Jacques Salomé Extrait de « Contes d`errances Contes d`espérance

Transcription

Jacques Salomé Extrait de « Contes d`errances Contes d`espérance
SABLE - FEUILLE - PIERRE
ou
Conte pour une initiation à une démarche symbolique
de
Jacques Salomé
Donnez-moi un symbole et je soulèverai quelques-uns des mystères du monde,
je relierai l’infini de l’imaginaire aux horizons multiples de la réalité.
C’est avec des symboles que nous pouvons accéder aux dimensions les plus cachées de notre être.
Cliquez pour faire défiler le diaporama à votre rythme.
C'est l'histoire de deux amis qui voyageaient depuis plusieurs jours dans le désert.
Au cours de leur périple, ils avaient pris l’habitude de parler de tout, d’aborder
en toute liberté tous les sujets, sans aucune réserve chez l’un ou chez l’autre.
Mais un jour, l’échange qu’ils avaient depuis quelques minutes,
se transforma soudainement en affrontement, puis l’affrontement
en conflit. Au point que l'un des deux donna une gifle à l'autre
en lui disant : « Je ne peux pas être d’accord avec ce que tu dis ! »
Ce dernier encaissa la gifle et sans rien dire de plus, écrivit dans le sable :
« Aujourd'hui, celui que je croyais
être mon meilleur ami
m'a donné une gifle.
La peine que j’ai m’appartient.
Je suis donc seul responsable
de ce que je vais faire
de cette peine ».
Le soir à l’étape, après avoir atteint une oasis
où ils purent se reposer, sur une feuille de palmier,
il dessina une main, la donna à son ami et lui dit :
« Je te restitue symboliquement le geste qui m'a blessé ».
Puis sur un morceau de parchemin, il écrivit patiemment cette longue phrase :
« Quand j’accepte d’entendre ce qui a été touché chez moi, par l’attitude ou
les paroles d’un ami, et que cela me paraît insupportable ou inacceptable
au point que j’éprouve le besoin
de le frapper, alors je commence
à grandir de l’intérieur. »
Il plia le parchemin
qu’il mit dans son sac.
En voyant cela, son ami jeta
la feuille de palmier reçue le matin,
et s’enferma dans un silence boudeur.
Le lendemain ils reprirent leur route, cheminant l’un à coté de l’autre,
silencieusement. Ils marchaient de façon automatique, sans plaisir,
juste pour avancer, comme pour tuer le temps qui n’avait plus aucun
goût entre eux. Aucun ne parla de toute la journée.
Le soir, ils trouvèrent une autre oasis, bordée par un très beau cours
d'eau. Sans se concerter ils décidèrent de se baigner. Mais celui qui
la veille avait été giflé manqua de se noyer et son ami le sauva.
Quand il reprit son souffle,
il écrivit sur un nouveau
morceau de parchemin :
« C’est bon de respirer,
je remercie la vie
d’être encore en moi »,
puis il dessina un soleil
et l’offrit à son ami.
Sur une pierre,
il grava ceci :
« Mon meilleur ami
m’a sauvé la vie,
il mérite toute
ma reconnaissance ».
Puis il posa la pierre,
de façon très visible
au bord de la piste.
Le lendemain, alors qu’ils cheminaient entre deux dunes,
celui qui avait donné la gifle et avait sauvé son ami
de la noyade lui demanda : « Quand je t'ai agressé,
tu as écrit sur le sable, puis sur une feuille de palmier,
puis sur un parchemin, puis sur une pierre
et maintenant tu as recommencé.
Pourquoi tout cela ? »
L'autre lui répondit : « Quand quelqu'un nous blesse,
nous pouvons lui restituer symboliquement la violence
qu’il a déposée en nous, puisque c’est la sienne.
C’était la feuille de palmier que je t’ai remise.
J’ai pu aussi écrire sur le sable ce qui s’est passé,
avec l’espoir que les vents du pardon à soi-même
effaceront cet événement et ne le laissera pas
comme une gêne entre nous.
Mais quand quelqu'un fait quelque chose de bien
et de bon pour nous, nous pouvons le graver dans la pierre,
où aucun vent ne peut l'effacer.
J’ai pris l’habitude de noter sur un parchemin
ce que j’apprends de chacun des événements de la vie,
soit quand une blessure est réveillée en moi,
soit quand je reçois du bon.
Ce matin j’ai noté pour moi
et ce soir j’ai écrit pour toi.
J’ai aussi osé restituer
ce qui n’est pas bon pour moi
à l’aide d’un objet symbolique,
la feuille de palmier, qui a bien rempli son rôle.
Dans la pierre, il est toujours possible
de graver ce que nous voulons transmettre ! »
- Oui, mais ce que tu as écrit sur la feuille de palmier,
ne m’a pas plu, alors je l’ai jetée.
- Mais tu as accepté mon second parchemin.
Cela c’est ce qui restera de notre échange.
Je ne sais pas ce que tu en feras, cela t’appartient.
Le plus important sera ce qui est gravé
sur chacune des pierres !
Peut-être quelqu’un trouvera-t-il un jour
l’un ou l’autre de ces messages
et en fera-t-il une leçon de vie ? ».
Texte intégral du conte de
Jacques Salomé
Extrait de
« Contes d’errances
Contes d’espérance »
Éditions Albin Michel – 2007
Merci aux artistes inconnus à qui nous devons aquarelles, dessins, photo
et musique provenant d’une autre version de ce conte qui a circulé sur le net.
Adaptation réalisée par A.C.C.E. - Avignon - Avril 2007

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