Leadership et Développement Africain

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Leadership et Développement Africain
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Leadership et Développement Africain
les Défis, les Modèles et les Principes
Prof. Mamadou KOULIBALY
Président de l’Assemblée Nationale
″. Diviser pour régner est une devise valable.
Mais rassembler et guider en est une bien meilleure. ″ Margaret Thatcher
Discours prononcé à la clôture de la cérémonie commémorative du 10e anniversaire du Réseau des Femmes
Africaines Ministres et Parlementaires – Côte d’Ivoire
Abidjan le 04 Avril 2008
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I Introduction
Dans un ouvrage publié en 2006 sur les modèles de compétitions entre les pays,
leurs stratégies, la structure de la concurrence entre eux et les formes de
gouvernement des Etats qui y ont du succès, le professeur Richard H.K Vietor de
la Harvard Business School, à Boston aux Usa écrivait ceci : « Les pays, pour se
développer, sont en compétition. Et cela est une des modalités de la mondialisation. Ils se
concurrencent pour obtenir des marchés, pour accéder à la technologie, aux compétences et à
l’investissement international. Les pays se concurrencent pour obtenir le plus de croissance
économique et pour améliorer le niveau de vie de leurs populations. Dans cet environnement de
compétition, ce sont les gouvernements qui invariablement, partout et toujours, procurent les
avantages qui font la différence entre les entreprises : une épargne en grande quantité, des taux
d’intérêt faibles pour stimuler l’investissement, des droits de propriété non dilués, des règles de
bonnes gouvernance et une main d’œuvre disponible et technologiquement motivée, un taux
d’inflation faible et des possibilités d’expansion rapide du marché intérieur. »
Aucune nation ne peut se soustraire à cette compétition sans en payer les
conséquences. Et le Professeur Vietor de citer Georges W. Bush, le Président des
Etats-Unis d’Amérique, qui déclarait lors de son discours sur l’Etat de la Nation
Américaine le 31 Décembre 2006 : « Préparons notre nation à la compétition… c’est le but
que nous devons tous partager.» Et le Président américain poursuit en disant que dans
une économie mondiale en mouvement « Nous voyons arriver de nouveaux compétiteurs
comme la Chine et l’Inde, et cela crée des incertitudes.» (Voir Richard H.K Vietor :( 2006) How
countries compete. Strategy, structure and government in the global economy. Harvard Business
School Press.).Page1
Dans le processus de développement, la compétition entre les pays, les Etats, les
gouvernements et les entreprises joue un rôle majeur. Les Etats sont des agents qui
peuvent être de grands stimulateurs ou de grands facteurs de blocage de la
prospérité et du progrès des économies. Les systèmes et les régimes politiques, sont
s’ils sont judicieusement sélectionnés, de véritables catalyseurs du progrès
économique et social. L’ouverture des marchés ou leur fermeture dépend des
mesures de politiques internes que prennent les Etats. Or qui dit rôles des Etats dit
aussi rôles des élites qui gouvernent ces Etats. Donc sont concernés par le
problème les leaders des Etats comme ceux des entreprises. Les défis du
développement économique et social s’adressent au leadership africain – à celui des
administrations publiques comme à celui des administrations du secteur privé et des
entreprises. Il s’agit en réalité du même ancien problème de la défiance perpétuelle
lancée à l’élite africaine qui n’arrive pas encore à sortir, par des pratiques adaptées,
l’Afrique de la pauvreté et à conduire les pays et les peuples à la prospérité.
Cette élite africaine est constituée d’hommes et de femmes et ceux-ci sont donc
concernés par la problématique du leadership. La mondialisation telle qu’elle est
présentée par les analystes revient aussi à une compétition entre les élites, les
leaderships. Les économies africaines, lorsqu’elles entrent en compétition dans la
globalisation mettent, en fait, à l’épreuve les initiatives, les politiques et les décisions
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du leadership africain face aux autres leaderships mondiaux dans tous les domaines
qui concernent l’amélioration des conditions de vie des hommes. Le leadership
dans chacun des pays africains est en compétition scientifique, économique,
technologique, financière, entrepreneuriale, juridique, sociale et politique avec le
leadership mondial. La mondialisation a pour avantage d’engager le leadership
africain, hommes et femmes, du secteur public comme du privé, dans la
compétition pour rechercher des niveaux élevés d’épargne pour l’Afrique et des
taux d’intérêt faibles pour y stimuler l’investissement. Les leaders africains sont
invités, chaque jour, par la mondialisation à préciser les droits de la propriété et à en
assurer une bonne gouvernance. Ceux qui, en Afrique, dirigent les administrations
publiques, sont invités par la globalisation à prendre des mesures adéquates pour
qu’une main d’œuvre qualifiée soit disponible et trouve à s’employer avec la
perspective d’accès à un pouvoir d’achat élevé sur des marchés intérieurs
dynamiques et compétitifs à tous égards. Le leadership africain doit pour cela être
capable d’instaurer et de maintenir une grande fluidité économique qui marquerait
la capacité des pays africains à s’adapter aux changements de circonstances et
d’environnement. Il doit montrer au reste du monde toute son habilité à absorber
les adaptations productives dynamiques et faire preuve d’intelligence et d’ouverture
aux nouvelles idées qui se diffusent.
Telle est la problématique du thème que la REFAMP-CI a choisi à l’occasion de la
célébration de son 10e anniversaire. Les femmes leaders des gouvernements, des
parlements, des entreprises et des ONG de la société civile ont choisi ce thème et
elles y ont travaillé pendant ces deux derniers jours. Elles m’ont demandé de
prononcer le discours de clôture de leur manifestation. La question du thème
abordé, telle que je l’ai introduite, provient d’un besoin impérieux pour nous tous
qui assumons des parties de ce leadership en Afrique, d’en préciser les contours. Et
ma contribution n’est ni une synthèse de ce qui aura été dit pendant ces deux
journées, ni un compte-rendu des conclusions auxquelles elles ont abouti. L’objectif
dans cette communication est de proposer une vision des défis qui sont lancés au
leadership en Afrique, avant de suggérer un modèle de leader à imiter et une
méthodologie pour aborder avec des chances plus grandes de succès les questions
qui harcèlent de toutes parts.
