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EYB2010REP930 Repères, Mars 2010 Emmanuelle SAUCIER * Commentaire sur la décision Brault & Martineau inc. c. Riendeau - Attention aux sanctions découlant de la violation de la Loi sur la protection du consommateur Indexation PROTECTION DU CONSOMMATEUR ; PROCÉDURE CIVILE ; RECOURS COLLECTIF ; PRATIQUES DE COMMERCE ; PRATIQUES INTERDITES ; REPRÉSENTATIONS FAUSSES OU TROMPEUSES SUR LE PRIX ; OMISSION DE RÉVÉLER UN FAIT IMPORTANT; PUBLICITÉ ; CONTRATS RELATIFS AUX BIENS ET AUX SERVICES ; CONTRATS DE CRÉDIT ; CONTRATS DE CRÉDIT VARIABLE ; FRAIS DE CRÉDIT ; INTERPRÉTATION ; RECOURS CIVILS ; VIOLATION DE LA LOI SUR LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR (LPC) ; DOMMAGES-INTÉRÊTS PUNITIFS (DOMMAGES EXEMPLAIRES) TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION I- LES FAITS II- LA DÉCISION A. Des publicités qui violent les exigences de la Loi... B. L'octroi de dommages punitifs en l'absence de dommages compensatoires III- LE COMMENTAIRE DE L'AUTEURE CONCLUSION Résumé L'auteure commente cette décision dans laquelle la Cour d'appel condamne une entreprise québécoise à deux millions de dollars en dommages punitifs. INTRODUCTION La Loi sur la protection du consommateur 1 (la Loi) mérite d'être regardée de plus près par les entreprises qui font des affaires au Québec. En effet, de plus en plus de consommateurs insatisfaits ou qui se sentent lésés par les publicités exercent des recours collectifs invoquant des violations à cette loi d'ordre public à portée sociale. En cette période de crise économique, la tentation de mettre sur pied des programmes promotionnels alléchants pour mousser les ventes comporte un risque bien réel pour les entreprises. En effet, les sanctions prévues par la Loi peuvent être musclées : une entreprise de vente au détail du Québec vient d'en faire les frais. Brault & Martineau (Brault) a été condamnée à payer deux millions de dollars à titre de dommages punitifs pour réprimer des pratiques illégales au sens de la Loi, et ce, sans condamnation concomitante à des dommages-intérêts compensatoires. C'est ce que la Cour d'appel du Québec a décidé le 26 février 2010 dans la décision Brault & Martineau inc. c. Riendeau 2 . Il y a lieu de se demander si le Québec n'est pas en train de devenir le paradis des recours collectifs en droit de la consommation. e . *M Emmanuelle Saucier est une associée du cabinet McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. et sous-directrice du groupe de litige commercial. Elle pratique notamment en litige commercial, incluant les recours collectifs. 1. L.R.Q., c. P-40.1 . Thomson Reuters Limitée. Tous droits réservés. Page 1 I- LES FAITS Reprenons brièvement les faits de cette affaire. Brault est une entreprise de vente au détail de meubles bien établie, qui a choisi depuis plusieurs années de promouvoir ses produits et ses modes de financement par remboursements égaux et par paiement différé. Le consommateur ignore, en lisant les publicités, que ce n'est pas Brault qui offre les plans de financement. II- LA DÉCISION A. Des publicités qui violent les exigences de la Loi... Le consommateur à l'origine du recours collectif contre Brault se plaint notamment du fait que, dans ses publicités, Brault fait de l'annonce sur le crédit, ce qui constituerait, selon lui, une pratique prohibée par la Loi et le Règlement 3 (RLPC). Ainsi, est-il utile de rappeler que l' article 247 de la Loi ne peut être plus clair : Nul ne peut faire de la publicité concernant les modalités de crédit à l'exception du taux de crédit, à moins que le message publicitaire ne contienne les mentions prescrites par règlement. De plus, rappelons que l' article 232 de la Loi se lit comme suit : Aucun commerçant, fabricant ou publicitaire ne peut, par quelque moyen que ce soit, accorder dans un message publicitaire, plus d'importance à la prime qu'au bien ou au service offert. La Cour d'appel conclut qu'un des objectifs recherchés par Brault dans sa publicité est de souligner la possibilité pour le consommateur d'obtenir du crédit pour financer ses achats : « Achetez maintenant - Payez dans un an ». Brault annonce donc la disponibilité du crédit sans pour autant suivre les règles édictées dans la Loi et le RLPCR. La Cour souligne que Brault ne peut se retrancher derrière le fait que Visa Desjardins ou une autre société fournit le financement pour prétendre que sa publicité n'annonce pas des modalités de crédit. Brault ne peut annoncer qu'une seule modalité de crédit, elle doit les annoncer toutes 4 afin de donner aux consommateurs l'opportunité de prendre une décision éclairée quant à l'option de faire appel aux services de financements qu'elle publicise. Le plus haut tribunal du Québec conclut donc que la publicité de Brault ne répond donc pas aux exigences de la Loi. B. L'octroi de dommages punitifs en l'absence de dommages compensatoires Le juge Duval Hesler de la Cour d'appel se penche sur le remède approprié en cas de manquement à la Loi et, plus particulièrement, en cas de violation touchant les pratiques illégales. La Cour confirme qu'en matière de pratiques de commerce interdites, il est possible d'accorder des dommages punitifs sans avoir conclu préalablement à l'octroi de dommages-intérêts compensatoires, et ce, contrairement au régime applicable sous la Charte québécoise, dont l' article 49 stipule expressément que les dommages punitifs sont accordés en plus des dommages compensatoires. Elle octroie donc aux membres du recours collectif des dommages punitifs d'une valeur de deux millions de dollars sans condamnation concomitante à des dommages-intérêts compensatoires. De plus, elle ordonne le recouvrement collectif de la condamnation et la mise en place d'un mécanisme de distribution. 2. EYB 2010-170209 (C.A.) . 3. Voir les articles 216 , 219 , 228 , 232 et 247 de la Loi. Voir également le Règlement d'application de la Loi sur la protection du consommateur , R.R.Q., 1981, c. P-40.1, r. 1 art. 80 et 85 . 4. Art. 85 RLPC . Thomson Reuters Limitée. Tous droits réservés. Page 2 III- LE COMMENTAIRE DE L'AUTEURE La Loi a une portée très large et vise le commerçant, mais également le fabricant ou le publicitaire. Il est donc essentiel que les entreprises consultent des avocats spécialisés en matière de droit de la consommation afin de leur faire revoir leur matériel promotionnel. De plus, le Québec étant une terre fertile en recours collectifs, il faut consulter des experts en la matière dès la première menace de recours de la part de consommateurs, et ce, même s'il s'agit de recours en Cour des petites créances, puisque ceux-ci sont très souvent annonciateurs de possibles recours collectifs. La consultation a pour but de mettre sur pied une stratégie efficace pour anticiper et limiter les possibilités de recours collectifs contre l'entreprise, de même que gérer l'impact de tels recours sur l'image de votre entreprise. CONCLUSION Il sera intéressant d'observer l'impact dans l'avenir de cette décision sur les comportements des entreprises. La Cour d'appel invite celles-ci à agir avec plus de transparence si elles veulent continuer d'offrir aux consommateurs ce type de promotions. Thomson Reuters Limitée. Tous droits réservés. Page 3