La conservation électronique des documents sociaux
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La conservation électronique des documents sociaux
NEWSLETTER Août 2007 SCHELLENBERG WITTMER A vo ca t s La conservation électronique des documents sociaux L’adoption par la plupart des entreprises, si ce n’est toutes, de moyens de communication électronique, accessibles à travers un vaste réseau d’appareils fixes ou mobiles, a fortement accru les échanges de correspondance et de tous documents. De nombreuses sociétés doivent aujourd’hui relever le défi qui consiste à conserver des documents sociaux de plus en plus volumineux et envisagent d’avoir recours à un archivage sous forme électronique exclusivement. Cette Newsletter a pour but de présenter les obligations légales de conservation en Suisse. 1 Introduction Les sociétés suisses ont l’obligation de conserver les documents sociaux au regard du droit des sociétés et du droit fiscal. Les entités soumises à surveillance, telles les banques ou les intermédiaires financiers, sont spécifiquement tenues par des exigences supplémentaires relatives à cette obligation de conservation. Avec l’avènement de l’ère informatique et l’accroissement des échanges commerciaux, de nombreuses sociétés se demandent sous quelle forme cette obligation de préserver les documents sociaux doit être réalisée : conserver ces documents sur un support physique et disposer de vastes zones d’archivages impliquant une augmentation des coûts fixes, ou les sauvegarder sous forme électronique avec l’avantage de la facilité de traitement et de la disponibilité de l’espace d’archivage, mais encourir des risques juridiques inconnus. Le but de cette Newsletter est de déterminer les entités soumises à cette obligation de conservation, les documents qui doivent être conservés et les possibilités qui existent de conserver ces documents sous forme électronique au regard du droit des sociétés (2.1), du droit fiscal (2.2) et de la procédure civile (2.3). Il y sera également question des spécificités applicables aux entités soumises à surveillance, telles les banques et les intermédiaires financiers. 2 En général 2.1 Droit suisse des sociétés En droit suisse des sociétés, toute entité inscrite au Registre du commerce a l’obligation de conserver les documents commerciaux pendant une période de 10 ans. Cette obligation s’applique en particulier aux sociétés anonymes et aux sociétés à responsabilité limitée. Les documents qui entrent dans le champ d’application de cette obligation générale de conservation et d’archivage sont les documents comptables de la société, à savoir les divers états financiers que la société est tenue de conserver en vertu des dispositions de droit comptable (comme le bilan, les comptes de résultats, etc.), les justificatifs y afférents (factures, reçus, relevés de comptes, etc.), les procès-verbaux (assemblées générales, réunions du conseil d’administration), les contrats et la correspondance commerciale (entrante et sortante). Concernant la correspondance en particulier, les entreprises devraient au moins conserver celle qui présente un intérêt du point de vue comptable. D’une manière générale, les documents purement internes, tels notes, projets, correspondance interne et documents similaires, n’ont pas à être conservés et archivés. Il n’est néanmoins pas toujours évident de tracer une limite claire entre documents internes et externes. A titre d’exemple, un contrat de travail serait très certainement qualifié de document externe dans ce contexte. Le droit suisse des sociétés contient des dispositions détaillées concernant la forme de l’archivage : Seuls les comptes de résultats et les bilans doivent être conservés sous forme écrite et dûment signés. Par contre, les documents sociaux, les documents comptables, la correspondance et les autres documents peuvent être conservés sous forme écrite ou sur un support électronique ou comparable, à condition que la l’authenticité soit garantie. Les données sur supports électroniques doivent toutefois être accessibles à tout moment. Bien qu’il n’existe aucune décision jurisprudentielle à ce sujet, les documents scannés sous format « pdf » devraient remplir le critère du suivi visible des modifications ultérieures. De la même façon, tout système technique qui permet de déceler les modifications apportées aux documents devrait être accepté. Concernant le lieu d’archivage des documents, il n’y a aucune disposition en droit suisse qui impose que ces documents doivent être conservés en Suisse. Il n’y a donc, à notre avis aucun obstacle à ce que des documents soient archivés à l’étranger, pour autant que les personnes habilitées puissent y accéder dans un délai raisonnable. A notre connaissance aucune jurisprudence ou doctrine ne s’y opposent. Selon la nature des documents et des données conservées à l’étranger, les dispositions suisses et probablement étrangères sur la protection des données pourraient trouver application. A cet égard, les exigences du droit suisse sont relativement minimalistes (mesures appropriées pour garantir la protection des données et notification de l’existence de bases de données au Préposé à la protection des données). 