II/ Quel problème le leadership en Afrique doit-il résoudre ?
Dans la mondialisation, le succès et les avancées des pays résultent d’abord des
prouesses de son leadership à relever correctement, avec compétence les défis. Les
échecs et les retards sont, de la même façon, interprétés comme des carences ou
des faiblesses de leadership. La place de l’Afrique dans l’économie mondiale
montre combien le leadership africain a été défaillant. L’histoire récente de
l’humanité montre comment les leaders africains ont été incapables d’enrichir
l’Afrique comparée aux autres continents du monde. Très souvent, les analystes se
sont focalisés sur les approches du développement et leurs critiques. En général, les
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élites africaines se demandent comment enrichir l’Afrique, la rendre prospère mais
très rarement elles se sont attardées sur ce qu’est la richesse elle-même. Qu’est-ce
donc que la richesse des nations ? Où donc se trouve la richesse de la nation ?
Comment se présente la richesse elle-même ? Telles sont les questions qu’il nous
faut avant tout aborder.
Dans un ouvrage publié en 2006 et intitulé « Where is the wealth of Nations? Measuring
capital for the 21st century” la Banque mondiale (voir http://sitersources.worldbank.org/INEEI/ ) aborde ces questions dans une perspective qui semble
révolutionnaire quant on connaît les méthodes traditionnelles de cette institution
internationale. La question revient à rechercher le sens de l’enrichissement des
nations. Si le leadership peut enrichir les nations, il importe avant savoir ce qu’est la
richesse elle-même. Quels sont les déterminants de la richesse ? Quels instruments
permettent d’agir sur ces déterminants ? Répondre à ces questions permet
automatiquement d’identifier des leviers d’action pour moduler le développement
durable ou pour s’échapper de la trappe à pauvreté durable.
III/ Les secrets de la richesse
Pour comprendre la richesse d’une personne ou d’un pays, il faut commencer par
distinguer l’argent de la richesse. Généralement quand on dit qu’une personne est
riche, cela se résume à notre mesure de la quantité d’argent qu’elle a. Mais, en fait,
les choses sont techniquement un peu plus compliquées. L’argent liquide que les
personnes détiennent se résume à leur porte-monnaie. Le porte-monnaie étant un
concept qui saisit l’argent liquide, les billets de banque et pièces métalliques qui
constituent alors la richesse. Mais au-delà de l’argent liquide, lorsque nous avons de
la quasi monnaie, c'est-à-dire de la monnaie qui n’est pas liquide mais que nous
pouvons, dans des délais très courts, transformer en argent, la richesse passe au
portefeuille. C’est le cas par exemple des fonds déposés sur les comptes d’épargne
et dans les coffres des banques et pour lesquels des titres de reconnaissances nous
sont remis. C’est le cas des actions que nous achetons pour participer à différentes
initiatives entrepreneuriales et des obligations que nous achetons auprès des
entreprises et des Etats lorsque nous leur prêtons nos fonds disponibles, et qui
rapportent intérêts et dividendes selon les options. Un portefeuille contient le
porte-monnaie plus des feuilles représentant les titres des autres actifs faciles à
convertir en argent.
La richesse se constitue pour un Etat ou pour un individu de son portefeuille,
auquel il faut ajouter tout son patrimoine non monétaire. Le patrimoine physique
bâti ou pas, mobile ou immobile, présent et futur et son capital social selon les taux
de rendement applicables à chacun de ses actifs.
La Banque Mondiale, pour mesurer la richesse des nations part, de cette conception
et commence d’abord par définir le patrimoine naturel des nations, désigné capital
naturel, puis elle distingue par la suite le capital produit et le capital intangible.
L’ensemble des trois types donnant le capital total pris comme richesse totale.
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Le capital naturel des nations est constitué par les richesses initiales que la nature
leur a donné sans qu’aucun travail ne les fabrique ou qu’aucune industrie ne les crée
en particulier. Entrent dans cette catégorie :
-les ressources énergétiques (pétrole, gaz naturel, charbon, lignite et autres
dotations non renouvelables du sol et du sous sol ;
-les ressources minières (bauxite, or, fer, nickel, diamant, phosphate, zinc…) ;
-les ressources forestières (bois) et qui sont renouvelables et celles qui sont
animales par exemple ;
-les terres agricoles ;
-les pâturages, les rivières et les fleuves ;
-les espaces naturels protégés.
Le capital produit, quant à lui, est constitué des machines et des infrastructures
construites, de même que les terres et espaces urbains aménagés pour l’habitat de
l’homme.
Les analystes de la Banque Mondiale se rendent alors compte que lorsqu’ils
additionnent le capital naturel et le capital produit par pays, ils n’épuisent pas pour
autant le capital total de la nation concernée. On découvre des pays avec un capital
naturel très élevé et un capital produit faible comparé à d’autres qui ont du capital
naturel faible mais du capital produit très élevé. La valeur qui vient équilibrer les
comptes se trouve dans la richesse intangible des nations.
Le capital intangible est cette partie de la richesse que l’on ne peut toucher car elle
est immatérielle. Il constitue la partie la plus importante de la richesse des nations et
se compose d’une part du capital humain et de l’autre de la qualité des institutions.
Il peut se déduire comme un résidu, c'est-à-dire la différence entre le capital total et
la somme du capital naturel et du capital produit. Mais le capital intangible peut
aussi se déterminer directement comme la valeur, entre autre, du capital humain et
de la qualité des institutions. Les institutions sont des systèmes durables de règles
sociales établies pour gouverner les interactions sociales. Elles peuvent avoir des
structures formelles comme les règles de droit, les lois et les constitutions. Mais
elles peuvent aussi se présenter sous un aspect informel regroupant des normes de
comportements coutumiers et traditionnels avec, à chaque fois, leur mode de
récompenses en cas de respect et de sanctions en cas de déviances.
