L`IMPACT DES TECHNOLOGIES DE L`INFORMATION ET DE LA
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L`IMPACT DES TECHNOLOGIES DE L`INFORMATION ET DE LA
L’IMPACT DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION SUR LA VIE DES INDIVIDUS ET DES ÉQUIPES Nicole Côté, Ph INTRODUCTION Les technologies de l’information et de la communication sont des outils formidables qui sont apparus assez tardivement dans l’histoire de l’humanité, mais qui, dès leur avènement, ont commencé à transformer littéralement notre existence, comme individus et comme société. Les TICS ont créé beaucoup d’espoir, surtout à partir des années 90. Elles promettaient des gains de productivité grâce à un accès instantané et quasi illimité à l’information dans tous les domaines. Elles permettaient également d’espérer libérer les gens de multiples tâches routinières et fastidieuses de manière à ce qu’ils puissent se consacrer à l’essentiel de leur métier, prendre des décisions plus documentées, donner à leurs clients des services plus personnalisés, plus complets et plus rapides et disposer de plus de temps pour s’occuper des personnes dont elles étaient responsables Les années 2000 ont vu les technologies littéralement exploser et se démocratiser et on a constaté à l’usage que si les bénéfices associés à leur évolution sont spectaculaires, ils s’accompagnent de problèmes inédits, complexes, parfois surprenants. Malgré cela, il est indéniable que les TICS font maintenant partie de nos vies à tel point qu’il est difficile de nous imaginer sans elles. C’est pourquoi il est important de prendre conscience de leur impact ainsi que sur les défis que nous devons relever pour l’optimiser. 1 LE CONSTAT DES EXPERTS Dans les milieux universitaires et dans les grandes firmes de consultants, on a beaucoup focalisé sur le rôle moteur des TICS dans le développement des entreprises et sur leur capacité à constituer un facteur de croissance. On réalise que l’évolution spectaculaire de ces formidables outils a eu ont un impact certain sur les méthodes de travail, sur les pratiques de gestion et même sur le contenu du travail. Elles ont évolué au point de bouleverser notre vie quotidienne et elles ont un impact certain sur nos relations interpersonnelles et la vie des équipes. À date, l’essentiel du débat sur l’impact des TICS a été technique et économique, le plus souvent lié à la promesse d’une performance accrue. Et dans ces discussions, on a laissé peu de place à une approche centrée sur les effets humains des changements technologiques. En effet, il y a très peu de recherches d’envergure sur le sujet. Malgré tous les progrès techniques et scientifiques, l’humain demeure l’éternel parent pauvre. Parmi ceux qui se préoccupent des impacts des TICS sur les relations interpersonnelles, certains ont un une opinion positive, d’autres, une opinion négative. Les optimistes font ressortir que les TICS sont des outils qui favorisent des échanges plus simples, plus rapides, plus poussés et plus variés. Les pessimistes disent que les TICS amènent une réduction, un cloisonnement et un appauvrissement des relations interpersonnelles. Ce qu’il y a d’intéressant, c’est que : - qu’il soit optimiste ou pessimiste, aucun expert ne remet en question le fait que les TICS améliorent globalement les conditions de travail et la productivité des gens et qu’elles sont dans nos entreprises pour y rester. - il y a un consensus quant à la nature de plusieurs impacts des nouvelles technologies sur le travail lui-même et par conséquent sur les personnes qui travaillent. 2 L’IMPACT DES TICS SUR LE TRAVAIL ________________________________________________________________________ 1. Remise en cause de l’organisation traditionnelle de l’espace et du temps de travail : télétravail, horaires variables; 2. Disparition ou dénaturalisation de plusieurs tâches comme conséquence de la robotique et de la bureautique; 3. Transparence et la traçabilité de la plupart des échanges qui sont mémorisés et transmissibles; 4. Abondance de l’information (bases de données, tableaux de bord, etc.) accessible grâce à internet et intranet; 5. Interactivité plus grande des utilisateurs devenus plus accessibles; 6. Recours accru à l’écrit qui constitue l’essentiel des échanges; 7. Dynamique du changement produite par la vitesse d’évolution des outils; 8. Dépendance croissante des personnes face aux machines. Pour chacune de ces tendances, il y a des impacts positifs et négatifs sur les conditions et les relations de travail. Et en dépit d’un regard globalement plutôt positif sur les TIC, il est impératif d’analyser à fond chacune d’entre elles. 