Les industries de la confiserie et de la chocolaterie
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Les industries de la confiserie et de la chocolaterie
DE LA SAVEUR SUCRÉE AUX PRODUITS SUCRÉS : LA THÉORIE MISE EN PRATIQUE Les industries de la confiserie et de la chocolaterie : principales évolutions des dernières décennies et défis à venir Emmanuel GUERAS, Président de la Chambre Syndicale Nationale de la Confiserie, L’Alliance 7, Paris • 1914-1920. La Grande Guerre fait de gros dégâts dans les implantations industrielles au Nord de la Seine. L'économie de guerre n'est évidemment pas favorable à nos professions. Puisqu'il est maintenant devenu de tradition de regarder par-dessus son épaule pour dire adieu au millénaire avant de sauter dans le XXIe siècle, profitons-en pour jeter un dernier coup d'œil à ce qui a marqué la Confiserie et la Chocolaterie. Voici rapidement pour les 9 décennies écoulées, et plus en détail pour la dernière, ce qui les résume le mieux de mon point de vue. • 1920-1925. En confiserie, révolution industrielle avec l'invention de la machine à envelopper. À York, Rose Brothers présente une machine à envelopper en continu, dite « cut and wrap » pour la coupe et l'enveloppage des pâtes à mâcher (exemple du mintho). L'enveloppage, essentiellement en papier paraffiné, est sommaire mais suffisant pour protéger le produit et ne plus avoir à l'isoler dans du verre. Autre invention qui fera date : la sucette « fer de lance » déposée par Pierrot-Gourmand en 1924. • 1900-1910. En confiserie c'est l'émergence de l'industrie sur le « terreau » de l'artisanat et du commerce de détail spécialisé. Les équipements sont simples : bassines à cuire, cylindres gravés, turbines à dragéifier pour la charge en sucre des dragées et le traitement en surface des sucres cuits. Les produits sont vendus nus et en vrac, dans des bocaux en verre ou en boites métal. Peu de marques diffusant à l'échelle nationale : PierrotGourmand, Jacquin... • 1930-1935. L'industrialisation en chocolaterie et en confiserie se confirme mais la diversité des capacités de production est grande, de 500 kg à 5 tonnes/jour. Apparition des magasins populaires (Monoprix, Prisunic…) et développement des magasins succursalistes (Familistère, Docks Rémois, etc.). Au niveau de l'artisanat, la chocolaterie n'est pas dissociée de la confiserie. Les deux activités sont pratiquées de concert dès l'apprentissage. La production industrielle nécessite un équipement plus lourd. Le chocolat est alors essentiellement vendu sous forme de tablettes. Là encore quelques marques dépassent la diffusion régionale : Ménier, Suchard, Meunier... Dans tous les autres cas, le caractère régional est très affirmé. La variété des produits est immense. À Paris, le quartier du Marais reste depuis 3 siècles le centre incontournable des confiseurs (rue Vieille-duTemple, rue des Lombards…). Le commerce de détail (épiciers, marchands forains...) qui écoulait la production en souffre évidemment. Les industriels prennent l'habitude d'aller faire la queue dans les bureaux d'achat. Comme les produits sont souvent très similaires d'une firme à l'autre, la pression sur les prix est forte. Comme me disait mon père : « les acheteurs n'achetaient plus, ils attendaient que les prix baissent encore ! » 39 DE LA SAVEUR SUCRÉE AUX PRODUITS SUCRÉS : LA THÉORIE MISE EN PRATIQUE Dans la Distribution, apparition du concept « cash and carry » et création des premiers supermarchés. Là, c'est un américain qui fait l'événement ; Bernard Trujillo, de la société NCR à Dayton théorise le concept « cash and carry », sorte de marché couvert en libre-service où les marchands forains sont remplacés par des caisses enregistreuses à la sortie. Pas de décor, pas de services mais des prix. Des grossistes français comprennent immédiatement le message. Ce sera pour bientôt les débuts de Leclerc, Carrefour, Promodès et les autres. Tout cela sur fond de crise économique qui débouchera sur le Front populaire et sur la guerre. • 1935-1945. Les bouleversements sociaux ne sont pas favorables à la consommation de confiseries. Les priorités sont ailleurs. Avec la guerre, c'est le sucre et la plupart des matières premières qui deviennent introuvables. Faire de la confiserie avec du sucre de raisin et de la mélasse n'est pas évident ! Industriels et artisans font le gros dos. En 1945 les français découvrent les conditionnements de poche dans les rations K : barres Hershey, Livesavers, tablettes de chewing-gum… • 1965-1975. Toutes les tendances développées dans la décennie précédente se précisent : concentration de la production pour répondre à la concentration de la distribution. Les surfaces de vente augmentent de plus en plus et passent de 2 000 à 10 000 m2. Les confiseurs ont à faire face à un problème d’image sérieux : la circulaire de Villejuif, censée émaner de l’Institut Gustave Roussy à Villejuif, accuse tous les « E » d'être cancérigènes et appelle au boycott des produits contenant des colorants. Là encore, il faudra plus de 10 ans aux confiseurs de sucre pour effacer cette image négative