Espaces vectoriels de dimension finie

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Espaces vectoriels de dimension finie
Espaces vectoriels de dimension finie
1.1) Famille génératrice (rappel)
Exemple 1
On considère par exemple l'espace vectoriel ℝ² et les vecteurs 1,1, 1,2 et ! 2,3.
Soit un élément quelconque de ℝ², ', (.
Peut-on trouver trois réels +, ,, - tels que + . , . -! .
Si c'est possible, on aura
', ( +1,1 . ,1,2 . -2,3 + , . 2-, + . 2, . 3-
On est ramené à la résolution d'un système de deux équations à trois inconnues :
+ , . 2- ' 4
3
+ . 2, . 3- (
En appliquant la méthode du pivot de Gauss, on obtient par 8 9 8 8 :
+ , . 2- '4
3
3, . - ( '
Soit
+ , . 2- '4
3
3, ( ' -
On obtient un système triangulaire en + et , dont on sait qu'il a une infinité de solutions paramètrées
par l'inconnue secondaire -.
+, '
Pour - 0 par exemple, on aura : =3, ( '4
('
1
('
et donc + , . ' . ' 2' . (
Donc , 3
3
3
On peut écrire
1
('
2' . ( .
. 0!
3
3
(
Si l'on prend par exemple - ', on trouve 3, ( donc , et donc
3
(
+ , . ' . 2' . 3'.
3
On aura
(
(
? . 3'@ . '!
3
3
Tout vecteur de ℝ² peut donc s'écrire comme combinaison linéaire des vecteurs , et ! .
Donc la famille , , ! est une famille génératrice de ℝ².
Montrer qu'une famille est génératrice revient à montrer qu'un système a des solutions.
Il peut y avoir une solution ou une infinité de solutions.
Exemple 2
Considérons par exemple les vecteurs et avec toujours 1,1, 1,2.
Ces deux vecteurs constituent-ils encore une famille génératrice de ℝ² ?
On reprend la même démarche que précédemment. Soit ', ( un élément de ℝ².
Peut-on toujours trouver deux réels + et , tels que + . , ?
On écrit
', ( +1,1 . ,1,2 + ,, + . 2,
On aura à résoudre le système :
Ce système s'écrit matriciellement
H
+, '
=+ . 2, (4
'
1 1 +
I H, I H I
(
1 2
1 1
I. Si J est inversible, alors on pourra écrire :
1 2
+
+
+
'
'
'
J H,I H I K JL J H,I JL H I K H,I JL H I
(
(
(
1 1
1 1
On a évidemment H
I
~
H
I
1 2 NO 9NOLNP 0 3
Donc la matrice J est inversible.
Soit J H
+, '
Quels que soient les réels ' et (, on trouvera un unique couple de réels +, , tels que =+ . 2, (4
1 1 L
On aura en pratique : H
I R !
1 2
!
Donc
!
S
!
(.2'
+
'
H,I JL H I T 3 U
(
('
3
Prenons un autre exemple dans ℝ³.
On considère les vecteurs 1, 2,1, 3,2,0 et ! 1,6, 2.
Ces trois vecteurs constituent-ils une famille génératrice de ℝ³ ?
Soit ', (, X un vecteur quelconque de ℝ³. Existe t'il pour n'importe quel triplet ', (, X trois
nombres réels +, , et - tels que
+ . , . -!
Ou autrement dit
', (, X +1, 2,1 . ,3,2,0 . -1,6, 2
Ce qui revient à
', (, X + . 3, . -, 2+ . 2, . 6-, + 2-
Exemple 3
+ . 3, . - '
On est ramené au système Y2+ . 2, . 6- (4
+ 2- X
Système qui a pour forme matricielle :
+
'
1 3 1
Z2 2 6 [ \,] \( ]
X
1 0 2 -
1 3 1
La matrice J Z2 2 6 [ est-elle inversible ?
1 0 2
On a évidemment
1 3 1
1 3
1
1 3 1
Z2 2 6 [
~
Z0 8
~
Z0 8 8[
8[
N 9N _N
N 9dN _!N
1 0 2 `Oa9`Oa b`PP 0 3 3 a a O 0 0 0
On obtient une matrice triangulaire non inversible. Nous n’avons plus la garanti de l’existence de
solution, ni bien entendu de leur éventuelle unicité.
