Ohadata D-06-38 LA REPRISE DES ENTREPRISES EN

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Ohadata D-06-38 LA REPRISE DES ENTREPRISES EN
Ohadata D-06-38
LA REPRISE DES ENTREPRISES EN DIFFICULTE DANS L'ESPACE
OHADA
Par Steve Marian ALILI
Juriste d'affaires-Fiscaliste
[email protected]
1- Les Etats africains, principalement ceux membres de l'OHADA ont plus que besoin, dans un
environnement économique de plus en plus concurrentiel, d'exploiter toutes les mesures idoines permettant de
sauvegarder et d'assurer le développement de l'entreprise africaine. Il est, en effet, une réalité indéniable que
l'entreprise joue un rôle majeur et crucial dans la vie économique et sociale d'un pays, d'une région, d'un
continent. Les propriétaires y tirent des dividendes, les salariés des revenus, les prêteurs des intérêts sur les
prêts consentis, l'Etat des impôts et la création d'emplois. Quant aux usagers et clients, ils bénéficient de ses
services. Sa disparition ne peut donc qu'avoir des conséquences économiques et sociales désastreuses pour les
pays africains membres de l'OHADA1, où les disparitions d'entreprises touchent à la fois le secteur public et
privé. Pour stopper l'hémorragie, le recours à la technique de reprise d’entreprises2 serait intéressante car elle
permettrait d'assurer le sauvetage de tout où partie de l'entreprise en difficulté3, d'en pérenniser l'exploitation et
de maintenir les emplois qui y sont attachés, mais aussi de désintéresser dans la mesure du possible les
créanciers.
2- Mais dans la réalité, cette technique reste une opération complexe dont la mise en œuvre n’est pas aisée
à réaliser eu égard à la particularité des procédures collectives et à la complexité des règles juridiques, fiscales
et sociales censées régir les entreprises en difficulté. La particularité tient au fait que l’entreprise se trouve
désormais soumise aux règles spéciales applicables aux entreprises sous administration judiciaire. La
complexité tient aux difficultés de mise en œuvre des différentes modalités de reprise et aux spécificités des
lois fiscales et sociales en vigueur. Il importe à cet effet de rappeler que la réussite d'une opération juridique et
économique, aussi séduisante soit- elle, ne saurait être efficace s'il n'existe un sous bassement juridique
performant à même d'accompagner ladite opération. C'est pourquoi, pour asseoir cette analyse, il nous paraît
incontournable d'examiner certaines législations et pratiques applicables aux entreprises en difficulté dans
l'espace OHADA. Nous nous appuierons fondamentalement sur l'Acte uniforme de l'OHADA portant
organisation des procédures collectives d'apurement du passif qui constitue le socle du droit des entreprises en
difficulté dans l'espace OHADA4.
3- Ce texte qui organise la reprise des entreprises en difficulté retient principalement deux modes
d'acquisition, à savoir la location-gérance et la cession; lesquels s'expriment à travers plusieurs variantes: la
location-gérance de l'entreprise avec promesse d'achat et/ou vente de ses actifs ou de son contrôle si elle est en
société, la cession des actifs (c'est-à-dire achat du fonds de commerce, éventuellement des immeubles), la
cession de contrôle (c'est-à-dire achat de la majorité ou de la totalité des actions ou des parts sociales de la
société qui exploite l'entreprise, etc.). Ces différents procédés emportent nécessairement des conséquences
fiscales et socio-économiques qu'il importe de connaître.
4- Notre propos consistera donc, à la lumière de l'environnement juridique, fiscale et socio-économique, à
examiner le caractère polymorphe de cette technique et à apprécier les conséquences qui en découlent. C'est
dans cette optique que nous verrons, d'une part, que la reprise d'entreprises est une technique juridique aux
manifestations variables et, d'autre part, que c'est une technique juridique aux conséquences mitigées.
1
L'OHADA est un regroupement de 16 Etats, créée par un traité international conclu à Port-Louis en Ile Maurice le 17
Octobre 1993 . A ce jour, les Etats membres sont : le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, le Congo, la Côte d’Ivoire,
le Gabon, la Guinée (Conakry), le Mali, le Niger, la RCA, le Sénégal, le Tchad, le Togo, la Guinée Bissau, la Guinée
Equatoriale et la République Fédérale Islamique des Comores.
2
V. S. M. ALILI, La reprise des entreprises en difficulté dans l'espace OHADA, Mémoire de DESS Droit des Affaires,
Université de Lomé, Faculté de Droit, 2001-2002. La reprise d'entreprise peut être considérée comme l'acquisition, par
une personne physique ou morale, de tout ou partie d'une entreprise ou d'une société.
3
Cette notion doit ici être entendue stricto sensu à savoir l'entreprise qui est soumise à une procédure de redressement
judiciaire et celle dont le tribunal a ordonné la liquidation.
4
Ce Acte uniforme, adopté le 10 avril 1998 à Libreville au Gabon est entré en vigueur dans les états membres le 1er
janvier 1999. Par souci de clarté, nous utiliserons tout au long de nos développements l'abréviation AUPC pour désigner
ce texte.
1
I- LA REPRISE D'ENTREPRISES : UNE TECHNIQUE JURIDIQUE AUX
MANIFESTATIONS VARIABLES.
5- La reprise des entreprises en difficulté s'opère à travers les mécanismes de location-gérance et de cession.
Mais, les règles applicables à la location-gérance qui précède et permet de préparer la cession au locatairegérant diffèrent de celles de la cession proprement dite qui matérialise le transfert de l’entreprise à l’acquéreur.
Le premier peut être considéré comme un mode indirect d’acquisition de l’entreprise en difficulté (A), le
second comme un mode direct (B).
A- La location-gérance comme mode indirect d'acquisition de l'entreprise en difficulté
6- Aussi surprenant que cela puisse paraître, le droit communautaire n’a pas réglé de façon explicite la
question de la location-gérance d’entreprise. Il ne semble connaître que la location-gérance du fonds de
commerce. Pourtant, la location-gérance d’entreprise est pratiquée couramment dans les situations les plus
diverses. En conséquence, considérerons-nous que celle-ci revêt la forme de la location-gérance de fonds de
commerce et en suit le régime juridique. Toutefois, le régime juridique applicable à ce mode « probatoire »
d’acquisition de l’entreprise, régie en droit commun par l’Acte uniforme du 17 avril 1997 relatif au droit
commercial général1, reste inapplicable aux contrats de location-gérance passés par des mandataires de justice
chargés à quelque titre que ce soit de l’administration d’un fonds de commerce2.
7- L’inapplicabilité des dispositions de droit commun s’explique d'une part par la finalité des procédures
collectives qui est d’éviter les spéculations sur les fonds de commerce et, d'autre part, par la volonté du
législateur d’éliminer tous les obstacles au redressement de l’entreprise. C’est pour ces raisons que le
législateur OHADA a fait de la location-gérance des entreprises en difficulté une technique exceptionnelle
soumise à des conditions particulières (1). Seulement, a-t-il péché au niveau des garanties devant bénéficier au
locataire-gérant (2).
1. Les conditions particulières de la location-gérance des entreprises en difficulté
8- L’AUPC subordonne la mise en location-gérance à des conditions strictes, à défaut desquelles le tribunal,
habilité à autoriser la location-gérance, peut refuser de l’homologuer. Mais ce mécanisme pouvant constituer
un prélude à la cession de l’entreprise au locataire-gérant, il importe que celui-ci sollicite de la part du
propriétaire ou gérant du fonds, une promesse de vente lui permettant à terme de lever l’option et de reprendre
ainsi pour son compte le fonds de commerce. C’est donc dire que si l’AUPC a prévu des conditions
"rédhibitoires" pour la mise en location-gérance du fonds (a), le locataire-gérant, futur acquéreur, est tenu
également de stipuler dans le contrat, des promesses de vente dont le rôle s’avère déterminant dans
l’acquisition du fonds de commerce ou de l’entreprise (b).
a- Les conditions rédhibitoires de la mise en location-gérance.
9- Conformément à l'AUPC, le contrat de location-gérance qui doit toujours être autorisé par la juridiction
compétente n’est possible que si des conditions strictes sont remplies. A cet effet, l'article 115, alinéa 1 de
l'AUPC prévoit que la conclusion du contrat de location-gérance ne peut être autorisée par le tribunal que
lorsque la disparition ou la cessation de l’entreprise, même provisoire, est de nature à compromettre son
redressement ou à causer un trouble grave à l’économie nationale, régionale ou locale dans la production et la
distribution des biens et services (Art.115, al.1 de l’AUPC). Cette condition, qui a pour souci de préserver la
stabilité économique et sociale présente toutefois une difficulté. Le législateur OHADA ne s’est, en effet, pas
embarrassé de précisions sur la question de savoir quand la disparition d’une entreprise serait de nature à
causer un trouble grave à l’économie nationale, régionale ou locale.
10- Cette règle, voisine de celle employée par l’article 42 de la loi française du 25 janvier 19853 et l’article 1
de l’ordonnance du 23 septembre 1967 pour déterminer les entreprises pouvant bénéficier de la suspension
1
Art.106 à 114 de l’AUDCG; V. également Cabinets Fidafrica et PriceWaterHouseCoopers, Le nouveau droit des
affaires en Afrique, 2è éd., 2002, p.27 ; Pedro Akuete SANTOS , Commentaire de l’AUDCG, OHADA Traité et Actes
Uniformes commentés et annotés, 2è éd., Bruylant 2002 ou Voy. J.O OHADA n°1 du 01/10/97, p. 1 et s.
2
V. F.M. SAWADOGO, Droit des entreprises en difficultés, éd. Bruylant 2002, p.189.
3
V. Loi française n° 98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises, JCP,
1985, III, 56711.
2
provisoire des poursuites4, peut donc se voir adresser les mêmes critiques. D’une part, elle manque de
précision car aucun critère objectif précis ne permet de connaître l’importance à partir de laquelle l’entreprise
pourra être mise en location-gérance. D’autre part, cette condition a un caractère élitiste en ce que certaines
entreprises bénéficient des facilités qui ne sont pas accordées aux autres. On prive ainsi certaines entreprises
de la faculté de conclure une location-gérance qui aurait pu préparer leur redressement.
On est donc en droit de penser que la location-gérance des entreprises en difficulté prévue par le législateur
de l’OHADA a pour but inavoué de trouver des solutions aux difficultés des grosses entreprises. Bien
qu’explicable, cette solution porte atteinte au principe d’égalité devant la loi. Ce qui est bon pour les grosses
entreprises et leurs salariés peut tout autant l’être pour les petites et moyennes entreprises. Il serait alors
intéressant que l’article 115, alinéa 1 de l’AUPC soit amendé par une introduction nette de la possibilité de
recourir à la location-gérance quelque soit la dimension de l’entreprise. En attendant, l’on ne peut que
souhaiter des juges des pays membres de l’OHADA une jurisprudence de bon sens permettant de limiter les
risques liés à l’imprécision de cette disposition.
11- Comme autres conditions de mise en location-gérance, l’article 115, alinéa 3 de l'AUPC dispose que
« La juridiction compétente refuse son autorisation si elle n’estime pas suffisantes les garanties offertes par le
locataire-gérant ou si celui-ci ne présente pas une indépendance suffisante à l’égard du débiteur ». Par ces
dispositions, le législateur OHADA voudrait protéger l’entreprise ou le fonds de commerce des possibles abus
des locataires-gérants. En effet, ces derniers ne disposant pas toujours de fonds propres suffisants, peuvent être
tentés de diminuer la consistance du fonds au détriment de la survie de l’entreprise, des salariés et des
créanciers.
12- Toutefois, si le locataire-gérant souffre toujours de sa réputation de "pilleur d’entreprise", tous n’ont, fort
heureusement, pas cet objectif. Certains ont l’intention d’acquérir l’entreprise et profitent du contrat de
location-gérance pour la juger et la jauger.
Pour plus d'assurance, il est important que ceux-ci se fassent consentir des garanties sous forme de promesse
de vente des actifs ou des titres sociaux de l’entreprise.
b. L’importance de la promesse de vente dans l’acquisition du fonds
13- Par les engagements contenus dans l’AUPC, le législateur OHADA a pris la mesure de l’intérêt de la
location-gérance comme procédé de sauvetage de l’entreprise en difficulté. Ce qui au demeurant serait de
nature à encourager les éventuels repreneurs désirant se porter acquéreurs au terme de ce contrat. Mais le
locataire-gérant doit s’assurer des conditions de « sortie » de la procédure à son profit en obtenant du vendeur
une promesse de vente, avec une option et un prix stipulé à l’origine mais modulable en fonction des résultats.
