Cour de cassation : « les juges perdront la maîtrise
Transcription
Cour de cassation : « les juges perdront la maîtrise
Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr) Cour de cassation : « les juges perdront la maîtrise de l’exercice de leur profession » le 9 décembre 2016 ADMINISTRATIF CIVIL | Profession juridique et judiciaire À partir du 1er janvier 2017, l’inspection générale de la justice, placée auprès du garde des Sceaux, exercera une mission permanente de contrôle sur les juridictions de l’ordre judiciaire, Cour de cassation incluse. Des juristes montent au créneau. Une « atteinte au principe de l’indépendance de l’autorité judiciaire », une « atteinte au principe de la séparation des pouvoirs ». Voilà comment Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel, interprète le décret portant création de l’inspection générale de la justice. À partir du 1er janvier 2017, cette inspection générale, placée auprès du garde des Sceaux, regroupera les compétences jusqu’alors dévolues à l’inspecteur général des services judiciaires, l’inspection des services pénitentiaires et l’inspection de la protection judiciaire de la jeunesse. La réforme prévoit que cette inspection générale exercera une mission permanente de contrôle sur les juridictions de l’ordre judiciaire, Cour de cassation incluse. À ce jour, l’inspecteur général des services judiciaires exerce une mission permanente d’inspection sur les juridictions du premier et du second degré de l’ordre judiciaire, mais pas sur la Cour de cassation. Cette modification a vivement fait réagir Bertrand Louvel et Jean-Claude Marin, à la tête de la Cour de cassation (V. Dalloz actualité, 8 déc. 2016, art. C. Fleuriot ). Ils dénoncent un placement de la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français « sous le contrôle direct du gouvernement ». Qu’est-ce qui changera concrètement pour la Cour de cassation ? L’inspection générale pourra « contrôler son activité, son fonctionnement, ses performances », explique le professeur de droit constitutionnel Dominique Rousseau. À partir des rapports rendus, « l’exécutif pourra faire des recommandations, des observations. Par conséquent, les juges perdront la maîtrise de l’exercice de leur profession », regrette-t-il. Le décret attaqué en référé Aux yeux d’André Roux, professeur de droit public, il s’agit également d’une « remise en cause du principe de la séparation des pouvoirs ». « En théorie, cela pourrait amener le ministre de la justice à fixer des objectifs de performance [à la Cour de cassation, ndlr]. En pratique, je ne suis pas sûr qu’il aille jusque-là », indique-t-il. Le professeur de droit public n’a pas de « craintes véritables » sur l’indépendance de la Cour de cassation « qui est assez forte pour se défendre ». Mais il trouve ce changement « assez choquant sur le plan des principes ». Pour Dominique Rousseau, le problème ne touche pas que la Cour de cassation mais l’ensemble des juridictions. « Le principe d’un contrôle sur les activités des juridictions est justifié. Ce qui porte atteinte au principe de l’indépendance de l’autorité judiciaire, c’est que le contrôle soit fait par l’exécutif », dit-il. Le professeur de droit constitutionnel souhaiterait que l’activité des juridictions « soit contrôlée par une inspection qui dépendrait du Conseil supérieur de la magistrature ». Hier, le syndicat FO-Magistrats annonçait, dans un communiqué, qu’il allait engager un recours en référé devant le Conseil d’État pour demander l’annulation de ce décret. Ce texte pose « un problème pour toutes les juridictions de l’ordre judiciaire et pas seulement pour la Cour de cassation, car il foule aux pieds les principes essentiels de la séparation des pouvoirs et de l’indépendance de la justice », insiste ce syndicat. Dans une lettre adressée aux chefs de la Cour de cassation, le ministre de la justice, Jean-Jacques Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017 Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr) Urvoas, estime que ce décret a « simplement procédé à une mise en cohérence des anciens textes ». D’après lui, l’impossibilité pour l’inspection générale de réaliser des contrôles de fonctionnement sur la Cour de cassation « n’avait […] pas de justification évidente ». « Il y avait à cet égard un paradoxe à ne pas évoluer sur ce point, alors que d’autres institutions, comme la Cour des comptes, exercent déjà une mission de contrôle sur l’ensemble des juridictions, y compris la Cour de cassation », continue-t-il. Le garde des Sceaux devrait prochainement recevoir Bertrand Louvel et Jean-Claude Marin pour évoquer ce sujet. par Caroline Fleuriot Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017