DEPISTAGE DES ANOMALIES CHROMOSOMIQUES
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DEPISTAGE DES ANOMALIES CHROMOSOMIQUES
Dr Laure CONNAN-BARRIER DEPISTAGES DES ANOMALIES CHROMOSOMIQUES Dr Corinne Alberge - Dr Laure Connan Les fœtus présentant des anomalies chromosomiques ont pour la plupart des malformations multiples. Le diagnostic de certitude d’une anomalie chromosomique repose cependant sur le caryotype. Mais en terme de dépistage, la femme enceinte demande à son médecin de lui exposer son risque statistique d’avoir un enfant porteur d’une telle anomalie, et de lui fournir la liste des examens mis à sa disposition pour apprécier au mieux ce risque. Il s’agit essentiellement de la trisomie 21 que nous allons détailler plus loin, mais d’autres anomalies chromosomiques peuvent être dépistées, voir diagnostiquées, dans cette démarche de dépistage de la trisomie 21 : ¾ la trisomie 18 : il s’agit de la trisomie la plus fréquente après la trisomie 21, son incidence est de 1/4000. Les principales anomalies retrouvées sont une augmentation de la clarté nucale, un retard de croissance, des anomalies cardiaques et des anomalies des extrémités. ¾ la trisomie 13 : son incidence est de 1/5000. Il existe une importante mortalité intra utérine, on retrouve là aussi une augmentation de la clarté nucale, des anomalies cérébrales, de la face et du cœur. ¾ les anomalies des chromosomes sexuels : il s’agit d’une découverte fortuite puisque les anomalies, en particulier morphologiques, sont relativement rares. ◊ Syndrome de Klinfelter (XXY) : il n’y a pas d’anomalie et donc pas d’interruption médicale de grossesse à proposer dans ce cadre-là. L’information est cependant faite aux parents pour envisager un suivi pédiatrique orienté. ◊ Syndrome de Turner (X0) : il existe des anomalies cardiaques qui font le pronostic de cette affection. Il convient de proposer aux parents un suivi pédiatrique approprié. ◊ Triploïdie (69 CH) : quand le jeu de chromosome supplémentaire vient du père, il survient une mort fœtale in utero quasi systématique avant 20 semaines d’aménorrhée. Quand le jeu de chromosome supplémentaire vient de la mère, il existe un retard de croissance intra utérin sévère, avec des anomalies multiples. Le fœtus peut être viable jusqu’au troisième trimestre de la grossesse. 17ème forum médical de Rangueil 20/10/2005 Dr Laure CONNAN-BARRIER Pour la trisomie 21, le facteur de risque le mieux établi est l’âge maternel avec une augmentation du risque en fonction donc de l’âge de la mère : • 20 ans : risque de 1/1500, • 40 ans : risque de 1/100. En France, l’amniocentèse est prise en charge par la sécurité sociale dès que la femme enceinte a 38 ans le jour de cet examen (R > 1/200). Dans la chronologie d’une prise en charge de la femme enceinte, plusieurs éléments peuvent être maintenant proposés dans le dépistage de la trisomie 21 : 1) Echographie du 1er trimestre : la mesure de la clarté nucale est devenue un test incontournable et doit être bien sûr corrélée à l’âge gestationnel (longueur crâniocaudale). Cet examen est à réaliser entre 11 et 13 semaines, selon une technique rigoureuse qui sera garante des bons résultats en terme de dépistage (dépistage de 80 % des trisomies 21 avec 5 % de patientes à risque qui vont faire une amniocentèse). Parfois le diagnostic d’un hygroma kystique (œdème sous cutané rétronucal important avec logette) à ce stade peut être fait, 60 % d’anomalies chromosomiques sont alors retrouvées. 2) Marqueurs sériques du 2ème trimestre : il s’agit d’un dosage de marqueurs sériques entre 14 SA + 1 jour et 17 SA + 6 jours. Il repose sur le dosage de la βHCG et de l’alphafoetoprotéine (αFP) associé parfois à l’œstradiol. Il s’agit d’un test effectué dans des laboratoires agréés, remboursé par la sécurité sociale depuis 1997. Le résultat est rendu en terme de calcul de risque pour la grossesse en cours d’avoir un enfant trisomique. 