Une réalisation possible

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Une réalisation possible
L'OEUVRE
INFORMATIONS SUR L'OEUVRE:
Titre:
La fée électricité
Artiste:
Raoul Dufy
Date : 1937.
Technique : peinture à l'huile sur contreplaqué.
Dimensions : 1000 x 6240 cm, composé de 260 panneaux de 2m x1,20m soit 624 m2
Lieu d'exposition : musée d'art moderne de la ville de Paris 11, avenue du Présidant
Wilson dans le 16ème arrondissement de Paris, dans l'aile est du palais de Tokyo.
CONTEXTE
Contexte historique :
Cette œuvre a été une commande de la Compagnie parisienne de
distribution d'électricité pour « Mettre en valeur le rôle de l'électricité dans la vie nationale et dégager notamment le rôle social de
premier plan joué par la lumière électrique » lors de l'exposition
internationale de 1937 à Paris.
en France : les congés payés.
en Espagne : la guerre civile.
en Allemagne : arrivée d'Hitler au pouvoir.
Contexte artistique :
Sur le plan artistique, Paris se veut capitale de la modernité et le
prouve par la promotion de la peinture murale. Cette volonté française avant-gardiste était en pleine opposition avec le conservatisme
nazi qui rassemblait à Munich, pour l’exposition « L’Art dégénéré »,
les œuvres de tous les créateurs des grands mouvements du XXe
siècle, dans le but de rayer ces grands noms de la liste de la peinture
moderne. A cette période, c’est l’art de propagande : l’art devient
un enjeu politique et les gouvernements encouragent les peintures de
grande taille.
ELEMENTS BIOGRAPHIQUES SUR L'ARTISTE
Raoul Dufy est né le 3 juin 1877 au Havre.
Il est l’aîné de neuf enfants d’une famille modeste mais ouverte à la culture. Son père,
comptable, est également organiste et chef de chœur et transmet l’amour de la musique
à ses enfants.
Alors qu'il est apprenti dans une maison d'importation de café, il suit les cours du soir à
l'école municipale des Beaux-Arts. En 1900 Raoul Dufy obtient une bourse de la ville
pour partir étudier aux Beaux-Arts de Paris.
Après avoir connu l’impressionnisme, il peint ses premières toiles impressionnistes
puis il se fait connaître en participant au fauvisme avant de travailler, aux côtés de
Braque, à l'invention du cubisme.
Grand coloriste, Raoul Dufy a laissé une œuvre considérable derrière lui: deux mille
peintures, deux fois plus d'aquarelles et de nombreux dessins, gravures et illustrations
pour Guillaume Apollinaire (Bestiaire ou Cortège d'Orphée) ou Gide, céramiques,
modèles de tissus imprimés pour le couturier Paul Poiret, décors pour Jean Cocteau, de
nombreuses commandes publiques et expositions à travers le monde.
Ni la polyarthrite rhumatoïde, dont il souffre depuis 1937, ni l'âge ne le ralentissent.
Un an avant sa mort, il remporte le prix de peinture de la 26ème Biennale de Venise, qui
couronne l'ensemble de son œuvre.
Célèbre et adulé, Raoul Dufy meurt le 23 mars 1953 à Forcalquier.
Le tableau parle de la « fée électricité », une expression utilisée à
l’époque pour désigner l’énergie électrique. Ce tableau raconte son
histoire et celle des savants et de leurs grandes inventions scientifiques qui ont permis la découverte et l’essor de l’électricité.
À gauche, dans le registre inférieur, les découvertes récentes qui ont contribué à l'essor
de l'électricité, de Faraday, qui découvrit le principe du moteur électrique, à Marie et
Pierre Curie, sont prétextes aux reflets brillants et changeants des forges et des illuminations urbaines, aux enseignes lumineuses et aux scènes de vie nocturne représentés
dans le registre supérieur. L’artiste montre ainsi le monde moderne tel qu’il est depuis
l’invention de l’électricité.
Raoul Dufy met 10 mois pour réaliser cette œuvre gigantesque. Il est
aidé de son frère et d'un assistant et passe beaucoup de temps à se
documenter sur les 110 savants et leurs œuvres.
La composition se termine sur une atmosphère musicale avec un grand concert audessus duquel une femme survole avec grâce les capitales mondiales symbolisées par
leurs monuments : c’est Iris, la fée électricité et messagère des dieux.
Il réalise ses dessins à l’échelle 1/10 puis les photographie pour ensuite les projeter agrandis sur les panneaux de contreplaqué et les
dessine alors à la bonne taille sur ceux-ci. Pour peindre ses personnages il s’inspire de David : il les peint d’abord nus pour ensuite les
habiller en utilisant des figurants de la Comédie Française en costumes comme modèles.
Dans cette fresque, il n’y a pas, comme c’est souvent le cas dans un tableau, de scène
principale en premier plan suivie d’un second plan et d’un arrière plan.
DESCRIPTION DE l’ŒUVRE
Le tableau est si grand que le spectateur ne peut pas en voir toutes les
parties en même temps.
Un schéma simple, en trois parties, organise l’ensemble de la composition qui se lit de droite à gauche.