Lorsque se conclut la location-gérance, le repreneur doit se faire consentir par écrit une promesse aux termes
de laquelle le débiteur lui cédera soit tout ou partie de ses droits (parts ou actions), soit le fonds de commerce
et l’usine. La promesse peut donc porter sur les actifs de l’entreprise (fonds et immeubles) ou sur le contrôle
de la société si l’entreprise est exploitée en société.
La situation la plus intéressante pour le locataire-gérant, bénéficiaire de la promesse, est d’avoir deux
promesses de ventes1 : l’une portant sur les actifs, l’autre portant sur le contrôle de la société. Il pourra ainsi,
au terme de la location-gérance, choisir la solution qui lui convient le mieux.
Il apparaît donc que la promesse de vente joue un rôle clé dans la cession de l’entreprise sous forme de
location-gérance. Mais suffit-elle véritablement à garantir les opérations de location-gérance ?
2. Les garanties attachées à la location-gérance des entreprises en difficulté
15- Le recours à la location-gérance des entreprises est un moyen pour le futur acquéreur de prendre
connaissance de la situation exacte de l’entreprise en difficulté avant une éventuelle acquisition (Niveau de son
chiffre d’affaires réel, montant du passif, stabilité de la clientèle, etc).
Il présente aussi des avantages sur le plan financier. Ainsi, la conclusion de ce contrat, en retardant le
paiement du prix de cession de deux ans, permet au locataire gérant de mettre cette période à profit pour réunir
les fonds nécessaires à l’acquisition de l’entreprise. Mais pour éviter que le locataire-gérant, en complicité
avec le débiteur ne réduise la valeur du fonds au détriment du paiement des créanciers et du sauvetage de
l’entreprise, le législateur OHADA a prévu des règles protectrices des intérêts en présence (Art. 116 de
l’AUPC ). Malheureusement, ces règles ne semblent pas bénéficier au locataire-gérant. C’est donc dire que si
4
Y.GUYON, Droit des Affaires, Entreprises en difficultés. Redressement judiciaire. Faillite, Tome2, 5ème éd.,
Economica 1995, p. 250, n°1217.
1
Les deux promesses peuvent être contenues dans deux documents ou dans un seul document.
3
le législateur OHADA a pris des mesures pour assurer l’exécution du contrat par le locataire-gérant (a), ce
dernier n’en est pas pour autant protégé (b).
a. La garantie de l’exécution du contrat par le locataire - gérant
16- Le locataire - gérant doit respecter les engagements souscrits, lequel respect est contrôlé par le syndic qui
peut exiger du locataire-gérant la communication de tous les documents et informations utiles à sa mission.
Pour s’assurer du respect des engagements souscrits, le législateur OHADA a pris des mesures qui en
sanctionnent le non respect. Il en est ainsi de la résiliation du contrat de location-gérance dont les causes
tiennent au fait pour le preneur de diminuer les garanties qu’il avait données ou de compromettre la valeur du
fonds. Mais à supposer qu'il assure convenablement sa part du contrat, en est- il pour autant protégé ?
b. Des règles moins protectrices pour le locataire-gérant
17- Obnubilé par la protection de l’entreprise et des créanciers, le législateur OHADA a, semble-t-il, sacrifié
le locataire-gérant, futur acquéreur de l’entreprise en difficulté, lequel participe pourtant à l’opération de
sauvetage de l’entreprise.
Le locataire-gérant à qui est confié la gestion d’une entreprise en redressement judiciaire a en principe deux
ans pour s’accommoder à l’entreprise et pour opérer les investissements propices à la rentabilité de l’affaire. Il
doit donc pouvoir jouir au terme du contrat du fruit de ses efforts. Or il se trouve que ce contrat est conclu
lorsque le loueur est en redressement judiciaire. Dans ce cas, il est généralement prévu que la location-gérance
est conclue pour la durée du redressement judiciaire. Or celui-ci prend généralement fin, soit du fait de sa
conversion en liquidation des biens, soit en raison de l’homologation du concordat par le tribunal, soit par le
paiement du passif. Cette dernière hypothèse est toutefois rare.
Si le débiteur ne présente pas un concordat sérieux, ou ne l’obtient pas, ou si le concordat est annulé ou
résolu, le redressement judiciaire est converti en liquidation des biens (Art. 145 de l’AUPC).
La location-gérance prend alors fin et le syndic est tenu de liquider l’entreprise pour procéder à la répartition
entre les créanciers. Bien que des aménagements de courte durée soient possibles, il ne reste au repreneur1, qui
veut continuer d’exploiter qu’une solution : le rachat du fonds. Ce qui présente forcement un coût important
qu'il ne s’attendait à investir de sitôt.
Dans la seconde hypothèse, à savoir celle où le jugement d’homologation du concordat est passé en force de
chose jugée, le débiteur recouvre la libre administration et disposition de ses biens. A défaut d’accord
préalable avec ce même débiteur, le locataire-gérant peut alors être évincé. On peut toutefois penser que cette
possibilité d’éviction reste théorique puisque tout se fait sous le contrôle du tribunal. Ce qui n’exclut,
malheureusement, pas les risques financiers qui pèsent sur le locataire-gérant. A cet effet, le repreneur se doit
d’évaluer les sommes qu’il pourrait être amené à perdre, tant en ce qui concerne par exemple le personnel
repris que pour les fournisseurs de l’entreprise désormais méfiants.
Finalement, le mécanisme de la location-gérance comporte non seulement des avantages mais aussi sa part de
risques. Mais qu’en est-il de la cession ?
B. La cession comme mode direct d'acquisition de l'entreprise en difficulté
18- Si le législateur OHADA n’accorde pas une très grande importance à la continuation de l’entreprise en
redressement judiciaire par le truchement d’un tiers (Art.131 de l'AUPC), il en dispose autrement pour la
cession totale ou partielle des actifs des entreprises en liquidation des biens (Art. 160 de l’AUPC). Mais que
cela soit pendant la phase de redressement judiciaire ou de liquidation des biens, la cession de l’entreprise au
tiers se réalise à travers des procédés juridiques différents (1). Cette diversité dénote de la variabilité des
garanties attachées au mécanisme de cession (2).
1.La cession: un mode d'acquisition réalisable à travers des procédés juridiques différents
19- Le transfert de l’entreprise à l’acquéreur se réalise principalement à travers la cession des actifs de
l’entreprise et à travers la cession de contrôle.
Si l'achat des actifs peut se ramener à un achat d’entreprise, la question est plus délicate pour l'achat des titres
sociaux ou sur le plan de la stricte orthodoxie juridique, il est évident que l’achat des parts ou actions n’est pas,
1
Le terme de "repreneur" figure dans le littré ( en quatre volumes) : il s'employait autrefois pour désigner un capitaine
qui reprend sur l'ennemi, un navire que celui-ci avait capturé. Ce terme est actuellement utilisé couramment pour désigner
un homme qui se porte acquéreur d'une entreprise.
4
juridiquement, l’achat de l’entreprise ou du fonds de commerce figurant à son actif. Admettre le contraire
serait nier la personnalité et le patrimoine propres de la société et faire une confusion juridiquement
inadmissible entre les parts ou actions de la société et son actif social. Mais, le juridisme à ses limites et le
juriste ne doit pas se laisser aveugler par les théories juridiques. La situation des entreprises en difficulté, dont
le droit y relatif organise le sauvetage, commande que le droit s’adapte à cette exigence, qui n’est non
seulement juridique mais aussi économique et sociale. Aussi, convient-il de relever que, si l'acquisition de
contrôle d'une société n'est pas juridiquement une reprise d'entreprise, elle en emporte sur les plans
économiques et sociaux les mêmes conséquences.
20- Le droit des entreprises en difficulté ne s’y est donc pas trompé en envisageant la cession de contrôle
comme un mécanisme à travers lequel les repreneurs peuvent prendre le contrôle d’une société. Ainsi
conformément aux dispositions de l'AUPC, l’acquisition de l’entreprise ou de la société en difficulté, peut se
faire par l’achat de ses actifs (a) ou par sa prise de contrôle (b).
a. L’acquisition de la propriété de l’entreprise en difficulté par l’achat des actifs
21- On aura, conformément à l'AUPC qui prévoit une cession partielle d’actif et une cession global d’actif,
l’achat partiel ou global des actifs. Mais comment s’opèrent ses achats ?
On serait tenté de répondre simplement que ceux-ci s’effectuent à travers un contrat de vente. Si cela est vrai,
il convient toutefois de tenir compte de la particularité des ventes faites sous procédures collectives.
L’opération de vente qui suppose une offre d’achat émanant d’un repreneur n’est, en effet, pas une opération
ordinaire puisque l’offre faite n’est pas acceptée par le débiteur ou par le syndic mais par le tribunal. C’est en
fait un engagement unilatéral entériné par une juridiction sous des conditions spécifiques1.
22- L’achat partiel des actifs de l’entreprise défaillante s’effectue autant pendant la phase de redressement
judiciaire que de liquidation des biens.
Pendant la phase de redressement judiciaire le concordat comportant une cession partielle d’actif fait
intervenir un tiers acquéreur intéressé par les offres de cession prévues par le concordat de redressement (
article 131 de l'AUPC). Il faut ici regretter le fait que le législateur OHADA n’ait prévu que la cession partielle
d’actif, réservant exclusivement la cession globale au cas de liquidation des biens. Or, la cession globale peut
présenter un intérêt en cas de redressement judiciaire, notamment si le débiteur fait preuve d’incompétence ou
d’incurie ou est frappé d’une interdiction d’exercer le commerce ou de diriger une entreprise commerciale2.
Du reste, il est peu probable qu’une cession partielle permette d’apurer substantiellement le passif. Il paraît
donc opportun que le législateur OHADA prévoit un concordat comportant une cession globale d’actif.
Si l’achat global d’actif n’est possible qu’en cas de liquidation des biens, cela voudrait-il pour autant dire que
la cession d'entreprise est possible ?
Nous pensons qu’il faut répondre par l’affirmative car l’article 160, alinéa 1 de l’AUPC, bien que ne retenant
pas cette notion, ne la rejette pas. Bien au contraire, en envisageant la cession globale de « tout ou partie de
l’actif mobilier ou immobilier comprenant, éventuellement, des unités d’exploitation », il rend possible la
cession d’ensembles constituant une entreprise.
23- Cela dit, qu’il s’agisse de cession totale ou partielle, le cédant transfert à titre onéreux son bien au
cessionnaire qui paie ou s’engage à en payer le prix. Cette opération de cession, qui se trouve être le terrain
d’élection des repreneurs d’entreprises en difficulté prend tout simplement la forme d’un contrat de vente.
Mais il ne s’agit pas d’une vente ordinaire mais plutôt d’une vente de nature particulière. A cet effet, il ne peut
y avoir achat d’entreprise sans cession d’activités de production, de transformation, de distribution de biens, de
prestation de services ou de certaines de ces fonctions. Ainsi, si l’entreprise n’est pas transférée en totalité, les
branches ou activités concernées doivent être complètes et autonomes3.
L'AUPC parle de cession de biens susceptibles d’exploitation autonome permettant d’assurer le maintien
d’une activité économique, des emplois qui y sont attachés et d’apurer le passif (Art. 131, al. 3 de l’AUPC ).
Une entreprise au départ peut avoir plusieurs activités. L’état de redressement judiciaire ou de liquidation des
biens dans lequel elle peut se trouver peut nécessiter la suppression de certaines activités. Celles dont
l’exploitation est maintenue doivent être complètes. Il n’est donc pas question de vendre une activité de
production, de distribution ou de transformation morcelée. Le caractère complet de l’activité à transférer, et
donc à reprendre s’entend également de ses ressources humaines, sous la condition toutefois de l’acceptation
1
Art. 132 de l’AUPC ; B. SOINNE., Rev. proc. coll. 1991, 301.
F.M. SAWADOGO, commentaire de l’Acte uniforme du 10 avril 1998 portant organisation des procédures collectives
d’apurement du passif, observations sous Art. 131, J.O. OHADA n° 7 du 01 juillet 1998, p.1 et s.
3
Metz, 13 février 1990, D. 1991, Sommaire 13, note DERRIDA.
2
5
de chacun des salariés. Il s’agit aussi du matériel d’exploitation, de production, de transport4. Les activités à
transférer ne doivent pas seulement être complètes mais aussi autonomes. Cela voudrait dire qu’elles doivent
se distinguer clairement des autres. Ainsi, l’activité qui a été cédée ne doit pas être bloquée du fait qu’elle
aurait dû être reprise avec une autre. Concrètement, c’est la cession d’une branche d’activité susceptible de
fonctionner par ses propres moyens.