3 LES RISQUES HUMAINS ASSOCIÉS AUX TICS _________________________________________________________ 1. L’AUGMENTATION DU RYTHME ET DE L’INTENSITÉ DE TRAVAIL Plusieurs bénéfices sont associés aux TICS : L’information circule rapidement et est facilement accessible. La recherche d’information est simplifiée. On perd moins de temps à chercher, à consulter, à attendre des réponses. Il est possible de se tenir informé et à jour dans bien des domaines. Au quotidien, il est facile de trouver des réponses à ses questions ou des références. Il est facile de rendre, de donner des informations et de faire circuler des dossiers complexes à plusieurs personnes à peu de frais. Ces avantages extraordinaires amènent toutefois des inconvénients : Beaucoup des gens se plaignent d’être envahis d’information inutile. On a tendance dans certaines organisations à mettre tous les documents en copie conforme. L’accélération de la circulation de l’information a donné naissance à la pensée magique. On s’attend à des réactions instantanées aux diffusions ultrarapides. 4 Tout ceci avec le résultat que les gens vivent avec un sentiment d’urgence permanent, ont de la difficulté à prioriser et n’ont plus le temps de penser, de prendre du recul. 2. L’ISOLEMENT DES INDIVIDUS À priori, les TICS sont faciliter la communication entre les personnes : Elles favorisent l’échange d’information en temps réel, voire l’interdépendance. En effet, plusieurs usagers disent que leur travail dépend de celui des autres. Le courrier électronique met en contact avec des gens de l’extérieur, des collègues de tous les horizons. Comme l’écrit permet de transmettre de l’information plus vite, plus précisément et en plus grande quantité, il enrichit plus les échanges qu’il ne les réduit. Par contre, elles peuvent contribuer à formaliser les relations et à isoler affectivement. Certaines fonctions ont été mécanisées comme par exemple, la réception, la téléphonie, la distribution du courrier. Les personnes qui occupaient ces postes n’étaient peut-être pas très « rentables » au sens économique du terme, mais elles jouaient des rôles très utiles à la collectivité. Les responsables de ressources humaines ont mis l’emphase sur l’individualisation des objectifs et la personnalisation de l’évaluation, centrant de ce fait chacun sur la reconnaissance de sa contribution individuelle à l’entreprise, l’évolution de son profil. On a voulu que chaque personne développe son employabilité et prenne en charge, sa formation et sa progression de carrière. Chacun gérant sa formation, on a perdu 5 un lien social, des connaissances culturelles, un certain sens de l’équité. C’est chacun pour soi. Chacun étant responsable de sa progression et de son équilibre, on se retrouve tous à se débrouiller seul avec ses affaires. 3. LA DÉPERSONNALISATION DES RAPPORTS Sauf l’écrit, tous les modes de communication interpersonnelle sont à la baisse. Les gens ne se parlent plus, ils s’envoient des courriels. Ils ne se parlent plus au téléphone, ils s’envoient des messages textes. Ils ne communiquent plus face à face, les yeux dans les yeux, l’oreille attentive. On s’envoie des messages d’un bureau à l’autre. Cette distanciation des personnes complique la communication à plusieurs égards : Aussi clairs et précis soient-ils, les messages écrits ne sont pas faciles à saisir, car ils sont partiels. Seuls les yeux et la tête sont au rendez-vous. Les autres sens sont absents. Il n’y a pas de feedback récurrent non plus. Les gens interprètent donc ce qu’ils lisent. D’une interprétation à l’autre, le danger est que chacun reste dans sa tête, créant ainsi le risque d’incompréhension et même de conflit. À ceci s’ajoute la réalité que les personnes ne se parlant pas directement, elles expriment peu leurs émotions. On a tendance à garder des non-dits qui parasitent évidemment la relation. Il devient facile de dire des choses blessantes ou choquantes en l’absence de l’autre. C’est ce qu’encourage l’écrit. On a des exemples de violence sur le net tous les jours. Et lorsque quelqu’un reçoit un message qui lui fait mal, il est seul avec sa peine. 6 Enfin, la distanciation rend les relations moins vibrantes. Les courriels et les messages textes amènent un certain laisser-aller dans les relations. On envoie le message instantanément. On ne fait pas l’effort de donner un rendez-vous. On n’est pas réellement « présents »l’un à l’autre. On désapprend peu à peu à sentir, à toucher et à se laisser toucher par l’autre. On risque de glisser lentement, mais assurément vers la nonchalance et la superficialité. Finalement, ce qui est inquiétant dans ce phénomène d’érosion de la communication interpersonnelle, c’est le potentiel de conflit qu’il recèle et l’incapacité croissante de les régler. 