l`esprit d`hello kitty et d`amélie poula

Transcription

l`esprit d`hello kitty et d`amélie poula
Défi
Michel et Augustin
L’esprit d’Hello Kitty et
En sept ans d’audace et de persévérance,
une jeune pousse est parvenue à pénétrer
le marché mature des biscuits et des produits
laitiers. Un succès remporté par Michel
et Augustin, deux jeunes entrepreneurs
qui aiment travailler dans la bonne humeur.
À
l’heure de la crise financière et du déficit
budgétaire, la bonne humeur et la fantaisie
peuvent encore avoir le dernier mot dans le
monde de l’entreprise. Chez « Michel et Augustin »,
la bonne ambiance frappe dès la porte d’entrée. Tout
sourire, charme et naturel, Sarah ne propose pas
un café au visiteur, mais un sablé maison. « Caramel
ou chocolat ? » Comme on hésite, on a droit aux
Augustin Paluel-Marmont. deux. Confortablement installé sur un canapé rose
un tantinet décati, on prend le temps de capter
Un message vrai
à 100%, teinté
l’ambiance, au rythme du grignotage gourmand de
d’une bonne dose ces petits biscuits ronds. L’entreprise est implantée
d’optimisme.
à Boulogne-Billancourt, dans les Hauts-de-Seine, au
fond d’une paisible cour baptisée « La bananeraie »
en hommage à l’arbre exotique qui y poussa jadis.
Sous une vaste verrière s’étend un lumineux openspace où travaillent une dizaine de personnes. Au
premier abord, cela ressemble à un endroit décalé,
type auberge espagnole, où tout le monde est un
peu chez soi, à condition d’y mettre du sien pour
faire en sorte que ça fonctionne. À un endroit de
la pièce, deux palettes en bois superposées font
office de table basse. Elles sont taguées de têtes de
vache normande, le logo fétiche de l’entreprise, que
l’on retrouve un peu partout. Aux murs, entre une
bouée de sauvetage et deux dessins de pâquerettes
stylisées, on peut lire quelques maximes simples et
guillerettes du style « Vive la vie et les amis ! » ou
encore, « La vie est un carnaval gourmand ». Ici, pas
de dress code, sinon la décontraction. Pour le reste,
ambiance studieuse ! On a mis le pied dans une de
ces entreprises « nouvelle génération », où l’on ne
Défi
d’Amélie Poulain
Par Henri de Lestapis
Photos Hervé Cortinat
s’encombre pas trop avec des convenances sophistiquées
mais où l’on a avant tout le goût du travail et de la relation
humaine. « Chez nous, on se fait plaisir » philosophe Augustin
Paluel-Marmont, co-créateur de l’entreprise. « Ça a peut-être
un côté un peu nombriliste. Mais on est ‘vrais’, spontanés et on
s’amuse. » D’ailleurs, c’est en s’amusant que l’entrepreneur,
accompagné de son ami d’école Michel de Rovira, s’est lancé
dans l’aventure. Sortis tous les deux de l’École supérieure
de commerce de Paris, ils ont d’abord vécu différentes
expériences professionnelles. Michel, au caractère calme et
posé, a travaillé dans la banque et la finance. Augustin, avec
sa bougeotte permanente, a endossé les habits du marketing, notamment pour la compagnie Air France. « Tous les
deux nous voulions connaître l’aventure de ceux qui partent de
zéro, raconte-t-il en tournicotant à droite à gauche, mais
d’abord, nous voulions apprendre à faire quelque chose avec nos
dix doigts. » En 2001, Augustin demande à son boulanger
de lui apprendre le métier. En mettant la main à la pâte,
il obtient son CAP en quelques mois. Il enchaîne sur les
cours de pâtisserie dispensés à la mairie de Paris. Puis, en
2003, les deux compères passent de l’école à la pratique.
Ils concoctent une première fournée de petits biscuits
dans le four de l’appartement d’Augustin. Ils les emballent
et vont les vendre en faisant du porte-à-porte chez les
commerçants de leur quartier. Épiciers, boulangers, vidéo
clubs et autres commerces : ils démarchent tout le monde,
avec une bonne dose d’insolence et de bonne humeur.
« Salah, l’épicier en bas de chez moi, a été notre premier distributeur », s’amuse Augustin. Certains les accueillent avec
le sourire. D’autres leur claquent la porte au nez. « Une
fois, on nous a même pris pour des témoins de Jéhova… » Mais
au final, leurs petits sablés se vendent. Parfois affublés de
Les produits packagés
avec soin. Après avoir
conquis les Parisiens,
la marque séduit
