Anthony Berthou !

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Anthony Berthou !
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Un nutritionniste passionné :
Anthony Berthou !
IL PARLE D’UNE VOIX DOUCE, ET TRANCHE
PAR SON ALLURE DISCRÈTE ET SÉRIEUSE,
AVEC FORCE BONIMENTEURS QUI HANTENT
LE MILIEU DES VENDEURS DE POUDRES
« MIRACLES », ET QUI VOUS PROMETTENT
DES PERFORMANCES HORS DU COMMUN SI
VOUS ACHETEZ LEURS RECETTES SAVANTES.
ANTHONY EST UN ANCIEN TRIATHLÈTE DE
HAUT NIVEAU, IL EN GARDE LA FRAICHEUR
ET L’APPLICATION.
Propos recueillis et photos par Marie Delafontaine
J
’essaie de faire comprendre aux sportifs que l’alimentation permet avant tout d’optimiser leurs performances de manière naturelle, en leur permettant de
rester en bonne santé malgré les charges d’entrainement importantes que demandent certains trails.
Ma philosophie de nutrition, c’est de conseiller les athlètes au
quotidien sur leur alimentation, de les sensibiliser aux relations
pouvant exister entre la nutrition et certains troubles fonctionnels, ces petits « désordres » qui ne sont pas des pathologies en
soi, mais qui altèrent notre état de forme général et traduisent
une fragilité de l’organisme ou un déficit en micronutriments.
L’intérêt de la nutrition va bien au-delà du rôle énergétique que
l’on souhaite souvent lui attribuer. Le lien entre état nutritionnel
et santé est étroit : de nombreux signes peuvent résulter d’un
déséquilibre nutritionnel ou micronutritionnel : on peut ainsi citer les tendinites à répétition, les crampes, les troubles digestifs au repos ou à l’effort, l’intolérance aux boissons de l’effort,
le stress, la qualité du sommeil, les infections à répétition, etc.
Il me semble important de dépasser le cadre purement énergétique de la nutrition, pour s’inscrire dans une démarche de santé
et identifier les carences nutritionnelles pouvant provoquer une
perturbation profonde. On pourra alors ainsi mettre en place un
protocole avec des conseils alimentaires pratiques, associés à
des produits spécifiques et adaptés à chaque cas.
«
BIO-EXPRESS
Anthony Berthou, 30 ans, deux
enfants, vit à Lorient dans le
Morbihan, nutritionniste du
sport, a fait partie de l’Equipe
de France junior de triathlon,
pratique le trail en loisir, a eu
un cabinet de consultation en
Bretagne, a travaillé sur des
formulations de produits pour
d’autres sociétés, créateur du
laboratoire Effinov Nutrition,
nutritionniste de la fédération
française de triathlon.
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Esprit Trail : Comment fait-on pour convaincre un sportif
de faire de gros changements dans son alimentation ?
Anthony Berthou : En général, les personnes qui me sollicitent, ont compris que la nutrition pouvait jouer un rôle à part entière dans la performance, au même titre que l’entraînement, la
qualité de la chaussure, de la préparation mentale, du sommeil,
etc. Ils comprennent qu’ils vont améliorer leurs performances en
modifiant leurs habitudes. J’ai souvent pour habitude de dire que
tout est question de rapport entre les contraintes et les bénéfices : Si un protocole nutritionnel engendre plus de contraintes
qu’il n’apporte de bénéfices, ils ne le maintiendront pas sur le long
terme faute d’adhésion. Si par contre ils récupèrent mieux, sont plus en forme, et supportent mieux les charges d’entraînement, ils seront motivés à continuer… Je conseille aux
sportifs de respecter scrupuleusement le protocole défini ensemble pendant un mois ou
deux, de faire l’effort de remettre leur mode d’alimentation en question, et de jouer le jeu
complètement. Au-delà de cette période, ils décident eux-mêmes s’ils continuent, s’ils
ont amélioré leur bien-être. J’insiste sur le fait qu’aller au restaurant par exemple, se
faire plaisir, c’est aussi ça la nutrition, cela fait partie intégrante du protocole. La nutrition s’inscrit dans une démarche globale d’hygiène de vie, elle ne peut efficacement être
source de frustration à long terme.
ET : Tu pars d’un bilan de leur alimentation par l’étude d’un carnet alimentaire
que tu leur fais tenir ?
AB : Oui, je leur propose un bilan alimentaire et une analyse des troubles fonctionnels.
