DC 10 : LE PROCÈS

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DC 10 : LE PROCÈS
DC 10 : LE PROCÈS
S’adressant aux victimes, l’avocat général a souligné le caractère "hors norme" de
l’attentat en raison des causes, des conditions, des interrogations et des doutes qu’il
soulève. Il a indiqué que le dossier comportait 57 volumes composés de 20 000
documents. Il a rappelé que le "ministère public a pour fonction de défendre la société, il
incarne l’intérêt général et l’État (…). Il entend être aussi la voix des familles de victimes
(…). Cette affaire est toute particulière en raison de l’horreur des crimes commis" (…).
Une enquête exemplaire
S’adressant aux juges, l’avocat général a développé son argumentaire. " Il existe une
différence entre un crime commis contre une personne et un attentat qui consiste à
placer une bombe dans un endroit où il y a du public et qui ne représente aucun risque
pour les auteurs. De plus, le résultat est sans proportion avec le geste unique accompli,
car il entraîne un nombre considérable de victimes (…). Devant la loi, les victimes sont
égales, quelle que soit leur nationalité (…).
Plusieurs membres d’une même famille ont pris l’avion, pour certains, il s’en est suivi la
destruction totale de la cellule familiale ce jour-là. Ils vivent dans l’idée que si le 19
septembre 1989 n’avait pas été choisi... Ce crime est particulièrement condamnable
parce qu’aveugle (…).
Les laboratoires ont mis en évidence la présence de la pentrite, et, dès le 23 septembre,
le Parquet a ouvert une information judiciaire et un juge d’instruction, M. J-L Bruguière, a
été saisi. Ces crimes ont reçu la qualification d’actes de terrorisme parce qu’ils ont été
commis en vue de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur (…).
Cette affaire n’a pas fait l’objet d’une procédure particulière, seule la composition de la
Cour d’assises (7 magistrats professionnels) est spécifique (…). L’enquête a été
exemplaire (…)".
La piste libyenne s’est imposée d’elle-même
"Le juge d’instruction n’a pas cherché à privilégier une piste ou une autre, la piste
libyenne s’est imposée d’elle-même grâce à des éléments objectifs confortés par des
auditions scrupuleusement recoupées dans différents pays et à des sources multiples…
Plusieurs autres pistes ont été suivies : Iran, Syrie, Liban. Ces recherches n’ont pas
abouti... "
Le magistrat a rappelé les faits : le juge d’instruction a retrouvé dans le désert du
Ténéré, parmi 15 tonnes de débris recueillis sur 80 kilomètres, des éclats d’une valise de
la marque Samsonite ainsi qu’un morceau de circuit électronique provenant d’un
minuteur fabriqué à Taiwan, ce matériel avait été vendu à la Libye. La valise portait des
traces de pentrite, explosif très puissant, qui avait été dissimulé en fines couches.
Les éléments matériels ont été confirmés par de nombreuses auditions qui ont eu lieu
aussi bien en France qu’à l’étranger et tous les témoignages sont concordants. L’audition
d’un opposant congolais, Bernard Yanga, utilisé par les services de renseignements
libyens, allait être confirmée par d’anciens officiers libyens entendus aux États-Unis.
L’enquête a révélé par ailleurs qu’un citoyen libyen, Mansour, avait reçu l’ordre de ne pas
prendre l’avion ce jour-là.
Une valise identique à celle utilisée dans l’attentat, équipée de pentrite et d’un minuteur,
a été présentée au Juge. Les autorités libyennes ont alors prétendu qu’elle avait été
saisie chez des membres de l’opposition.
M. Necchi a soulevé deux hypothèses pour expliquer le mobile de l’attentat : "la volonté
d’éliminer un opposant au régime libyen qui aurait dû se trouver à bord de l’avion ce
jour-là ou la volonté d’attenter à la France afin de réduire son influence au Tchad en
particulier et plus globalement en Afrique-Centrale (…).
En droit pénal, ce n’est pas le mobile mais l’intention qui compte".
L’avocat général a ensuite cherché à individualiser la responsabilité de chacun des six
accusés, tous membres des services secrets libyens :
Abdallah Elazragh, premier conseiller à l’ambassade de Libye à Brazzaville a remis à
Mangatany, opposant à Mobutu, un billet d’avion pour le vol UTA et la valise piégée.
l Ibrahim Naeli et Arbas Musbah, spécialistes en explosifs et en problèmes aériens ont
vérifié l’engin explosif avant de le remettre à Elazragh.
Abdallah Senoussi, numéro deux des services , organisateur de stages de manipulation
d’explosifs, a fourni l’engin explosif de l’attentat, donné les instructions et contrôlé les
opérations.
Issa Shibani a acheté le minuteur retrouvé dans les débris.
Abdelsalam Hammouda, collaborateur de Senoussi, il a assuré un relais stratégique
entre ce dernier et Elazragh, Naeli et Musbah.
Les principes d’un État de droit
Le magistrat a, en outre, justifié la procédure de contumace. " Les indices sont devenus
des charges suite à l’arrêt de renvoi de la chambre d’accusation. La justice doit être
rendue, elle n’est pas à la disposition des accusés qui espèrent échapper à une sanction.
Ils doivent se présenter pour contester les charges, sinon, l’enquête judiciaire terminée,
la justice doit être rendue autant par respect pour la mémoire des victimes que pour
celui des principes d’un État de droit (…).
Il s’agit de rendre un arrêt par contumace, c’est-à-dire en l’absence des accusés, ce que
permet le droit français (…).
La Libye n’extrade pas ses nationaux, cependant les accusés peuvent se présenter
devant la justice française pour combattre ces preuves. Nous avons le droit et le devoir
de rendre justice (…).
Les charges retenues sont suffisantes pour permettre une condamnation (…).
C’est un groupe organisé et structuré. Chacun a participé selon ses compétences à cette
entreprise criminelle. Il ne faut donc faire aucune distinction dans l’échelle des peines
(…). "
L’avocat général a donc requis la réclusion criminelle à perpétuité et a conclu en en
indiquant que "nos concitoyens et la communauté internationale doivent comprendre que
la France ne peut pas tolérer des actes de cette nature. Un État de droit se doit de
donner une réponse vigoureuse à de tels actes ".

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