La situation peut également se présenter pendant la phase de liquidation des biens de l’entreprise. Il s’agit du
cas où l’on trouve à l’intérieur de l’entreprise en liquidation, des unités d’exploitation rentables, dont il
convient d’assurer la survie. Il convient de souligner que, dans la procédure de liquidation des biens, le
législateur communautaire n’utilise plus le concept d’entreprise. Il envisage plutôt la vente des biens comme
une des modalités de cession d’actifs. Mais, afin de préserver l’unité des ensembles à céder, il retient le
concept d’unités d’exploitation sans en préciser le contenu. Face à cette imprécision, il apparaît tout de même
vraisemblable que le législateur a entendu parler d’unités de production qui pourrait s’entendre, comme en
matière d’apports partiels d’actifs, d’un ensemble de moyens matériels et humains permettant l’exercice d’une
activité économique autonome1. Par conséquent, la liquidation ne se traduit pas forcément par une disparition
de l’ensemble de l’entreprise.
Outre l’acquisition de l’entreprise par achat d’actif, le repreneur qui envisage de reprendre une entreprise en
difficulté peut aussi le faire par sa prise de contrôle.
b. L’acquisition de la société en difficulté par la prise de contrôle
24- Les parts ou actions représentatives du capital d’une société peuvent faire, en principe, l’objet de cessions
après l’ouverture de la procédure. Toutefois, l’AUPC réglemente de manière précise ces cessions, permettant
en outre aux tribunaux de prendre des décisions susceptibles de les priver de tout effet.
La loi est très interventionniste en cette matière, considérant implicitement que les anciens détenteurs de
capital, lorsqu’ils sont dirigeants, sont suspects et que le tribunal est le mieux habileté à décider des
restructurations de capital nécessaires au redressement de l’entreprise. Ces restructurations de capital sont la
manifestation de la prise de contrôle de la société en difficulté qui se déploie principalement à travers le rachat
des titres sociaux et la souscription à une augmentation de capital2. Pour cette dernière, l'AUPC ne l'a pas
expressément prévu, bien qu’il ait timidement affiché sa volonté de changer les associés ou actionnaires
dirigeants (Art. 185 de l’AUPC). Ce qui diminue un peu plus les chances de redressement de l’entreprise en
difficulté dont la survie aurait pu être assurée par l’ouverture du capital social au tiers. La prise de contrôle est
souvent réalisée de la manière suivante : la société augmente son capital de telle sorte que la personne
physique ou morale, qui va souscrire à l’augmentation se trouvera majoritaire dans la société après que
l’opération ait été réalisée. Les actionnaires ou les associés qui composent la société avant l’augmentation du
capital doivent donc renoncer à leur droit préférentiel de souscription (Art. 573 de l’AUDSG). L’entreprise
étant en difficulté, l’augmentation de capital sera précédée d’une réduction de capital pour que la valeur
nominale des titres corresponde à leur valeur réelle. Cette réduction de capital se justifie parce que la société
étant en perte, la valeur vénale des droits sociaux est inférieure à leur valeur nominale; ce qui serait de nature à
décourager les souscripteurs. Ce n’est donc qu’après cette mise à niveau que l’augmentation de capital pourra
être effectuée. C’est ce qu’on appelle le « coup d’accordéon »3.
Par ailleurs, l’augmentation du capital se justifie également par le fait que de nouveaux fonds propres sont
nécessaires au redressement de l’entreprise défaillante et qu’une restructuration trop largement financée par
l’emprunt risquerait d’être vouée à l’échec. Le projet de concordat doit alors prévoir une augmentation de
capital si, du fait des pertes, les capitaux propres sont devenus inférieurs à la moitié du capital social. Cette
augmentation devra être décidée par la collectivité des associés réunie à cet effet par le syndic.
Pour l’acquéreur, l’opération de souscription à l’augmentation de capital peut être intéressante s’il bénéficie
d’une promesse de vente de leurs actions par les autres actionnaires pour un prix symbolique ou très faible.
Les actionnaires dont il est question ici sont ceux qui ne se sont pas immiscés dans la gestion de la personne
morale à quelque moment que ce soit car ils échappent à la mesure d’incessibilité envisagée par l’AUPC4.
4
V. C. ODOUNGA, La cession des entreprises en difficulté, Hebdo Informations n°186, Mai 1989, p. 85 et 86.
Cette définition est à rapprocher de celle énoncée par l’art. 195 de l’AUDSG qui parle de « branche autonome
d’activité… » ; V. également une définition proposée par le tribunal de Commerce de Lyon le 29 juillet 1986 qui définit
l’unité de production comme un ensemble de biens qui nécessairement associé à une force humaine concourt à
transformer la matière ou à générer de la valeur ajoutée, Dalloz 1987, sommaire p.93.
2
Cette augmentation peut être réalisée par apport en nature ou en numéraire dans le respect des procédures instituées par
l’AUDSG en cette matière.
3
V. Com. 17 mai 1994 , Rev. sociétés 1994, 485 note S. DANA- DEMARET.
4
Art. 57, al. 2 de l’AUPC ; Paris, 7 juin 1989, Rev. proc. coll. 1990, 381, note DUREUIL.
1
6
Il est particulièrement conseillé au repreneur de ne réaliser la prise de contrôle par souscription à une
augmentation de capital qu’après l’homologation du concordat car à défaut de l’obtention de celui-ci, le
souscripteur perdrait les fonds qu’il a investis.
25- La même prudence doit être observée par le repreneur des titres sociaux de l'entreprise en difficulté,
lequel est tenu d’acquérir la majorité sinon la quasi-totalité des parts ou actions. Or, il se trouve que certains de
ces titres appartenant aux dirigeants de droit ou de fait, sont frappés d’incessibilité à compter du jugement
d’ouverture. La cession demeure toutefois possible avec l’autorisation du juge-commissaire et dans les
conditions fixées par lui. Le tribunal peut même ordonner la cession forcée de ces titres (Art. 185 de l’AUPC).
Mais il serait peu commode que cette cession se fasse avant que le tribunal n’ait été fixé sur le plan de cession.
A cet effet, il est sur le plan pratique rare que l’achat des titres composant le capital de l’entreprise en difficulté
intervienne de façon définitive avant l’homologation du concordat par le tribunal. Le repreneur pourrait en
effet encourir le risque que ce concordat ne soit pas voté par les créanciers ou que le tribunal en refuse
l’homologation. C’est donc le plus souvent après l’homologation du concordat que le repreneur deviendra
propriétaire des parts ou actions de la société en difficulté.
Ces précisions faites, l’acquéreur des droits sociaux devra se ménager des moyens pour opérer le rachat des
titres. Il aura le choix entre les techniques classiques et celles plus modernes faisant intervenir un effet de
levier1.
26- Lorsque la société est réellement en difficulté, ses parts ou actions n’ont plus grande valeur. Aussi les
repreneurs offrent-ils très couramment d’acheter ces titres pour des montants symboliques. Le véritable prix
payé par le repreneur réside alors dans son obligation d’apporter ensuite de l’argent frais par apport en compte
courant et dans le règlement du concordat.
Dans tous les cas, le repreneur doit avoir suffisamment d’argent pour opérer les reprises et les restructurations
nécessaires au redémarrage de la société. L’apport financier sera d’autant plus important qu’il dépendra de
l’affaire reprise, de son coût social et structurel. Le coût réel d’une prise de contrôle est donc souvent très
différent de ce qu’une approche rapide de l’opération pourrait supposer.
En tout état de cause, le repreneur doit, tout d’abord, faire la preuve de sa capacité à réunir des fonds propres.
Si la somme rassemblée au titre des fonds propres équivaut au prix de la cible à acquérir, il lèvera
l’opportunité. Dans le cas contraire, il devra formaliser son projet et ses prévisions dans un plan de
développement lui permettant de convaincre ses interlocuteurs financiers: banquiers, sociétés de capital-risque
dont l’émergence est récente sur le continent2. Cela dit, l’implication d’autres partenaires financiers en vue de
la réalisation des opérations d’acquisition présente un avantage indéniable qui est de réduire les apports en
fonds propres des repreneurs. Toute l’originalité du financement de la reprise réside alors dans la possibilité
d’élaborer de savants montages juridiques pour faire jouer l’effet de levier d’endettement.
27- LBO, LBI, LMBO, BIMBO, derrière ces termes de plus en plus courant, se cachent des opérations
financières complexes qui sont apparues au cours des années 1970 dans les pays anglo-saxons et se sont
multipliées depuis le milieu des années 1980 en Europe occidentale. Ces opérations dites à effet de levier (ou
« leveraged buy out ») qui ont contribué à transformer les structures industrielles des grands pays développés3
méritent d’être connues et appréciées à leur juste valeur en Afrique.
Les LBO (Leverage Buy Out) et LBI (Leverage Buy In) désignent les opérations de rachat d’une société avec
effet de levier. Dans le LBI l’acheteur vient de l’extérieur dans le capital de la société (buy in), alors que dans
le LBO, il est issu de celle-ci (buy out). Il en va de même pour les opérations de LMBO4 qui désignent le
rachat d’une entreprise, soit par des cadres dirigeants de la société cible dans le cas du LMBO, soit par des
cadres extérieurs à la société cible dans le cas du LMBI. Il est encore possible de compliquer le schéma avec le
BIMBO (Buy In Management Buy Out) lorsque l’équipe de repreneurs est composée à la fois de cadres de la
société cible et de dirigeants extérieurs.
1
On appelle effet de levier la différence entre la rentabilité des capitaux propres et la rentabilité économique.
B. TCHASSEM et B. PATISSIER, Les débuts africains du capital-risque, Initiatives magazine n° 7- Nov.- Déc. 2001, p.
27. Le capital investissement ou capital-risque selon le terme consacré, fait partie des nouveaux métiers de la finance
introduits récemment sur le continent africain. Les premières initiatives dans ce domaine datent des années 90 avec la
création de FIARO à Madagascar, de la SPPI en Tunisie et de la GHANA VENTURE CAPITAL FUND (GVCF) au
Ghana. Dans la zone OHADA, il n’en existe que trois : la SENINVEST au Sénégal, créée en 1992 qui a, a priori, une
vocation nationale, la CAURIS INVESTISSEMENT mise en place en 1994 qui entend opérer dans les sept pays de
l’UEMOA et la CENAINVEST SA, créée en novembre 1998 au Cameroun.
3
V. G. ROUYER et A. CHOINEL, La banque et l'entreprise, techniques actuelles de financement, 3è éd., La Revue
Banque Editeur 1999, p. 274 ; www.netpme.fr et fusacq.com, LBO/LBI : Les nouvelles techniques d’acquisition à effet
de levier, juillet 2003.
4
Le Leverage Management Buy Out est la traduction littérale de rachat par les cadres avec effet de levier ou rachat par
l’encadrement avec effet de levier. L’équivalent français est le rachat de l’entreprise par les salariés ( RES).
2
7
Mais derrière cette pluralité de définitions, se cache en fait un seul et même mécanisme : le rachat d’une
entreprise avec effet de levier, c’est-à-dire avec endettement bancaire. Le principal avantage de ces opérations
est de permettre à des cadres dirigeants ou à des investisseurs de prendre le contrôle d’une société cible avec
un apport personnel minimum puisque l’acquisition est largement financée par un emprunt bancaire dont le
coût est inférieur au taux de rentabilité attendu de la cible. Le mécanisme simplifié est le suivant : des cadres
ou investisseurs deviennent actionnaires de la société cible par l’intermédiaire d’une société holding leur
permettant d’être majoritaire, et l’emprunt contracté pour l’acquisition de la cible sera financé par la remontée
des cash-flows nets de la cible vers le holding. Autrement dit, les prêteurs associés au montage seront
remboursés via les ressources dégagées par la cible.
28- Dans certains cas, les fonds propres de la holding sont insuffisants pour pouvoir emprunter le montant
nécessaire au rachat de la cible. Dès lors l’emprunt bancaire classique va être doublé par un autre emprunt plus
élaboré (obligations convertibles, obligations à bons de souscriptions d’actions…) et mieux rémunéré qui
prend le nom de « dette junior » ou « dette mezzanine ». Cet emprunt complémentaire est en général apporté
par des sociétés de capital investissement1 qui espèrent par la suite entrer au capital de la société. Dans cette
configuration, l’emprunt bancaire classique prend le nom de « dette senior » et il est remboursé en priorité
c’est-à-dire avant la dette junior. Le mécanisme est ici identique à la configuration précédente du LBO
classique, sauf que la holding a deux types de dettes, une senior et une junior, au lieu d’une seule et unique
dette bancaire2.
La difficulté de ces opérations réside dans la réalisation d’un montage équilibré qui permet tant à la cible de
faire face à ses investissements pour assurer sa croissance et sa rentabilité, qu’à la holding de faire face à ses
engagements bancaires.