les étrangers.
déguisements de vache, ou retranchés derrière des petits
pupitres tachetés de blanc et noir, ils organisent eux-mêmes
des séances de vente dans les supermarchés. Ou font la
publicité de leur marque en se promenant dans le métro.
En revenant régulièrement aux fourneaux, ils étoffent peu
à peu leur gamme, sans jamais mégoter sur le packaging.
Sur les paquets, ils inscrivent des slogans amusants, très
simples et spontanés. « L’idée est de faire passer un message
vrai à 100 %, avec une bonne dose d’optimisme.,, explique
l’entrepreneur ; nous n’avons pas souhaité créer une marque
choc, avec un marketing fort pour l’imposer aux gens. Nous
sommes partis au contraire de l’attente des clients. Nous ne
disons pas : ‘‘notre yaourt est meilleur’’. Mais simplement, ‘‘notre
yaourt est bon. Il est de bonne qualité. Voici les ingrédients qui
le composent’’. Dans l’esprit, nous sommes un peu un mélange
d’Hello Kitty et d’Amélie Poulain… » Peu à peu, l’entreprise
s’agrandit et embauche. Les produits se retrouvent vite en
tête de gondole des grandes surfaces mais aussi dans des
commerces plus raffinés, comme La grande épicerie de
Paris. Mieux encore. Elle gagne l’international. Michel et
Augustin est aujourd’hui distribué à Singapour, Tokyo et
New York. Toujours animés de leur bonne humeur, les deux
compères ne reculent devant rien pour faire connaître la
vache emblématique de la marque. Ils promènent un panneau géant à son effigie un peu partout dans les grandes
villes de France et du monde (Hong Kong), sur des lieux
symboliques. Avec l’esprit potache qui les caractérise, ils
organisent des événements décalés : une descente à ski de la
butte Montmartre ou une chasse au chameau dans les rues
de Paris (la bête étant tenue en laisse, ordre public oblige).
Cette année, ils souhaitent organiser un événement nouveau :
une nuit à la belle étoile pour 10 000 personnes dans un
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Défi
L’open space de la société
à Boulogne-Billancourt.
Chez Michel et Augustin,
chacun participe à tout.
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grand jardin public de Paris, avec des animations nocturnes... L’idée n’est pas venue d’eux,
mais de l’un des salariés de l’entreprise, qui en compte aujourd’hui plus d’une trentaine.
Car lorsqu’il s’agit de trouver des idées nouvelles, tout le monde se réunit et apporte sa
pierre à l’édifice. « Ici, chacun participe à tout. Il y a beaucoup d’entraide, de spontanéité. On
peut nous demander notre avis sur n’importe quelle idée, même si on travaille sur un autre sujet,
confie Charlotte, coordinatrice commerciale de l’entreprise ; je n’avais jamais vu ça dans
une autre boîte. » Pour réunir tout le monde dans l’open space, les dirigeants font passer
le message à l’aide d’un porte-voix. Ça peut être pour trouver une idée d’événement,
comme pour se prononcer sur un nouvel emballage de biscuits, ou venir goûter la dernière
fournée de cookies ou de crème au chocolat mise au point par Michel et Augustin. Les
deux cuisiniers mettent toujours au point leurs recettes eux-mêmes, mais ils se servent
désormais de l’espace cuisine installé à cet effet au fond de l’entreprise. L’endroit procède
à la fois de la caverne d’Ali Baba avec sa collection d’ingrédients en tout genre, et du véritable laboratoire de recherche et développement... Quant à la fabrication industrielle,
elle est assurée par sept petites entreprises partenaires, qui respectent à la lettre leur
cahier des charges. « Nous nous sommes demandé s’il ne fallait pas créer notre propre ligne de
production, explique Augustin, mais finalement, tout fonctionne bien comme ça. Nous avons
apporté du travail à nos partenaires ; certains ont dû embaucher pour assurer notre demande.
» L’entreprise, qui affiche 15 millions d’euros de chiffre d’affaires, table sur 100 millions
dans cinq ans, avance sans broncher Augustin. « Il y a eu des moments difficiles, mais nous
n’avons jamais eu de doute sur la bonne direction. Nous étions sûrs d’être sur les bons rails. »
Pas si mal, pour une société créée avec des idées et de l’audace...

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