Poser des limites
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Poser des limites
« Poser des limites à l’enfant. Sanction : comment avoir une attitude éducative constructive et cohérente avec l’enfant ? » Intervention de Madame Mireille Colin, formatrice et psychopraticienne. Pourquoi poser des limites ? Qu’est-ce que l’éducation ? Poser des limites à l’enfant est nécessaire pour deux raisons : (1) pour le protéger des dangers et (2) pour l’aider à intégrer la loi. Si le premier point est immédiatement compris et accepté, le second mérite d’être développé. « L’enfant-roi est un enfant esclave ». Il est facile de trouver des illustrations dans la vie de tous les jours à cette citation : lorsqu’un enfant se roule par terre de rage, il est esclave de sa colère. Pour qu’il soit libre, il faut lui apprendre la liberté des autres (les petits enfants n’ont pas conscience de l’altérité1, de la séparation d’avec ses parents surtout sa mère). Plus le lien à l’autre est fort, plus il génère de la violence. Les hommes ne cessent de se comparer les uns par rapport aux autres. Il faut lui apprendre à maîtriser sa violence fondamentale. La loi est là pour empêcher la violence en régulant la compétition entre les hommes. Les étapes de l’apprentissage de la loi pour un enfant. Pour être libre au sein des autres, l’évolution de l’enfant va l’amener à intérioriser la loi par étape et plus l’enfant évolue dans ces stades, plus il s’approche de la notion de responsabilité personnelle. La difficulté naît lorsqu’il y a discordance entre le stade de développement de l’enfant (en fonction de son âge) et le stade de l’intériorisation de la loi. Stade 1 : Les tous petits estiment qu’ils sont la loi : ils vivent sur leurs pulsions, n’ont pas de responsabilité. Stade 2 : L’enfant vers 3 - 4 ans a conscience de la loi comme extérieure à lui-même. Il entend que cela existe, mais il n’en comprend pas la nécessité (perception des interdits). Le problème pour lui se résume à « pas vu pas pris ! ». Stade 3 : L’enfant considère la loi comme une protection de lui-même. La perception de l’autre existe mais de façon égocentrique. Stade 4 : L’enfant vers 7-8 ans intègre que la loi est liée à la protection de soi et de l’autre. Il est d’accord parce que cela a du sens. Il est alors confronté à la question des droits et des devoirs : tout droit entraîne un devoir réciproque. Comprendre ce qu’est l’autorité pour développer une approche cohérente de l’éducation Avoir une approche cohérente de l’éducation nécessite d’accepter et de signifier à l’enfant la barrière des générations : le parent a une place particulière qui fait que c’est juste de les appeler « papa » et « maman ». Si le parent peut avoir des rôles variés dans la vie de l’enfant (compagnon de jeu, accompagnateur, confident, protecteur, nourricier, normatif, consolateur, soignant), il est important de comprendre que sa place vis-à-vis de l’enfant est immuable : il est l’adulte qui prend des décisions justes et appropriées que l’enfant ne peut pas prendre car il est un individu en devenir (il n’est pas fini !). 1 Reconnaissance de l’autre dans sa différence Un enfant qui transgresse est un enfant qui cherche des barrières. Il a besoin d’expérimenter la réussite (la confiance) et de se confronter à la frustration, composante naturelle de la vie de tous. Expérimenter la réussite : Cela lui donne confiance en ses capacités et cela instaure un climat de confiance avec l’adulte. Il peut ensuite se projeter vers d’autres expérimentations. Concrètement : lui proposer des activités adaptées à son âge, et à ses capacités ; fêter sa réussite. Expérimenter la frustration : Cela lui permettra de s’adapter à la réalité de la condition humaine ; de progresser dans ses apprentissages (processus essai/erreur) ; de se sociabiliser en accueillant l’autre différent de soi (l’autre est en effet un sujet de frustration permanent). Tout cela va lui permettre de vivre une vie « normale » où tout ne va pas tout seul. Concrètement : Il n’est pas question de le mettre en échec ou en difficulté exprès. C’est quoi éduquer ? « Action qui permet à un être humain de développer ses aptitudes physiques et intellectuelles ainsi que ses sentiments sociaux, esthétiques