2.2 Droit fiscal suisse Le droit fiscal suisse prévoit expressément que les contribuables ont l’obligation de conserver les livres et documents comptables et toute information pertinente du point de vue fiscal pendant une période de dix ans, à l’exception des informations relatives aux biens immobiliers qui doivent être conservées durant vingt ans. Les contribuables doivent pouvoir présenter ces documents sur demande des administrations fiscales. Pour le mode de conservation des documents fiscaux, le droit fiscal suisse renvoie aux dispositions du droit des sociétés (cidessus 2.1). Les bilans et les comptes de résultats doivent donc être conservés sous forme écrite et dûment signés. Les documents sociaux, les pièces comptables, la correspondance et les autres documents peuvent être conservés sous forme écrite ou électronique ou sur un support comparable, à condition que l’authenticité soit garantie (à savoir que les modifications ultérieures puissent être décelées). Concernant le lieu d’archivage des documents fiscaux, les directives de l’Administration fiscale des contributions en matière de TVA prévoient une réglementation spéciale en vertu de laquelle les documents pertinents doivent être archivés en Suisse. En pratique, il est néanmoins admis qu’ils puissent être conservés à l’étranger à condition que leur accès, leur consultation et leur examen puissent se faire en tout temps. Une règle informelle prévoit qu’en cas d’audit fiscal, un bref délai (24 heures) pour produire un document est suffisant. 2.3 Procédure civile suisse Bien que le droit suisse des sociétés et le droit fiscal autorisent la conservation et l’archivage électronique de documents (à l’exception des bilans et des comptes de résultats), ce principe n’a pas encore été complètement reconnu en droit suisse de la procédure. Le projet du code de procédure civile, dont l’entrée en vigueur n’est pas attendue avant 2010 et qui remplacera les 26 codes cantonaux de procédure civile, prévoit que toute contestation de l’authenticité d’un document soulevée au cours d’une procédure judiciaire sera traitée en accord avec les règles générales sur l’appréciation des preuves. A cet égard, le tribunal est libre d’apprécier les preuves produites et peut tenir compte de l’attitude des parties, et notamment du refus de répondre à des questions spécifiques ou de produire un document requis. En principe, la jurisprudence a considéré que le refus ou l’impossibilité par une partie de produire un document requis fait échec à l’établissement de son authenticité. Au regard de cette jurisprudence, pour l’instant incontestée, il existe un risque qu’une partie puisse valablement contester l’authenticité d’un document si l’autre partie n’est pas à même de produire l’original signé du dit document. Comme indiqué ci-dessus, en vertu du droit des sociétés, tous les documents conservés électroniquement devraient avoir la même force probante que conservés sur support physique. Néanmoins, certains auteurs suisses sont d’avis que ces dispositions du droit des sociétés ne sont malheureusement pas applicables en procédure civile sans modification des règles de procédure civile. Bien que très débattue en doctrine, cette controverse n’a pas été tranchée par le Tribunal fédéral. En résumé, bien que les dispositions du droit des sociétés devraient à notre sens diminuer le risque procédural lié aux copies électroniques, en l’état du droit, il n’est pas possible d’exclure ce risque. 3 Entités soumises à surveillance, les banques et les autres intermédiaires financiers. Alors que les banques et les intermédiaires financiers sont soumis aux règles générales du droit des sociétés et du droit fiscal quant à l’obligation de conservation des documents sociaux, ils sont en outre tenus par des exigences supplémentaires spécifiques. Pour les banques, la règlementation bancaire suisse ainsi que la législation sur le blanchiment d’argent prévoient des dispositions supplémentaires en matière de conservation et d’archivage des documents, essentiellement fondées sur le secret bancaire et l’obligation de diligence des banques. De même, la législation sur le blanchiment d’argent impose également des obligations spécifiques aux autres intermédiaires financiers. 