Effinov Nutrition, la société que j’ai créée, vient d’ailleurs d’être reconnue par le Ministère
de la Recherche, en tant que lauréat du Concours National des Entreprises de Technologies Innovantes. C’est un gage de crédibilité qui est important à nos yeux. Nous avons
notamment développé un outil d’aide au conseil en nutrition, Effinut®, qui permet de personnaliser les protocoles nutritionnels et d’aider les professionnels de santé et/ou du
sport à affiner leurs conseils.
ET : Comment on crée une telle société ?
AB : Avant tout par passion et conviction ! Au-delà de mon activité de nutritionniste que
j’ai exercée en cabinet pendant plusieurs années, j’ai également eu la chance de concevoir
des produits pour de nombreuses marques dont chacune possédait une finalité, un état
d’esprit, un positionnement marketing spécifique. J’ai eu ensuite l’envie d’aller jusqu’au
bout de mes convictions dans une optique globale de santé, en proposant des produits
les plus naturels possible, permettant de résoudre ces troubles fonctionnels, au-delà du
côté simplement énergétique. Le seul moyen d’y arriver, c’était de créer mes propres produits : j’avance aujourd’hui grâce à la passion, à des rencontres humaines, à un investissement personnel et bien entendu financier. J’ai la chance de côtoyer des non sportifs, des
sportifs occasionnels comme des athlètes de très haut niveau : chacun m’apporte chaque
jour une nouvelle vision de la nutrition et de la santé. C’est grâce à eux que je tente de
progresser. Début juin 2010, j’ai créé la société Effinov Nutrition, qui signifie « efficacité,
physiologie et innovation » : Respecter la physiologie, avec une efficacité qui soit naturelle
et innovante. Effinov Nutrition est avant tout un état d’esprit, une philosophie, celle de
penser la santé et la performance à travers la nutrition.
ET : Il existe aujourd’hui beaucoup de marques… Qu’est-ce qui distingue Effinov Nutrition ?
AB : Je n’ai pas la prétention d’être meilleur que qui que ce soit, c’est avant tout aux
sportifs d’en juger. Je souhaite simplement évoluer en accord avec moi-même et ce qui
me semble le plus adapté : c’est l’expérience et le terrain qui détermineront si un sportif
adhèrera ou non à une marque ou à un concept. La différence est contenue dans le nom de la
société : physiologie, innovation. Rester respectueux de l’organisme, grâce à des dosages
adaptés et dans une réflexion globale de santé : nous proposons aussi bien des produits
de l’alimentation quotidienne qui vont apporter un maximum de plaisir gustatif et optimiser l’état nutritionnel, en veillant à la qualité et à l’origine des matières, qu’une gamme de
produits de l’effort spécifiques, plutôt orientés sur le long, sur le trail. Nous avons également créé des compléments nutritionnels à utiliser sous forme de cure en cas de déficits
ou de troubles fonctionnels. Concernant les produits de l’effort et la problématique du
trail, l’organisme tolère physiologiquement beaucoup mieux le liquide que le solide : nous
avons porté une attention particulière sur la qualité de nos boissons et sur leur tolérance
digestive, contrainte majeure au cours des efforts d’endurance. Les boissons contiennent des quantités importantes de sels minéraux sous forme désacidifiante et d’acides
aminés fonctionnels. On parle beaucoup des BCAA, qui comprennent la valine, la leucine et
l’isoleucine. Parmi ceux-ci, la leucine possède la spécificité d’avoir un effet « signal »sur
le muscle, qui lui est propre. C’est ce qu’on appelle un acide aminé « fonctionnel ». Dans la
gamme Effinov Sport, notamment dans les produits de récupération, nous avons renforcé
les teneurs en leucine. On travaille beaucoup sur la problématique digestive, c’est une des
motivations principales de la création de ces produits, afin qu’ils soient le mieux tolérés
possible par l’organisme au cours de l’effort et au quotidien. Nos premiers retours sont
très encourageants : n’oublions pas que c’est le sportif qui va décider du produit qui lui
convient.
L’intérêt de la nutrition va bien au-delà
du rôle énergétique que l’on souhaite
souvent lui attribuer.
ET : Tu as conçu toute une gamme de produits sans gluten et sans lait…
AB : L’intérêt de supprimer le gluten, le sucre (lactose) et les protéines de lait, est
d’optimiser la digestibilité des produits, surtout à l’effort. Rassurons-nous, ce n’est
pas parce que je propose des produits sans lait et sans gluten, que je vais conseiller à
tout le monde de les supprimer totalement de leur alimentation. Tout est une question
d’individualisation de la démarche, il ne s’agit pas de tomber dans le dogmatisme. Par
ailleurs, cette gamme de produits s’adresse à la population générale et pas uniquement
aux sportifs.
