ÉCLAIR DE GÉNIE

Transcription

ÉCLAIR DE GÉNIE
ÉCLAIR DE GÉNIE
CHRISTOPHE ADAM
M AT H I L D E D E L ’ É C OTA I S
ÉCLAIR DE GÉNIE
CHRISTOPHE ADAM
P H OTO G R A P H I E S
ET DIRECTION ARTISTIQUE :
M AT H I L D E D E L ’ É C OTA I S
RÉDACTRICE : SOPHIE BRISSAUD
R
ecueil de recettes, de photos d’art, de compositions graphiques,
d’idées sucrées, ce livre est tout à la fois : un savoureux mélange
d’invitations gourmandes et d’itinéraire artistique, en plus de la
légitimité parfaite d’un livre entièrement consacré aux éclairs.
Mathilde, c’est la cerise sur le gâteau, la marche qui permet à un
exercice de style autour de l’éclair de s’élever au rang d’un livre
d’art, où s’expriment deux sensibilités venues jouer entre couleurs et expressions sensorielles. Cet ouvrage exprime la liberté de créer, la mise à sac des principes pour aller
vers l’essentiel de la matière. Je construis un éclair et, soudain, Mathilde fait exploser
les éléments sur la page d’un livre d’images. Énergie pure, idées bouillonnantes : un
décor est méticuleusement créé pour chaque éclair, le berceau de la création est retrouvé, la substance intrinsèque des matières premières est reconnectée, les éléments
sont transcendés.
Tout cela concourt à proposer une nouvelle lecture du monde : soixantecinq tableaux vivants et gourmands, entre infiniment grand et infiniment petit.
Ici, les ingrédients destinés aux préparations sont le terroir de la photographie. Jeux de lumière et de matières, calques magiques, j’entre dans les profondeurs de la création, au cœur des ingrédients et de leur nature vraie. De là surgit
un travail authentique, la pure et simple beauté des choses que Mathilde de l’Écotais
réussit, dans l’épure et la simplicité absolues, à transmettre comme un cadeau à mes
interprétations métaphoriques rectangulaires. Sa photographie est une sorte de boule
de feu insensée, d’où jaillit une nouvelle curiosité… Éclair de génie se lit comme un conte
merveilleux, jouant de l’abstrait et du concret : une pomme verte, un rouge baiser,
et c’est tout un imaginaire qui se met en route. Plus de cuisine, mais une histoire renouvelée par deux artistes qui se rencontrent et dont chacun cherche à mettre l’autre au
devant de la scène.
Éclair de génie, c’est un travail ineffable entre une photographe et un
créateur qui viennent explorer le cœur des mondes, avec une poésie que j’ai aimé pardessus tout partager avec elle.
Christophe Adam
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U
n univers, un maître, ce pourrait être Zeus : avec ses éclairs d’un
nouveau genre et à la manière du dieu grec, Christophe Adam
foudroie nos cinq sens, captive nos papilles et tempête notre
quotidien. Mais avec lui, il faut accepter d’aller de surprise en surprise : chez cet homme au talent aussi sûr que sa créativité, l’orage
est voluptueux, la tempête ne dure pas.
Avant ma rencontre avec ce créateur du troisième type, je ne raffolais
pas des éclairs, éventuellement dans le ciel, loin du monde, lorsque la voie est lactée
et la nuit étoilée. À mon goût, ces pâtisseries, aussi fades que trop sages, manquaient
cruellement de raffinement. Mais les coups de foudre existent et Christophe les incarne.
Ses éclairs sont des coups d’éclat, des audaces à déguster de toute urgence et peu importe que ce soit à midi ou à minuit : chez ce pâtissier, la mise en scène
n’est pas une fioriture, le glaçage claque, dernier tonnerre tonitruant : après tout, s’il y
a un orage, c’est pour nous rappeler qu’il faut se dépêcher de rêver. Rien ne dure, les
éclairs de Christophe sont sa vision du monde, un tremblement de terre.
