C`était une brasserie artisanale Au hameau de Coppenaxfort

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C`était une brasserie artisanale Au hameau de Coppenaxfort
C’était une brasserie artisanale
Au hameau de Coppenaxfort
La Flandre est le pays de la bière, elle fait partie du patrimoine culturel autant que
gastronomique de la région Nord et Pas-de-Calais. Les brasseries faisaient autrefois partie
intégrante des paysages du Nord : même les plus petites communes avaient la leur. On en comptait
2200 dans nos deux départements à la fin du siècle dernier. En 1939, on en recensait encore 900,
dont 77 dans le périmètre actuel de l ' arrondissement de Dunkerque.
Le roi, la bière et ses saints
C'est un roi légendaire assis sur un tonneau et qui tient d ' une main une chope de bière
écumante. Sont nom est Gambrinus ; la légende veut qu'il soit l'inventeur de la bière. Il était duc de
Brabant. D'autres pensent que le roi de la bière serait Jean Sans-Peur, duc de Bourgogne, qui
introduisit le houblon dans la bière. Les brasseurs ont leurs saints protecteurs. Dans le Nord et en
Belgique, on vénère saint Arnould de Tydenghen. Né en Flandres en 1040, il deviendra évêque de
Soissons. Une légende raconte que s'apercevant que l'eau de la rivière d 'un village était polluée, il
conseilla à ses habitants de boire de la bière et leur sauva ainsi la vie. Une autre tradition rapporte
que pour guérir les malades, il changea l'eau en bière. Mort en 1087, il fut canonisé en 1120. Il a
connu Robert le Frison, comte de Flandre. Peut-être est-ce Arnould qui a inspiré, en Flandre belge,
Jean-Henri Dambre, de venir en Flandre française, reprendre à Coppenaxf ort, la brasserie
construite en 1769, qui appartenait à la famille Dufour (ancêtre de Mme Mi ch el Du ri ez-Dufour).
Au hameau de Coppenaxfort
A quelques encablures de Bourbourg. Sur la commune de Brouckerque, ce petit coin de
Flandre est situé sur la route qui mène de Craywick à Bergues, le long du Vliet qui signifie "cours
d'eau, ruisseau". C'est là, le long du canal de Bourbourg, sur la route qui mène de Bourbourg à
Dunkerque que la famille Dambre a fait souche quand Jean-Henri s'y est installé comme brasseur en
juillet 1862.
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Une vue de Coppenaxfort où l’on aperçoit la cheminée de la brasserie Dambre
Il nous a été possible de compulser longuement le grand livre de comptes intitulé "Brouillon",
commencé le 21 juillet 1862 et où l'on retrouve le détail des opérations y consignées en une fine
écriture avec des pleins et des déliés : minutieux travail qui comporte aussi les chiffres d'hectolitres
de bière fabriqués et livrés, lesquels passent de 940 en 1863 à 3234 en 1888.
Des visages de la brasserie avec de gauche à droite : Robert Ganotte, Paul Vrolant, Pierre Dambre (enfant),
Marie Vanhée (grand-mère de Jean-Pierre), Barbier, Bernadette Dambre (enfant),
Marie Gruwé,., Marcel Vandaele
Jean-Henri Dambre avait épousé Euranie Cockempot et le foyer aura quatre enfants :
Marie, Emile, Victor, Louise.
Victor, a son tour, reprendra la brasserie familiale ; il épousera Marie-Adeline Masselis (fille d'un
brasseur de Cassel) ; ils auront sept enfants : Henri, Marie, Albert, Pierre, Bernadette, Germaine,
Thérèse. Albert, né en 1904, sera lui-aussi brasseur ; il épousera Marie-Louise Dubois, fille d'un
brasseur de Rosendaël. La brasserie familiale s ' éteindra avec eux, en 1952. Ils ont deux fils, Gérard
et Jacques : celui-ci reprendra l'exploitation agricole familiale et le dépôt de bière (celui-ci
jusqu'en 1973).
Jacques Dambre a épousé Christiane Duyck, petite-fille de brasseur, dont l ' oncle, puis le
cousin et le petit-cousin commercialisent la Jeanlain et la Sebourg qui ont été vendues en Flandrema ri t i m e en 1 9 6 7 , à Coppenaxfort, au dépôt repris par Jacques, à son père, lors de son mariage.