et moraux, dans le but d’accomplir autant que possible sa tâche d’Homme ». En tant que parents, on a tous une idée de ce que l’on souhaite que nos enfants acquièrent (ce que l’on met derrière l’expression « sa tâche d’Homme »). Eduquer est donc une entreprise foncièrement normative, attachées à des fins et des valeurs subjectives. Deux voies sont possibles : soit on cherche à développer la compétitivité ; soit on cherche à développer la coopération. Si la première voie est naturellement dans la nature humaine, c’est cependant la seconde que l’on doit rechercher dans l’éducation. Eduquer, c’est aussi accueillir les enfants dans une culture (système de valeur, langue, etc.) et cultiver sa raison et son autonomie (développer son sens critique, la logique, lui apprendre à penser et agir par lui-même). L’éducation permet l’émergence d’un sujet singulier responsable et libre, situé dans une histoire et une culture. Pour cela, il faut développer sa « fonction parentale ». La fonction parentale peut prendre différentes formes, certaines avec des conséquences positives, d’autres avec des conséquences négatives. Si elle peut avoir une forme dominante, en fait nous sommes tous un peu de l’un, un peu de l’autre selon les moments. Parent nourricier positif Parent structurant et protecteur Il reconnaît l’enfant comme quelqu’un d’important et encourage sa croissance Il est assuré, présent. S’il exige un accomplissement, il offre les outils pour l’atteindre. Il fait confiance à l’enfant, à qui il demande d’avancer avec des règles claires (il met des limites) Parent nourricier négatif Parent persécuteur ou critique Il détruit subtilement l’enfant par des attitudes étouffantes, condescendantes, séductrices. Il est dur, change les règles sans explication. Il est tour à tour ironique, moqueur ou indifférent. Les composantes de l’autorité L’autorité est un pouvoir fondé sur la fonction, le grade ou le statut, et adossé à la loi : c’est la « reconnaissance mutuelle de nos places respectives au regard d’une loi qui nous dépasse ». L’autorité doit être équilibrée. Plusieurs attitudes peuvent rendre l’autorité inefficace. Par exemple, si le pouvoir est reconnu mais que l’attitude de l’adulte n’est pas ferme. Alors l’enfant ne se sent pas contenu et il est insécurisé. A contrario, l’attitude peut être ferme et claire, mais le pouvoir non légitime dans le cas d’un grand frère ou d’une grande sœur. On peut identifier 5 caractéristiques de l’autorité. Si certaines de ces caractéristiques sont absentes (autorité déséquilibrée), alors cela peut avoir des conséquences négatives. Caractéristique Conséquence du manque Acceptation inconditionnelle de soi et de l’enfant - Si l’adulte n’a pas d’estime de soi : enfant insécurisé Nécessité de présence et d’attention à l’enfant - Si l’attention est remplacée par une demande de soumission (ex : tu obéis et tu te tais) : l’enfant se sent rejeté et entre dans la passivité - Si l’adulte n’a pas d’estime de l’enfant : enfant dévalorisé - Si l’enfant est abandonné à lui-même : il reste avec ses pulsions. Il oscille entre soumission et délinquance. Justice (référence à la loi) et équité (référence aux autres) - Absence de justice : il entre dans des comportements délictueux jusqu’à ce qu’il rencontre la justice. Il peut conclure qu’il n’y a pas de loi qui le protège. - Absence d’équité : il est encouragé à la compétition sauvage. Distance - Absence de distance : L’enfant ne se situe pas clairement. Il est insécurisé ou tout-puissant. Cohérence entre ce que l’on veut, ce que l’on fait et ce que l’on dit. - Absence de cohérence (Ex : Donner une gifle parce qu’il a frappé). L’enfant est insécurisé, il a des difficultés à se projeter dans un modèle adulte fiable. L’adulte perd sa puissance et sa crédibilité. Lorsque l’enfant dépasse les limites… En premier lieu, l’adulte doit s’assurer qu’il avait bien signifié les limites posées : « est-ce que ce que je lui ai demandé était clair ? » ; « était-ce à sa portée ? » ; « était-ce une demande ou une exigence ? ». Trois choses sont ici importantes : - Le vocabulaire employé : est-ce que la demande a été formulée strictement « c’est l’heure de manger, tu viens maintenant », ou en lui laissant une possibilité