Bien que le capital intangible ne soit comptabilisé nulle part, il se compose en partie
du fruit de la formation, de l’éducation et du savoir-faire acquis par les populations
de la nation. En outre, il faut y ajouter le capital social, c’est-à-dire la confiance qui
règne entre les différentes composantes de la nation et leur capacité à travailler
ensemble de façon coordonnée, avec un minimum d’effets pervers et de nuisances
individuelles et collectives, dans le but commun de s’enrichir. En plus, dans le
capital intangible il faut prendre en compte les données de la gouvernance qui, elles,
stimulent ou limitent la productivité globale de l’économie. L’idée que l’on décèle
derrière le rôle du capital intangible sert à reconnaître l’effet induit du système
judiciaire, du type, du mode et de régime de gouvernement, des méthodes de calcul
du consentement collectif et des droits de propriété dans l’activité sociale et sur
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l’agir humain. Dès lors, la qualité des institutions compte dans la richesse des
nations comme dans celle des familles et des individus. Certaines organisations
institutionnelles sont de nature à réduire l’accroissement de la richesse, d’autres au
contraire stimulent son amélioration.
Lorsque la justice est efficiente et que les droits de la propriété sont clairs et précis,
que les gouvernants et autres leaders doivent rendre compte de leur gestion, alors la
richesse intangible augmente et la richesse globale aussi. Dans les cas contraires,
lorsque le pays est mal gouverné ou pas gouverné du tout, lorsque le système
judiciaire est corrompu, mal équipé et incompétent ou lorsque les droits de
propriété sont flous et mal définis, alors le capital intangible se réduit et fait baisser
du même coup la richesse totale de la nation.
Le capital humain s’améliore avec le stock de capacités productives de l’économie
qui elles, sont influencées par les dépenses d’éducation en qualité et en quantité,
l’apprentissage et la formation continue, l’investissement dans le système de santé
et de nutrition. Dans les pays africains, le capital humain est très rentable car le
rendement de l’éducation est plus élevé dans les pays à faible revenu que dans les
autres pays. Le tableau qui suit (tableau 1) nous donne justement le rendement de
l’éducation par niveau de richesse des pays. Il présente le constat que le rendement
social qu’un dollar investi dans l’éducation primaire dans les pays pauvres rapporte
plus à ce pays que le même dollar dépensé dans le primaire dans un pays plus riche.
Donc l’effet de l’éducation dans les pays africains sur la richesse intangible est
effectif.
Tableau 1 : Rendement social de 1 $ investi dans l’éducation par niveau de richesse de groupes de
pays. (Extrait de « where is the wealth of nation… » (2006) Page 91 d’après les travaux de psacharopoulos et patrinos
(2004) voir http://siteresource.worldbank.org…
Groupes de Pays
Rendement social de l’investissement dans l’éducation
en %
Primaire
Secondaire
supérieure
Pays à haut niveau de revenu
13,4
10.3
9,5
Pays à niveau de revenu intermédiaire
18,8
12,9
11,3
Pays à bas niveau de revenu
21,3
15,7
11,2
Moyenne mondiale
18,9
13,1
10,8
Partout il apparaît qu’investir dans l’éducation rapporte aux nations. Comment
évoluera alors le capital intangible selon les modifications qui surviendront dans
l’une ou l’autre des composantes ?
Le tableau 2, extrait du document de la Banque Mondiale, présente les variations
subies par le capital intangible lorsque l’une ou l’autre des composantes varie d’une
unité selon que l’on est dans un pays riche ou dans un pays moins riche.
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Tableau 2 : Variation du capital intangible par groupes de pays, suite à un changement d’une
unité de ses composantes. Exprimée en $ par tête d’habitants. (Extrait de Banque Mondiale : (2006)
« where is the wealth of nation… » http://siteresource.worldbank.org…
Groupes de pays
Variation du rendement de Variation du rendement de la
l’école
qualité des institutions
Ensemble des pays de l’OCDE
16.430
2.973
Pays à revenu élevé
2.398
481
Pays à revenu intermédiaire
1721
362
Pays à revenu faible
838
111
Dans ce tableau nous voyons qu’un accroissement de la qualité des règles de droit,
une fois, dans un pays à faible revenu, peut rapporter au capital intangible 111 $ par
tête, là où les mêmes améliorations juridiques et institutionnelles au sein des pays de
l’OCDE rapportent à chaque fois en moyenne 2973 $ par tête d’habitants. On
remarque aussi qu’une durée de la scolarité d’une année rapporte au capital
intangible 838 $ par tête dans les pays à faible revenu alors que dans les pays de
l’OCDE le rapport est de 16.430 $ par tête d’habitants. Les montants les plus
faibles s’obtiennent toujours en Afrique et le défis du leadership serait de les
améliorer pour que la richesse prenne son envol.
Le défi qui attend le leadership est que celui-ci puisse être audacieux et se résoudre
à s’engager dans les réformes décisives qui vont améliorer les institutions et le
capital intangible très faible en Afrique. Le système éducatif rapporte peu aux
Africains comparé au reste du monde. Il faut l’améliorer en amplifiant les réformes
de l’école, de la formation et tout cela dans le respect des institutions qui souvent
sont inadaptées, dépassées ou bien sclérosées et contre-productives.
C’est seulement par les réformes et le respect du droit que le leadership africain sera
capable de fluidité politico économique susceptible de relever le défi que la
mondialisation lui lance.