4. L’EFFRITEMENT DE L’ESPRIT D’ÉQUIPE Le travail est d’abord et avant tout un milieu de vie. On y gagne sa vie et on y vit une bonne partie de sa vie. Qu’arrive-t-il au climat de travail quand les gens ne se parlent pas? Dans une de mes chroniques du Magazine Affaires plus, je définis le climat de travail comme le lieu psychologique où on exerce sa profession, l’ambiance dans laquelle on travaille. Ce climat est fait des relations affectives entre les personnes qui travaillent ensemble. Si ces relations sont inexistantes, on a un climat abstrait, gris, morne. Par contre, si les relations sont vivantes et chaleureuses, on a un climat chaud et varié. Il y a parfois des orages, mais il fait bon y vivre. Isolement et dépersonnalisation ne riment certes pas avec esprit d’équipe. Pour que les gens fassent équipe, il faut plus que des objectifs communs, il faut se parler. Et il faut plus que des communications en ligne. Il faut des rencontres. Ce qui n’aide pas les équipes, c’est que des dirigeants, par souci d’économie et 7 d’efficacité, ont fait sauter bien des réunions. Certaines sont remplacées par des conférences téléphoniques ou des rendez-vous sur Skype. Ces rencontres peuvent être utiles, mais sont techniquement difficiles à réaliser et ne permettent pas l’intensité et la fluidité nécessaire pour avoir des échanges fructueux. D’autres dirigeants décident tout simplement de gérer les membres de leur équipe un à un. Ce n’est pas ainsi qu’on forme une vraie équipe. 5. LA POROSITÉ DE LA FRONTIÈRE TRAVAIL/ VIE PRIVÉE S’il est merveilleux de pouvoir rejoindre quelqu’un ou d’être rejoint n’importe où ou n’importe quand : trop, c’est comme pas assez. L’envers de la médaille de l’accessibilité et de la souplesse est que pour bien des dirigeants et leurs collaborateurs, on ne sait quand le travail commence ni quand il finit. Avec les TICS, la frontière de l’espace se dissout, celle du temps aussi Un des effets pervers des TICS est le fait qu’on puisse en abuser. Concrètement : Certains employeurs, à partir du moment où ils fournissent des outils technologiques à leurs collaborateurs commencent à les considérer plus ou moins comme sa propriété et se permettent les déranger à toute heure du jour et de la nuit. Certains cadres sont tenus d’être joignables à tout moment pendant leurs vacances. Il leur est interdit de laisser leur téléphone ou leur ordinateur à la maison. S’il y a une heure où on déclare le bureau fermé, les téléphones sont toujours de garde. Parfois, ce n’est pas l’employeur qui harcèle, c’est l’employé lui-même qui apporte son bureau à la maison et semble incapable de décrocher. 8 La conséquence de tout cela est qu’on se souvent en conflit entre des objectifs personnels contradictoires. Où que l’on soit, on se sent torturé, divisé quand ce n’est pas carrément coupable, absent. Or le fondement de toute relation est la présence. 6. LA SURCHARGE DE TRAVAIL De plus en plus de cadres et de professionnels se disent surchargés de travail. Si ce n’est pas leur cas, il est plausible que ce problème leur arrive un jour ou l’autre, et ce pour l’un, l’autre ou plusieurs des phénomènes précités, Ils ont de la difficulté à se retrouver et à établir leurs priorités parmi le fouillis d’information dont ils sont inondés. Ils se sentent seuls et démunis face à leurs objectifs, leurs problèmes, leurs succès, leurs échecs ou leurs ambitions. Ils n’ont aucune idée du soutien qui pourrait être éventuellement à leur disposition. Ils ne ressentent aucune appartenance à leur milieu de travail. Ils doivent toujours se débrouiller par eux-mêmes pour régler, obtenir, commencer ou arrêter quoi que ce soit. Ils sont fatigués. 9 CONCLUSION En conclusion, demandons-nous si les promesses TICS ont tenu leurs promesses. Sommes-nous plus informés? Définitivement oui. Les nouvelles technologies nous donnent un accès illimité à l’intelligentsia universelle. Grâce à elles, il est possible de suivre en temps réel les dossiers scientifiques et artistiques les plus IN et les plus HOT de la planète. Sommes-nous mieux informés? Rien n’est moins sûr. Il semble bien que si, elles peuvent potentiellement nourrir l’intelligence, les TIC ne nous ont pas rendus intelligents. Analysons le contenu de la plupart des émissions de la téléréalité ou encore le niveau des discussions lors d’évènements comme la dernière campagne électorale, on peut penser que le QI moyen est encore autour de 100. Il ne suffit donc pas de porter des lunettes pour savoir lire. Est-ce que nous communiquons davantage? Sans doute. Le nombre de messages qui circulent sur le Web en témoigne. Ma plus grande contribution à mon équipe ou à mes clients, quand je suis à mon meilleur : du temps que l’on passe à communiquer. Est-ce que nous communiquons mieux? Définitivement non. La bulle technologique est en quelque sorte devenue une bulle psychologique pour plusieurs d’entre nous. Les TICS nous envahissent, nous accaparent et ce faisant, nous laissent de moins en moins de temps pour faire autre chose que travailler. Elles rendent les contacts de plus en plus virtuels et de ce fait, cannibalisent les relations interpersonnelles. 