Toutefois, ce type d’opérations ne pourrait prospérer que si les pouvoirs publics africains offrent les garanties
de leur éclosion et permettent entre temps au repreneur de pouvoir se prémunir contre les risques liés à
l’acquisition des entreprises en difficulté.
2. La cession: un mode d'acquisition aux garanties variées
29- La garantie doit ici s’entendre de l’obligation générale à la charge du vendeur, d’assurer à l’acquéreur la
bonne utilisation et la pleine jouissance de la chose vendue. Elle doit permettre à l’acquéreur de tout ou partie
de l’entreprise en difficulté de s’assurer de l’exécution du contrat de cession et de se prémunir contre les
risques attachés à l’exécution des opérations juridiques effectuées. A cet effet, quelles garanties offre la loi,
principalement l’AUPC, pour la réalisation des opérations de reprise d'entreprises en difficulté ?
30- Pour garantir la bonne fin de ces opérations, le législateur communautaire à pris certaines mesures qui ne
semblent exclusivement bénéficier qu'au cédant3. D’où l’intérêt pour le repreneur de recourir aux garanties de
droit commun pour sécuriser sa situation. Mais le droit des entreprises en difficulté étant un droit d’exception,
il convient de s’interroger sur l’efficacité de ces garanties.
La question mérite toutefois d’être relativisée selon que le repreneur se prévale des garanties légales ou des
garanties conventionnelles. Les premières étant insuffisantes à la protection du repreneur d’entreprises en
difficulté (a), les secondes présentent tout de même une relative efficacité (b).
a. Des garanties légales insuffisantes
31- Hormis les délais de paiement accordés à l’acquéreur (Articles 132, al. 2 et 160, al. 3 de l’AUPC) et
l’interdiction faite à certaines personnes de concourir aux offres d’acquisition (Articles 160, al. 2 et 51 de
l’AUPC), l’AUPC n’a pas prévu de garanties particulières pour le repreneur d’entreprises. Il doit donc recourir
aux garanties de droit commun pour assurer sa protection. Mais peut-il véritablement se prévaloir des vices du
consentement4 pour obtenir l’annulation des ventes effectuées ou peut-il exciper de la garantie d’éviction et de
la garantie des vices cachés pour amener le vendeur à respecter ses obligations ?
L’existence des vices du consentement pouvant, en droit commun, entraîner la nullité du contrat, en est-il de
même pour les opérations relatives à la reprise d’entreprises en difficulté ? Précisément, le repreneur induit en
erreur peut-il invoquer que son consentement a été vicié ?
1
V. BERTREL et JEANTIN, Acquisitions et fusions des sociétés commerciales, 2é éd., Litec 1991, p. 259-283.
V. pour développements, P. VERNIMMEN par P. QUIRY et F. CEDDAHA, Finance d'entreprise, 4e éd., Dalloz 2000,
p. 734-745.
3
Il en est ainsi de l’interdiction faite au repreneur d’aliéner, sans autorisation du tribunal, les biens de l’entreprise tant
qu’il n’a pas intégralement payé le prix d’acquisition. Il en est également de la clause de réserve de propriété qui peut être
insérée par le vendeur dans le contrat de vente, etc.
4
Il s'agit de l'erreur, de la violence et du dol; V. Art.1109 à 1116 du code civil français.
2
8
32- A la lumière de certaines décisions de principe, notamment l'arrêt de la Cour de Cassation française du 12
octobre 19931, le cessionnaire ne peut se prévaloir des garanties usuelles et spécialement de la garantie du
vendeur. Cette décision consacre ainsi le caractère quasi inopérant de l'invocation des vices du consentement
dans la reprise des entreprises en difficulté. Mais il n’est pas dit que l’acheteur ne puisse invoquer les vices du
consentement. Seulement ceux-ci ne peuvent s’appliquer dans les procédures collectives que de façon
restrictive. L’arrêt du 12 octobre 1993 avait indiqué dans ce sens qu’on ne saurait exclure, malgré le caractère
forfaitaire de l’acte intervenu, l’application des règles des vices du consentement.
33- En somme, retenons que le repreneur en présentant son offre doit avoir exactement cerné les risques
auxquels il doit le cas échéant s’attendre et auxquels il doit nécessairement pallier. Mais la situation est-elle la
même lorsque le repreneur est troublé dans son droit de jouissance et lorsque la chose, objet de la vente, est
affectée de vices cachés ?
34- Le droit OHADA ne réglant pas la question, le recours à l’article 1649 du code civil français doit être
envisagé. Cet article pose le principe selon lequel les ventes faites par autorité de justice ne donnent pas lieu à
garantie contre les vices cachés. Ce qui paraît être le cas pour les ventes faites pendant la procédure de
redressement judiciaire ou de liquidation des biens de l’entreprise.
En appliquant ce principe à la cession d’entreprise réalisé dans le cadre d’un redressement judiciaire, il est
possible de conclure que le cédant ne sera pas tenu de garantir le cessionnaire contre les vices cachés. Mais
demeure tout de même une difficulté provenant des incertitudes liées à la véritable nature juridique de la
cession décidée par le tribunal. Pour certains auteurs dont M. Patin, le plan est de nature judiciaire, pour
d’autres, MM. Derrida, Godé et Sortais, il est de nature contractuelle.
35- Si nous considérons qu’il s’agit d’une véritable vente fondée sur des bases contractuelles, le cessionnaire
pourra exiger du débiteur qu’il le garantisse contre les vices cachés et l’éviction. Une telle position alourdirait
les obligations du débiteur, et encore faudra-t-il que le repreneur agisse dans un bref délai, pour ne pas se
retrouver confronté à son insolvabilité. Cette nécessité d’agir vite est de toute façon inadaptée au cas de la
reprise d’une affaire en difficulté.
En revanche, si nous adoptons la position de M. Patin qui rejette la conception contractuelle du plan, il
faudrait considérer que les règles en matière de contrat de vente ne sont pas applicables. L’AUPC, qui met en
place des règles particulières pour sauver l’entreprise, créerait un régime autonome.
Nous sommes donc confrontés à un véritable vide juridique que la jurisprudence devra combler. Cela même
en ce qui concerne la garantie d’éviction2.
36- Le code civil n’ayant prévu aucun texte semblable à l’article 1649, on serait tenté de penser que la
garantie d’éviction joue en cas de cession réalisée par autorité de justice. Mais c’est sans tenir compte des
difficultés qui vont naître du fait que le repreneur ne pourra pas bénéficier de la part du cédant d’une garantie
véritablement utile si la société est définitivement insolvable, soit qu’elle ait été liquidée, soit que, remise in
bonis, elle n’ait, pour l’avenir, aucune possibilité de répondre d’une telle obligation par suite des effets de la
procédure qui ont pu provoquer la cession de la plupart de ses actifs. Aussi, le repreneur ne pourra qu’être
circonspect sur la qualité des garanties que peut lui donner son vendeur. L’intervention des syndics ne lui
procurera pas plus de sécurité car ceux-ci n’agissent pas en leur nom personnel et, sauf faute de leur part, ils ne
peuvent, à notre sens, être tenus par l’obligation de garantie.
Les incertitudes juridiques relevées doivent donc inciter les repreneurs à ne conclure qu’avec une bonne
connaissance des risques éventuels et, puisque par hypothèses certains de ces risques ne pourront être
identifiés au préalable, «de conclure à des conditions financières qui leur permettent d’être leur propre
assureur»3. Il serait donc intéressant qu’ils exigent des garanties conventionnelles.
b. Des garanties conventionnelles à l’efficacité relative
37- Lors de la cession partielle ou totale des actifs de l’entreprise, l’acheteur est tenu de verser un prix pour
l’acquisition des biens objets de la transaction. Mais le rachat d’une entreprise en difficulté étant sujet à des
aléas, il pourrait recourir à certaines techniques d’ajustement du prix matérialisées par les clauses d’ « earn
out »4. Celles-ci présentent l’avantage de faire converger l’intérêt du vendeur et celui de l’acheteur. Le
1
Cass. Com. 12 Oct. 1993, JCP 1994, éd.E, I, 348, n° 6, observations PETEL; Rev. proc. coll. 1993, p. 496, n° 25,
observations SOINNE; petites affiches, 10 nov.1993, p.10, n°135, note SOINNE; D.1993, inf. rap., p.245.
2
Art.1628 du code civil français; Civ. 3è 20 oct.1981, Bull. civ. III, n°168; Civ. 3è 14 Juin 1983, Gaz. Pal. 1983. 2.
3
PAILLUSSEAAU, CAUSSAIN, LAZARSKI et PEYRAMAURE, op. cit., p. 648.
4
D’origine anglo-saxonne, ces clauses sont de plus en plus utilisées pour réduire les risques d’acquisition. Le prix
comprend une partie fixe, généralement payée à la signature et une partie variable, dont le montant n’est pas arrêté et qui
dépendra des résultats futurs de l’entreprise.
9
vendeur sera motivé par un complément de prix qu’il n’a pu imposer lors des négociations; l’acheteur
acceptera ce complément qui signifiera que les performances de l’entreprise sont à la hauteur de ses
espérances1. Mais ces clauses pourraient véritablement poser problème quant à leur applicabilité dans la
reprise d’entreprises en redressement judiciaire et en liquidation des biens. En effet, assujettissant le paiement
d’une partie du prix aux résultats futurs de l’entreprise, il serait difficile, voire impossible pour le syndic de
recevoir des offres contenant de telles clauses. Cela d'autant plus que le sérieux de l’offre d’acquisition est
apprécié par rapport au prix le plus élevé accompagné de solides garanties de paiement2 et par rapport au
maintien de l’activité et du maximum d’emplois. En tout état de cause, l’efficience de ces clauses dépend du
bon vouloir des organes de la procédure et du choix du tribunal.
38- Toutefois, il existe d’autres clauses conventionnelles consacrées par la pratique des affaires: ce sont les
clauses de garantie d’actif et de passif. Celles-ci constituent un engagement plus important de la part du
vendeur qui s’oblige à rembourser tout nouveau passif qui apparaîtra après la vente et dont l’origine est
antérieure à celle-ci3. L’acheteur se trouve également protégé contre la diminution de la valeur de certains
actifs tels qu’ils ont été comptabilisés dans les comptes ayant servi de base à la négociation.
En tout état de cause, le périmètre de la garantie doit être clairement défini. Une rédaction ambiguë ou des
stipulations contradictoires conduisent le juge à interpréter. Le doute profite à celui qui est tenu de
l’obligation, c’est-à-dire, ici, le cédant4. Mais la situation n’est pas aussi simple qu’elle ne le laisse paraître.
Témoins, les décisions variées des juges5.
Il y a donc lieu de relever que la mise en œuvre de cette garantie n’est pas aisée à réaliser. Si lors de la phase
de redressement judiciaire, cela est encore possible, la société n’ayant pas encore disparu et la cession des
titres étant encore possible, la situation paraît plus compliquée voire impossible en cas de liquidation des
biens. En effet, lors de cette phase, la société est vouée à une disparition imminente et le débiteur est dessaisi
de ses biens au profit du syndic qui devra procéder à la réalisation des actifs. Dans cette phase, le jugecommissaire qui ordonne la cession ne fournit généralement aucune garantie. Dans le même sens, il serait très
difficile que l’ancien dirigeant et/ou l’actionnaire principal consentent des garanties au repreneur. Mais celuici ne doit pas pour autant désespérer.
39- La recherche de garanties répond en définitive au souci d’opérer en toute sécurité le transfert de propriété
de l’entreprise en difficulté dont la reprise vise à réaliser des gains de productivité et à accroître la rentabilité et
la compétitivité des entreprises reprises. Seulement, l’ampleur de l’ambition mérite qu’on s’y arrête pour se
demander si les fruits tiennent les promesses des fleurs. Les multiples intérêts en jeu, les règles qui régissent la
matière et les contingences attachées à cette technique font que les conséquences qui en découlent sont
mitigées.
II- LA REPRISE D'ENTREPRISES : UNE TECHNIQUE JURIDIQUE AUX CONSEQUENCES
MITIGEES
40- Lorsque le rachat va intervenir, le choix de la modalité définitive de reprise est généralement dicté par
des considérations d’ordre financier. Parmi celles-ci, les incidences fiscales des modalités d’acquisition sont
loin d’être négligeables. En effet, il ne saurait aujourd’hui être question de procéder à des modifications de
structures sans avoir préalablement examiné les conséquences fiscales, tant celles-ci peuvent être importantes
sur le plan financier. La reprise d’une entreprise en difficulté échappe d’autant moins à cette règle que les
pouvoirs publics africains, soucieux de préserver le tissu économique de leurs pays respectifs et l’emploi , sont
tenus de mettre en place une série de mesures fiscales dont l’objet serait d’aider au redressement de
l’entreprise en difficulté. Mais force est de constater que la réglementation fiscale de ces pays, à
l’exemple de celle du Gabon et du Togo, ne semble pas avoir prévu de dispositions expresses au
profit des repreneurs d'entreprises en difficulté.