Regardons ensemble le tableau 3 qui compare la distribution de la richesse
intangible dans un certain nombre de pays. Sources : Banque Mondiale
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Tableau 3 : Répartition des richesses naturelle, produite et intangible des pays africains
comparées à celles de certains pays de l’OCDE. (Extrait de « where is the wealth of
nation… ».http://siteresource.worldbank.org…
Tableau 3
Capital
Capital
Capital
Total
naturel$/tête
produit+Terre intangible/tête
capital/tête
urbaine
Burkina
1.219
821
3.047
5.087
Bénin
1.333
771
5.791
7.895
Cameroun
4.733
1.749
4.271
10.753
Cap Vert
711
3.902
28.329
32.942
Tchad
1.861
289
2.307
4.458
R D Congo
9.330
6.343
-12.158
3.516
Rci
3.121
997
10.125
14.243
Gabon
28.586
17.797
-3.215
43.168
Ghana
1.336
686
8.343
10.365
Guinée Bissau
1.858
549
1.566
3.974
Madagascar
1.681
395
2.944
5.020
Mali
2.157
621
2.463
5.241
Niger
1.975
286
1.434
3.695
Nigeria
4.040
667
-1.959
2.748
Sénégal
1.272
975
7.920
10.167
Afrique du Sud
3.400
7.270
48.959
59.629
Togo
915
800
5.394
7.109
Etat unis
Royaume unis
Suisse
Japon
Italie
Allemagne
France
Belgique
14.752
7.167
5.943
1.513
4.678
4.445
6.335
3.030
79.851
55.239
99.904
150.258
51.943
68.678
57.814
60.561
418.009
346.347
542.394
341.470
316.045
423.324
403.874
388.123
512.612
408.753
648.241
493.241
372.666
496.447
468.024
451.714
Ce tableau nous donne plusieurs leçons. Tirons-en quelques unes.
1.
Le document de la Banque Mondiale donne la distribution internationale du
capital intangible par tête d’habitants. Le capital intangible est faible en Afrique
comparé au reste du monde et l’échantillon donné le montre bien en partie. Les
défis sont là pour le leadership africain.
2.
Des pays comme la République Démocratique du Congo, le Gabon et le
Nigeria ont même du capital intangible négatif par tête d’habitants. Alors que ces
pays sont bien dotés en capital naturel, ils ont du capital intangible négatif lié, selon
le rapport, à des institutions de piètre qualité et un capital humain tout aussi faible
et inefficace. Les défis sont aussi là.
3.
Dans l’échantillon, seule l’Afrique du Sud a, avec le Cap-Vert, un capital
naturel plus faible que le capital produit. Partout ailleurs, la contribution de
l’exploitation du capital naturel est de très loin plus élevée que ce que rapporte le
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capital produit. Le capital produit est faible par tête d’habitants. Or c’est le capital
produit par tête qui, en réalité, importe dans les efforts productifs que font les pays
pour sortir de la trappe à pauvreté durable et entrer dans une dynamique de
développement durable. Les terres urbaines sont mal exploitées, mal organisées,
mal entretenues. Les industries ne correspondent pas aux normes compatibles avec
la mondialisation. Le système monétaire est défaillant et incapable de financer
l’investissement risqué. Le marché du travail est soit administré ou informel si non
inexistant.
4.
La Suisse avec 5943 $ a moins de capital naturel par tête que le Gabon (28
586 $), ou la RDC (9 330 $). Le Japon a moins de capital naturel que la Côte
d’Ivoire, le Mali, le Tchad ou la Guinée Bissau. La Belgique a moins de capital
naturel que la RDC ou le Nigeria. Et pourtant, le capital produit de la Belgique (6
0551 $) est presque aussi important que celui de l’ensemble des pays africains de
l’échantillon du tableau 3. Le Japon avec 150 258 $ par tête de capital produit
dispose de presque du double du montant total du capital produit par l’ensemble
des pays de l’échantillon. Le défi est là.
Le leadership africain doit immédiatement prendre les dispositions pour que cette
posture honteuse pour les élites africaines change au plus tôt. Est-il capable d’une
telle audace qui l’amènerait à choisir des principes permanents d’un leadership
inspiré et capable d’éclairer une vision qui apporte des solutions cohérentes et
rigoureuses à ces défis majeurs ? Si le Gabon (28 586 $) dépasse la France (6 335 $)
avec la donne du capital naturel, la comparaison tourne au ridicule quand on passe
au capital produit. Gabon (17 797 $) ; France (57 814 $).
Dans les pays riches membres de l’OCDE, le capital intangible est incomparable
avec le capital total des Africains, à plus forte raison à vouloir faire des
comparaisons avec le capital produit et le capital intangible. Les défis sont là.
La richesse ne provient pas en réalité du potentiel de capital naturel. Elle provient
d’abord de la qualité de la population et de celle des institutions. Il n’y a de
richesses que d’hommes disent les économistes. Les valeurs intangibles de
l’éducation et des institutions sont les principaux moteurs du capital intangible qui
lui-même est de très loin le premier composant de la richesse des nations. Le
tableau l’illustre bien. Le leadership en Afrique n’est pas encore arrivé à modifier de
façon décisive les leviers de la richesse des populations africaines malgré les
énormes ressources naturelles non renouvelables. Que se passera-t-il lorsque ces
ressources, dans deux ou trois siècles, auront disparu : puits de pétrole asséchés,
minerais épuisés, exploitation terminée, et ensuite ? Les leviers de la richesse des
nations se trouvent dans l’éducation et les institutions. Les cadres institutionnels
mis en place par les élites africaines depuis toujours n’ont jamais répondu aux
attentes des populations africaines. Rester dans la trappe à pauvreté n’est pourtant
pas une fatalité. Les voies pour s’en sortir existent. Il ne nous manque que le
courage de décider de notre entrée dans le monde des riches. Les élites se
renouvellent de génération en génération, mais ce changement se fait dans la
stabilité des habitudes d’inefficacité et parfois, il arrive même que les générations
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nouvelles soient de moins bonne qualité que les générations passées. Le défi du
leadership se trouve dans sa capacité d’adoption de méthodes institutionnelles qui
soient favorables à la richesse. L’entropie institutionnelle doit s’arrêter. Revendiquer
la démocratie ne suffit pas. Faire des élections ne suffit pas. Il faut changer de cadre
institutionnel et de modes de gouvernement et d’éducation afin qu’ils nous rendent
aptes à entrer dans la mondialisation.
5.
