afin de ne pas dépasser 5 % de matière grasse dans la ration. … consommée crue, aplatie par les vaches laitières Une expérimentation de l'ARPEB a démontré que la vache laitière est capable de valoriser de la graine de soja crue, aplatie. L'apport de 3 kg de graine de soja, complémentée par du soja tanné comparativement au témoin «maïs-tourteau de soja» s'est traduit par une augmentation significative du lait par vache (+10%), un maintien du TP et une chute de TB de 3 points. Le gain de poids vif est largement à l'avantage des graines de soja (+200 g de GMQ), élément à prendre en considération dans le raisonnement de la reproduction. L'optimum économique se situe à 2 kg de graine de soja par vache et par jour. • • • • • • Évolution de la production laitière en fonction de la quantité de graines de soja consommée au quotidien(ARPEB) Dans le contexte actuel, avec un maïs à 22 € le quintal et un tourteau de soja à 520 € la tonne, la production d'oléo-protéagineux est intéressante dès lors que le rendement atteint 35 quintaux. Le tourteau de colza devient attractif, lorsque son prix est inférieur à 70 % du prix du tourteau de soja. La conservation de la graine et des tourteaux nécessite certaines précautions (durée de stockage inférieure à 3 mois et ventilation nécessaire pour les graines supérieures à 10 % d'humidité). Les vaches laitières valorisent bien les tourteaux gras et les graines de soja et de colza jusqu'à concurrence de 5 % de matière grasse dans la ration. Le tourteau de colza améliore la qualité nutritionnelle des produits laitiers en augmentant la proportion d'acide gras insaturés (oméga 3) L'utilisation du tourteau de colza est favorable à la reprise de poids, il est intéressant pour l'élevage et l'engraissement On peut acheter du tourteau fermier, le prix d'équivalence à 15 % de matière grasse, se situe à 60 % du prix du tourteau de soja. Outre l’intérêt technico-économique, les aléas liés au changement du système ou à l'accroissement de travail, doivent aussi être pris en considération avant de retenir une solution. Les règles de substitution du concentré pour les vaches en lactation On retiendra Le taux de matière grasse d'une ration doit être inférieur à 5 %, au-delà de ce seuil, la production laitière augmente encore et le taux butyreux diminue. Lorsque le concentré n'est pas mélangé au fourrage, les apports doivent être fractionnés avec un maximum de 3-4 kg par repas. Tout changement de ration (y compris de concentré), doit s'accompagner d'une transition de 2 à 3 semaines. Un apport de 0,5 kg de paille ou 1,5 kg de foin est toujours souhaitable. Les graines de soja-colza-lupin-pois-féverole, peuvent être inertées. Récoltées à un taux d'humidité de 10 à 20 %, elles seront aplaties ou broyées grossièrement et stockées dans un silo étanche avec vidange par le bas pour éviter l'oxydation des matières grasses (type big bag). L'ouverture du silo peut se faire 3 à 4 semaines après le stockage, avec limitation des prises d'air. Helian Valdéavéro – conseiller bovins lait – Chambre d'Agriculture des Landes