2 SCHELLENBERG WITTMER NEWSLETTER AOÛT 2007 L’Ordonnance fédérale sur la tenue et la conservation des livres de comptes (Olico) prévoit que les entreprises doivent archiver leurs documents de manière systématique et diligente, permettant un accès à tout moment. Les moyens de conservation électronique sont réputés garantir l’authenticité des documents s’ils ne permettent pas d’apporter des modifications cachées aux documents. Cela signifie que tout système informatique répondant à ces critères est réputé garantir l’authenticité des documents au regard du droit suisse. SCHELLENBERG WITTMER NEWSLETTER AOÛT 2007 3.1 Les banques 3.1.1 La réglementation bancaire Les exigences spécifiques relatives à l’obligation des banques de conserver les documents ne prévoient pas expressément l’obligation de conserver les originaux : I La loi fédérale sur les banques subordonne simplement la délivrance d’une autorisation bancaire à la condition que l’établissement dispose d’une organisation appropriée à la conduite de ses activités, y compris d’une supervision et d’un contrôle des organes de la société en charge de la gestion. I Les directives de l’ASB de 2000 relatives au traitement des avoirs, comptes, dépôts et compartiments de coffre-fort, lorsque la banque est sans nouvelles du client autorisent expressément la conservation sous forme électronique. S’agissant des comptes dormants, la banque doit conserver les documents contractuels originaux ainsi que les données relatives aux transactions, la forme électronique étant acceptable pour ces deux types de documents. I Les directives concernant le mandat de gestion de fortune de 2005 prévoient que tout mandat de gestion doit être conféré par le client par écrit et signé. Il n’y a cependant pas de disposition prévoyant que le contrat de mandat original doit être conservé. I La Convention de diligence des banques (« CDB 03 ») prévoit l’obligation de conserver dans ses dossiers tous les documents propres à identifier le cocontractant effectif. Le texte de la CDB 03 semble suggérer que la conservation des originaux n’est pas nécessaire à condition que les autorités ainsi que les auditeurs internes et externes de la banque soient en mesure de vérifier que l’identité de l’ayant droit économique a été correctement établie. A notre sens, le seul fait de conserver les documents relatifs à l’ouverture des comptes sous forme électronique ne constitue pas une assistance à la fuite de capitaux ni à une modification frauduleuse de documents bancaires dans le but de tromper les autorités. Il est important de préciser que toutes les banques autorisées en Suisse doivent se soumettre aux exigences exposées cidessus étant donné que la Commission fédérale des banques (« CFB »), l’organe de régulation bancaire suisse, considère officiellement ces directives comme standards minimaux auxquels la banque doit se soumettre pour conserver sa licence bancaire. 3.1.2 La législation suisse anti-blanchiment En sus des exigences spécifiques résultant de la législation et de la réglementation bancaire, la loi fédérale sur le blanchiment d’argent (« LBA »), prévoit que les intermédiaires financiers, auxquels appartiennent les banques, doivent établir et conserver les documents concernant les transactions et les clarifications obtenues en vertu de la législation antiblanchiment. Les experts externes doivent pouvoir vérifier que les exigences de la LBA ont été remplies. La LBA prévoit que les intermédiaires financiers doivent conserver « les documents de manière à pouvoir satisfaire, dans un délai raisonnable, aux éventuelles demandes d’informations ou de séquestre présentées par les autorités de poursuite pénale ». Ces documents doivent être conservés durant les dix ans qui suivent la fin de la relation contractuelle ou la transaction. La pratique actuelle montre que la CFB est plus soucieuse d’assurer un accès facile et rapide des autorités suisses et étrangères (en particulier des autorités pénales) aux documents bancaires pertinents, dans le but de vérifier que la banque s’est conformée à ces obligations de diligence, plutôt que de leur conservation sous forme originale. De façon plus précise, l’Ordonnance de la CFB sur le blanchiment d’argent (« OBA-CFB ») prévoit que les intermédiaires financiers doivent s’organiser de façon à pouvoir indiquer aux autorités, dans un délai raisonnable et avec documents à l’appui si une personne ou une entité a) est une partie contractante ou un ayant droit économique, b) a fait une opération en liquide qui a requis une vérification de l’identité de la personne, et/ou c) est au bénéfice d’une procuration durable sur un compte bancaire. L’OBA-CFB ne précise cependant pas sous quelle forme les documents doivent être conservés. A tout le moins, aucune disposition ne prévoit une obligation de conserver les originaux. Dans ce domaine également, il n’y a pas de jurisprudence. 