Lorsqu’un Africain quitte son pays pour émigrer en France, il accède
automatiquement au cadre institutionnel et éducatif d’un pays qui a un capital
intangible de 403 874 $ par tête comparé au capital intangible par tête du pays
d’origine, sachant que l’Afrique du Sud, qui est en tête du continent, n’a que 48 959
$ par tête. Le capital intangible des pays européens attire les Africains vers l’Europe
et les pays de l’OCDE. Le niveau et la force du capital intangible dans ces pays sont
un puissant facteur d’attraction, surtout que les élites africaines adoptent des
politiques qui fournissent un capital intangible de répulsion et d’exclusion des
populations dont elles proclament en principe qu’elles sont des leaders.
III - POURQUOI LE CAPITAL INTANGIBLE EST SI FAIBLE EN AFRIQUE ?
Heritage Foundation, think tank américain installé dans la ville de Washington vient
de publier, en collaboration avec le Wall Street Journal, un quotidien New yorkais,
l’indice de la liberté économique pour l’année 2008. Cet indice montre que les
scores en matière de liberté économique sont très faibles en Afrique. Le tableau 4
présente l’indice pour les pays Africains membres de l’échantillon. La liberté
économique que mesure cet indice est une évaluation de dix critères choisis et qui
reprennent de nombreux éléments de la richesse intangible.
Voir Index of Economic Freedom (htt://www.heritage.org/research/features/index/).
Ces critères sont :
01/ La liberté d’entreprise
02/ La liberté de commerce
03/ La liberté de pas être pressuré par les prélèvements obligatoires
04/ La liberté de contrôle de la taille du gouvernement
05/ La liberté d’avoir une monnaie indépendante
06/ La liberté pour l’investissement
07/ La liberté financière
08/ La liberté de protéger les droits de la propriété
09/ La liberté de s’émanciper de la corruption
10/ La liberté de contrat sur le marché du travail
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Tableau 4 : Indice de la liberté économique en Afrique noire. (Source: Index of
Economic Freedom (htt://www.heritage.org/research/features/index/)).
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Le rapport est très net sur l’appréciation de la situation : «L’Afrique sub-saharienne est
bien connue comme la région du monde la plus pauvre et la plus violente. Elle semble aussi être la
région du monde qui continue encore de dormir derrière le voile des cinquante dernières années du
siècle passé plutôt que d’avancer en terme de bien-être matériel pour ses populations.»
Le produit intérieur brut par tête d’habitant en Afrique, selon le rapport, n’est que
de 1 984 $, le plus faible du monde, et l’Afrique est pourtant la région du monde
qui reçoit le plus d’aide publique au développement, et qui est de surcroit la moins
peuplée du monde.
Entre 1995 et 2007, en moyenne, selon la Heritage Foundation, le score de
l’Afrique en matière de liberté économique est resté plus faible que dans toute autre
région du monde. La tendance pour l’Afrique, et cela depuis 2001 – 2002 est même,
au contraire, à la dégradation de ce score Comme le suggère le graphique1 ci
dessous.
Graphique1 : Evolution de la liberté économique
dans le temps en Afrique noire comparée à la
moyenne mondiale. (Source: Index of Economic Freedom
(htt://www.heritage.org/research/features/index/)).
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Dans le même rapport, il est établi clairement qu’il y a une relation croissante entre
la liberté économique et le produit intérieur brut (Pib) par tête en Afrique subsaharienne comme dans le reste du monde.
Graphique 2 : Relation entre Pib par tête et indice de
liberté économique en Afrique noire. (Source: Index of
Economic Freedom.
(htt://www.heritage.org/research/features/index/)).
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L’indice permet aussi de classer les pays africains des plus libres vers les moins
libres. La majorité des pays africains tombent dans la catégorie des pays non libres.
Plusieurs pays sont classés dans la catégorie des pays à liberté réprimée (pays
liberticide) et quelques uns seulement sont classés comme étant des pays modérément
libres comme le montre le graphique 3 ci-dessous.
Graphique 3 : répartition de pays d’Afrique noire selon leur degré de
liberté économique. (Source: Index of Economic Freedom
(htt://www.heritage.org/research/features/index/)).
La dispersion des pays autour de cette situation des pays non libres est très faible.
C’est donc dire que les pays sont donc regroupés autour de cette catégorie. Les pays
africains les plus libres, Ile Maurice et Botswana, sont classés respectivement à la
34ème et à la 35ème place au classement mondial. L’Afrique du Sud, le 3ème pays
d’Afrique le plus libre, arrive 52ème dans le classement mondial. En outre, on peut
remarquer dans ce rapport que parmi les 20 pays qui répriment le plus la liberté
dans le monde 8 sont situés en Afrique. Et cela à n’en point douter est le résultat du
leadership africain.
Evaluée relativement aux dix critères donnés par le rapport, l’Afrique subsaharienne a de piètres scores car elle n’arrive pas à se libérer de la corruption, à
préciser les droits de la propriété privée des populations face aux Etats, à libérer
l’investissement des tracasseries administratives, à libérer les structures de
financement de la production, et à promouvoir la liberté d’entreprise comme
l’illustre le graphique 4. Et le rapport de poursuivre « Il apparait que les pays d’Afrique
sub-saharienne ont été affligés par les plus mauvaises politiques de leurs anciens colonisateurs
européens, mais par aucune de leurs politiques de prospérité.» Les leaders africains se doivent
de méditer cette pensée.
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Graphique 4 : Performance globale des pays
d’Afrique noire selon les critères de la liberté
économique. (Source: Index of Economic Freedom
(htt://www.heritage.org/research/features/index/))
.
La liberté économique est une appréciation de l’autonomie des individus vis-à-vis
de l’Etat et des autres organisations plus ou moins prédatrices et liberticides.
L’individu libre est celui qui peut contrôler son travail et sa propriété. La liberté
économique est nécessaire à la liberté politique mais en soi, elle constitue une
valeur qui mérite d’être défendue, soutient également le même rapport. La liberté
économique se définit comme une absence de coercition contre l’action humaine
responsable et qui fait qu’elle est différente de l’anarchie dans laquelle tout serait
librement permis. La liberté économique contient toutes les libertés qui vont
déterminer la qualité des institutions et celle du capital produit.