Du coup, nous n'avons pas pu répondre à la question.
+ . 3, . - '
Revenons au système initial : Y2+ . 2, . 6- (4
+ 2- X
On le transforme par le pivot de Gauss avec les mêmes opérations que celles effectuées sur la matrice.
On a
+ . 3, . - '
+ . 3, . - '
+ . 3, . - '
4
Y2+ . 2, . 6- (
K
Y8, . 8- ( . 2' 4
K
Y8, . 8- ( . 2' 4
NO 9NO _NP
N 9dN _!N
3, 3- X ' a a O 0 2' . 3( . 8X
`a 9`a h`P
+ 2- X
On remarque que la troisième condition n'est pas toujours remplie. Par exemple si l'on prend
' 1, ( 1, X 2
on obtient
2' . 3( . 8X 2 . 3 . 16 17 j 0
Ce qui signifie qu'il existe des triplets ', (, X pour lesquels le système est impossible.
On ne pourra pas trouver pour ces triplets ', (, X des nombres réels +, , et - tels que
+₁ . ,₂ . -₃
La famille , , ! n'est donc pas génératrice dans ℝ³.
Par contre nous savons qu'elle engendre un sev de ℝ³.
Les éléments de ℝ³ qui appartiennent à ce sev s'écrivent +₁ . ,₂ . -₃.
Autrement dit si ', (, X, on aura nécessairement :
2' . 3( . 8X 0
On dit que égalité est une équation de ce sev.
+ . 3, . - '
Si cette équation est remplie, on peut écrire Y8, . 8- ( . 2'4
2' 3( . 8X
Donc
3( . 8X
+
.
3,
.
4
Y
2
8, . 8- ( . 3( . 8X
Ou encore
3(
+ . 3, . - . 4X 4
Y
2
8, . 8- 4( . 8X
Il y a plus d'inconnues que d'équations. On paramètre le système par rapport à une inconnue
secondaire -.
3(
+ . 3, - .
. 4X4
Y
2
8, 8- . 4( . 8X
Ce qui donne :
Et donc
3(
+
. 4X - 3,
2
4
p
(
, .X2
+ + X . 24
(
Y
, .X2
Ce système admet une infinité de solutions.
Reprenons l'équation de ce sev que l'on nommera q.
Un vecteur de coordonnées ', (, X appartient à q si et seulement si on a 2' . 3( . 8X 0, ou
autrement dit
3( . 8X 3
'
( . 4X
2
2
On peut donc écrire :
3
3
', (, X ? ( . 4X, (, X@ ( ? , 1,0@ . X4,0,1
2
2
Le vecteur ', (, X s'écrit comme combinaison linéaire de deux vecteurs
3
s ? , 1,0@ et s 4,0,1
2
On a donc
(s₁ . Xs₂
Deux vecteurs suffisent à engendrer le sev q.
Est-ce qu'un seul vecteur suffirait ?
Supposons que ce soit le cas. Nommons t ce vecteur et appelons u, v, w ses coordonnées.
On devrait avoir pour tout x q
yt
On dit que est colinéaire à t.
Mais comme s₁ et s₂ sont dans q, on trouverait donc deux réels y₁ et y₂ tels que
s₁ y₁t et s₂ y₂t
On ne peut pas avoir ni y₁ ni y₂ nuls sinon s₁ et s₂ le seraient aussi.
Donc on a
1
1
t s₁ s₂
y
y
Ce qui donne
y
s₁ s₂ zs₂
y
Peut-on trouver un tel réel λ?
Si ce nombre réel existe, on aura
3
? , 1,0@ z4,0,1 4z, 0, z
2
On voit bien que cette égalité est impossible.
Un seul vecteur ne suffit donc pas.
1.2) Base
DEFINITION
On considère une famille génératrice , . . . , | d'un espace vectoriel }. On sait qu'un vecteur
quelconque de } s'écrit sous la forme
u .. . . .u| |
Si cette écriture est unique, on dit que la famille , . . . , | est une base de }.
Conséquence immédiate :
Si , . . . , | est une base, alors on a
u v
4

u .. . . .u| | v .. . . .v| | ~ Y
u| v|
Bien entendu dans l'autre sens l'implication est également vraie.