5 % d’entre elles auront un risque supérieur à 1/250 qui est le seuil choisi pour proposer une amniocentèse. La prescription de ce test nécessite au préalable une consultation pour expliquer plusieurs points : • fiabilité du test : un test négatif ne permet pas d’exclure complètement une trisomie 21 ; • la nécessité de vérification du diagnostic en cas de résultat revenant dans le groupe « à risque » par un prélèvement fœtal (3 % d’anomalies chromosomiques retrouvées) ; • le risque de perte fœtal au moment du prélèvement (estimé autour de 0,5 à 1 %); • le risque de trouver une autre anomalie, en particulier des chromosomes sexuels, pour laquelle une décision de poursuivre ou non la grossesse sera difficile Certains facteurs maternels vont influencer le résultat des marqueurs sériques : le poids maternel et l’origine ethnique sont pris en compte dans les logiciels actuels. Le diabète n’a pas d’incidence significative sur les marqueurs lorsque le poids maternel a été pris en compte. Le tabagisme a par contre un impact important sur le taux de βHCG libre, mais aussi dans une moindre proportion, sur le taux d’alphafoetoprotéine et d’œstradiol. 17ème forum médical de Rangueil 20/10/2005 Dr Laure CONNAN-BARRIER Concernant les grossesses gémellaires, le dépistage par les marqueurs sériques a des performances encore incertaines dans ce contexte. De plus en terme de résultat pour chaque marqueur, une valeur est donnée et est transformée en multiple de la médiane (MOm). Il est alors intéressant de prendre en compte cette valeur dans le détail, qui pourra donner des informations quant à l’évolution de cette grossesse. Par exemple, une augmentation des βHCG > 3 Mom peut nous faire suspecter une pathologie vasculaire maternelle avec un risque d’hypertension et de pré-éclampsie en fin de grossesse. A l’heure actuelle, ce test sérique devient moins performant pour les patientes ayant eu le dépistage par la mesure de la clarté nucale lors de la première échographie. En effet, la moitié des trisomies 21 a déjà été diagnostiquée et la valeur prédictive des marqueurs sériques au 2è trimestre chute de façon très importante, avec un seuil difficile à estimer pour envisager une amniocentèse. Il faut donc évoluer vers une combinaison des différentes méthodes de dépistage ; en associant l’âge maternel, la clarté nucale et les marqueurs sériques du 2ème trimestre, la sensibilité du dépistage passe à 89% avec toujours 5 % d’amniocentèse. Il existe un dosage de marqueurs sériques à la 12ème SA faisant appel à la PAPPA (pregnancy associated plasma proteine-A) et à la βHCG libre qui semble très performant à cette période. En combinaison avec la clarté nucale et l’âge maternel, la sensibilité du dépistage passe alors à 91% avec toujours là encore 5% d’amniocentèses. Malheureusement, aucune étude prospective à grande échelle n’a encore été publiée en population à bas risque. Ce dépistage par les marqueurs sériques maternels au 1er trimestre n’est actuellement pas autorisé en France. 3) Echographie du 2ème et du 3ème trimestre : elles ne diagnostiquent qu’environ 40% des trisomies 21 à elles seules par des signes malformatifs et des signes mineurs. Les signes d’appel malformatifs dits « majeurs » sont : • Une malformation cardiaque telle que le canal atrio-ventriculaire ; • la sténose duodénale ; • la dilatation ventriculaire cérébrale. La présence d’un seul de ces signes suffit à indiquer une amniocentèse. Les signes d’appel « mineurs » sont malformatifs, biométriques ou descriptifs: • Anomalies malformatives mineures : o intestin hyperéchogène (si grade II ou III) o hyperéchogénicité cardiaque (VG++) 17ème forum médical de Rangueil 20/10/2005 Dr Laure CONNAN-BARRIER o o dilatation pyélique modérée bilatérale kyste des plexus choroïdes au-delà de 26 SA • Anomalies dysmorphiques : o face aplatie o macroglossie ± protrusion de la langue o enselure nasale peu marquée o oreilles petites et ourlées o os propres du nez courts o hypoplasie de la 2è phalange du 5è doigt des mains • Anomalies biométriques o membres courts o rapport fémur/pied inférieur à 0,85 Ces signes ne sont pas en eux-mêmes pathologiques. Il faut donc les utiliser avec rigueur et de façon combinée aux autres. La présence de 2 ou plutôt 3 signes d’appel mineurs semble nécessaire dans une population à risque faible pour pratiquer une amniocentèse. Une anomalie isolée découverte au 2ème ou au 3ème trimestre de la grossesse ne doit donc pas conduire automatiquement à une amniocentèse pour une étude du caryotype. Elle doit à ce moment-là conduire à un ré-estimation du risque de trisomie 21 pour cette patiente. Son calcul de risque comprend à la fois l’âge maternel, l’âge gestationnel, les marqueurs sériques et la clarté nucale au 1er trimestre. Il nous faut ainsi passer d’une prise en charge collective à une prise en charge individualisée avec une prise en charge de plus en plus combinée pour limiter au maximum l’importance des faux positifs. 17ème forum médical de Rangueil 20/10/2005