3.1.3 Commentaires Pour autant que la conservation électronique de documents soit conforme aux exigences détaillées ci-dessus (3.1.1 et 3.1.2), cette forme de conservation des documents bancaires est compatible avec la règlementation bancaire et la législation anti-blanchiment. En ce qui concerne le lieu d’archivage des documents, la législation bancaire ne contient pas de normes expresses. A notre avis, leur archivage dans un pays étranger n’est pas exclu, dans la mesure où les dispositions de la directive de la CFB sur l’outsourcing, qui tient compte des exigences liées au secret bancaire et à la protection des données, sont respectées. 3.2 Les intermédiaires financiers En matière de conservation de documents, les intermédiaires financiers sont également soumis aux exigences spécifiques résultant de la législation sur la lutte contre le blanchiment, à en particulier celles de la LBA (ci-dessus 3.1.2). A la différence des banques, la situation juridique liée la conservation des documents a été clarifiée. D’abord, l’Autorité de contrôle en matière de lutte contre le blanchiment d’argent (« l’Autorité de contrôle ») a décidé en 2004 qu’il était permis aux intermédiaires soumis à sa surveillance directe (les banques en sont exclues car soumises au contrôle de la CFB, ci-dessus 3.1.2) de conserver les documents exclusivement sous forme électronique à condition 3 Par la suite, l’Autorité de contrôle a clarifié un certain nombre de questions relatives à la conservation électronique à travers la publication de la Circulaire 2006/2 du 13 novembre 2006 (« Circulaire 2006/2 »). En effet, la Circulaire 2006/2 de l’Autorité de contrôle précise que le serveur sur lequel les documents sont conservés doit se situer en Suisse. Il est également possible de les conserver à l’étranger à condition qu’une copie (physique ou électronique) se trouve en Suisse. La copie située en Suisse doit être mise à jour régulièrement (i.e. mensuellement), pour qu’il corresponde au serveur situé à l’étranger. Néanmoins, les intermédiaires financiers peuvent renoncer à conserver toutes copies en Suisse, à condition qu’ils prouvent que les autorités suisses pourraient saisir les documents et informations archivés à l’étranger. Cette preuve peut se fonder sur un traité international d’entraide entre la Suisse et le pays en question. 4 Conclusion Contacts Le contenu de cette Newsletter ne peut pas être assimilé à un avis ou conseil juridique ou fiscal. Si vous souhaitez obtenir un avis sur votre situation particulière, votre personne de contact habituelle auprès de Schellenberg Wittmer ou l’un des avocats suivants répondra volontiers à vos questions: I A Genève: JEAN JACQUES AH CHOON [email protected] LIONEL AESCHLIMANN [email protected] I A Zurich: MARTIN WEBER [email protected] LORENZO OLGIATI [email protected] La plupart des documents sociaux doivent être conservés et archivés. Cette obligation couvre non seulement les documents sociaux et les contrats mais aussi la correspondance et les autres documents qui peuvent avoir une influence sur les comptes de la société. L’exception principale concerne les documents internes qui, de manière générale, ne doivent pas être conservés. Les dispositions légales sur la conservation des documents n’excluent pas l’archivage de documents sous forme électronique et à l’étranger (à condition de respecter les règles sur la protection des données), à l’exception des bilans et des comptes de résultats qui doivent être conservés sous forme écrite et dûment signés. Les banques et les intermédiaires financiers (autres que les banques) peuvent conserver leurs documents sous forme électronique et à l’étranger (dans le respect des dispositions de la Circulaire CFB sur l’outsourcing ou la Circulaire 1999/2). A cet égard, nous espérons que la CFB publiera une directive clarifiant la situation quant aux obligations de conservation des banques. Toutefois, il faut conserver à l’esprit que le droit suisse de procédure civile peut soulever des difficultés. Si pour une quelconque raison les faits étayés par un document sont contestés, la société pourrait être contrainte de fournir ce document. Si elle se trouve dans l’impossibilité de produire l’original, elle pourrait échouer à apporter la preuve de son authenticité. A ce stade, le risque que la destruction d’originaux et la seule production de copies électroniques soient retenues contre la société concernée en cas de litige civil ne peut être exclu. Cette Newsletter est disponible en français, anglais et allemand sur notre site internet www.swlegal.ch. 15bis, rue des Alpes Case postale 2088 CH-1211 Genève 1 Tél. +41 (0) 22 707 8000 Fax +41 (0) 22 707 8001 Löwenstrasse 19 Case postale 1876 CH-8021 Zurich Tél. +41 (0) 44 215 5252 Fax +41 (0) 44 215 5200 www.swlegal.ch 4 SCHELLENBERG WITTMER NEWSLETTER AOÛT 2007 que l’exigence de traçabilité des modifications au sens de L’Ordonnance fédérale sur la tenue et la conservation des livres de comptes soit respectée (ci-dessus 2.1).