Cas particulier
En effet, on a toujours
L'unicité permet de conclure.
u .  . u| | 0‚ ~ ƒ„, u… 0
0‚ 0 .. . . .0|
Remarque :
Le vecteur nul ne peut pas faire partie d'une base, ou autrement dit toute famille contenant le vecteur
nul n'est pas une base.
base
En effet l’égalité u .. . . .u| | . z0‚ 0‚ n'implique pas que tous les coefficients soient nuls
puisque cette égalité reste vraie pour n’importe quel nombre λ.
Toute famille contenant deux vecteurs colinéaires n'est pas une base.
linéaire
re d'un
Plus généralement, toute famille contenant un vecteur qui s'écrit comme combinaison linéai
certain nombre d'autres vecteurs de la famille n'est pas une base.
Un résultat fondamental
Montrons ce résultat.
Considérons une famille de vecteurs , , . . . , | telles que par exemple | s'écrivent comme
combinaison de vecteurs de cette famille : tous les vecteurs de † jusqu'à |L 1 ‡ y ‡ ˆ 2.
On aura donc en particulier
| z† † .. . . .z|L |L
Le vecteur
0 . 0 .. . . .0†L . z† † .. . . .z|L |L |
est donc égal à 0‚ sans que tous les coefficients ne soient nuls.
Ce qui montre que la famille n'est pas une base.
On considère un ev } dont la famille , . . . , | est une base de }.
On considère une autre base de } : s , . . . , s‰ .
Supposons ˆ j Š, par exemple ˆ ‹ Š.
Nous ferons l’étude sur un cas particulier : ˆ 3 et Š 2.
On exprime ₁, ₂ et ₃ dans la base s₁, s₂.
' s . ' s
( s . ( s
! X s . X s
1.3) Dimension d'un espace vectoriel
₁ n'est pas le vecteur nul. Donc on est sûr que soit '₁, soit '₂ n'est pas nul.
Posons par exemple
'₁ j 0
On peut écrire alors
1
s ' s '
Et donc en remplaçant dans les deux autres égalités :
(
' s . ( s
' Ce qui donne
Ou encore
Ce qui donne enfin :
On ne peut pas avoir
En effet, si c'était le cas, on aurait
Et comme '₁ j 0, on aurait
! X
' s . X s
' ( ' ( 4 4
. ?4
.( @ s
'
'
' ' ( ' ( s . ( ' ( ' ( ' ( s
' ( ' ( 0
' ( 0E
(
' Les deux vecteurs ₁ et ₂ seraient colinéaires, ce qui est contradictoire avec le fait que la famille
₁, ₂, ₃ soit une base.
On aura donc
1
' ( s ' ( ' ( On raisonne de même avec l'autre égalité. On obtient :
X
X
X
X
' s . X s . ?X ' @ s
! '
'
'
'
Donc
'₁₃ X₁₁ '₁X₂ '₂X₁s₂
Pour les mêmes raisons que précédemment, on a nécessairement
'₁X₂ '₂X₁ j 0
sinon les vecteurs ₃ et ₁ seraient colinéaires.
On a donc
1
s₂ '₁₃ X₁₁
' X ' X
On en tire :
1
1
' ( '₁₃ X₁₁
' X ' X
' ( ' (
Et donc
'₁X₂ '₂X₁'₁₂ (₁₁ '₁(₂ (₁'₂'₁₃ X₁₁ 0‚
Donc
'₁X₂ '₂X₁(₁ . '₁(₂ (₁'₂X₁₁ . '₁X₂ '₂X₁'₁₂ '₁(₂ (₁'₂'₁₃ 0‚
' X ' X ( . ' ( ( ' X 0
4
Comme ₁, ₂, ₃ est une base, on doit avoir  ' X ' X ' 0
' ( ( ' ' 0
Or nous savons que les deux dernières égalités sont fausses.
Nous aboutissons à une contradiction.
Donc il n'est pas possible d'avoir des bases de dimensions différentes.
La démonstration générale suit la même démarche : on exprime les vecteurs de la base contenant le
"plus grand nombre de vecteurs" dans l'autre base, puis on en tire les vecteurs de la base ayant le
"moins de vecteurs" dans l'autre base. Comme l'on a plus d'équations que d'inconnues, il
indispensable que certaines égalités entre vecteurs de la première base soient vérifiées. Or ces
égalités conduisent toutes à considérer que certaines combinaisons linéaires des vecteurs de cette
base donnent le vecteur nul sans que leurs coefficients ne soient nuls.