Je me suis imprégnée de son univers pour mieux lui rendre hommage.
Il s’agit, dans ce cas précis, de magnifier ses créations, de suggérer leur fulgurance.
Après tout, je crois qu’il faut être complètement faux pour paraître vrai, aller jusqu’au
bout du jeu pour paraître simple.
Ce qui importe, c’est l’authenticité, pas le naturel. Mes photos sont des
mises en lumière, comme les flocons la nuit sur les grands boulevards. Le photographe
n’a qu’un sens pour engendrer le rêve : la vue dans un espace limité, sans relief. Et puis
on sait que c’est un rêve quand on comprend qu’on ne peut pas y échapper. Je me suis
donc amusée à rapprocher les compositions du maître pâtissier à la lueur de la lumière.
Sous l’orage, l’éclair est celui qui relie le ciel à la terre. Alors, comme dans La Nuit amé-
ricaine de François Truffaut, je l’ai traqué en quatre-vingts flashs.
Résultat : quatre-vingts images-éclairs sur papier glacé à déguster en
pleine tempête ou le temps d’un coup de foudre. Au fond, je voudrais être assez
convaincante pour faire gicler des taches de couleur et de bruit dans votre bouche,
qu’elle devienne en cœur et ne vous quitte plus.
Mathilde de l’Écotais
art collection
S
i l’on établissait une chronologie de mes éclairs, on s’apercevrait
qu’ils correspondent à des styles et à des périodes, dominés par
une couleur, un arôme, une émotion. Et si je devais résumer mon
processus créatif, je dirais qu’il est triple. Il y a la création pure, qui
part d’une vision ou d’un concept. D’abord vient l’idée, puis on descend petit à petit vers le goût et le parfum en accord avec le concept
initial. L’image est dans ma tête et en sort comme un Polaroïd pour se concrétiser.
Ensuite, il y a l’inspiration saisonnière, fondée sur les produits : fraises au
printemps, marron en hiver… Il y a ainsi des éclairs d’hiver et des éclairs d’été.
Enfin, par l’inspiration classique, des formes et des goûts traditionnels sont
modernisés : desserts (plombières, café liégeois), cocktails (piña colada) ou cuisine salée.
Art Collection relève du premier type d’inspiration : j’ai une idée, comment en faire un éclair ? L’idée consistait à reproduire une image sur un glaçage. Tout
a commencé avec l’éclair Joconde.
J’étais alors chez Fauchon. On m’avait conseillé de devenir plus « marketing » et de m’adapter aux grands thèmes commerciaux. Un jour, on m’annonça que
le thème était Paris. J’y réfléchis : « Paris, c’est la Joconde. » C’était tout simple, il fallait mettre la Joconde sur des éclairs ! J’achetai un poster au Louvre et l’apportai à
Véronique, de la maison PCB : « Peux-tu me faire ça sur des plaques de chocolat ? » Le
célèbre visage apparut alors sous forme de transferts alimentaires qui remplaçaient le
glaçage de l’éclair.
Fauchon ne fut pas convaincu par mon éclair Joconde, mais je le fis
quand même. Je ne pouvais pas passer à côté de cette idée. Le succès fut immédiat
et une gamme fut déclinée : chocolat-amande pour la Joconde (parce que le biscuit
Joconde est à base d’amandes) ; duo vanille-chocolat grand cru pour les angelots de
Raphaël (anges et démons, ombre et lumière) ; pomme-caramel (fruit du jardin d’Éden)
pour la main d’Adam peinte par Michel-Ange… Et crème brûlée pour la Marianne de
Delacroix, référence chaude, voire explosive.
Art Collection reflète l’humeur artistique du moment. Elle revient périodiquement à l’Éclair de génie, comme une exposition que l’on aime revisiter.