contestée par les scientifiques eux-mêmes. • 1950-1960. Retour progressif à la normale pour l'approvisionnement. Début d'une campagne médicale qui accuse le chocolat de tous les maux et spécialement de dérèglements hépatiques. Pour contrer cette attaque, les chocolatiers créent et financent un fonds de promotion. Il faudra près d’un an pour effacer cette fausse et mauvaise image. En confiserie de sucre, les produits s'habillent plus richement et deviennent, dans le haut de gamme, des cadeaux appréciés. D'une façon générale, la distribution reste l'apanage des grossistes, des magasins populaires et du commerce de détail. Les boulangers-pâtissiers s'ouvrent à la confiserie. • 1975-1990. Là, on quitte « l'histoire » ! Voici brièvement les grandes tendances : – Concentration industrielle de plus en plus poussée et internationalisation. • 1960 marque l'entrée dans la modernité. Je serai un peu plus long sur cette période car tout ce que nous constatons aujourd'hui en découle. La grande bataille des prix imposée par la grande distribution ne se traduit généralement pas par un abaissement de la qualité mais au contraire par une grande créativité, tout spécialement chez les chocolatiers. En production, les plus performants passent de la fabrication de type discontinu à la fabrication en continu, grâce à des innovations technologiques remarquables. On peut citer par exemple en confiserie les lignes automatiques qui cuisent, aromatisent, moulent, refroidissent, enveloppent et ensachent les produits en continu. La transformation de l'usine Pie qui chante, par Georges Cornillot fait l'événement. Mais les investissements sont lourds et tous les industriels ne peuvent pas suivre. Dans ce contexte, de nombreuses firmes disparaissent, presque toutes dans les tranches 5 à 10 tonnes/jour. Les petites unités, dites de haut de gamme, résistent mieux. Mais pour les fabrications de gamme moyenne, c'est le début des grandes restructurations dont la création de la Général Alimentaire est le prélude. – Les barres chocolatées connaissent un développement spectaculaire. Arrivée en force des chocolats belges par le biais des magasins franchisés. – Développement remarquable du chewinggum (+ 60% en 20 ans) grâce en partie au « sans sucre » (polyols). – En confiserie de sucre, passage du dur au mou. Baisse de production des sucres cuits au profit des gélifiés et des pâtes à mâcher. – Dynamisme des artisans avec remise à l'honneur des spécialités régionales. À titre d'exemples, en 1988 il y avait 95 producteurs de confiserie dont 13 40 DE LA SAVEUR SUCRÉE AUX PRODUITS SUCRÉS : LA THÉORIE MISE EN PRATIQUE assuraient 75 % de la production. En 1988, on en dénombre 116 mais 7 seulement assurent 75% de la production. Même tendance en chocolaterie. Autrement dit, les plus « gros » se concentrent encore, mais les « petits » se développent ! Tonnage (en milliers de tonnes) 220 Marché français total 200 Production 180 Pour terminer, voici plus précisément les grandes tendances de la dernière décennie concernant les industries de la chocolaterie et de la confiserie, illustrées par quelques tableaux et figures. 160 140 120 Tonnnage (en milliers de tonnes) 450 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 Années Figure 2 : Tonnage confiserie de sucre : En 10 ans, la production a augmenté de 32%, passant de 148 à 197 000 tonnes. Les exportations ont augmenté de 64 % et les importations de 76 %. Là aussi la balance est équilibrée. La consommation per capita a augmenté de 28 %. Marché français total 400 Production 350 Tableau 2 : Production confiserie (1998). « Au tableau d'honneur » les gommes et gélifiés avec + 62 % en 10 ans et les chewing-gums avec + 85 %. Baisse sensible des sucres cuits pleins et fourrés. 300 250 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 Dragées, dragéifiés, œufs liqueurs Années Gommes, pâtes de fruits, gélifiés, réglisse Figure 1 : Tonnage en chocolaterie. En 10 ans, la production a augmenté de 45 %, passant de 260 à 377 000 tonnes. Dans le même temps, les exportations ont augmenté de 313 % et les importations de 156 %. La balance commerciale est équilibrée. La consommation per capita sur le marché français a augmenté de 28 %. Nougats et autres confiseries 44,6 % Pâtes à tartiner 12,5 % Produits d’imitation du chocolat 13,5 % Tablettes 29,0 % 16,1 % Caramels, toffées, pâtes à mâcher 17,1 % Chewing-gums 1,9 % 23,7 % Au total, des productions en augmentation régulière, un marché intérieur qui apprécie les produits et le prouve et un réel dynamisme des industriels grands et petits sur les marchés extérieurs. Les défis à venir… Je laisse à Monsieur Terlet le risque de la prospective. En ce qui me concerne, je ne vois dans l'avenir immédiat aucune raison pour que les tendances favorables s'inversent. 0,4 % Cacao en poudre sucré 4,5 % Sucres cuits Pastilles et comprimés Tableau 1 : Produits finis chocolaterie (1998). « Au tableau d'honneur » les barres avec + 115 % en 10 ans, les confiseries de chocolat + 72 % et les pâtes à tartiner + 107 %. Léger tassement des tablettes. Confiserie de chocolat 7,4 % 29,3 % 41