Ce qui rend absurde l'hypothèse de nombre différent de vecteurs entre les deux bases.
On a donc le résultat suivant.
THEOREME
Soit E un espace vectoriel dont on sait qu'une famille , . . . , | est une base. Alors toutes les bases
de E ont exactement ˆ vecteurs. On dit que E est de dimension ˆ.
DEFINITION
La dimension d'un ev est donc le nombre de vecteurs de toutes ses bases (ou de n'importe laquelle
d'entre elles).
1.4) La dimension de ℝⁿ. Bases canoniques
Le cas de ℝ!
Tout élément ', (, X de ℝ³ s'écrit sous la forme :
', (, X '1,0,0 . (0,1,0 . X0,0,1
Si l'on pose
‘₁ 1,0,0
‘₂ 0,1,0
‘₃ 0,0,1
On a pour tout ', (, X
'‘₁ . (‘₂ . X‘₃
La famille ‘₁, ‘₂, ‘₃ est donc une famille génératrice de ℝ³.
De plus la décomposition d'un vecteur dans cette famille est unique.
Supposons en effet qu'un vecteur de ℝ³ s'écrive à la fois
'‘₁ . (‘₂ . X‘₃
et
'’‘₁ . (’‘₂ . X’‘₃
On aura évidemment
', (, X et '’, (’, X’
Ce qui donne
', (, X '’, (’, X’
Et d'après l'égalité définie sur ℝ³
' '’
( (’
X X’
On en conclut de la famille ‘₁, ‘₂, ‘₃ est une base de ℝ³, et donc que
dimℝ! 3
De façon générale si ˆ est un entier non nul, il est facile de vérifier que la famille ‘₁, ‘₂, . . . , ‘| de ℝⁿ
définie par
‘₁ 1,0, . . . ,0
‘₂ 0,1, . . . ,0

‘| 0,0, . . . ,1
est une base de ℝⁿ.
Cas général
D'où le résultat :
THEOREME
Pour tout entier ˆ ‹ 0, on a : dimℝⁿ ˆ
DEFINITION
La famille ‘₁, . . . , ‘| de vecteurs de ℝⁿ construits comme précédemment est une base de ℝⁿ
appelée base canonique de ℝⁿ
1.5) D'autres bases canoniques
a) Les matrices
Prenons par exemple l'ensemble M!, ℝ.
Toute matrice de cet ensemble dont il est facile de vérifier qu'il est un espace vectoriel sur ℝ est de
' (
la forme Z X • [
‘ –
On peut alors écrire
Avec
1
— Z0
0
'
ZX
‘
(
• [ '— . (— . X—! . •—˜ . ‘—™ . –—š
–
0
0 1
0 0
0 0
0 0
0 0
0[ , — Z0 0[ , —! Z1 0[ , —˜ Z0 1[ , —™ Z0 0[ , —š Z0 0[
0
0 0
0 0
0 0
1 0
0 1
La famille —₁, —₂, —₃, —₄, —₅, —₆ est une famille génératrice de M!, ℝ.
D'après la définition de l'égalité de deux matrices, il est évident que la décomposition est unique dans
cette famille. Il s'agit donc d'une base de M!, ℝ.
Donc
dim HM!, ℝI 6 3 ž 2
De façon générale on démontre de même façon que
Les polynômes
dim HM|,Ÿ ℝI ˆ ž On considère l'ensemble ℝ₃[X], ensemble des polynômes à coefficients réels de degré inférieur ou égal
à 3. On sait que cet ensemble est un ev sur ℝ.
Tout polynôme P de ℝ₃[X] s'écrit pour tout + xℝ sous la forme
¥+ '+³ . (+² . X+ . •
On considère les polynômes suivants dans ℝ₃[X]
¥₃ ¦ + § +³
¥₂ ¦ + § +²
¥₁ ¦ + § +
¥₀ ¦ + § 1
On a évidemment pour tout + x ℝ,
¥+ '¥₃+ . (¥₂+ . X¥₁+ . •¥₀+
Et donc
¥ '¥₃ . (¥₂ . X¥₁ . •¥₀
La famille ¥₃, ¥₂, ¥₁, ¥₀ est une famille génératrice de ℝ₃[X].