1
Voir à ce sujet, un article intéressant de Maître Cécile MOREIRA, Les techniques d’ajustement du prix d’acquisition
d’une entreprise, Défis- Juillet Août 1997, p.100.
2
Art. 130, 131, 160 et 161 de l’AUPC.
3
Ces clauses qui ne se présument pas doivent être expressément prévues par les parties et peuvent être insérées dans
l’acte de cession des parts sociales ou dans un acte séparé.
4
Art. 1162 du code civil français ; V. G. NOTTE, « Les clauses dites de garanties d’actif et de passif dans les cessions de
droits sociaux », JCP 1985, I, 31936 ; Aix- en- Provence, 3 mars 1988, JCP 1989, éd. E, 11, 15415, commentaires A.
VIANDIER et J.J. CAUSSAIN ; Amiens, 1ère ch. , 10 avril 1987, JCP, 1988, éd. N., II, p. 232.
5
Cass. Com. 7 octobre 1997, L’Entreprise n° 146- 14 déc. 1997, p. 137; Civ. 3ème 5 février 1971, D. 1971.281; Civ. 13
Dec. 1998, Bull. civ.,I, n°352; Cass. Com. 4 juin 1996, L'Entreprise n°146- 14 Déc. 1997, p.137.
10
41- Par ailleurs, les règles sociales semblent contredire les impératifs de reprise au point où les retombées
sociales autant qu’économiques s’avèrent incertaines1.
La reprise d’entreprises en difficulté se trouve alors partagée entre les soucis de rentabilité économique et de
sauvegarde des emplois. Autrement dit, la reprise d’entreprises en difficulté met en opposition les tenants du
maintien de l’emploi (à tout prix ?) et ceux du réalisme économique (à quel prix ?).
C’est au regard de ces deux impératifs apparemment contradictoires et des règles juridiques et fiscales que
nous apprécierons les conséquences de la reprise d’entreprises en difficulté ; lesquelles passent, d’une part, par
l’appréhension des incidences fiscales, variables selon la modalité de reprise retenue (A). D’autre part, par
l’appréciation des enjeux socio-économiques dont les conséquences demeurent incertaines (B).
A. Des incidences fiscales variables
42- Les incidences fiscales d’une reprise sont très différentes selon que l’entreprise exerce son activité dans
le cadre juridique, soit d’une entreprise en nom propre2 ou d’une société de personnes3, soit d’une société de
capitaux4 .
Dans la première catégorie, les règles fiscales sont attachées au patrimoine personnel des personnes
physiques, propriétaires de l’entreprise, alors que dans la seconde, elles s’appliquent au patrimoine de la
personne morale. Sur le plan fiscal, les résultats réalisés par les entreprises en nom propre sont soumis à
l’impôt sur le revenu dans les conditions de droit commun. Dans les sociétés de personnes, les associés sont
personnellement soumis à l’impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leurs droits
dans la société5. Ce caractère personnel ne permet pas le transfert aux tiers des droits fiscaux attachés à
l’entreprise.
Lors d’une reprise d’entreprise en difficulté, les conséquences de cette situation sont que le déficit fiscal ne
sera pas maintenu au profit de l’entreprise et que les possibilités de reprise seront réduites.
43- En résumé, et sauf cas d’espèce6, dans les entreprises en nom propre et les sociétés de personnes, les
possibilités de reprise sont réduites. En fait, seuls la location-gérance et le rachat pur et simple des actifs
peuvent être envisagés. La situation est cependant différente en ce qui concerne les sociétés de capitaux où les
règles fiscales sont rattachées au patrimoine de la personne morale. Pour cette raison, et sous certaines
conditions, les déficits fiscaux accumulés en raison d’une exploitation déficitaire sous l’ancienne direction
vont généralement être maintenus au profit de l’entreprise.
C’est donc surtout en ce qui concerne les sociétés de capitaux qu’il est intéressant d’étudier d’un point de vue
fiscal les incidences des modalités de reprise ; lesquelles incidences différent selon que la reprise est effectuée
à travers la cession de contrôle ou autrement. Elles ne seront donc pas les mêmes selon qu’il s’agisse du rachat
des titres sociaux (1) ou des autres modalités de reprise (2).
1. Les incidences fiscales attachées au rachat des titres sociaux
44- Si l’AUPC n’a réglementé que de façon restrictive la cession de contrôle (Art.57, 58 et 185 de l’AUPC),
cela ne voudrait pas dire que cette modalité de cession occupe une place marginale dans la reprise des
entreprises en difficulté, au contraire, elle présente un sérieux intérêt sur le plan fiscal. Les charges fiscales
attachées à cette cession étant moins contraignantes que celles relatives à la cession des actifs. Toutefois, le
régime d’imposition applicable au rachat des titres sociaux se manifeste par sa variabilité selon que l’on se
trouve en face du vendeur ou de l’acquéreur (a). Cette variabilité est à la fois source d’avantages mais aussi
d’incertitudes (b).
1
Les codes du travail consolident en effet la sécurité de l’emploi, rendant difficiles et délicats les licenciements pour
motif économique. Voir en ce sens, l'article 56 du code du travail gabonais.
2
Entreprise exploitée par une personne physique.
3
Société constituée en considération de la personne des associés, dans laquelle la part de chaque associé est, en principe,
personnelle à l’associé et n’est pas cessible entre vifs ou ne l’est que dans certaines conditions.
4
Société constituée en considération des capitaux apportés, dans laquelle les parts d’associés appelées actions sont
négociables et peuvent être librement transmises entre vifs et à cause de mort. Les actionnaires ne sont tenus du passif
social que jusqu’à concurrence de leurs apports (exemple : S.A).
5
Art. 40 du code général des impôts directs et indirects de la République gabonaise.
6
Art. 40, al 1 et 2 CGIDI gabonais ; Art.8, 206-3 et 239 CGI français. SARL, SNC, SCS, Société en participation ayant
opté pour l’IS.
11
a. Un régime d’imposition variable du vendeur à l’acquéreur
45- Le droit fiscal gabonais prévoit que lorsqu’un associé ou actionnaire cède à un tiers, pendant la durée de
la société, tout ou partie de ses droits sociaux, l’excèdent du prix de cession sur le prix d’acquisition de ces
droits est taxé exclusivement à l’IRPP au taux de 20%. Toutefois, l’imposition de la plus-value ainsi réalisée
est subordonnée aux conditions, d’une part, que l’intéressé ou son conjoint, ses ascendants ou descendants
exercent ou aient exercé au cours des cinq dernières années des fonctions d’administrateur ou de gérant de la
société et que les droits des mêmes personnes dans les bénéfices sociaux aient dépassé ensemble 25% de ces
bénéfices au cours de la même période. D’autre part, que le montant de la plus-value réalisée dépasse 500 000
F. CFA1.
46- Il faut ici noter la difficulté d’application de cette mesure pour une entreprise soumise à une procédure
collective. Les dirigeants de la personne morale en difficulté ne pouvant, à peine de nullité, céder leurs droits
sociaux qu’avec l’autorisation du juge-commissaire2. Cette mesure d’incessibilité des droits sociaux ne
semble, fort heureusement, pas concerner les associés ou actionnaires ne s’étant pas immiscés de quelle que
manière que ce soit dans la gestion de l’entreprise en difficulté. Ceux-ci pourraient alors céder leurs parts ou
actions à des nouveaux actionnaires ou associés qui apporteraient ainsi de l'argent frais en vue de sa
restructuration. Il serait donc intéressant que ceux-ci ne soient lourdement imposés.
47- Il faut, à ce titre, se féliciter des dispositions fiscales applicables dans certains pays membres de
l’OHADA ou les droits d’enregistrement sont relativement bas. Au Gabon par exemple, les cessions de parts
sociales sont assujetties à la formalité de l’enregistrement au taux de 3%. La situation au sein des pays
membres de l’UEMOA est plus intéressante3. En effet, d’après une décision du conseil des ministres de
l’UMOA relative à l’harmonisation de la fiscalité des valeurs mobilières en date du 14 octobre 1998, les
cessions d’actions, de parts sociales, d’obligations ou de créances non négociables sont soumises à un droit
fixe de 6000 F.CFA. Cet allégement est le bienvenu car il milite pour plus d’acquisition d’entreprises par le
rachat des titres sociaux. Toutefois, cette tendance favorable qui présente certains avantages n’en comporte pas
moins des incertitudes.
b. Une variabilité source d’avantages et d’incertitudes
48- Le rachat des titres sociaux permet en principe l’utilisation, d’une part, du déficit reportable et des
amortissements différés de l’entreprise en difficulté ; d’autre part, du crédit de TVA.
Le repreneur d’entreprises en difficulté peut ainsi user des possibilités de report de déficit offertes par la loi
fiscale. Les CGI gabonais et togolais prévoient que le déficit fiscal subi pendant un exercice puisse être reporté
successivement sur les exercices suivants jusqu’au troisième exercice qui suit l’exercice déficitaire. Ce report
serait encore plus intéressant pour les entreprises en difficulté reprises s’il était prolongé « jusqu’au cinquième
exercice qui suit l’exercice déficitaire»4. Par ailleurs, la prise en compte des amortissements en période
déficitaire ayant pour conséquence d’aggraver le déficit fiscal de l’entreprise, il est prévu que ces
amortissements puissent être reportés sur les années bénéficiaires à venir. C’est ainsi que les amortissements
réputés différés en période déficitaire, c’est-à-dire les amortissements différés et comptabilisés par l’entreprise,
doivent être imputés sans limitation de durée sur les premiers exercices bénéficiaires (Art. 39-2, §.8 du CGI
togolais). Cela représente un avantage appréciable. Pour reprendre une expression chère à M. COZIAN, les
amortissements réputés différés sont des « missiles fiscaux » qui ne perdent pas leurs vertus avec l’écoulement
du temps ; ils sont encore utilisables après dix, vingt, trente ans ou plus5. Toutefois, l’entreprise qui n’utilise
pas la possibilité d’imputation offerte par un exercice bénéficiaire perd la possibilité de report illimité. Il en est
de même de l’entreprise qui reprend tout ou partie des activités d’une autre entreprise ou lui transfère tout ou
partie de ses activités6. Cette dernière hypothèse nous paraît assez sévère car elle ne sert pas les intérêts des
sociétés disposant de confortables amortissements réputés différés et peut compromettre la relance de
l’entreprise en difficulté reprise. Cette dernière ayant encore besoin du « parapluie » de ces avantages fiscaux
pour conforter sa situation financière.
1
Art.102 du CGI gabonais ; V. aussi Cabinet Deloitte Touche Tohmatsu, Investir au Gabon, Présentation du cadre
juridique, fiscal et social d’une implantation au Gabon, Oct.2001, p.16 et 17.
2
Art.57 de l’AUPC; F.M. SAWADOGO, op. cit., p. 44 et 355, n° 49 et 355.
3
L’UEMOA est l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine, instituée par le traité du 10 janvier 1994 en principe
pour remplacer l’UMOA créée en 1962.
4
Art. 209-1 du CGI français ; V. P. SERLOOTEN, Droit Fiscal des Affaires,2è éd., Dalloz 2001, p.280, n°395.
5
V. M. COZIAN, Précis de fiscalité des entreprises, 25è éd., Litec 2001-2002, p. 298, n°1152.
6
Art. 39-2 §.9 du CGI togolais ; Art. 209- I, al. 4 du CGI français.
12
49- Le repreneur d’entreprises en difficulté pourrait aussi profiter du droit à déduction du crédit de TVA. Il
est en effet prévu que si le montant de la déduction autorisée est supérieure au montant de la taxe exigible au
titre d’une déclaration donnée, l’excédent est imputé sur la taxe exigible au titre de la ou des déclarations
ultérieures. Cet excédent constitue un crédit de TVA. Ce crédit pourra, en cas de reprise, être compensé avec
la TVA que le repreneur aura à payer du fait des opérations réalisées par la société après sa reprise. Mais le
repreneur ne devra pas se laisser obnubiler par ces avantages car des risques planent sur l’opération de rachat
des titres sociaux.
