Studio Ciné Live - Nocturama - Juillet/Août 2016

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Studio Ciné Live - Nocturama - Juillet/Août 2016
STUDIO CINE LIVE
Date : JUIL/AOUT 16
Page de l'article : p.98
Pays : France
Périodicité : Mensuel
OJD : 51094
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CRITIQUES
BONELLO FILME DES TERRORISTES A PARIS. ŒUVRE SINGULIERE OU PROPOS HORS DU TEMPS ?
Laurent Djian
L.D.: LE FILM VA SANS NUL DOUTE susciter
la polémique, or il serait idiot d'arnalgamer son propos avec les tragédies de
Charlie ou du 13 novembre Oui, Nocturama parle d'attentats, maîs il n'a rien a
voir avec l'islamisme radical II n'est que
l'expression fantasmee d'un ras-le-bol
général, d'une jeunesse paumée qui oserait, dans un acte insensé désespère,
s'opposer aux diktats d'un capitalisme
étouffant et vicieux C'est, de la part de
Bonello un geste à la fois engage et
cinématographique
LL: ÉVIDEMMENT QUE LE FILM n'a rien a voir
avec l'islamisme radical ' N'empêche que
Nocturama s'adresse au reel, parle de politique, dépeint la société actuelle Et
que son propos paraît totalement déconnecte du temps présent Quant a « l'expression fantasmee d'une jeunesse» qui
s'oppose au capitalisme, je prefère mille
fois Zombie, de George Romero plus métaphorique, plus pertinent, plus drôle
L.D.: BONELLO RIME AVEC ROMERO, on peut
donc aimer les deux Plus sérieusement.
Bonello tire son film vers l'abstrait II se
fout du pourquoi, il ne donne aucune
Tous droits réservés à l'éditeur
Eric Libiot
explication, si ce n'est à travers les lieux
symboliques (HSBC le ministere de l'Intérieur) que les jeunes ont vises « Ça devait
arriver », dira a un moment une inconnue
(Adèle Haenel) dans un Paris desert Une
scène splendide Car il s'agit aussi avant
tout d'un pan formel hallucinant la mise
en scène de Bonello atteint des sommets
LL: IL N'EST PAS POSSIBLE sur un tel sujet
de poser les faits comme allant de soi,
point barre, merci et au revoir Ou alors
tout se justifie par rien, ce qui est embêtant Ces actes-là n'existent pas ex mhilo,
ils sont l'expression d'un discours, discours que Bonello ne met pas en scene,
comme si les vrais attentats avaient totalement dissous son sujet Belle mise en
scène, oui ce n'est pas une nouveauté
chez lui, maîs elle ne se suffit jamais à
elle-rnêrne Et bon sang que c'est long
LD.: TROP LONG? TU VEUX RIRE! La première
demi-heure dans les couloirs du metro me
fascine, avec ses travellings magnifiques,
ses échanges de regards furtifs Bonello
transcende l'ordinaire, il créée une tension
avec presque rien Dans la seconde partie,
il transforme un grand magasin, où se
planquent les heros, en vaste terrain de
jeu Que ce film post-13 novembre puisse
déranger, je le conçois Cela n'ôte rien de
sa singularité et de sa puissance Et
contrairement a ce que tu prétends, la
mise en scène se suffit à elle-même Bonello déforme le reel, le reinvente, posant
sur le monde un regard tres personnel,
celui d'un immense artiste
El.: NON, UNE FORME ARTISTIQUE ne se suffit
jamais a elle-même Sinon, elle signifierait ici qu'il existe une sorte de beauté
poétique dans le nihilisme Ça peut se
défendre, je n'y croîs pas une seconde II
est difficile de réinventer le reel avec un
film a ce point proche de l'actualité, qui
fait dans le romanesque et assez peu
dans l'abstrait comme tu le dis Sur ce
plan-la, il a d'ailleurs le cul entre deux
chaises il raconte des personnages sans
les raconter Ces actes ne seraient-ils que
pulsionnels et instinctifs 7 Non, bien sûr
La métaphore d'un Romero me paraît
plus percutante que la transcendance
d'un Bonello •
De Bertrand Bonello • Avec Finnegan Oildfield,
Vincent Poitiers, Manal Issa... • 2 h 10
FETE 4589958400507

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