La liberté d’entreprise mesure la capacité de créer, de gérer et de fermer son
entreprise sans qu’aucune barrière ne vienne la bloquer ou la restreindre. Quels
sont les procédures, les délais, les coûts et le capital minimum exigé pour créer une
affaire ? Même question pour l’obtention des autorisations (licences) et la gestion
quotidienne des affaires. La liberté de faire du commerce pose le problème des
barrières tarifaires et non tarifaires, des quotas et autres autorisations préalables des
administrations, du protectionnisme et des règles abusives imposées par certaines
unions commerciales et économiques. La liberté fiscale est la mesure quantitative
de la charge fiscale que l’Etat impose. La pression fiscale, la dispersion fiscale, les
produits fiscaux sont questionnés pour savoir en quoi ils encouragent l’acquisition
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du capital intangible. Le gouvernement qui prélève l’impôt devrait rendre compte
aux contribuables.
La taille du gouvernement mesure non seulement le montant des dépenses de
l’Etat, mais aussi la disponibilité des biens publics pour l’ensemble de la population
en qualité et en quantité compatibles avec les prélèvements obligatoires qui sont en
principe organisés par les élites étatiques. Les biens et les services publics sont-ils
fournis selon des critères justes d’équité et d’efficacité de la dépense publique ?
Concernant la liberté monétaire, les auteurs du rapport écrivent que « La liberté
monétaire est à l’économie de marché ce que la liberté de parole est à la démocratie. Les hommes
libres ont besoin d’une monnaie stable et fiable comme moyen d’échange et réserve de valeur. Sans
liberté monétaire, il est difficile de créer de la valeur sur la longue période. » Le leadership
africain qui préfère dans une large mesure la formule des «comptes d’opérations »
ou celle des banques centrales sous tutelle ministérielle devrait savoir qu’elles ne lui
offre que de la servitude ou de la bureaucratie monétaire.
La liberté financière dans un pays offre aux banques, aux assurances et aux activités
financières non bancaires les opportunités de création de produits financiers
adaptés aux besoins de la production. L’investissement risqué et les financements
longs sont-ils encouragés ou est ce seulement l’acquisition les biens de
consommation durable qui est financée ? Libérer les pays africains de la corruption
n’a pas besoin d’être longuement expliqué ici comme d’ailleurs la liberté des droits
de la propriété et la liberté d’investissement et du contrat de travail.
Pour chacune de ces libertés, un défi attend le leadership africain, mais pour
aborder ces défis, quelles doivent être les postures du leadership lui-même ? Quels
sont, au niveau de l’élite, les principes et les valeurs à observer pour se présenter
sans complexe devant ces défis ?
L’expérience du développement des cinquante dernières années nous aura donné
de mieux comprendre les échecs du leadership africain. Les secrets du capital étant
maintenant connus, dans quel état d’esprit le leadership devrait-il aborder ces
questions ? Comment l’élite peut-elle se transformer en leader ?
IV – LES VALEURS ET LES LEÇONS DU LEADERSHIP
Le leadership est un mélange de bravoure et d’humilité, d’audace et de capacité
d’anticipation. La conduite des affaires publiques ou privées exige du leadership
une capacité d’influencer de nombreuses personnes en leur offrant un but commun
à poursuivre, une direction à prendre ensemble et de bonnes raisons argumentées
qui les amènent à y adhérer en toute confiance quand la mission lui est confiée ou
la nécessité lui est imposée de travailler à l’amélioration de la situation collective de
l’organisation ou du pays. Le leader, pour être effectif, c’est-à-dire pour avoir de
l’effet, doit avoir confiance en lui-même et inspirer confiance aux autres. Ceux qui
se laissent diriger par lui doivent avoir réellement confiance en ses capacités, à son
caractère et à l’éthique qui fonde son engagement.
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Pour que cela soit, il convient qu’au commencement le leader lui-même se fasse
confiance et ait un caractère à toute épreuve et une moralité qui rassure. Les
personnes qui acceptent le leadership d’une autre doivent trouver en elle une source
d’inspiration pour la réflexion comme pour l’action et sentir sincèrement sa foi
comme étant inébranlable. Ceux que le leader inspire doivent juger ses décisions
comme crédibles, justes et efficaces. Même s’il est difficile de définir la subtilité du
leadership, il est facile de reconnaître un leader. Le leadership est en partie inné et
en partie cultivé par l’expérience que l’épreuve de la vie impose.
La partie innée n’est qu’une prédisposition car l’on ne naît pas leader, on le devient.
Le leader se forme au prix d’un labeur exigeant attendu de tous ceux qui veulent
atteindre des objectifs et des buts qu’ils jugent dignes d’être poursuivis. Le
leadership a donc des capacités, des qualités, des compétences qui le rendent
capable de conduire de façon efficiente les peuples ou les organisations vers le
succès. Les hommes, lorsqu’ils se laissent conduire, ne cherchent pas seulement un
rulership, un chef, un dirigeant, un conducteur, un patron. Ils veulent aussi et surtout
un leadership éprouvé.