50- Les incertitudes et les risques du rachat des titres sociaux tiennent principalement au retard pris par le
droit fiscal à s’adapter aux nouvelles réalités économiques. En effet, au nom d’un juridisme étriqué, le droit
fiscal dont certains se plaisent pourtant à vanter le réalisme, constitue quelquefois un frein à certaines
opérations indispensables au maintien de l’activité économique. Le droit fiscal estime qu’une entreprise qui
modifie son activité ou qui modifie sa structure juridique cesse d’être elle-même et donne naissance à une
entité nouvelle avec sa cascade d’impositions liées à la disparition de l’ancienne entreprise et à l’apparition de
la nouvelle. Cette notion d’être moral nouveau empêche évidemment qu’un déficit apparu dans la première
entreprise soit reporté sur les résultats de la seconde. Cette condition d’identité de la société constitue une
sérieuse entrave à la gestion fiscale des déficits, l’opération de modification pouvant être assimilée, d’un point
de vue fiscal, à une mutation de fonds de commerce à titre onéreux. C’est ainsi que lors d’une reprise, les
titres représentatifs du capital de l’entreprise en difficulté, ne doivent pas être dans leur totalité transférés au
repreneur. A défaut, il y a, pour l’administration fiscale, disparition de l’être moral, propriétaire de l’entreprise.
Il est à souhaiter, dans ces conditions, qu’un assouplissement intervienne, surtout à cette époque de
mondialisation des économies où les entreprises doivent constamment s’adapter aux évolutions économiques.
Les assouplissements souhaités doivent aussi concernés les autres modalités de reprise.
2. Les incidences fiscales des autres modalités de reprise
51- La location-gérance et l’achat des actifs présentent des conséquences fiscales plus lourdes que celles du
rachat des titres sociaux ; la cession des actifs étant fiscalement assimilée à une cession d’entreprise. La loi
fait, à cet effet, obligation au contribuable d’aviser l’administration fiscale de la décision du tribunal dans un
délai de dix jours1.
A partir de là, les impôts à la charge des contribuables sont dus. Toutefois, le régime d’imposition applicable
aux opérations de location-gérance et de cession d’actifs mérite d'être nuancé eu égard à la solidarité imposée
par la loi fiscale dans le paiement des impôts dus (a). Mais ce régime d’imposition ne présente pas que des
contraintes. Il existe des avantages fiscaux attachés à la création de sociétés nouvelles (b).
a. Un régime d’imposition nuancé
52- Lors des opérations de location-gérance, le locataire-gérant est en principe imposé sur les résultats de
l’entreprise, soit au titre des BIC, soit à celui de l’IS, selon qu’il est assujetti à l’un ou l’autre de ces impôts.
53- En cas de cession, l’acquéreur supporte, à moins de convention contraire, la charge du paiement des
droits d’enregistrement dus sur la valeur des actifs cédés. Mais exceptionnellement, le repreneur peut être tenu
solidairement du paiement des impôts émis et restant à émettre quelles qu’en soient les conditions (Art.131 et
s. du CGIDI gabonais). Toute chose qui n’arrange pas le repreneur qui est finalement tenu au même titre que le
cédant de procéder à la déclaration de cession. Il faut, ici, craindre le risque que cette solidarité ne préjudicie
aux opérations de reprise en faisant peser des charges supplémentaires sur le repreneur qui devra s’acquitter
des charges fiscales revenant en principe au cédant, sans préjudice des pénalités relatives au manquement à
l’obligation de déclarer dans les délais (Art. 21 et 23 du CGIDI gabonais ). La situation est d’autant plus
compliquée qu’il existe une incohérence entre les articles 131 et 132 du CGIDI gabonais et l’article 65 de
l’AUPC. Il serait en effet difficile de respecter le délai de dix jours prévu par la loi fiscale lorsque le
contribuable fait l’objet d’une procédure collective de redressement judiciaire ou de liquidation des biens.
Tout d’abord, parce que le débiteur contribuable ne dispose plus d’un large pouvoir de gestion. Il est, selon les
cas, soit assisté du syndic, soit tout simplement remplacé par lui. Ensuite, parce qu'il peut arriver que le
débiteur ne réponde pas aux réquisitions du syndic. En pareil cas, le syndic n’en avisera le juge-commissaire
que dans les vingt jours de la réquisition et les administrations concernées dans les dix jours2. Les délais ainsi
impartis par l’article 65 de l’AUPC ne coïncident pas avec ceux des lois fiscales de certains pays membres de
1
Art. 131 du CGIDI gabonais ; V. également Célestin ODOUNGA, Les incidences fiscales des mesures de redressement
judiciaire, Hebdo Informations n°180 du 4 mars 1989, p. 29 ; pour le Togo, V. Art.161 du CGI.
2
F.M. SAWADOGO, AUPC du 10 avril 1998, OHADA, Traité et actes uniformes commentés et annotés, éd. Bruylant
2002, note sous article 65, p. 871.
13
l’OHADA, en l’occurrence du Gabon. Ceci oblige, une fois encore, le législateur fiscal gabonais à harmoniser
sa législation avec celles de l’OHADA.
En attendant, il importe de relativiser la portée négative que peut avoir la solidarité sur les opérations de
reprise. En effet, cette solidarité peut contribuer à moraliser les plans de reprise et à éviter, par ailleurs, que
vendeurs et acquéreurs ne fraudent le fisc.
54- Ceci dit, le véritable frein à la reprise d’entreprises en difficulté se trouve plutôt dans les droits
d’imposition appliqués aux opérations de reprise, lesquels varient d’un pays à un autre. Au Gabon, les droits
d’enregistrement frappant les cessions de fonds de commerce varient de 8 à 10%. Ils sont de 8% pour les
immeubles. Au Togo par contre, les cessions de fonds de commerce supportent un droit proportionnel de 12%
(Art. 561 du CGI togolais), les ventes de biens immeubles à titre onéreux un droit de 8 à 9% (Art. 598 du CGI
togolais : 6% +2% de taxe préfectorale +1% de taxe municipale). Ces taux méritent éventuellement d’être
allégés afin de stimuler un peu plus les reprises d’entreprises nécessaires au maintien et au développement de
l’activité économique.
55- Toutefois, ces éventuels allégements mettraient les pouvoirs publics africains face à un choix cornélien:
celui de décider s’il faut surtaxer afin de maximiser les recettes fiscales ou bien abaisser les taux afin de
stimuler l’activité économique et bénéficier proportionnellement de la reprise et par voie de conséquence de la
création d’emplois. Ceci repose le débat sur le mythe de la baisse des droits de mutation nécessaire à la
redynamisation de l’investissement des entreprises et des particuliers; choix que les pouvoirs publics français
ont fait. La preuve en est l’harmonisation des droits d’enregistrement sur les cessions dans la loi « Agir pour
l’initiative économique » voté par le parlement le 1er Août 2003 et publié au Journal Officiel du 5 Août 2003
sous le numéro 2003-721.
Par ailleurs, le législateur fiscal français peut, contrairement aux législateurs des pays membres de
l’OHADA, s’enorgueillir des avantages fiscaux attachés spécifiquement à la création de sociétés nouvelles en
vue de la reprise d’entreprises en difficulté.
b. Le régime particulier attaché à la création de sociétés nouvelles
56- Afin de renforcer les capacités économiques de leurs pays respectifs, les Etats membres de l’OHADA ont
mis en place des mesures fiscales incitatives pour l’exploitation d’entreprises nouvelles. Mais ces mesures qui
sont d’ordre général manquent de pertinence dans la reprise des entreprises en difficulté. Au Gabon par
exemple ne peuvent bénéficier des avantages fiscaux attachés aux entreprises nouvelles que les activités
industrielles, minières, agricoles ou forestières satisfaisant à certaines conditions. Primo, ne peut être
considérée comme entreprise ou activité nouvelle le simple développement d’une ou plusieurs activités déjà
exercées par la même entreprise. Cette condition admissible en dehors du champ de la reprise peut en
constituer un frein lorsque l’entreprise nouvelle désire reprendre une entreprise en difficulté. Secundo,
l’entreprise nouvelle ne doit pas avoir principalement pour objet de concurrencer des activités exercées d’une
manière satisfaisante sur le territoire par les entreprises déjà installées. L’intérêt de cette condition se
comprend aisément car elle permet de préserver les entreprises existantes de la concurrence des sociétés
nouvelles. Mais il serait tout de même intéressant de prévoir des exceptions pour les entreprises en difficulté.
Enfin, les avantages prévus pour les sociétés nouvelles sont accordés par décision du Ministre des Finances,
sur demande du contribuable présentée avant le début de l’installation de l’entreprise ou de l’activité nouvelle.
Cette dernière condition permet au repreneur de solliciter l’agrément ministériel pour pouvoir bénéficier des
avantages fiscaux prévus. Mais, bien qu’intéressante, cette possibilité d’agrément pose un problème de
célérité. Elle n’échappe pas à la lenteur administrative, incompatible avec la reprise d’entreprises en difficulté.
De plus, le Ministre des Finances peut refuser de donner son accord. En pareil cas, et bien qu’existe pour le
contribuable la possibilité de demander le bénéfice du régime d’exonération par voie de réclamation,
l’opération de reprise pourrait être compromise pour l’acquéreur à cause du temps supplémentaire que
prendrait cette réclamation (Art. 140 du CGIDI gabonais).
57- Il est donc impératif que le législateur fiscal gabonais adopte des dispositions particulières à la reprise
d’entreprises en difficulté. La voie empruntée par le législateur fiscal français mérite d’être suivie. Ce dernier
a, aux termes de l’article 44 septies du CGI1, prévu que les sociétés créées pour reprendre une entreprise
industrielle en difficulté sont de plein droit exonérées d’impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés,
jusqu’au terme du vingt troisième mois suivant celui de leur création. Le bénéfice de l’exonération est réservée
aux entreprises qui ont une activité de nature industrielle, notion dont l’administration fiscale française en fait
une interprétation étroite. Elle exclut notamment les activités de bâtiment et des travaux publics, les activités
1
Loi de finances pour l'année 1989, art.14-A.
14
extractives et la production d’électricité, les activités de services telles que le transport, la réparation et la
maintenance1. Elle exclut également les entreprises commerciales, agricoles ou artisanales2.
58- Les pays membres de l’OHADA ne sauraient s’accommoder de ce genre d’exclusion car leurs économies
en construction ou en restructuration ont besoin de tous les secteurs d’activités pour impulser leur
développement. Les mesures incitatives prises par le législateur français doivent être adoptées avec
circonspection. Les repreneurs se doivent donc d'appréhender toutes les contraintes juridiques, fiscales et
sociales afin de mieux apprécier les incidences socio-économiques des reprises d’entreprises en difficulté.
B. Des incidences socio-économiques incertaines
59- La reprise d'une entreprise en difficulté concentre plusieurs intérêts qui au gré des situations peuvent
s’avérer contradictoires, voire conflictuels. La situation est d'autant plus compliquée que les lois sociales
modernes sont très favorables aux travailleurs. Ces lois font peser sur les repreneurs d’entreprises
d’importantes obligations à l’égard des salariés dont ils deviennent les employeurs. Il s’en suit un coût
financier qui dépendra des effectifs et de la masse salariale reprise. Dans ces conditions, le repreneur peut-il
reprendre l’entreprise avec ses salariés et conserver les différents avantages sociaux qui leurs étaient accordés
sans remettre en cause l’opération de reprise ? Autrement dit, le souci de maintien de l’emploi est- il
compatible avec le réalisme économique qui impose de toute évidence la rentabilité de l’entreprise reprise ?
Il se pose ici la difficile question des engagements sociaux (1) qui peut influencer, positivement ou
négativement, les enjeux économiques de la reprise d’entreprises en difficulté (2).
1. La difficile question des engagements sociaux
60- Comme le souligne Michel VOISSET, «Le droit du travail est, de fait, un droit instable qui doit toujours
concilier deux logiques opposées : la logique économique et la logique sociale en fonction le plus souvent de
rapport de force et qui connaît, par conséquent, des mouvements de balancier3 ». Ces mouvements sont très
accentués dans les entreprises en difficulté où s’opposent de façon plus prononcée les intérêts des salariés et
ceux des repreneurs . Si les salariés doivent se résigner à subir des licenciements économiques indispensables
au maintien de l’activité de l’entreprise lorsque celle-ci est sous traitement judiciaire, la situation paraît
quelque peu différente après reprise. Le repreneur, nouveau maître de l’affaire, ne dispose pas de la même
liberté pour procéder aux licenciements pour motif économique4. Il est non seulement tenu au respect des
engagements souscrits dans l’offre de reprise présentée au tribunal, mais surtout au respect de certaines règles
et pratiques qui gouvernent le droit du travail. Or celles-ci peuvent constituer des entraves à l’action de
sauvetage de tout ou partie de l’entreprise en difficulté. Les contrats de travail sont le fait de la loi (a), les
usages d’entreprise le fruit d’une certaine pratique non encore codifiée (b).
a- Le sort des contrats de travail
61- Les articles 78 et 42 des codes du travail gabonais et togolais proclament le principe du maintien de
l’emploi, même pour les entreprises faisant l’objet de procédures collectives. A ce titre, ils obligent les
nouveaux employeurs, en l’occurrence les repreneurs, à continuer les contrats de travail des salariés de
l’entreprise reprise. Ces dispositions, qui sont fondamentales, rattachent les contrats de travail au sort de
l’entreprise quel que soit le changement dans la situation juridique de celle-ci. Sur le principe, les choses sont
tout à fait simples. Un employeur s’en va, un autre arrive, des salariés aspirent à rester dès lors que l’activité
de leur entreprise se poursuit. Dans la pratique, la situation est moins simple, les articles précités pouvant
poser d’énormes problèmes d’interprétation. Ainsi, de quelle entreprise parle-t-on dans ces articles ? Ces
derniers ont-ils une portée générale ou limitée ?