Christophe Adam
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ÉCLAIRs sucrés
Qu’ils partent d’une idée visuelle,
d’un goût ou d’un défi à relever,
ces éclairs sucrés sont
des haïku de pâtisserie, concis
et riches à la fois. Chacun rassemble
en soi toute une collection
de références, de souvenirs
et de saveurs. Ils reflètent les étapes
de ma vie créative. Beaux et bons :
j’aime à les voir comme des bijoux
qui se mangent.
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DANS UNE GAMME D’ÉCLAIRS, LE CITRON
EST UN GRAND CLASSIQUE DONT ON NE SAURAIT SE PASSER.
ICI, J’AI CHOISI D’EN FAIRE UN SUPPORT POUR LA NOTE FRAÎCHE
DU YUZU, AFIN D’INITIER NOS CLIENTS AU GOÛT NOUVEAU
DE CET AGRUME ASIATIQUE
SANS LE LEUR IMPOSER TROP BRUTALEMENT.
N°1
Écl air citron-yuzu
POUR 10 ÉCLAIRS
COM PO S I T I O N
Douille plastique PR16 entre 12 et 16 dents
250 g de pâte à choux (p. 213)
450 g de crème citron-yuzu
100 g de fondant jaune
100 g de streusel noisette
300 g de meringue suisse
LA CRÈME CITRON-YUZU
1 g de gélatine en poudre
80 g de jus de citron
15 g de zeste de citron jaune râpé
100 g d’œufs entiers (2 œufs), battus
100 g de sucre cristal
145 g de beurre doux
15 g de pâte de yuzu Sosa®
(ou le zeste râpé de 1/2 citron vert)
LE FONDANT JAUNE
200 g de fondant
Colorant jaune citron
6 g de pâte de yuzu Sosa®
LA CRÈME CITRON-YUZU
Faites tremper la gélatine en poudre 5 minutes dans le jus de citron.
Faites chauffer ensemble au bain-marie le jus et le zeste de citron, les œufs
et le sucre. Faites cuire à 83 °C en vous aidant d’un thermomètre. Passez
au chinois puis faites refroidir à 45 °C. Ajoutez alors le beurre en morceaux
et la pâte de yuzu. Mixez et débarrassez. Conservez cette crème au moins
2 heures au frais avant le dressage.
LE FONDANT JAUNE
Faites tiédir le fondant afin d’y incorporer le colorant et la pâte de yuzu.
Utilisez à 36-37°maximum, comme un fondant classique.
LE STREUSEL NOISETTE
Mélangez tous les ingrédients avec le beurre pommade. Étalez la pâte
à 3 mm d’épaisseur, puis détaillez-la en petits disques avec une douille lisse
de 8 mm. Faites cuire 8 minutes au four à 180 °C.
LA MERINGUE SUISSE
Faites chauffer les blancs d’œufs et le sucre ensemble au bain-marie jusqu’à
45° -50 °C, puis montez ce mélange au batteur jusqu’à obtenir une consistance
légèrement coulante pour le pochage. Introduisez dans une poche à douille
et pochez de petites gouttes de meringue sur un tapis en silicone.
Faites cuire 1 heure au four à 80 °C puis laissez les meringues toute la nuit
dans le four éteint.
M ON TA GE E T FIN ITION
LE STREUSEL NOISETTE
25 g de farine de type 55
1 g de fleur de sel
25 g de sucre cristal
25 g de poudre de noisette
25 g de beurre doux pommade
Commencez par préparer la crème citron-yuzu. Réservez-la au frais.
Confectionnez la pâte à choux (voir page 213), dressez des éclairs de 11 cm
de longueur à l’aide d’une poche à douille, puis faites-les cuire au four.
Garnissez les éclairs de crème puis glacez-les au fondant jaune.
Décorez des disques de streusel et des gouttes de meringue.
LA MERINGUE SUISSE
100 g de blancs d’œufs
200 g de sucre cristal
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