POURQUOI « COCKTAIL

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POURQUOI « COCKTAIL
POURQUOI « COCKTAIL » ?
Retour sur l’historique de cette « pratique du mélange » au nom évoquant la queue multicolore d’un coq.
D’où vient le mot cocktail ?
Si les hypothèses sont nombreuses et tiennent souvent de la légende, la
traduction anglaise (cock’s tail signifiant littéralement queue de coq) évoque
la queue multicolore du coq. Et par extension, le mélange des couleurs et des
saveurs.
Dans l’antiquité, les hommes laissaient macérer des épices et des aromates
dans les vins qu’ils élaboraient. Les
Les gaulois, quant à eux, aimaient ajouter du
miel à l’eau, mais aussi du thym, du romarin, de la lavande ou des écorces de
fruits aux différentes boissons fermentées qu’ils appréciaient.
Au Moyen-Age
Moyen
et à la Renaissance, les ordres religieux et les apothicaires
apothica
rivalisaient d’imagination pour créer des eaux-de-vie
eaux
vie et des liqueurs, qui
parfois existent encore, en mariant de nombreux ingrédients (le plus souvent des épices et des plantes).
Fait du hasard ? Au XVI siècle, dans le Bordelais et en Charente, on trouve la trace d’une boisson à base de
vin, appelée « coquetel » tandis que la reine de France, Marie de Médicis, aime préparer, elle-même,
elle
des
boissons résultant de savants mélanges.
Des Amériques
Bref, si les hommes ont toujours eu l’envie naturelle de mixer des ingrédients, solides ou liquides, la
première mention d’un cocktail à base d’alcool se trouve dans un magazine américain, The Balance, daté
du 3 mai 1806 : « Le cocktail est une boisson stimulante composée d’alcools d’origines indifférentes, de
sucre, d’eau et de bitters ».
D’ailleurs, plusieurs spécialistes (Lucien Farnoux Reynaud dans L’Heure du cocktail, Pierre Vermeire dans
L’Art du cocktail, Frank Meier dans The Artistry of mixing drinks) confirment que la mode de mixer
différents ingrédientss pour obtenir une boisson originale est bien américaine.
Chacun y allant de sa petite anecdote : les uns évoquent la côte Ouest, les autres la côte Est. L’une de ces
histoires met en scène un cabaretier, sa fille, belle comme le jour, et un magnifique coq que le père
chérissait autant que sa fille.
Volatile exceptionnel, l’animal disparut un jour au grand désespoir de son maître. Ce dernier promit la
main de sa fille à qui lui rapporterait « l’enfant à plumes » chéri. Ce fut un bel officier. Il troubla tant
tan
l’esprit de la jeune fille - il était aussi beau que le coqcoq qu’elle mélangea précipitamment tout le contenu
des fioles que son père possédait pour fêter l’événement.
Les personnes conviées apprécièrent tant cette extravagance qu’ils adoptèrent immédiatement
immédiate
ce breuvage
rappelant les couleurs flamboyantes de la queue de coq !
On parle aussi d’une certaine Betzy, soutien inconditionnel des armées américaines et françaises contre les
Anglais en 1779. Cette « guerrière » aurait occis le coq d’un anglais qu’elle
qu’elle haïssait ….Pour
….
fêter cet acte
subversif, elle offrit à ses admirateurs des boissons de sa composition, bues avec force toasts portés au
défunt gallinacé.
Une autre version se situe à la frontière mexicaine, avec encore des histoires de soldats, mais nous
n
en
resterons là, et évoquerons simplement une tradition plus septentrionale, celle des trappeurs, qui avaient
l’habitude de mélanger des alcools pour obtenir des boissons revigorantes. Ils amenèrent cette pratique
dans les villes où le phénomène devint plus sophistiqué.
D’Angleterre aussi
En Europe, c’est la Grande-Bretagne
Bretagne qui donne le la, avec, à l’époque victorienne, un véritable
engouement pour le gin consommé avec de la quinine – vielle habitude ramenée des colonies. On ouvre
des bars et des clubs très selects, réservés aux hommes, où l’on boit aussi des sherrys, du bordeaux
(Claret), des vins de Porto et des cocktails.