ET : Les tendinites sont l’un des problèmes les plus fréquents qui touchent
les sportifs ?
AB : Concernant les principales causes des tendinites, il y a deux pistes nutritionnelles
à explorer : Soit la problématique intestinale avec un phénomène d’hyperperméabilité et
de réaction inflammatoire face à d’éventuels antigènes protéiques, dont les protéines
de gluten ou de lait, soit un déséquilibre de la balance acido-basique. Quand on fait beaucoup de sport, on produit beaucoup d’acides, ce qui a pour conséquence une acidification
tissulaire qui peut être exacerbée par une alimentation acidifiante, riche en sel et en
protéines, et/ou pauvre en fruits et légumes. Cela s’ajoute au stress du quotidien et
à de nombreux autres facteurs qui, additionnés les uns aux autres, peuvent générer
une prédisposition aux tendinites. Dans une telle situation, nous allons alors travailler
à augmenter la consommation de fruits et légumes, sources de sels organiques désacidifiants, réduire ou adapter la chronologie d’apports en protéines, diminuer la part
des aliments riches en sels, éventuellement limiter les protéines de lait de vache et
apporter une complémentation riche en sels désacidifiants, citrates, bicarbonates et
micronutriments drainants que nous avons développés et qui vont permettre de « tamponner » cette acidité.
ET : La perméabilité intestinale, on la décèle comment ?
AB : On peut désormais réaliser des tests biologiques selon un protocole précis, mais
ce n’est pas la démarche que je vais conseiller en première intention. C’est plutôt par
identification, recoupement et analyse des éventuels troubles digestifs chroniques et
troubles fonctionnels en résultant : troubles inflammatoires, problèmes ostéoarticulaires, tendineux, immunitaires… L’intérêt de passer par un professionnel formé est
justement de pouvoir identifier précisément l’existence de cette hyperperméabilité.
Après, ce professionnel jugera ou non de la nécessité de réaliser un bilan biologique.
Le sport d’endurance est un facteur favorisant cette hyperperméabilité, notamment
du fait des variations importantes du débit sanguin au niveau des organes digestifs
(phénomène d’ischémie-reperfusion) et des ondes de chocs mécaniques liées à la foulée. Mais nous pouvons également citer la prise d’antibiotiques, d’anti-inflammatoires,
de corticoïdes, ou l’alimentation déséquilibrée… Les facteurs sont nombreux, mais
le sportif d’endurance, de par sa pratique et ses habitudes de vie, représente une per-
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sonne « à risque ». Beaucoup de trailers ne présenteront néanmoins pas de symptôme lié à
cette hyperperméabilité : il n’y aura alors aucune raison de supprimer les protéines de lait
de vache ou le gluten, notamment si aucun trouble fonctionnel n’est associé.
ET : Quel est le regard d’un spécialiste de la santé et de la nutrition, sur les
ultra trails, sur des courses qui impliquent de passer des nuits sans dormir ?
AB : C’est une grande question… Je n’ai pas d’avis tranché et encore moins la prétention d’être expert sur le sujet. D’un point de vue personnel, la difficulté demeure le manque
de recul ne nous permettant pas d’être catégorique sur l’absence d’effets ou pas. Des
personnes compétentes commencent à étudier très sérieusement les conséquences
Le produit, ce n’est que « la cerise sur
le gâteau », 95% du travail d’optimisation
des performances se fait grâce à
l’alimentation quotidienne.
métaboliques et traumatiques de la pratique de l’ultra, ce qui va permettre de mieux
comprendre la physiologie de l’effort. Beaucoup de médecins estiment que la pratique de
l’ultra, voire simplement du sport du haut niveau, est « anti-physiologique », en désaccord
avec la notion de santé. Avec un recul de 20 ou 30 ans, quel va être l’état de santé de
l’ultra-traileur ? On ne le sait pas encore… Mais la nutrition, dans son modeste champ
d’activité, doit permettre de préserver au maximum l’état de santé du sportif et faire en
sorte que les conséquences soient « atténuées» par une alimentation optimale. Doivent
bien entendu également être pris en considération la qualité du sommeil, de l’entraînement… Essayons autant que possible de préserver notre état de santé grâce à notre
hygiène de vie.
ET : Les promesses publicitaires de certains produits énergétiques assez
chers sont parfois trompeuses ? Ne pourrait-on pas les remplacer par des
aliments courants beaucoup moins onéreux ?
