la réforme des tutelles en 5 dates

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la réforme des tutelles en 5 dates
famille
tutelles et curatelles
être un million en 2010, avec l’impact du vieillissement de la population. Selon les pouvoirs publics,
l’explosion du nombre des mesures constaté ces
dernières années, tient également à un nombre
croissant de personnes marginales, en situation
précaire, ou encore surendettées, placées sous protection. Avec la réforme, seuls les majeurs dont les
facultés mentales sont altérées, ou qui souffrent
d’une incapacité physique les empêchant d’exprimer leur volonté relèveront d’une protection judiciaire, sous la responsabilité du juge des tutelles.
Les personnes fragiles seront prises en charge et
accompagnées socialement par les départements,
à condition qu’elles perçoivent une des prestations
sociales dont la liste sera prochainement fixée par
décret. Le revenu de solidarité active (RSA), qui
devrait se substituer au revenu minimum d’insertion, le 1er juillet 2009, figurera-t-il sur cette liste ?
Les interrogations sont nombreuses. Les réponses
apportées par les pouvoirs publics donneront la
juste mesure des ambitions réelles de la réforme.
Protéger la personne
sans bafouer ses droits
Le législateur de 1968 ne s’était pas préoccupé
de protéger la personne vulnérable elle-même, mais
seulement ses biens. Dans la réforme de 2007, les
mesures de protection doivent protéger autant la
personne que ses intérêts patrimoniaux, tout en
respectant ses libertés individuelles, ses droits fon-
damentaux ainsi que sa dignité. Ces grands principes commandent la nouvelle procédure préalable
à l’ouverture d’une protection judiciaire.
personne et de sa famille. Le juge des tutelles ne peut plus, désormais, s’autosaisir d’un
dossier à la suite d’un signalement des services
sociaux ou d’un médecin. Seule la famille et
les proches qui entretiennent avec la personne
vulnérable des liens étroits et stables pourront
prendre l’initiative d’entamer une procédure.
Si la personne est isolée, c’est le procureur de la
République qui sera alerté et décidera s’il y a lieu
de saisir le juge. Dans les deux cas, famille ou
procureur devront joindre à leur demande un
certificat médical, rédigé par un médecin inscrit
sur une liste établie par le procureur. Ensuite, le
juge aura, sauf exception, l’obligation de recevoir
la personne. Celle-ci pourra être accompagnée
si elle le souhaite par un avocat ou, si le juge l’y
autorise, par une autre personne de son choix.
Le juge s’assurera ainsi de la nécessité de la protection et appréciera son étendue. Il devra choisir
la mesure la moins attentatoire à sa liberté. Il
fixera sa durée, qui ne pourra pas dépasser 5 ans
renouvelables. Quant aux majeurs bénéficiant
déjà d’une mesure de protection, chacun d’eux
devra être reçu par le juge des tutelles, et ce avant
le 1er janvier 2014. Les mesures qui n’auront pas
été renouvelées à cette date tomberont automatiquement. Enfin, lorsque le majeur ou sa famille
fera appel de la décision du juge des tutelles, leur
demande sera traitée par un magistrat délégué
Les droits du majeur protégé
La loi réaffirme qu’une personne,
même sous tutelle ou curatelle,
conserve le droit de prendre seule les
décisions qui la concernent. Elle reste libre
de décider où elle veut vivre, qui elle veut
voir et recevoir. Elle peut rendre visite
à qui bon lui semble, y compris lorsqu’elle
vit en établissement. Mais elle ne bénéficie
toujours pas de la présence obligatoire
d’un avocat auprès d’elle lorsqu’elle
est entendue par le juge.
à la protection des majeurs à la cour d’appel. Et
non plus, comme aujourd’hui, par la chambre
du Conseil du tribunal de grande instance.
Des tribunaux débordés jusqu’en 2014.
« Les tribunaux d’instance ne comptent que l’équivalent, à temps plein, de 80 juges des tutelles, qui peinent
déjà à instruire les nouveaux dossiers et à contrôler
les 800 000 mesures ouvertes. À l’avenir, ils devront
consacrer plus de temps aux dossiers dont ils seront
saisis pour respecter leurs nouvelles obligations, comme
celle d’auditionner les personnes. Ils devront aussi
revoir, d’ici à 5 ans, chacune des personnes déjà placées
sous une mesure judiciaire. Ces renouvellements seront
leur priorité pour éviter qu’une personne vulnérable
perde sa protection. Sans effectif supplémentaire, les
magistrats risquent de ne pas pouvoir traiter les nouvel-
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La réforme des tutelles en 5 dates
5 mars 2007
Adoption de la réforme
des tutelles.
1er janvier 2009
entrée en vigueur de la réforme (1)
Les juges appliquent le nouveau dispositif aux
mesures ouvertes à compter de cette date.
Les mesures prises avant cette date
sont maintenues jusqu’à leur réexamen
par le juge des tutelles.
Les premiers mandats de protection future
peuvent prendre effet.
1er janvier 2010
Le gouvernement doit présenter un
rapport annuel au Parlement jusqu’au
1er janvier 2015, avec le bilan
statistique des mesures et leur coût.
1er janvier 2011
Seuls les mandataires judiciaires agréés (2)
et inscrits sur une liste tenue par le préfet
pourront exercer une mesure de protection.
Le juge devra veiller à ce que les tuteurs
désignés avant l’entrée en vigueur de la
réforme remplissent toutes les conditions
requises (formation…) à cette date.
1er janvier 2014
Les mesures ouvertes avant le 1er janvier
2009 devront avoir été renouvelées
expressément par le juge des tutelles,
qui devra avoir reçu le majeur protégé.
Les mesures de protection non
renouvelées à cette date disparaîtront.
Le majeur retrouvera la capacité d’agir
seul (signer des chèques…).
(1) Sous réserve de la publication, avant cette date, de ses décrets
d’application. (2) Selon leur statut, indépendant, salarié d’un
service sanitaire et social, ou préposé d’un établissement, ils seront
respectivement agréés, autorisés ou habilités.
Florence Fresnel, avocate
les demandes », alerte Laurence Pécaut Rivolier. Une
inquiétude partagée par Me Florence Fresnel, pour
qui « le budget de la Justice et la réforme de la carte judiciaire n’augurent rien de bon pour les justiciables ». La
nouvelle carte judiciaire prévoit la suppression, d’ici
au 1er janvier 2011, de 178 tribunaux d’instance.
Les procureurs de la République ne seront guère
mieux lotis. « Aucune disposition, à ma connaissance,
n’a été mise en place pour permettre aux procureurs
d’assumer leur nouvelle mission. S’ils ne jouent pas
efficacement leur rôle pour filtrer les signalements et
saisir le juge, la loi risque de laisser de côté les personnes isolées, sans famille », souligne la magistrate.
En revanche, les droits de la personne devraient
être améliorés. « Les décrets de procédure devraient
préciser que la personne sera informée, dans le courrier
de convocation à l’audition devant le juge des tutelles,
qu’elle pourra être assistée d’un avocat », explique
Me Florence Fresnel, qui poursuit : « Seul l’avocat
aura communication des pièces du dossier. Le greffier
lui en remettra une copie. Jusqu’à présent, il ne pouvait
que les consulter. Et ce, dans les 15 jours précédant le
jugement, alors que l’instruction dure de 5 à 10 mois.
À l’avenir, les avocats disposeront donc des procèsverbaux d’audition de toutes les personnes entendues
et de la copie du certificat médical. Ils auront ainsi le
temps de demander une contre-expertise pour contester,
par exemple, l’altération des facultés ».
Le Particulier • no 1031 • décembre 2008 67