Montrons que la décomposition d'un polynôme dans cette famille est unique.
Ce qui revient à démontrer que si ', (, X, • sont des réels tels que '¥₃ . (¥₂ . X¥₁ . •¥₀ soit le
polynôme nul alors on aura
'(X•0
Dire que '¥₃ . (¥₂ . X¥₁ . •¥₀ est le polynôme nul, c'est dire que
ƒ+ x ℝ, '¥₃+ . (¥₂+ . X¥₁+ . •¥₀+ 0
ou, autrement dit :
ƒ+ x ℝ, '+³ . (+² . X+ . • 0
Une équation du troisième degré ayant au plus 3 solutions si ses coefficients ne sont pas tous nuls,
cette égalité est vraie pour tout réel si et seulement si les quatre coefficients sont nuls, c'est-à-dire si
et seulement si
'(X•0
On peut donc dire que la famille ¥₃, ¥₂, ¥₁, ¥₀ est une base de ℝ₃[X].
On a donc
dimℝ! [©] 4
On généralise de la même façon à ℝ| [©]. On aura
dimℝ| [©] ˆ . 1
La famille ¥| , ¥|L , . . . , ¥₁, ¥₀ définie par
ƒy, ¥† + + †
est la base canonique de ℝ| [©].
On note souvent l’application ¥† sous la forme © † . On a alors :
ƒ+ x ℝ, © † + + †
Une conséquence importante:
Cette propriété justifie le procédé d'identification deux polynômes de même degré sont égaux si et
seulement si leurs coefficients sont égaux
Une autre conséquence est le fait que si l'on considère un polynôme quelconque de degré 3, par
exemple ¥+ '+³ . (+² . X+ . • et que l'on se pose la question:
Ce polynôme peut-il toujours s'écrire sous la forme
¥+ u+ 1³ . v+ 1² . w+ 1 . ª
La réponse est "oui", car on démontre que la famille
«₃+ + 1³
«₂+ + 1²
«₁+ + 1
«₀+ 1
est aussi une base de ℝ₃[X].
La démonstration utilisera l'écriture matricielle. Nous verrons cette démarche plus loin.
1.6) Famille libre
DEFINITION
Soit ₁, . . . , | une famille de vecteurs d'un ev }.
On dit que cette famille est libre si l’égalité u₁₁.. . . .u| | 0‚ dans laquelle u , … , u| sont des
nombres réels, implique nécessairement que tous ces nombres sont nuls, c’est-à-dire
u₁ u₂ . . . u| 0
On a donc le théorème suivant :
THEOREME
Une base est à la fois une famille libre et génératrice.
Si une famille n'est pas génératrice, ce n'est pas une base.
Si une famille n'est pas libre, ce n'est pas non plus une base.
En effet si une famille n'est pas libre, alors l'égalité u₁₁.. . . .u| | 0‚ est remplie par des réels
u₁, . . . , u| non tous nuls.
Ce qui prouve que le vecteur nul a deux décompositions différentes puisque on a toujours
0‚ 0 .  . 0|
DEFINITION
Une famille qui n'est pas libre est appelée famille liée.
liée
THEOREME
Dire qu'une famille s₁, . . . , s‰ est liée c'est dire qu'il existe aux moins Š réels non tous nuls
z₁, . . . , z‰ tels que z₁s₁.. . . .z‰ s‰ 0‚ .
C'est donc dire qu'il existe au moins un vecteur de la famille qui s'exprime comme combinaison
linéaire des autres.
Soit un vecteur non nul de }. Alors la famille ­® est libre.
En effet l'égalité z 0‚ implique bien z 0.
Remarque importante
1.7) Taille d'une famille génératrice
Soit } un espace vectoriel de dimension ˆ. Soit s₁, . . . , s‰ une famille génératrice de }. Montrons que
Š ¯ ˆ.
Pour effectuer cette démonstration, on suppose que ˆ ‹ Š et l'on démontre que l'on aboutit à une
contradiction.
On sait que la famille s₁, . . . , s‰ ne peut pas être une base de } puisque Š j ˆ.
Or c'est une famille génératrice, donc ce ne peut pas être une famille libre.