Le foyer a deux enfants (un fils et une fille qui ont pris d ' autres directions professionnelles).
Jacques nous a reçus là où il est né, où il a grandi, où il a fondé son foyer et les pierres ancestrales
qui sont son univers au quotidien lui mettent dans la voix une note d'émotion quand il raconte ses
souvenirs d'enfance, lorsque son père était brasseur, et quand il feuillette pour nous l'album du passé.
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Jacques Dambre et son épouse, avec le "tinet" sur les épaules, servant au transport des fûts
La fabrication de la bière
Qu'est-ce que la bière ? C'est le produit de la fermentation du moût, liquide sucré qu'on obtient
en faisant macérer dans de l'eau de la farine de malt (orge germée), en séparant le liquide de la manière
solide (appelée drêche) et en faisant bouillir ce liquide avec du houblon, l'eau passant sur le malt dans
la cuve matière. Ce sont les principales étapes de la fabrication de cette boisson que l'on consomme
depuis la nuit des temps.
Chaudières, brassin, cuves de décantation, autant de magnifiques objets de cuivre poli, fûts
sonores, odeurs d ' orge chaude, de houblon, tout cela est gravé dans la mémoire de Jacques Dambre
qui évoque ses heures d'enfance avec animation. Il se souvient du labeur artisanal de son père,
Albert, lequel se levait vers 2 heures du matin pour allumer les feux, les jours de brassin : c'était à
l ' époque, des foyers alimentés au charbon.
C ' est que les artisans brasseurs avaient un programme de fabrication chargé. II s'agissait
d'abord du maltage (que M. Dambre effectuait lui-même) qui consistait à faire dorer les grains d'orge
durant 1 à 2 semaines, dans le germoir, en milieu chaud et humide, ce qui les faisait germer. Puis il
fallait les sécher en les torréfiant, puis les concasser pour les broyer en une fine mouture : le malt.
Ensuite avait lieu le brassage au cours duquel le brasseur en travaillant sa maische (mélange de
malt et d ' eau) commençait à signer sa bière, en la chauffant par étapes, selon un cycle tout
personnel. Ensuite, la maische était filtrée pour obtenir le moût qui était renvoyé dans la chaudière,
pour stabilisation par ébullition et aromatisé par le houblonnage avec l'huile contenue dans les
fleurs de houblon. Après cuisson du mélange et refroidissement, la levure était injectée pour
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consommer les sucres et les transformer en alcool et gaz carbonique. Du brassage au soutirage, de
longues semaines étaient nécessaires. Après une ultime filtration, la bière était mise en fût, prête à
la livraison et à la dégustation.
Des souvenirs d'enfance
Jacques Dambre évoque, à bâtons rompus, des souvenirs de jeune adolescent quand il
participait, avec la curiosité de cet âge, aux différents travaux exigés par l'artisanat de la bière.
Il a, lui aussi, piétiné les germes d'orge pour les concasser. Il a grimpé dans le chariot à trois roues
qui servait à monter les ingrédients à l'étage supérieur ; c'est qu'il n'y avait pas de moteur électrique
au départ, mais une poulie à bras, force 100 kg, comme la grande fourche qui fusionnait le malt
dans l'eau bouillante était tournée à la main, au début... Il parle des deux grandes cuves de cuivre
contenant l'une 56 hectolitres, l'autre 42 hectolitres, soit la production annuelle de 3.000
hectolitres, ou 30.000 litres de bière. C'est qu'il fallait livrer les cafés des environs où la bière était
la boisson principale, et tous les clients de la campagne environnante.
Une galère avec un cheval partant livrer les fûts de bière
Un à deux livreurs chargeaient les fûts sur la "galère", emmenée par un cheval et partait vers
les cafés du coin, et en campagne, vers les fermes où les agriculteurs nourrissaient leurs employés
et tous buvaient de la bière ! II faut aussi parler de la "drêche", ce sous-produit résidu après le
filtrage du malt… qui n’était pas détruit mais était recherché par les laitiers pour alimenter les
vaches laitières. Rien n'était perdu, pas même la levure de bière, en excédent, recherchée par les
ménagères pour faire monter la pâte à crêpes… pour faire du pain et aussi pour guérir les
furoncles. Artisans d’autrefois, nous vous devons beaucoup !
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Quelques ustensiles du brasseur
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