10 Le danger est que l’invention la plus extraordinaire pour nourrir nos esprits finisse par faire de nous des dinosaures affectifs. Sommes-nous plus efficaces? À bien des égards, oui. Nous travaillons plus rapidement, plus précisément, plus intensément et plus longtemps. Mais, est-ce notre définition de l’efficacité que de créer des surcharges de travail? Ne perdons-nous pas en discernement et en créativité quand nous n’avons plus le loisir de prendre du recul ni de méditer? Sommes-nous plus heureux? À vous de me le dire. Mais permettez-moi d’affirmer en tant que spécialiste de psychologie du travail que les TICS ne peuvent pas nous rendre heureux. C’est à nous de nous organiser pour être heureux avec elles et je dirais même en dépit d’elles. C’est tout un défi! LES DÉFIS ________________________________________________________________________ Pour les individus Les défis face à l’omniprésence des TICS dans nos vies sont de : • Être conscient de l’impact des TICS sur notre moral, notre qualité de vie et nos relations. • Refuser de se positionner en victime, de se servir des TICS et non de les servir • Décider de s’occuper de son bonheur et de son équilibre • De prendre le contrôle de son temps et de son espace pour pouvoir avoir le recul et la latitude nécessaires pour pouvoir être présent à soi-même et gérer sa vie. 11 • De se donner un bon support personnel : respirer, avoir des sens en bon état, se valider auprès des autres, avoir des frontières claires, se traiter comme son meilleur ami et... faire des efforts. • Savoir s’entourer. • Faire continuellement le point sur son état et sa progression. • Se rappeler que s’épanouir professionnellement, il faut que : j’aime mon travail, que mon travail m’aime et que je m’aime dans mon travail. Pour les équipes • Le défi numéro un pour les équipes est celui d’exister. Pour cela, il faut que les membres de l’équipe aient l’occasion de prendre contact, de faire connaissance, de se donner une vision et des objectifs communs, de clarifier de leur rôle dans le collectif ainsi que le rôle des autres, d’apprendre à accepter les autres et à se faire accepter des autres. • Le défi numéro deux est d’apprendre à communiquer : s’exprimer de façon non violente, écouter les autres dans un souci de compréhension, donner et recevoir du feedback. • Pour que l’équipe fonctionne, il faut des membres qui décident de faire équipe et un leader qui choisit de lui donner les moyens de ses ambitions. Ceci implique de la part de ce dernier de prévoir les rencontres nécessaires et d’encourager les gens à interagir plutôt que de les gérer un à un. • Finalement, il importe de créer un climat harmonieux et intéressant en favorisant les échanges formels et informels entre les personnes, en voyant à ce que les conflits se règlent et en créant des évènements rassembleurs. 12 RÈGLES DU JEU POUR UTILISATEUR INFORMÉ, FORMÉ ET EN FORME ________________________________________________________________________ • Mes outils de communication sont à mon service et non l’inverse. • Je ne me perds jamais de vue : 3 fois par jour, prends 2 minutes pour respirer, sentir mon corps et me demander comment je vais. • J’évite de polluer mon environnement d’information inutile. • Quand j’ai un problème, j’en parle directement à la personne concernée. Si c’est trop difficile, je me fais coacher pour y arriver. En m’exprimant verbalement, j’évite aux problèmes de s’imprimer pour l’éternité • Je ne communique jamais un feedback ou un commentaire négatif par écrit, encore moins en copies conformes. Pour les messages positifs, le contraire peut s’avérer approprié. • Avant de donner un feedback négatif, je choisis un moment et un lieu approprié. Je crée aussi une ambiance favorable. • Je prends soin de l’ambiance de travail : je salue les gens en arrivant et en partant, J’entretiens des contacts informels plaisants. • Comme dirigeant, je me rappelle que mon devoir n’est pas de penser à la place des autres, ni même de penser à eux, mais de penser avec eux. • J’établis une zone d’étanchéité entre mon travail et ma vie privée : je j’apprends à dire « oui » et à dire « non ». • Je respecte mes priorités. Je décroche lorsqu’il s’agit de m’occuper des personnes des dossiers importants. Je suis rapidement accessible et totalement présent pour eux. 13