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Achat de médicaments sur Internet :
une porte ouverte à l’automédication anarchique ?
! T.
Schaeverbeke, P. Germain*
N
os patients sont de plus en plus rapidement informés des
nouvelles perspectives thérapeutiques, et entendent souvent parler de l’efficacité potentielle de substances médicamenteuses bien avant qu’elles soient disponibles en France. En
rhumatologie, il n’est que de citer les exemples récents fournis par
les coxibs et les anti-TNFα.
De nombreux traitements ayant fait l’objet d’une médiatisation
importante, tels le sulfate de glucosamine, la DHEA ou la mélatonine, non commercialisés en France, sont disponibles dans d’autres
pays et font l’objet d’une commercialisation électronique. Certains
de nos patients peuvent être tentés de se procurer ces thérapeutiques à l’étranger, sans se déplacer, en se fournissant sur des sites
commerciaux américains ou suisses par exemple, les produits leur
étant ensuite délivrés en quelques jours par acheminement postal.
De telles possibilités ouvrent largement la porte à l’automédication,
qui pourrait connaître un second souffle grâce à la généralisation de
l’Internet et à la progression (encore lente en France) du commerce
électronique.
Nous vous proposons de faire le point sur la réalité de ce commerce
pharmaceutique en ligne, dans le but d’informer nos patients sur les
limites et les dangers de telles pratiques.
Quels médicaments peuvent-ils être
achetés en ligne ?
Tout médicament peut être acheté en ligne, mais à des conditions
très différentes selon les sites qui les commercialisent.
Schématiquement, certains sites, tel drugstore.com, fonctionnent
exactement comme une pharmacie traditionnelle. Vous y trouvez
des conseils sur l’hygiène, la santé, les petits soins en cas de blessure ou de brûlure, et des produits de parapharmacie en vente libre.
Vous pouvez également acheter tout autre médicament, mais il faudra alors adresser l’ordonnance ou communiquer les coordonnées
du médecin prescripteur. Le site peut même se charger de transmettre les informations nécessaires à l’assurance maladie !
D’autres sites ne commercialisent que des produits de parapharmacie, accessibles sans ordonnance, ou des médicaments vendus
comme compléments alimentaires. C’est là que l’on retrouve des
*Service de rhumatologie du Pr Dehais,
Groupe hospitalier Pellegrin, 6, place Amélie-Raba-Léon,
33076 Bordeaux Cedex.
E-mail : [email protected]
[email protected]
substances comme le sulfate de glucosamine ou... la mélatonine et
la DHEA. Les produits commercialisés ainsi font très souvent l’objet de critiques, notamment du fait de leur fréquent sous-dosage.
Enfin, certaines pharmacies en ligne commercialisent des médicaments sans le moindre contrôle de la prescription médicale. On y
trouve essentiellement les produits récents fortement médiatisés
(Xenical®, Viagra®...). Ces sites peu scrupuleux sont de plus en plus
fréquemment poursuivis en justice. Une réglementation de la commercialisation électronique des médicaments est actuellement en
préparation aux États-Unis pour les éliminer.
Comment faire ses achats en ligne ?
Les sites commercialisant des médicaments proposent, comme tous
les sites commerciaux, une boutique virtuelle où sont présentés les
différents produits disponibles. De simples clics sur des formulaires
accessibles sur chaque page permettent de sélectionner les produits
et les quantités désirés. Le cyberclient remplit ainsi progressivement son panier électronique, qu’il peut visualiser lorsqu’il a terminé sa sélection. Il peut alors voir et modifier la liste de ses achats.
Il lui faut ensuite valider sa commande, puis fournir son numéro de
carte bancaire ; il est parfois possible d’envoyer un chèque accompagné d’une copie du bon de commande. Les produits sont adressés par voie postale, le plus souvent en moins de huit jours, dès
réception du paiement (immédiatement en cas de paiement électronique). Un franco de port est souvent proposé à partir d’un certain
volume d’achats.