Au centre, au-dessus d’une étincelle gigantesque jaillissant d’une
centrale électrique, les dieux de l’Olympe ordonnent et contemplent
la marche du progrès. Cette allégorie montre que, grâce aux hommes
qui ont travaillé sur ce phénomène qu'est l'électricité, tout un monde a
progressé et cette électricité est tellement magique et tellement extraordinaire qu'elle est à la fois un don des dieux et bénie par eux.
Dufy défend ainsi l’idée de progrès et de ses conséquences positives
dans la vie des hommes.
Des deux côtés de ce motif qui symbolise l’Énergie Électrique,
l’artiste évoque sur deux registres les savants d’hier et d’aujourd’hui
et le monde ancien et moderne.
À droite, dans le registre inférieur, la composition commence par le
bois sacré, où déambule Thalès de Milet encadré d’Aristote à sa
gauche et d’Archimède à sa droite ; elle se poursuit par les savants
qui ont tenté de maîtriser et d’asservir les forces naturelles jusqu’à
Fresnel et Ampère. Dans le registre supérieur, l’orage éclate et les
phénomènes naturels se succèdent (aurore boréale, arc-en-ciel), éclairant les travaux rustiques et les scènes éternelles des semailles, des
moissons et des vendanges. Dufy montre ainsi le monde tel qu’il était
avant l’invention de l’électricité.
D’autre part, Iris, la fée électricité, est très grande et de taille disproportionnée par
rapport aux autres objets car le peintre veut que le spectateur la voit bien puisqu’elle
est le sujet principal du tableau.
Dans l’art de Dufy, il y a donc une rupture avec le passé dans la façon de peindre : il
n’y a plus de plans, les échelles ne sont pas respectées. Il choisit et dispose ses couleurs avec soin afin de créer une harmonie ou, à l’inverse, un contraste.
Le dessin ne vient pas entourer une couleur et délimiter chaque changement de couleur : cela est visible avec Hermès et ses sandales ailées à gauche de la centrale ou sur
la coque rouge du paquebot.
Dufy ne cherche donc pas à imiter la réalité comme le faisaient les artistes aux siècles
précédents. Il pose de nouvelles règles et joue sur les pleins et les vides, les tailles, la
disposition des scènes dans l’espace, la plus ou moins grande simplification des parties, la juxtaposition d’éléments contradictoires, les à-plats colorés. Ces choix sont
influencés par son goût pour les arts décoratifs.
La lumière est aussi essentielle pour Dufy qui dit que « sans lumière, la couleur est
sans vie ». Il est donc logique qu’il ait voulu rendre hommage à l’électricité.
Quand on regarde ce tableau, on a une sensation de sérénité : c’est ce que souhaite
Dufy qui dit que « sur nos murs, nos yeux doivent trouver du repos ».
Ce tableau donne un sentiment de gaîté. Les personnages représentés ont l’air joyeux,
comme à droite par exemple, où des personnes effectuent des travaux des champs, ce
qui est pourtant très fatiguant : les hommes vivent avec bonheur dans et grâce à la nature.
Les scènes de rue, de joie et de la vie industrielle montrent que Dufy est le peintre des
plaisirs et de la modernité.
Cette œuvre très colorée et très lumineuse a été longtemps la plus grande peinture existante au monde.
VOCABULAIRE
Allégorie :
Expression d'une idée, d'une abstraction par une histoire ou une image.
Arts décoratifs : art qui vise à la décoration de beaux objets. Il a longtemps été considéré comme moins important que les Beaux-arts qui regroupent la
peinture, la sculpture et l’architecture. Gauguin sera le premier peintre à s’intéresser réellement à l’art décoratif et il va influencer beaucoup d’autres peintres.
Art de propagande : mise de l’art au service d’un régime politique.
Beaux-Arts :
nom donné à l'architecture, aux arts plastiques et graphiques (sculpture, peinture, gravure), parfois aussi à la musique et à la danse.
Commande : œuvre qui est demandée à l’artiste par un particulier, une entreprise ou un État.
Cubisme : mouvement artistique qui s'est développé de 1907 à 1914 à l'initiative des peintres Georges Braque et Pablo Picasso. Le terme cubisme provient
de la description d'un tableau de Braque : « petits cubes ».
Échelle : une représentation est à l’échelle quand ses dimensions dans l’œuvre et les dimensions réelles sont proportionnelles.
Fauvisme : courant de peinture (1905 à 1910) est caractérisé par l'audace et la nouveauté de ses recherches chromatiques, notamment par la libération de la
couleur. Le précurseur du fauvisme était Henri Matisse, André Derain, Maurice de Vlaminck ou encore Georges Braque en ont fait partie.
Fresque : pratique antique de la peinture murale. Le mot « fresque » est employé par extension pour désigner toute peinture murale de grande dimension.
Impressionnisme : mouvement pictural français, né de l'association de quelques artistes (de 1874 à 1886). L'impressionnisme est notamment caractérisé
par une tendance à noter les impressions fugitives à mobilité des phénomènes plutôt que l'aspect stable et conceptuel des choses.
Olympe : plus haute montagne de Grèce où se réunissaient les dieux grecs pour se divertir et discuter.
Plan : dans un tableau, le peintre peut découper l’espace en plusieurs zones afin de guider le regard du spectateur. Sa composition comprend alors un premier,
un second et un arrière plan.
SOURCES
Le dossier « La fée électricité » du site du collège http://albert-ball.etab.ac-lille.fr/ à la rubrique « Pédagogie » / « Sciences Physiques »