AB : Si l’on considère l’ensemble des perturbations métaboliques consécutives à l’effort,
le cadre d’action de la nutrition est extraordinairement vaste et dépasse fort heureusement la simple approche énergétique : la qualité et la quantité des sels minéraux, l’apport
d’acides aminés fonctionnels, la nature des glucides utilisés, l’interaction entre les nutriments et leur effet sur le confort digestif sont autant de facteurs à considérer et pouvant
influer sur notre capacité à réaliser un effort. Un « simple » sirop ou jus de fruits n’apportera pas un grand nombre de ces micronutriments, même s’il est source de glucides
et de vitamines : il ne s’agit pas d’affirmer qu’un produit diététique est indispensable à
la réalisation d’une activité physique, mais simplement qu’il va permettre d’optimiser les
capacités physiologiques au cours de cet effort et limiter les possibles conséquences
négatives, à la condition qu’il soit formulé selon une approche globale. Et non pas pour apporter simplement des glucides au cours de l’effort, auquel cas effectivement un jus de
fruit pourra facilement le substituer. Distinguons de plus les produits « énergisants » qui
ont pour but de stimuler l’organisme et donc d’accélérer sa fatigabilité à terme (imaginezvous appuyer sur l’accélérateur de votre voiture : vous allez certes rouler plus vite, mais le
réservoir s’épuisera également beaucoup plus rapidement), des produits diététiques qui
permettent de restaurer un état nutritionnel. Donc, de ce point de vue là et en nuançant
ces propos selon la nature des dits produits diététiques, oui ces derniers ont une place
légitime dans la nutrition du sportif. Ce qui ne signifie pas pour autant qu’ils suffisent à
négliger la qualité de l’alimentation.
Le produit, ce n’est que « la cerise sur le gâteau », 95% du travail d’optimisation des performances se fait grâce à l’alimentation quotidienne, c’est le principal message que je tente
de faire passer. Un produit de l’effort ne pourra pas faire gagner une course, mais il pourra
la faire perdre. Je pense indispensable de reconsidérer la finalité de la nutrition sportive
aujourd’hui : nous passons des années à nous entraîner pour optimiser nos performances,
à veiller à la qualité de notre matériel ou de nos chaussures : il ne nous viendrait pas à
l’esprit de débuter notre programme d’entraînement 3 jours avant un ultra et espérer le
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gagner. De la même façon, considérer que la nutrition consiste à se « gaver » de pâtes
ou de glucides 3 jours avant une course, est à mon sens une vision bien restrictive…
Concernant les produits, je tente de conserver ce principe à l’esprit : j’ai développé trois
axes principaux : la praticité, le plaisir gustatif et la qualité nutritionnelle avec la tolérance digestive qui en résulte. D’un point de vue énergétique, un sportif pourrait de
façon artisanale certes apporter tout ce dont il a besoin pendant l’effort, mais d’un
point de vue nutritionnel, cela nécessite une maîtrise des synergies et des interactions
des micronutriments : c’est tout l’objectif de nos développements de produits.
ET : Pour commercialiser une gamme de produits, comment fait-on pour les
concevoir, les tester, et les mettre sur le marché ?
AB : Le préalable est bien entendu le respect de la règlementation Européenne et Française. C’est aussi l’étude de la littérature scientifique, de la bibliographie relative à un
ingrédient, de ses doses efficaces et autorisées, des innovations technologiques, des
méthodes d’extraction des actifs nutritionnels, de leur traçabilité, de leur origine....
Une fois le cahier des charges, la formulation théorique et les contraintes organoleptiques définis, le produit va être testé par un panel le plus hétérogène possible d’utilisateurs, afin de vérifier la tolérance, l’acceptabilité du goût, l’efficacité, etc. J’ai la
chance d’avoir la confiance de nombreux sportifs, qui croient dans ce que je peux leur
apporter, et qui acceptent de tester les produits bien avant la commercialisation.
On tâtonne : nous avons fait parfois des dizaines d’aller-retour sur certaines préparations. C’est à la fois déroutant et passionnant, le meilleur moyen de progresser !
Concernant la commercialisation, je souhaite développer l’importance du conseil et de
la pédagogie, c’est un point qui m’est particulièrement cher. Actuellement, les produits
sont disponibles par correspondance, que ce soit sur le site Internet, par téléphone,
par courrier, et dans quelques magasins impliqués dans le conseil. Encore une fois, Effinov Nutrition n’a pas pour vocation à devenir une multinationale, mais simplement de
partager une aventure humaine dans et pour le respect de la santé de tous. La plus belle
des récompenses reste la satisfaction du sportif.

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