Pour dégager les principes et règles de comportement de leader en Afrique,
prenons un exemple de leadership qui a été un succès. Prenons le cas remarquable
de George Washington, le premier Président des Etats-Unis d’Amérique (17891797). Washington a été commandeur en chef de l’armée américaine pendant la
guerre d’indépendance que les "rebelles" américains ont livré à l’armée la plus
puissante du monde de l’époque : l’armée britannique. Dans l’exercice de ses
fonctions comme dans sa vie de tous les jours, il a manifesté un leadership
d’exception, dit-on, avec une vision qui a profondément marqué l’histoire des
Etats-Unis. Il lui a été proposé dans le monde de 1789 de se faire introniser roi
après sa victoire contre la puissance coloniale. Il a refusé. Alors qu’il était considéré
par les Américains comme un grand héros en 1783, à la fin de la guerre
d’indépendance, il ne chercha pas à s’emparer du pouvoir. Lorsque les Etats
confédérés commencèrent, pendant les premières années d’indépendance, à se
quereller sur les questions de frontières, sur celles de l’utilisation des cours d’eau et
sur les problèmes de voisinage, c’est chez lui que se réunirent les facilitateurs et
autres médiateurs en 1785 pour faire la paix. Devant les difficultés et l’importance
des problèmes entre les Etats nouvellement indépendants, une convention se réunit
en 1787 à Philadelphie et elle est présidée par George Washington, qui donne aux
débats l’éclat de son prestige personnel. De cette convention, il sort une
constitution qui conduit à la première élection qu’il gagne et il commence son
premier mandat le 30 avril 1789, qui sera renouvelé en 1792. Contrairement à de
nombreux leaders charismatiques des indépendances africaines, Il refuse un
troisième mandat et respecte scrupuleusement les termes et dispositions de la
constitution que les Américains s’étaient librement donnée. Il passe pacifiquement
le pouvoir au deuxième président des Etats Unis : John Adams. Il se retire du
pouvoir et vit dans sa ferme du Mont Vernon où il meurt en décembre 1799 à l’âge
de 67ans. Après sa mort, George Washington est devenu encore plus grand dans le
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cœur des Américains, qui lui vouent un culte particulier issu d’un leadership
exceptionnel. L’encyclopédie universaliste raconte que des universités, des cours
d’eau, des montagnes, des comtés, des rues et des avenues, des villes (dont la
capitale fédérale) et des villages et même un Etat de la côte pacifique américaine
portent son illustre nom. Son anniversaire est la seule fête, avec la fête
d’indépendance, que tous les Etats de l’union célèbrent chaque année. (22 février
1732). Et Il est par ailleurs également immortalisé sur la monnaie américaine, sur les
pièces autant que sur les billets, non pas ceux de cent dollars mais sur ceux de un
dollar. Après sa mort. À méditer aussi.
Quels ont été les traits marquants du leadership américain des indépendances ?
Comment George Washington a–t-il été ce leader exceptionnel qu’il fallait
justement, à cette époque cruciale pour la jeune nation américaine ? Un ancien
directeur de l’association du Mont Vernon, James C. Rees et un écrivain, Stephen
Spignesi ont publié aux éditions John Wiley, en 2007, un ouvrage pour répondre,
selon eux, à la question de savoir quelles ont été les leçons de leadership que le père
fondateur des USA peut nous enseigner plus de deux siècles après sa mort. Le titre
de cette œuvre est tout un programme « George Washington’s Leadership Lessons: What
the father of our country can teach us about effective leadership and character ».
Les auteurs résument en quinze leçons ce que le leadership de Washington peut
nous enseigner.
1-le leader a une vision claire
2- le leader est honnête
3- le leader est ambitieux
4- le leader est courageux
5- le leader est discipliné et sait se maîtriser (self control)
6- le leader sait prendre ses responsabilités quand il le faut
7- le leader est toujours déterminé
8- le leader a une forte éthique opérationnelle
9- le leader a un bon jugement
10- le leader sait tirer les leçons de ses erreurs
11- le leader est humble
12- le leader fait de la Recherche-Développement
13- le leader soigne sa présentation
14- le leader sait anticiper les attentes
15- le leader a foi en ce qu’il fait et en les autres
Les élites africaines peuvent simplement s’inspirer des leçons de George
Washington. Cependant, on peut dire que le premier président américain est un
mythe de l’histoire de son pays et que son type de leadership n’est pas à la portée de
tous et ne peut intéresser que ceux qui aspirent à gouverner des Etats et à bâtir des
nations prospères, durables et paisibles. Il existe toutefois dans les business schools,
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des enseignements en matière de leadership. Les professeurs de management
enseignent dans les grandes universités du monde les principes du leadership.
Parmi eux Scott Snair, qui est un Leading Business Consultant et ancien étudiant de la
fameuse école militaire de West Point située sur la rive gauche de l’Hudson au nord
de New York et créée en 1802 dans le but de former des jeunes officiers des
armées de terre et de l’air des USA. Snair a publié en 2004 un livre qui présente les
leçons de leadership que l’on peut tirer de la formation à West Point. Certes West
Point est une académie militaire dira t’on, mais même si nombre de ses diplômés
sont connus pour avoir été de grand soldats américains dont le leadership n’est pas
contesté, plusieurs de ses diplômés sont des leaders ailleurs dans la vie économique
et sociale.
Parmi les grands généraux américains, on peut citer pêle-mêle Ulysse S. Grant,
Robert E. Lee, Dwight D. Eisenhower, Douglas Mc Arthur, Norman Schwarzkopf,
George S. Patton. Cependant, de nombreux élèves de West Point travaillent en
dehors de l’armée et font montre d’un leadership remarquable qui ne leur fait pas
seulement gagner des guerres pour leur pays, mais qui va aussi contribuer à bâtir
une nation puissante, prospère et stable.
Les élèves de West Point devenus de grands leaders ont par exemple construit des
autoroutes entre les Etats de la Fédération (Francis Greene). Ils ont bâti le système
de chemin de fer de New York (Horace Porter). Ils ont servi les présidents de leur
pays (Jefferson Davis, Ulysse S Grant, D D Eisenhower). D’autres ont voyagé dans
l’espace, c’est le cas de Franck Borman, Buzz Aldrin, Michael Colins). Certains ont
présidé de grandes compagnies multinationales comme John Hayes chez Coca-Cola
et Marshall Larsen chez Goodrich). D’autres encore ont révolutionné la
technologie et le business lui-même comme Jim Kimsey de AOL. Plusieurs autres
exemples existent qui pourraient inspirer le leadership africain. Quelle philosophie
peut-on extraire de la formation de cette école d’élite qu’est West Point?
Scott Snair nous propose une dizaine de principes de base qui forgent le caractère,
la personnalité et impriment la force du leadership dans les élèves de West Point.
Leçon 1: Le devoir est au-dessus de tout et le leader se donne une conviction peu
ordinaire de la responsabilité qu’il a.