62- Pour des raisons de prudence et dans l’intérêt des reprises d’entreprises en difficulté, il faudrait éviter de
généraliser ces articles mais plutôt leur accorder une portée quasi générale. Ainsi pourrait-on considérer que
s'ils peuvent être appliqués dans tous les cas où il y a un lien de droit entre employeurs successifs (locationgérance, cession totale ou partielle de l’entreprise…), ils doivent moins l’être dans des hypothèses d’absence
de lien de droit (succession de concessionnaires, de prestataires des services…).
1
J. MESTRE, D. VELARDOCCHIO et C. BLANCHARD- SEBASTIEN, Les aides à la constitution de la société, Lamy
sociétés commerciales 2001, p. 151.
2
Y. GUILLOU, Aides fiscales aux reprises d'entreprises en difficulté, Rev. Proc. Coll. N°1995-1. p.34.
3
Michel VOISSET, Droit du travail et crise, Dr. soc., n° 6 du 6 juin 1980, p.287
4
Sur la notion de licenciement économique, V. A. JEAMMAND, La notion de licenciement pour cause économique, Dr.
Soc. n° spécial Mars 1981, p.267 ; G. LYON –CAEN et J. PELISSIER, Les grands arrêts du droit du travail, 2ème éd.,
Sirey 1980, p.347 et s.
15
63- La jurisprudence française interprète diversement ce principe de continuité des contrats de travail sans
vraiment lui prêter de cadre précis1.
Cette notion d’entreprise reste donc très floue et susceptible de toutes les interprétations. Aussi, convient-il
de retenir simplement de ces divergences jurisprudentielles, l’importance du principe affirmé par les articles
susvisés dans la préservation de l’emploi qui devient, en ces temps de conjoncture économique difficile, une
denrée rare pour les pays africains. Il apparaît toutefois opportun de tempérer la portée de ce principe au risque
de nuire au sauvetage de l'entreprise en difficulté. En effet, la situation difficile dans laquelle elle se trouve
commande que la réalité économique prenne le pas sur la réalité sociale. C’est dans ce sens que le législateur
OHADA a réglé le problème de licenciements pour motif économique (Art.110 et 111 de l’AUPC ). De tels
licenciements avant cession favorisent les repreneurs d’entreprises en difficulté et réduisent à coup sûr les
coûts sociaux des reprises.
Si l’AUPC n’a prévu que des licenciements économiques à l’initiative du tribunal, il n’est pas exclu que le
repreneur puisse solliciter de tels licenciements du tribunal. Mais ces licenciements peuvent s’avérer
insuffisants pour maintenir l’entreprise après reprise. Le repreneur pourra alors procéder à des nouveaux
licenciements en se conformant toutefois aux conditions procédurales particulières prévues par certaines
législations nationales en matière de licenciements pour motif économique2.
L'entreprise en difficulté étant toujours sujette à des aléas, le projet d’Acte uniforme portant sur le droit du
travail dans l’espace OHADA devrait tenir compte de la situation particulière des repreneurs d’entreprises en
difficulté, lesquels participent à l’effort de protection de l’entreprise inscrite dans le préambule du traité
instituant l’OHADA. Cette protection doit également tenir compte d’une difficulté pernicieuse à laquelle le
repreneur fait face : celle relative aux usages d’entreprise.
b. Le sort particulier des usages d’entreprise
64- Il arrive souvent qu’après la reprise d’une entreprise, le repreneur se trouve confronté à des charges
sociales dont il n’avait pas eu connaissance. Il s’agit très souvent des avantages sociaux, généralement sans
base écrite, que l’ancien employeur avait concédé unilatéralement à ses salariés. Ces avantages sociaux, fruit
de l’usage, ont été mis en évidence par la jurisprudence qui a ainsi comblé le vide législatif en la matière. Les
usages sont ainsi considérés comme des avantages concédés volontairement et unilatéralement par
l’employeur, ou résultant d’un certain comportement du personnel, auquel l’employeur ne s’est jamais opposé
et qui s’est consolidé avec le temps. La reconnaissance de ces usages suppose toutefois la réunion de trois
conditions cumulatives qui une fois satisfaites sont opposables au nouvel employeur. Ainsi, les usages sont
repris avec le personnel auquel ils sont liés. Ils constituent, pourrait-on dire, la partie immergée
de « l’iceberg » du statut social. C’est donc dire que des mesures sociales peuvent ne pas avoir de support
juridique, mais comme elles remontent à la nuit des temps, il sera difficile de revenir dessus. Sauf à respecter
la procédure formelle de dénonciation des usages d’entreprise auquel cas l’usage non dénoncé avant la cession
de l’entreprise ou même après, continue d’exister. Le repreneur dispose donc de la possibilité de les remettre
en cause, à tout moment, sous réserve du respect de la procédure3.
On peut alors constater que les contraintes sociales qui pèsent sur le repreneur en particulier et sur la reprise
en général, peuvent céder devant les contraintes d’ordre économique dont les enjeux paraissent évidents.
2. Des enjeux économiques évidents mais insuffisamment soutenus
65- Les enjeux économiques de la reprise d’entreprises en difficulté sont indéniables. Sur le plan social, la
reprise peut permettre de sauvegarder les emplois; alors que sur le plan économique, elle peut empêcher la
disparition d’une structure indispensable à la vie économique. Cela même si les reprises proviennent de
repreneurs internes ou externes à l’entreprise en difficulté. Mais il serait plus intéressant que ces reprises
soient le fait de repreneurs nationaux, plutôt qu’étrangers afin de permettre aux pays africains membres de
1
Cassation, Assemblée plénière, 16 mars 1990, Arsènes de Nîmes, Camping du Bois de Boulogne et SARL Onet; Cass.
Soc. 16 mai 1990, Bull. civ. V, n°224; Cass. Soc. 23 juin 1976, Bull.76, n° 384, p.317.
2
Si la procédure de l’autorisation administrative nécessaire et préalable au licenciement pour motif économique a été
supprimée dans la quasi-totalité des pays africains de la zone franc, elle demeure encore dans d’autres, comme le Gabon
(Art.56 et s) et la Guinée (Art.90).
3
La procédure de dénonciation de l'usage doit être régulière. A cet effet, l’employeur doit préalablement procéder à une
information collective par la voie des institutions représentatives du personnel s’il en existe ou, à défaut, par voie de note
de service affichée dans l’entreprise. Il doit aussi procéder à une information préalable individuelle des salariés concernés
au moyen d’un courrier individualisé. Enfin, il est tenu de respecter un « délai de prévenance suffisant » qui en pratique
est de deux à trois mois, voire plus selon l’usage en cause.
16
l'OHADA de garder le contrôle de leur économie. Pour cela, un soutien accru des pouvoirs publics et des
organismes privés est indispensable car permettrait-il de rendre plus efficient les enjeux économiques de la
reprise d’entreprises en difficulté, autant lorsqu’elle est le fait des repreneurs salariés de l’entreprise (a) que
des repreneurs tiers (b).
a. Les enjeux économiques de la reprise d’entreprises en difficulté par les salariés
66- Sur le plan juridique, si la modalité de rachat de l’entreprise par les salariés n’est pas nouvelle, son
utilisation est encore mal connue, voire mal assimilée en Afrique. On ne compte en effet, pour les pays
membres de l’OHADA, que de très rares cas de rachat d’entreprises par les salariés (RES ou LMBO). Et
pourtant, cette modalité de reprise, qui a fait ses preuves ailleurs1, peut contribuer autant que faire se peut au
sauvetage de tout ou partie de l’entreprise en difficulté.
Cette opération de rachat présente des avantages certains pour nos pays en développement, désireux d’avoir
une main-mise sur leur économie. Le mérite de ce mécanisme est que l’entreprise reste aux mains des
nationaux. Mais les intérêts que présente cette modalité de reprise méritent d’être relativisés car il existe des
contingences tenant, entre autres, à l’absence de textes l’organisant et à la complexité de l’opération.
Au sujet des textes, il y a dans les pays membres de l’OHADA une quasi « sécheresse » en la matière. Les
rares textes qui existent n’intéressent que les rachats des titres sociaux des entreprises privatisées2. Si la
privatisation reste une préoccupation actuelle, il n’en demeure pas moins qu’il aurait été intéressant d’étendre
le champ d’application de ces textes aux entreprises privées.
67- Sur un tout autre plan, les salariés repreneurs doivent pouvoir mesurer la complexité de l’opération
juridico-financière du LMBO qui implique un appel important à l’endettement. De plus, des mécanismes de
concertation suffisamment efficaces doivent exister3. Cette concertation a un caractère prépondérant car elle
permet d’asseoir un climat social calme permettant le maintien de la production et une renégociation de
certains avantages acquis. Cette situation serait très favorable aux salariés repreneurs qui pourraient en outre
obtenir le soutien des autres salariés qui voient le plus souvent d’un mauvais œil l’arrivée d’un tiers aux
affaires. Mais ce soutien des salariés peut être vain si les salariés repreneurs ne présentent pas de garanties
suffisantes de solvabilité financière au tribunal. Toute chose qui paraît assez difficile en Afrique compte tenu
de la modicité des salaires versés aux salariés. On doit, ici, relever la difficulté pour les salariés repreneurs,
comme pour tout repreneur d’ailleurs, à vaincre la frilosité des banquiers à soutenir leur projet de reprise
d’entreprises. Cette situation est compréhensible dans la mesure où l’AUPC n’a pas prévu de dispositions très
favorables au renforcement de sûretés bancaires( Art. 166 de l’AUPC.).
68- Le législateur de l’OHADA qui devrait s'y atteler doit être soutenu par les pouvoirs publics, tenus aussi
de favoriser la reprise d’entreprises en difficulté par les salariés. Il serait à cet effet intéressant que les salariés
repreneurs bénéficient de certains avantages fiscaux comme c’est le cas en France4. Ceci afin que les enjeux
économiques du rachat d’entreprises par les salariés soient aussi efficients que ceux de la reprise d’entreprises
par les tiers.
b. Les enjeux économiques de la reprise d’entreprises en difficulté par les tiers
69- La reprise d’entreprises en difficulté par les tiers, situation plus courante fait intervenir les tiers nationaux
et les tiers étrangers. Les premiers répondent au souci des Etats africains de rester un tant soit peu maître de
leur économie. En effet, la reprise d’entreprises par les tiers étrangers présente le risque majeur d’une
reconquête coloniale des économies africaines en raison de l’absence d’une classe autochtone d’entrepreneurs
riches, expérimentés et accomplies. Il est évident que « pour acheter les entreprises mise en vente, il faut avoir
des capitaux. Or, en l’état actuel des choses, seuls les promoteurs étrangers sont en mesure de réunir les
1
S. FONTANA, Ces salariés qui rachètent la société où ils travaillent, L’Essentiel du Management- Sept. 1999, p. 59 ;
Selon une étude de Deloitte & Touche, le RES a représenté, en 1998 en France, des transactions d’un montant total de 3,4
milliards de FF. En Grande- Bretagne et surtout aux USA, il concerne souvent des entreprises très importantes comme par
exemple pour les USA, RJR Nabisco (20 milliards de dollars) et Strorer communications (2,4 milliards de dollars), ou
pour la Grande- Bretagne, Mardon Packaging (173 millions de livres).
2
Y.B. VIGNON, Réflexions sur la privatisation des entreprises publiques en Afrique, Annales de l’Université du Bénin,
Série Droit-Economie, Tome XVI, 1996, p.145.
3
V. F. JULIEN , Le rôle des salariés et des syndicats dans la survie des entreprises en difficultés en droit français dans
ouvrage Fieda sur la survie des entreprises en difficultés, Montréal, éd. SOREJ 1982 .
