DHEA : un vrai phénomène de société

DHEA : UN VRAI PHENOMENE DE SOCIETE
En quelques années, la DHEA a connu un véritable « boum » qui l’a fait sortir du cadre
scientifique pour devenir « le » composé-star ? Cette hormone qui est naturellement
produite par l’organisme diminue fortement avec l’âge, d’où l’idée de rétablir le "niveau
optimal" via une supplémentation. Mais alors que de nombreuses études sont encore en
cours pour prouver ses vertus, la DHEA brûle les étapes au point d’embarrasser le
législateur. Alors, la DHEA, c’est quoi
Une diminution irréversible avec l’âge
Présente chez le fœtus, la DHEA devient négligeable durant la période de la petite enfance.
Elle augmente à l’âge de sept ans environ et culmine entre 20 et 30 ans. Ensuite, sa
concentration décroît progressivement pour ne plus représenter qu’un tiers de son maximum.
Notons que les femmes en produisent entre 20 et 30 % de moins que les hommes. Mais que
signifie au juste cette appellation de DHEA : ces quatre lettres désignent une hormone, la
déhydroépiandrostérone. Ce composé est un stéroïde, c’est-à-dire, un dérivé du cholestérol
qui est principalement synthétisé sur sa forme de sulfate, le DHEAS, par les glandes
surrénales. Cette diminution de la DHEA, irréversible avec l’âge, a incité les scientifiques à
tenter une substitution sur le modèle des traitements hormonaux substitutifs à base
d’œstrogènes prescrits aux femmes ménopausées. Mais avant d’en faire une pilule miracle, les
scientifiques devaient prouver que la diminution de cette hormone était responsable d’une
altération de certaines fonctions de l’organisme avec l’âge et qu’un retour à un niveau de
DHEA optimal pouvait avoir un effet bénéfique en renversant cette tendance.
L’évolution scientifique
Bien qu’isolée dans les urines humaines au début des années 30 par Adolf Butenandt, ce n’est
qu’à la fin des années 1950 que l’on put identifier l’origine surrénale de la DHEA. Dans les
années 1970, de nombreuses recherches ont été menées concernant la supplémentation en
DHEA sur l’animal: effet sur le vieillissement, protection contre certains cancers ou maladies
à virus, effets sur l'athérosclérose, traitement de certaines obésités d'origine génétique, etc...
Alors que la FDA (Food and Drug Administration) interdisait la vente de DHEA en 1984 en
raison des risques de toxicité hépatique, la loi américaine était contournée dix ans plus tard et
celle que l’on a appelée « l’hormone miracle » se retrouvait à nouveau sur le marché
américain sous l’appellation rassurante de complément nutritionnel.
Des résultats certains, mais…
Mais c’est certainement l’étude menée par le Pr. Baulieu en avril 2000, qui fut à l’origine de
tous les espoirs. Bien que ne créant pas de véritables supermen ou superwomen, une
supplémentation de 50 mg a permis aux femmes les plus âgées (entre 70 et 79 ans) de voir
une amélioration de leur densité osseuse et de leur libido. Enfin, hommes et femmes ont vu
leur peau bénéficier d’une certaine régénérescence (production des glandes sébacées,
hydratation, lutte contre une pigmentation anormale et réduction de l’atrophie de l’épiderme)
et l’aspect de leur visage s’améliorer. Néanmoins, d’autres études seront nécessaires pour
confirmer ces résultats.
Un engouement dangereux ?
Bien que le Pr. Baulieu rappelle qu’une prise intempestive de DHEA peut se révéler
dangereuse, nombreux sont ceux et celles qui ont déjà franchi le pas et s’approvisionnent aux
Etats-Unis ou via Internet. Tapez "DHEA" sur votre moteur de recherche et plus de 50 000
sites vous offriront la possibilité d’acheter la pilule miracle. Bien entendu, aucune garantie
n’est donnée quant à la composition des gélules...
Ne soyez pas impatients !
L’impatience des Français vient d’être écourtée par l’annonce de la firme Cooper
(Coopération Pharmaceutique Française). En effet, depuis le mois de juin, elle fournit la
DHEA aux pharmacies pour des préparations magistrales. En offrant une garantie de qualité,
Cooper lève le frein majeur à la délivrance en officine de l’hormone. Alors interdite ou en
vente libre ? Ni l’un ni l’autre, mesdames et messieurs ! La situation de la DHEA est quand
même bien singulière... En tout cas, n’espérez pas acheter dès demain votre DHEA en vente
libre, les pharmaciens ne pourront en fabriquer que sur prescription d’un médecin.
Dernier épisode de ce statut rocambolesque le 10 juillet 2001, l’Agence Française de Sécurité
Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS) émet un avis selon lequel : « Au vu de l’analyse
du groupe d’experts, l’AFSSAPS considère que l’utilisation de la DHEA doit être assujettie à
la réglementation du médicament et qu’une information des professionnels de santé et du
public doit être faite ». Le même jour, le ministre délégué à la Santé, Bernard Kouchner
annonçait devant la presse avoir proposé le classement comme médicament de la DHEA.
Allez comprendre…