Il existe donc des réels z₁, . . . , z‰ non tous nuls, tels que
z₁s₁ . z₂s₂.. . . .z‰ s‰ 0‚
On peut toujours supposer que z₁ j 0 quitte à renommer les vecteurs.
On aura donc
‰
1
s ° z† s†
z
†±
Soit un vecteur de }. Comme s₁, . . . , s‰ est une famille génératrice de E, il existe Š nombres réels
u₁, . . . , u‰ tels que
u₁s₁ . u₂s₂.. . . .u‰ s‰
On a donc
‰
‰
1
u Z ° z† s† [ . ° u† s†
z
‰
†±
‰
†±
u z†
°
s . ° u† s†
z †
†±
‰
†±
u z†
° ?
. u† @ s†
z
†±
Donc u s'écrit comme combinaison linéaire des vecteurs s , . . . , s‰ .
Donc s , . . . , s‰ est une famille génératrice de }.
On se retrouve donc dans la même situation que précédemment mais avec Š 1 vecteurs.
La famille s₂, . . . , s‰ n'est pas une base puisque Š 1 ² ˆ, donc elle n'est pas libre puisqu'elle est
génératrice. Elle est donc liée.
On pourra exprimer un vecteur de la famille comme combinaison linéaire de tous les autres et on
montre alors comme précédemment que la famille obtenue en éliminant ce vecteur est encore
génératrice.
Par une récurrence descendante, on aboutit ainsi à une famille génératrice d'un seul vecteur, qui ne
peut pas être égal à 0‚
Mais un seul vecteur non nul constitue une famille libre.
Et donc puisque la famille est génératrice, c'est une base. Ce qui est en contradiction avec les
hypothèses.
L'hypothèse Š ² ˆ conduit donc à une absurdité.
On peut en conclure le théorème suivant :
THEOREME
Soit E un ev de dimension ˆ. Toute famille génératrice de E contient au moins ˆ vecteurs.
Que se passe-t-il quand une famille génératrice contient exactement n vecteurs ?
Supposons qu'une telle famille ne soit pas libre.
Elle serait donc liée.
Un des vecteurs de la famille s'écrit alors comme combinaison linéaire des autres vecteurs.
Par un raisonnement analogue au précédent, on montre alors que la famille obtenue en supprimant ce
vecteur reste génératrice, et on aurait donc une famille génératrice de ˆ 1 vecteurs, ce qui est
contradictoire avec le théorème précédent.
On peut donc affirmer le théorème suivant :
THEOREME
Soit E un ev de dimension ˆ. Toute famille génératrice de E qui contient ˆ vecteurs est une base de E
Soit E un ev de dimension ˆ:
1. Toute famille de moins de ˆ vecteurs n'est pas génératrice et donc n'est pas une base.
2. Toute famille génératrice de ˆ vecteurs est une base.
3. Toute famille génératrice de plus de ˆ vecteurs n'est pas une base et donc est liée.
Conséquences :
Mais attention comme nous l'avons vu au deuxième exemple du 1.1, une famille peut avoir ˆ vecteurs
sans être génératrice.
1.8) Taille d'une famille libre
On se place toujours dans le cadre d'un ev de dimension ˆ.
On considère une famille libre s₁, . . . , s‰ de E. On va montrer que le nombre de vecteurs de cette
famille est nécessairement inférieur ou égal à ˆ.
On suppose que Š ‹ ˆ et l’on démontre que l’on aboutit à une contradiction.
Nous n'examinerons cette question que dans un cas particulier.
On prend par exemple ˆ 3 et Š 4.
Soit donc ₁, ₂, ₃ une base de E et s₁, s₂, s₃, s₄ une famille de E.
On aura
s₁ '₁₁ . '₂₂ . '₃₃
s₂ (₁₁ . (₂₂ . (₃₃
s₃ X₁₁ . X₂₂ . X₃₃
s₄ •₁₁ . •₂₂ . •₃₃
Soit z₁, z₂, z₃, z₄ quatre réels tels que
z₁s₁ . z₂s₂ . z₃s₃ . z₄s₄ 0‚
On aura
z ' . ' . '! ! . z ( . ( . (! ! . z! X . X . X! ! . z˜ • . • . •! ! 0‚
Ce qui donne
z ' . z ( . z! X . z˜ • .  0‚
La famille ₁, ₂, ₃ étant une base, elle est libre donc :
z₁'₁ . z₂(₁ . z₃X₁ . z₄•₁ 0
z₁'₂ . z₂(₂ . z₃X₂ . z₄•₂ 0
z₁'₃ . z₂(₃ . z₃X₃ . z₄•₃ 0
Nous avons un système de trois équations à quatre inconnues en λ₁,λ₂,λ₃,λ₄.