Leçons 2 : L’honneur, qui permet à tout instant de la vie de suivre un code de
bonne conduite : ne pas mentir, ne pas tricher, ne pas voler ou tolérer ceux qui le
font.
Leçon 3 : La nation, qui implique pour le leader qu’il se sente soumis à quelque
chose de plus grand que lui. Personne n’est au dessus du droit qui est le ciment qui
soude la nation. Le leader se dévoue à cette nation et lui reste loyal.
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Leçon 4 : La mission, à laquelle le leader doit se consacrer entièrement. Il doit
comprendre clairement sa mission, la vivre et en faire la promotion auprès de ceux
qu’il conduit et leur faire assumer à chacun d’eux leurs responsabilités.
Leçon 5 : La perspicacité qui offre aux leaders l’occasion de traiter ceux qui sont
affectés aux différentes tâches de la mission comme s’ils étaient plus importants
que lui-même pour la cause, avec la conviction qu’ils le sont effectivement.
Leçon 6 : L’exécution qui permet au leader de laisser ses actions le définir et
influencer la perception que les autres ont de lui. Le leader doit donner partout et
toujours l’exemple.
Leçon 7 : Une stratégie intelligente que le leader adopte en tenant compte des
subtilités de l’environnement et avec une bonne tactique et du bon timing.
Leçon 8 : Par sa compétence, le leader s’efforce d’être un expert dans ce qu’il sait
faire le mieux. Il partage ses connaissances et ne vit pas la compétence comme la
définition d’un domaine (les compétences du Ministère) mais comme sa capacité à
résoudre les problèmes et à exercer effectivement la mission.
Leçon 9 : La loyauté. Pour le leader, une fois les objectifs, les méthodes et les
instruments de l’action définis il faut s’y conformer strictement, sans à peu près,
sans se trahir, sans trahir les autres et sans trahir la cause et la mission car pour le
leader les autres comptent beaucoup plus que lui-même.
Leçon 10 : La maîtrise et le contrôle du changement. Les habitudes et les pratiques
quotidiennes finissent par imposer des routines et rendre le changement
inéluctable. Le changement est un autre nom du progrès, de la croissance et du
développement. Le leader doit être capable de rassurer ceux qui ont peur du
changement et qui lui résistent. Il doit inspirer la confiance et le courage et donner
l’assurance aux autres que le progrès peut être anticipé, maîtrisé, organisé.
V- CONCLUSION
Dans cette communication, nous avons voulu comprendre comment fonctionnait
la mondialisation. Il nous est apparu qu’elle était faite essentiellement de
compétitions entre pays qui aspirent tous à devenir riches. Nous avons accepté
l’idée que cette compétition entre pays était en réalité une compétition entre les
décideurs de chacun des pays. Les élites et les leaders sont en compétition à travers
la globalisation. Et cette perspective engage donc le leadership dans des défis plus
ou moins difficiles. Nous avons repositionné le débat sur le leadership africain dans
la construction des nations. Pour réussir dans cette compétition mondiale, il faut
pouvoir enrichir son pays et ses populations dans un monde ouvert. Mais alors
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qu’est-ce que la richesse ? Nous avons accepté que la richesse d’une nation ne soit
pas déterminée principalement par les ressources naturelles et les ressources en
capital produit et construit. Le capital intangible a été présenté comme le principal
déterminant, le plus décisif de la richesse globale des nations.
Le capital intangible a plusieurs déterminants, nous en avons retenu deux, le capital
humain (formation, santé…) et la qualité des institutions qui se sont révélés avoir
des effets d’amplification plus forts sur la richesse intangible et la richesse totale.
Le principal défi pour le leadership serait de se pencher plus sur les questions que
pose le capital intangible si l’Afrique doit compter sur ses élites pour s’enrichir.
Mais pour cela il nous fallait identifier les leviers et instruments qui influencent le
capital humain et les institutions. Cette question trouve réponses dans l’analyse que
nous faisons de l’indice de la liberté économique qui nous reprécise le travail qui
attend le leadership en matière de capital intangible. Puis vient alors la question du
leader lui-même. Comment faire pour lui imprimer un caractère à toute épreuve et
une éthique irréprochable tout en inspirant les autres ?
Pour répondre à cette dernière question, nous avons tiré les leçons du leadership
exceptionnel du premier Président des Etats-Unis d’Amérique G Washington en
vue de mettre à la disposition du leadership africain un modèle de bravoure,
d’humilité, d’audace et de capacité d’anticipation intelligente. Construire une Nation
en sortant d’une période coloniale peut se faire mais pour cela non seulement il faut
des modèles mais de surcroît il faut comprendre les principes du leadership. Ces
principes nous les avons puisés dans les leçons de leadership que donne la
formation à l’école militaire de West Point aux Etats-Unis. Ces principes simples
s’agencent autour d’idées toutes aussi simples que nous avons rappelées.
La mondialisation est une course à l’enrichissement des nations dans laquelle tous
les participants peuvent gagner à condition que le leadership de chaque pays
s’adapte aux conditions de la concurrence globale. Le discours soutient que, plus les
leaders des pays démantèlent les politiques abusives de régulation sociale et les
autres barrières à la liberté de l’entreprise et du citoyen plus la croissance se
manifeste avec d’avantage de prospérité pour les populations.
Le fait d’avoir été colonisé ne demeure une tare séculaire qu’à la seule condition
que le leadership refuse l’abandon des vestiges institutionnels de la colonisation.
Hong Kong est classé depuis 14 ans comme le premier pays libre économiquement.
Et Singapour une ancienne colonie britannique, elle aussi, est bien classée selon
l’indice, de même que l’Australie et les Etats-Unis.
La liberté rend les économies et les pays plus prospères et les populations plus
riches et plus heureuses. Les élites africaines doivent le savoir et engager leur
leadership dans cette voie. Le devoir n’est rien sans conviction. La vision n’est rien
sans ambition. La détermination n’est rien sans courage et l’exécution ne sert à rien
sans compétence.
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