4
Loi française du 17 juin 1987, art.26 ; Art. 83 bis II et III, et Art. 160 A du CGI.
17
capitaux nécessaires puisqu’ils sont les seuls à réellement inspirer confiance aux banques et aux fournisseur1».
Ce glacial constat du professeur HOLO s’applique également aux entreprises privées.
70- Toutefois, si l’on doit reconnaître que l’écrasante majorité des acheteurs potentiels ne possèdent pas les
fonds nécessaires pour lever l’opportunité, certains peuvent opérer les reprises nécessaires à la consolidation
du tissu économique et social africain. Pour plus d’efficacité, ces opérations doivent être soutenues par les
institutions financières. Les repreneurs nationaux, comme tout repreneur, devraient donc associer non
seulement leurs propres banquiers à leur projet de reprise mais aussi les banquiers de l’entreprise en difficulté.
Sous réserve de la présentation par le repreneur d’un dossier sérieux axé sur une étude prévisionnelle, les
banquiers du repreneur pourraient lui apporter certaines aides telles que les facilités de caisse, les lignes
d’escomptes, les cautions données pour garantir la reprise. Ces différents concours seraient renforcés par les
banquiers de l’entreprise en difficulté, lesquels par un jeu d’alliance pourraient devenir les banquiers du
repreneur. Mais l’aide financière apportée par les banques aux tiers nationaux n’est pas souvent facile à
obtenir; les banquiers rechignant à soutenir des projets à risques. Et on peut dire que la reprise d’entreprises en
difficulté n’en comporte pas moins sa part de risque. Aussi, l’aide bancaire sera forcément fonction des
apports du repreneur et de sa surface financière; des besoins en investissement et en fonds de roulement
nécessaires à la reprise et des aides que l’Etat est éventuellement prêt à accorder. Le rôle des pouvoirs publics
se révélant dans ces conditions indispensable2.
71- Cette intervention consistera entre autres à faciliter l'octroi de crédits aux repreneurs d’entreprises en
difficulté. Pour ce faire, les pouvoirs publics devront vaincre la réticence des banquiers en créant des sociétés
de cautionnement ou en mettant en place des fonds de garantie d’emprunt qui seront alimentés par des
dotations publiques. Ces sociétés de cautionnement prendront en charge une partie des risques inhérents à
l’octroi des crédits3. Par ailleurs, les pouvoirs publics africains devraient mettre en place des structures de
soutien à l’initiative privé. C’est ce qu’ont d’ailleurs commencé à faire certains pays membres de l’OHADA, à
l’instar du Sénégal, de la Côté d’Ivoire et du Gabon4.
72- Il est aussi intéressant de recourir à d’autres organismes de soutien financier à l’instar des sociétés de
"venture-capital" destinées à apporter aux entrepreneurs les ressources financières leur permettant de renforcer
leurs fonds propres. De plus, elles apportent à l’entrepreneur d'autres services dont les plus courants sont
l’ingénierie financière, la mise en relation avec d’autres entrepreneurs, l’assistance en matière de gestion
comptable et financière; services dont tout repreneur d’entreprises en difficulté a éminemment besoin. Elles
peuvent aussi faire bénéficier les repreneurs des relations privilégiées qu’elles ont avec les banques et les
institutions financières. Ces dernières étant d’ailleurs le plus souvent à leur origine. C’est particulièrement le
cas des sociétés de capital-risque créées à l’échelle africaine5.
Toutefois, malgré leurs avantages, se pose la question de leur adaptabilité au contexte africain qui
s’accommodent encore mal à leurs critères de sélection. Il est ainsi un critère dirimant à l’expression de ces
sociétés en Afrique: celui de la qualité des promoteurs qui assureront la gestion de l’entreprise. Le capitalrisqueur cherche le plus souvent à estimer dans la carrière passée des repreneurs, leur capacité à lancer,
développer et gérer une entreprise, à s’entourer de compétences et à faire face aux situations imprévues ou de
crise. Or ces entrepreneurs ne courent pas les rues en Afrique. Par ailleurs, le choix des sociétés de capitalinvestissement repose sur un business plan qui doit décrire et chiffrer les perspectives d’activités et de
rentabilité du projet. En Afrique, les dossiers soumis révèlent trop souvent une insuffisante prise en compte de
l’environnement par les entrepreneurs: comportements légers des autorités publiques, insuffisances des
1
Th. HOLO, Pathologie du secteur public béninois, Revue béninoise des sciences juridiques et administratives (RBSJA),
n° 12- juin 1989, p. 8.
2
En France ces interventions sont fréquentes. Au niveau national, l’aide est apportée par le CIRI qui par arrêté du 6 juillet
1982 a remplacé le CIASI et par le CIALA. Au plan local et régional par les CODEFI et le CORRI.
3
Y. BEKOU, le règlement préventif et la sauvegarde des entreprises en difficulté, Mémoire de DESS Droit des Affaires,
Université du Bénin, Faculté de Droit, 1998- 1999, p. 62 et 63.
4
On peut citer au titre d’organisme de soutien technique et administratif : L’APIX pour le Sénégal, le CEPICI pour la
Côté d’Ivoire et l’APIP pour le Gabon. Au titre d’organisme de soutien financier, le FPE pour le Sénégal et le FODEX
pour le Gabon.
5
La GVCF au Ghana a pour promoteur initial le Commonwealth Developpement Corporation qui a participé à hauteur
de 45% au lancement de la structure. La SENINVEST au Sénégal a été financée entièrement par la Compagnie Bancaire
de l’Afrique Occidentale. Le promoteur de la CAURIS INVESTISSEMENT est la BOAD qui a contribué à hauteur de
51%.La CENAINVEST SA, créée en Novembre 1998 au Cameroun a pour promoteurs la FMO (Société Néerlandaise de
développement) et la CCEI BANK. Divers autres actionnaires initiaux dont les bailleurs de fonds internationaux tels que
la PROPARCO, la SFI, la BEI et l’AGCD de Belgique, des structures locales comme les caisses de retraites, les
compagnies d’assurance, quelques institutions financières et bancaires et de rares particuliers ont également participé à
ces initiatives.
18
infrastructures, imprécision du cadre réglementaire1, manque de visibilité de la politique économique et
instabilité monétaire. Concernant les prévisions financières détaillés devant être contenues dans le plan de
financement2, les dossiers financiers se révèlent souvent peu fiables en raison d’une mauvaise évaluation des
besoins de financement du cycle d’exploitation; ceux-ci sont souvent sous-estimés et les projets d’entreprise
se trouvent alors fragilisés dès leur démarrage. Les entrepreneurs africains, soutenus par les pouvoirs publics,
doivent donc s’atteler à se conformer aux critères exigés par les sociétés de capital-risque afin de bénéficier
éventuellement de leur soutien. Mais eu égard aux expériences trop récentes de ces sociétés en Afrique , au
coût élevé de la vente de certaines entreprises que le pouvoir d’achat des repreneurs nationaux ne peut
absorber3, le recours aux repreneurs étrangers s’avère à l’heure actuelle incontournable. Au moment où les
économies africaines traversent une passe difficile, avec un secteur privé quasi embryonnaire, il serait inutile,
voire néfaste de se montrer par trop négatif.
73- L’intervention des repreneurs étrangers, constitués en majorité de grandes firmes mondialement
connues, présente d’indéniables avantages que le plus strict chauvinisme ne devrait ignorer. Ces repreneurs
bénéficient d’une expertise éprouvée tant sur le plan de la gestion financière et commerciale que celui de la
maîtrise des contraintes économiques, technologiques et juridiques. Les repreneurs étrangers peuvent ainsi
insuffler une dynamique particulière aux entreprises en difficulté reprises en remédiant, d’une part, à
l’obsolescence de leur patrimoine en vue d’une amélioration des services aux usagers et aux clients; d’autre
part, en leur ouvrant les marchés extérieurs, stratégie en phase avec les impératifs de compétitivité. Mais cette
apparente crédibilité ne doit pas occulter les risques d’abus pouvant accompagner les reprises d’entreprises par
les tiers étrangers. Ceux-ci, ayant pour souci premier de maximiser les revenus de leurs investissements,
misent sur un programme de restructuration sévère dont le but est d’accroître l’efficacité et la productivité de
l’entreprise reprise. Les abus sont fréquents s’il n’existe pas de gardes fous légaux à même de les obliger à
respecter leurs engagements. Le législateur OHADA ne semble pas avoir réglé de façon efficace cette
question. On ne peut, à ce sujet, que trouver insuffisante l’interdiction faite au repreneur, à peine de nullité, de
céder les éléments d’actif qu’il a acquis, tant que le prix n’a pas été intégralement payé (Art. 133, al. 3 de
l’AUPC.). Ce qui signifie en conséquence qu’une fois le prix payé, le repreneur se trouve complètement libéré.
Il existe même des risques de dilapidation après reprise des actifs de la société défaillante. Cette situation
interpelle donc le législateur OHADA, lequel devrait intégrer des mesures de salubrité dans l'AUPC.
74- Au terme de cette étude, il apparaît que la faillite des entreprises n'est pas une fatalité car des voies et
moyens ont été identifiés comme susceptibles d'en assurer le redressement. C'est ce que s'efforce
juridiquement de faire l'AUPC qui envisage le sauvetage de tout ou partie de l'entreprise en difficulté par sa
reprise.
De l’étude de cette technique polymorphe, nous tirons la conséquence qu’il n’existe pas un régime juridique
choisi pour réaliser la reprise, mais des opérations très différentes dans leur nature et dans leur régime
juridique. Aussi ne faut-il pas se laisser abuser par les termes.
Par ailleurs, cette étude aura permis d'apprécier, en cette période de morosité économique où il existe
pourtant un marché de l'entreprise en difficulté, le rôle majeur que peut jouer la reprise d'entreprises dans le
redressement et la restructuration des pays africains membres de l'OHADA en levant l'hypothèque qui grève
les économies de ces pays du fait de la disparition d'entreprises. A condition toutefois que les pouvoirs publics
africains déclinent les fondements d'une législation des entreprises en difficulté et d'une pratique incitative au
sauvetage de l'entreprise africaine.
75- En refusant de s'adapter aux nouvelles réalités économiques et financières et de donner plus de vigueur
aux mécanismes de sauvetage de l'entreprise, les pouvoirs publics et les législateurs des Etats membres de
l'OHADA accélèrent inexorablement les effets négatifs des disparitions d'entreprises. La presse s'en faisant par
ailleurs l'écho. Pourtant, il est un fait que la négligence des premiers et la "UNE" des journaux ne sauraient
être profitables aux affaires, hormis à quelques entreprises de presse qui, comme les oiseaux charognards qui
peuplent les vallées de larmes, se nourrissent de cadavériques viandes. Pour éviter ce regrettable et nauséeux
spectacle, les pouvoirs publics concernés et les partenaires socio-économiques doivent prendre conscience que
la vitalité et le dynamisme économique ne passent pas seulement par la création d’entreprises nouvelles, mais
aussi par la sauvegarde d’entreprises plus anciennes et défaillantes.
1
Taxes, protections illusoires, pratiques frauduleuses de la concurrence, etc.
Ce plan doit ressortir les différentes ressources qu’il sera nécessaire de mobiliser et l’origine de celles-ci.
3
V. Assou MASSOU, 1961-2001: Requiem pour AIR AFRIQUE, Economia n°7 -Mai 2001, p. 27 – 41. Quels
repreneurs africains auraient pu reprendre une société comme AIR AFRIQUE dont le montant de la dette s’élevait à 132
milliards de F.CFA en1999, avec près de 4200 salariés traumatisés et une flotte acquise par crédit-bail que la compagnie
ne pouvait plus assumer, etc.
2
19
76- Les efforts entrepris par certains pays membres de l’OHADA en vue de réguler l’activité économique
sont encourageants bien qu’ils demeurent encore insuffisants pour une meilleure pratique des reprises
d’entreprises en difficulté. L’expérience africaine conduit tout de même à beaucoup de modestie car il n’existe
pas de recettes miracles pour sauver les entreprises en difficulté mais plutôt un ensemble de mesures
homogènes spécifiques, intégrant plusieurs disciplines aussi bien juridique, financière, économique que
commerciale. En tout état de cause, les pouvoirs publics, le législateur et les repreneurs doivent se ménager les
moyens de leurs ambitions si leur objectif est tant le sauvetage de tout ou partie de l’entreprise en difficulté.
N’est- ce pas là, tout l’intérêt de cette sagesse africaine : « C’est sur l’ancienne corde qu’on attache la
nouvelle ». Alors ne laissons pas périr les anciennes cordes.
ALILI Steve Marian
BP 6162 Libreville
Tél. 06268316/ 05084961
e-mail : [email protected]
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