Ce système admet le quadruplet 0,0,0,0 comme solution évidente.
Un système comprenant plus d'inconnues que d'équations admet toujours soit aucune, soit une
infinité de solutions.
Dans tous les cas, il ne peut admettre une unique solution, donc ici il existe d'autres réels autre que
0,0,0,0 tels que z₁s₁ . z₂s₂ . z₃s₃ . z₄s₄ 0‚ .
La famille de quatre vecteurs ne peut pas être libre.
Bien entendu pour la même raison et plus encore une famille contenant plus de quatre vecteurs sera
a fortiori non libre.
De façon générale, si la dimension de l'ev est ˆ, une famille contenant plus de ˆ vecteurs ne pourra pas
être libre.
THEOREME
Si E est un espace vectoriel de dimension ˆ, toute famille libre de E contient au plus ˆ vecteurs.
On a comme conséquence immédiate :
THEOREME
Toute famille de plus de ˆ vecteurs est liée.
Si l'on se donne par exemple quatre vecteurs de ℝ³, on est sûr que l'un de ces quatre vecteurs est
combinaison linéaire des autres.
Que se passe-t-il dans le cas d'une famille libre d'exactement ˆ vecteurs ?
On se place dans le cas de la dimension 3. La démonstration se généralise assez simplement à la
dimension ˆ.
On considère une base ₁, ₂, ₃ et une famille libre s₁, s₂, s₃.
On a
s₁ '₁₁ . '₂₂ . '₃₃
s₂ (₁₁ . (₂₂ . (₃₃
s₃ X₁₁ . X₂₂ . X₃₃
Soit un vecteur de E tel que
+₁ . ,₂ . -₃
On veut montrer que la famille s₁, s₂, s₃ est aussi génératrice.
Cela revient à chercher trois nombres réels λ₁,λ₂,λ₃ tels qu'on puisse écrire
z₁s₁ . z₂s₂ . z₃s₃
En remplaçant s₁, s₂ et s₃, on obtient :
z ' . ' . '! ! . z ( . ( . (! ! . z! X . X . X! ! z₁'₁ . z₂(₁ . z₃X₁₁ . z₁'₂ . z₂(₂ . z₃X₂₂ . z₁'₃ . z₂(₃ . z₃X₃₃
Or +₁ . ,₂ . -₃.
On est donc ramené à résoudre le système d'inconnues z₁, z₂, z₃
z ' . z ( . z! X +
Yz ' . z ( . z! X ,4
z '! . z (! . z! X! -
Nous savons qu'un tel système est un système de Cramer si et seulement si le système homogène
associé l'est aussi :
z ' . z ( . z! X 0
Yz ' . z ( . z! X 04
z '! . z (! . z! X! 0
Ce qui revient à dire que ce système admet comme unique solution le triplet 0,0,0.
Or ce système est équivalent en remontant en arrière à l'équation vectorielle
z₁s₁ . z₂s₂ . z₃s₃ 0‚
dont on sait puisque la famille est libre qu'elle admet 0,0,0 comme unique solution.
On peut donc dire que le système est un système de Cramer ainsi que le premier. Ce qui prouve que la
famille s₁, s₂, s₃ est génératrice. C'est une base de E.
THEOREME
Toute famille libre de ˆ vecteurs dans un ev de dimension ˆ est une base de cet espace vectoriel.
En conclusion, quand on connaît la dimension d'un ev, il suffit de démontrer qu'une famille contenant le
même nombre de vecteurs que cette famille est libre, ou bien est génératrice pour être sûr qu'il s'agit
d'une base.
1.9) Dimension d'un sev
En général, on ne connaît pas la dimension d'un sev d'un espace vectoriel donné.
Un sev peut avoir une dimension finie sans que ce soit le cas pour l'espace qui le contient.