C’est à cette époque que Jerry Thomas, un barman américain né dans le Connecticut en 1825, va jouer un
rôle important dans la promotion de cet art nouveau. Il deviendra célèbre en consacrant sa vie à faire
connaître les cocktails et en créant les fameux Blue Blazer et Tom et Jerry.
Sa réputation sera telle qu’il finira par venir faire de raies tournées en Grande-Bretagne
Grande Bretagne et en FranceFr
notamment à Paris – où il se « produira » avec un matériel en argent d’une valeur de 4000 dollars !
Barman au Metropolitan Hôtel de New-York,
New York, on lui doit, en 1862, le premier livre de recettes de cocktails
intitulé Bon Vivant’s Companion.
Jerry Thomas
Durant cette seconde moitié du XIX siècle, la mode des bars de luxe se répand très vite. A Paris, le premier
bar « américain » aurait été l’Eureka, rue des Mathurins. Ces bars d’un nouveau genre, répartis
principalement autour des Champs-Elysé
Elysées
es et de l’Opéra, étaient pour la plupart réservés aux hommes.
Parmi les plus célèbres, on peut citer : le bar de l’hôtel Saint-Pétersbourg,
Pétersbourg, l’Irish Bar de la rue Royale, le
Silver rill, le Scotch Tavern de la rue d’Astorg, l’Australian Wine Store de l’avenue
l’avenue d’Eylau, le bar du
Grand Hôtel et le bar de Maxim’s.
Sur les cartes, des Martinis, des Bronx, des Gin-Fizz,
Gin
des Rose, des Porto-Flip
Flip sont proposés.
Rapidement, cette mode descend sur la Côte d’Azur avec l’ouverture d’établissements comme le Volney ou
le Winter Palace de Nice.
Après la Première Guerre mondiale, les Américains et les Canadiens déferlent en France en apportant dans
leurs bagages la mode du bar et du jazz. L’heure du cocktail remplace celle du thé et on dénombrera une
centaine de bars à cocktails
ktails de luxe, admettant désormais les femmes. Dans la Capitale, parmi ceux situés
autour des Champs-Elysées,
Elysées, on retrouve : le Fouquet’s, le Bar du Claridge, l’Hermitage, le Select, le Cheval
Pie, le Berry, le Booth’s.
Autour de la Madeleine et de l’Opéra : le bar du Ritz, Angel’s Bar,
rue Caumartin, Le New York Bar, le Forum, boulevard Malesherbes.
Dans le quartier des Ternes : le Mac-Mahon, A bord du pingouin,
rue Poncelet, Le Broadway, la Cabane, le Ping-Pong, Six cylindres, le
Jack’s Bar.
Du côté de Montparnasse : La Closerie des Lilas, La Coupole, le
Dôme, La Rotonde, La Cigogne, rue Bréa, le Jockey et la Jungle,
boulevard de Montparnasse, le Viking, rue Vavin.
A Montmartre : le Fil à la patte, le Grand écart, Le Liberty’s, le Radio,
le Pélican Blanc.
Enfin, dans les lieux chics de villégiature, on citera : le Café de Paris
à Monaco, les bars des casinos de Deauville et de Cannes ou encore
l’Hôtel du Palais à Biarritz……
Angels over Broadway
Une « mise en place » qui dure
La seconde guerre mondiale va marquer un temps d’arrêt, bien que l’armée allemande apprécie et
« occupe » les bars parisiens - marché noir aidant.
Après cet épisode sombre, la vie nocturne reprendre de plus belle, mais surtout autour de Saint-Germain
des-Prés où les bars fleuriront…..Certains bars évoqués dans ces pages existent encore. D’autres ont
ouverts leurs portes, bien sûr, et le rôle du barman est allé grandissant. Dès 1953, l’association des
Barmen de France, constitué en 1931, organise un premier concours de cocktails avec la marque Cinzano.
Aujourd’hui, ils ne se comptent plus.
Jf Desagher