CETTE RUBRIQUE A ÉTÉ CRÉÉE AVEC LE SOUTIEN DE SEARLE
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La Lettre du Rhumatologue - n° 265 - octobre 2000
Pourquoi les sites proposant ces médicaments
sont-ils majoritairement situés en Amérique
du Nord ?
On pourrait être tenté de croire que le commerce électronique de
médicaments trouve majoritairement sa source en Amérique du
Nord parce que l’Internet et plus particulièrement le commerce
électronique y sont plus développés. En fait, l’automédication sous
toutes ses formes est nettement plus répandue en Amérique du
Nord qu’en Europe occidentale. Cette différence tient largement à
l’organisation de la protection sociale dans chaque pays. Aux ÉtatsUnis, celle-ci relève d’assurances privées souvent très onéreuses.
De nombreuses personnes ne peuvent s’offrir de telles assurances,
et hésitent à faire appel au médecin en l’absence de possibilité de
prise en charge de la consultation. Le recours à l’automédication est
alors naturellement plus fréquent qu’en France où, au contraire, des
produits disponibles en parapharmacie ne seront partiellement remboursés que s’ils sont prescrits par un médecin... Une dernière
explication tient à la réglementation, très rigide en France, de la
publicité pharmaceutique destinée au public.
Est-il légal d’importer des médicaments
non commercialisés en France, pour un
usage personnel ?
L’importation de substances médicamenteuses ne disposant pas
d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) ou d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) est subordonnée à une autorisation préalable délivrée par l’Agence française de sécurité sani-
taire des produits de santé (AFSSAPS). L’importation d’un médicament ne disposant pas d’une AMM doit donc faire l’objet d’une
déclaration à l’AFSSAPS.
La Douane est chargée de vérifier l’application de cette réglementation lorsque les produits importés lui sont présentés. Dans les
échanges intracommunautaires, ces produits ne sont pas soumis à la
procédure de présentation en douane, mais l’autorisation doit pouvoir être présentée à toute réquisition des agents des douanes.
Il semble cependant qu’il ne soit pas impossible de contourner la
loi... Ainsi, on peut trouver, sur un site commercialisant de la
DHEA, le texte suivant, destiné à des acheteurs français :
“Nous avons expédié de très nombreuses boîtes de DHEA en
France depuis le 1er juillet 2000. Plus de 95 % de nos clients les ont
reçues dans les 10 jours. Si vous nous commandez de la DHEA,
afin que nous vous l’expédions en France, nous vous garantissons
que vous recevrez votre commande de DHEA, ou nous renouvellerons notre envoi ou vous rembourserons”. L’acheminement se ferait
souvent par envois successifs de petites quantités de produits répartis dans de simples enveloppes afin de ne pas éveiller de soupçons.
Que connaît-on de la réalité du commerce
électronique de médicaments ?
Il est très difficile d’appréhender avec une certaine précision le
volume des ventes électroniques de médicaments : peu de sites sont
disposés à fournir des chiffres ! Le nombre très important de sites
commercialisant des produits pharmaceutiques laisse tout de même
supposer que ce marché n’est pas nul... Cependant, pour les raisons
que nous avons évoquées plus haut, il est très vraisemblable que ce
commerce demeure très marginal en France, se limitant à l’achat de
substances “vedettes” non commercialisées dans notre pays,
comme la DHEA ou la mélatonine. Les propos recueillis sur le site
www.dhea.com sont à ce titre édifiants.
Quelques adresses
Parapharmacie en ligne sur un site français : www.medisite.fr
Pharmacie en ligne sur un site américain : www.drugstore.com
Informations sur l’automédication :
www.snip.fr/industrie/medicament/automed.htm
Vitamines et oligoéléments (la “patamédecine” en ligne) :
newlifehealth.com
DHEA, mélatonine sulfate de glucosamine :
www.dhea.com, www.planetrx.com , www.melatonin.com
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