On a un premier théorème de bon sens :
THEOREME
Soit E un ev de dimension ˆ et F un sev de E, alors dimq ‡ dim} Si F est réduit au vecteur nul q ­0‚ ®, alors sa dimension est 0 par convention.
Si ce n'est pas le cas, F contient au moins un vecteur non nul, ₁.
Ce vecteur constitue une famille libre. S'il est aussi une famille génératrice alors c'est une base et donc
la dimension de F est 1.
Si ce n'est pas une famille génératrice de F, il existe un vecteur ₂ de F qui ne soit pas colinéaire à ₁,
et donc la famille ₁, ₂ est une famille libre de F. Encore une fois, soit elle est génératrice, soit elle
ne l'est pas.
Si elle ne l'est pas on pourra trouver un vecteur ₃ qui ne soit pas combinaison linéaire de ₁ et de ₂.
La famille ₁, ₂, ₃ sera une famille libre de F.
Et ainsi de suite.
Si au bout de ˆ opérations, on aboutit encore à une famille libre de ˆ vecteurs de F, alors cette famille
est aussi une famille libre de ˆ vecteurs de E, donc c'est une base de E. C'est donc une famille
génératrice de E, et donc a fortiori de F, donc c'est une base de F.
Remarquons qu'en appliquant la même méthode on démontre les résultats suivants :
THEOREME
Soient q₁ et q₂ deux sev d'un même espace E, on a :
q₁ ¶ q₂ ~ dimq ‡ dimq₂ la réciproque est bien sûr fausse
Si q ¶ q et dimq dimq alors q q
Souvent on connaît un sev par une équation, ou des équations, ou une famille génératrice.
Comment en connaître la dimension?
2+ . , . 3- ¸ 04
Prenons par exemple le sev F de ℝ⁴ défini par le système d'équations 3
+ . , - . 2¸ 0
On cherche un système équivalent par la méthode du pivot de Gauss. En faisant 8 9 28 8 , on
trouve :
2+ . , . 3- ¸ 04
2+ . , . 3- ¸ 04
3
K3
+ . , - . 2¸ 0
, . 5¸ 5- 0
On a un système triangulaire en + et , en prenant - et ¸ comme inconnues secondaires.
On a
2+ . , 3- . ¸ 4
2+ . , . 3- ¸ 04
3
K3
+ . , - . 2¸ 0
, 5- 5¸
On en tire
2+ . , . 3- ¸ 04
+ 4- . 3¸4
3
K3
, 5- 5¸
+ . , - . 2¸ 0
Un vecteur +, ,, -, ¸ appartient à q si et seulement si on peut l’écrire sous la forme
4- . 3¸, 5- 5¸, -, ¸
Ou autrement dit
-4,5,1,0 . ¸3, 5,0,1
On pose ₁ 4,5,1,0 et ₂ 3, 5,0,1
On a
-₁ . ¸₂
La famille ₁, ₂ est une famille génératrice de F.
Est-ce une famille libre ? Oui car les deux vecteurs ne sont pas colinéaires.
colinéaires
Donc ₁, ₂ est une base de F.
F est de dimension 2.
1.10)
Caractérisation matricielle des bases
On a le théorème suivant :
THEOREME
Si E est un ev de dimension ˆ rapporté à une base º ₁, . . . , | et si q s₁, . . . , s| est une
famille de ˆ vecteurs de E, q est une base de E si et seulement si la matrice des coordonnées des
vecteurs-colonnes de q dans la base B est inversible.
DEFINITION
Cette matrice est notée —'¸» q.
On se place ici en dimension 3.
En reprenant les notations du 1.8, on a vu que montrer que q est une base de E c'est montrer que le
z ' . z ( . z! X 0
système Yz ' . z ( . z! X 04 est un système de Cramer et donc que la matrice
z '! . z (! . z! X! 0
'₁
—'¸» q Z'₂
'₃
est inversible.
Ce résultat se généralise à toutes les dimensions.
(₁ X₁
(₂ X₂[
(₃ X₃
Conséquence importante :
Une matrice carrée est non inversible si et seulement si un des vecteurs colonnes est combinaison
linéaire des autres.
3
Exemple : la matrice J Z1
0
2
5
1
2 [est non inversible car
1 1
3
2
5
Z 2 [ Z1[ . Z 1 [
0
1
1