LIT84AJ - Département d`études littéraires

UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL
DÉPARTEMENT D’ÉTUDES LITTÉRAIRES
SÉMINAIRE
LOGIQUE DE L’IMAGINAIRE
ANGOISSE, REGARD ET PRÉDATION
Sigles : LIT84AJ-10 et LIT905N-10
Session : Hiver 2015
Horaire : mercredi de 18h-21h
Professeur : Alexis Lussier
Courriel : [email protected]
Bureau : J-4925
« Pour ceux qui n’étaient pas là, je rappelle la fable, l’apologue, l’image amusante que j’en avais dressée devant vous pour un
instant. Moi-même revêtant le masque animal dont se couvre le sorcier de la grotte dite des Trois Frères, je m’étais imaginé
devant vous en face d’un autre animal, un vrai celui-là, supposé géant pour l’occasion, une mante religieuse. Comme, le
masque que je portais, je ne savais pas quel il était, vous imaginez facilement que j’avais quelque raison de n’être pas
rassuré, pour le cas où, par hasard, ce masque n’aurait pas été impropre à entraîner ma partenaire dans quelque erreur sur
mon identité. La chose était bien souligné par ceci, que j’avais ajouté, que je ne voyais pas ma propre image dans le miroir
énigmatique du globe oculaire de l’insecte. »
J. Lacan, Le Séminaire, livre X, L’angoisse, p. 14.
PROBLÉMATIQUE
Affirmer une « logique de l’imaginaire », c’est dire que l’imaginaire n’est ni incohérent, puisqu’il
s’organise, ni indépendant de l’univers du discours, puisqu’il tient à la structure du signifiant et à son
articulation dans la chaîne signifiante. La proposition, avant d’être lacanienne, est d’abord freudienne.
On peut d’ailleurs se référer à une analyse célèbre pour s’en convaincre — « Un enfant est battu »
(1919) — où Freud montre comment le fantasme, bien qu’il se donne comme une scène imaginée, se
supporte d’un énoncé « logique », c’est-à-dire capable de formaliser, pour le sujet, un ensemble de
rapports tout en refermant la scène du fantasme sur les possibilités que l’énoncé rend possible du fait
qu’il s’énonce. Or, s’il est vrai, comme l’a défendu Lacan, que la structure de l’angoisse est la même que
la structure du fantasme (Le Séminaire, livre X, L’angoisse), il faudrait par conséquent supposer à la scène de
l’angoisse une « logique » analogue à celle par laquelle le sujet se représente sur la scène du fantasme.
Comme dans l’apologue de la mante religieuse, imaginé par Lacan, l’angoisse ouvre à une
phénoménologie de la capture où le sujet est saisit, littéralement, par l’ambiguïté du désir de l’Autre
(Que me veut-il? Que veut-il de moi? Che vuoi?) C’est ce saisissement qui pétrifie le sujet dans l’angoisse,
comme devant le regard de Méduse, et intime un dispositif spéculaire qui semble fonctionner comme un
piège, lequel est comparable aux trois fonctions du mimétisme, analysé autrefois par Roger Caillois,
dans Méduse et Cie (1960). À savoir le travesti, le camouflage et l’intimidation. En somme, un dispositif qui
n’est pas étranger à celui du monde animal qui fait du leurre, du masque et de l’effroi autant de
modalités particulières dans les rapports de prédation.
Angoisse et prédation, donc, logique de l’imaginaire et modalité du regard, tels sont les grands axes qui
seront envisagés dans le cadre de ce séminaire. Plus particulièrement, il s’agit de développer une
interrogation critique, en remontant l’histoire du problème de l’angoisse, de Freud à Lacan, en passant
par Georges Bataille, Roger Caillois, Maurice Blanchot et Pierre Klossowski lesquels se sont trouvés
mêlés, à un moment critique de l’enseignement de Lacan ; précisément, au moment où Lacan reprenait
la question de l’angoisse là où Freud l’avait laissé. Par conséquent, ce séminaire propose d’interroger
autrement les rapports entre littérature et psychanalyse, fiction et imaginaire de la théorie, en prenant
pour prétexte le problème de l’angoisse et l’analyse des textes qui ont contribué à formaliser une
véritable esthétique dans le champ de la pensée française. Dans une perspective historique et théorique
nous chercherons à baliser ce que Freud appelait lui-même le « champ de l’angoissant » et ce qui en
ressort comme autant de catégories plus particulières : la phobie, l’inquiétante étrangeté, le dégoût,
l’abjection, etc. Nous étudierons la position théorique de Lacan dans cette histoire, après Kiekegaard,
Sartre et Heidegger, et l’apport de Bataille. Les rapports entre angoisse et hétérologie bataillienne, tabou
et transgression, etc. Qu’en est-il des rapports entre le regard et l’image angoissante ? Quelle est la
« logique », dont parle Lacan, qui soutient les rapports entre le sujet et l’Autre d’après des cruautés
prévues, anticipées et imaginées par avance sur la scène imaginaire du fantasme? Qu’est-ce que cela
implique que de penser, en psychanalyse, les rapports entre le sujet et les modalités imaginaires du
monde animal ? Les rapports entre corps et animalité ? Jouissance et dévoration angoissante ?
Perversion et capture de l’effroi ?
CORPUS PROVISOIRE
Psychanalyse et théorie
S. Freud
S. Freud
S. Freud
G. Bataille
R. Caillois
R. Caillois
J. Lacan
J. Lacan
J. Lacan
Le petit Hans
Totem et tabou
Inhibition, symptôme et angoisse
Lascaux ou la naissance de l’art
La mante religieuse
Méduse et Cie
Le Séminaire, livre IV, La relation d’objet (extrait)
Le Séminaire, livre X, L’angoisse (extrait)
Le Séminaire, livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalye (extrait)
Littérature
G. Bataille
Ma mère
M. Blanchot Thomas L’obscur
P. Klossowski Le bain de Diane
Cinéma
M. Powell
Peeping Tom
BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE
ASSOUN, Paul-Laurent, Leçons psychanalytiques sur l’angoisse, Paris, Économica, 2014, 112 p.
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BATAILLE, Georges, « Lascaux ou la naissance de l’art » [1955], Œuvres complètes, vol IX, Paris,
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CAILLOIS, Roger, « La mante religieuse » [1937], Œuvres, Paris, Gallimard, « Quarto », 2008,
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SAFOUAN, Moustapha, Lacaniana : Les séminaires de Jacques Lacan (1953-1963), Paris, Fayard, 2001, 2 vol.