de faire autrement « on mange, tu veux venir ? ». - Le ton employé : l’exigence de ce que l’on attend doit transparaître dans le ton qui doit être ferme. - Le suivi de la demande. Une fois que l’on exige quelque chose de l’enfant, il est nécessaire de s’y tenir et de résister. Ce qui implique que l’on ait prévu ce que l’on fera en cas de refus de l’enfant et le faire ! En second lieu, il faut distinguer ce qui relève d’une erreur et ce qui relève de la faute. L’erreur est liée à l’essai dans l’apprentissage. Elle ne réclame donc pas sanction. La faute est au contraire une infraction à la règle et doit être sanctionnée. La différence entre sanction et punition. La sanction porte sur l’acte et non sur l’enfant. Elle permet à l’enfant qui s’est écarté du groupe par son comportement de recréer du lien avec les autres. La punition vise l’enfant et non l’acte par l’humiliation. Il s’agit alors de le dissuader par la peur. La sanction est à privilégier. Elle doit être efficace et juste : - Les petits enfants vivent dans l’immédiateté. Il ne faut donc pas attendre, ni faire durer trop longtemps. Par exemple, si l’enfant a fait exprès de renverser sa soupe, il s’agit de le faire nettoyer immédiatement. - L’adulte présent au moment de la faute doit être celui qui porte la sanction et pas un autre adulte. - L’enfant a besoin d’un adulte fiable et la sanction doit être cohérente. - L’enfant a besoin de se sentir contenu. La sanction doit être claire et ferme, elle doit être aussi expliquée. L’enfant est en capacité (et il a besoin) de comprendre, mais attention de ne pas trop en faire. L’explication sera raisonnable et ne pas donner l’impression que l’adulte se justifie. - L’enfant a soif de justice. Pour que la sanction soit juste, il est nécessaire que la faute soit avérée (on doit être sûr !), que la sanction soit équitable (même bêtise =même sanction) et que la sanction soit proportionnelle à la faute. Trois autres principes sont à rappeler : Une sanction est d’autant meilleure qu’elle est chargée de sens. Par exemple, en cas d’insulte ou de violence, il est nécessaire de permettre à l’enfant de se réconcilier d’une manière adaptée à son âge (présenter des excuses, faire un bisou…) L’enfant doit se sentir en sécurité parmi les siens. Donc une fois la sanction effectuée, c’est fini, on n’en parle plus. Les représailles sont préjudiciables à l’enfant, par exemple « je ne te fais plus confiance », « je vais t’avoir à l’œil ». Enfin, l’enfant a besoin que l’adulte le respecte. La sanction ne doit jamais être violente, que ce soit en geste ou en parole. La violence de l’adulte a des conséquences terribles. Elle revient à normaliser la violence. Elle détruit la certitude de l’enfant d’être aimé. Elle incite à un besoin de vengeance s’il se sent insulté. Elle brouille le message (« je te fais du mal pour te faire du bien ! ». Elle détruit la compassion et la sensibilité envers les autres. Le but n’est pas la peur mais l’éduction. EPILOGUE Nous, parents, ne serons jamais parfaits…. Et c’est bien ! Sinon, comment les enfants pourraient-ils s’identifier à des êtres sans défaut ? L’attitude juste est d’être « suffisamment bons ». On peut aussi accepter nos erreurs et dire à l’enfant que l’on s’est trompé avec des mots simples « Je ne suis pas d’accord avec ce que tu as fait, mais je n’aurais pas du réagir ainsi ». Quelques questions de la salle 1. Faut-il mettre au coin ? Le sens attaché à cette sanction est l’exclusion de l‘enfant du groupe. Cela est adapté si le comportement sanctionné est préjudiciable au groupe. Il pourra revenir dans le groupe lorsqu’il sera calmé. 2. Quel est le rôle de la récompense ? En fait, la récompense vient principalement du fait que ce qu’a fait l’enfant nous réjouit. Deux choses à éviter : l’enfant ne doit pas faire les choses demandées pour avoir un bonbon ; il ne faut pas récompenser quelque chose qui est normal. 3. Comment faire devant une grosse colère ? Les grosses colères surviennent surtout entre 2 et 4 ans. Il s’agit surtout de la décrypter : s’agit-il d’un caprice (= colère destinée à maintenir sa toute puissance qu’il convient alors de confronter) ou d’un réel malaise exprimé par l’enfant et dont il convient de comprendre le sens.