rapport de stage et resume

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rapport de stage et resume
Réseau Européen de Formation Judiciaire
European Judicial Training Network
Avec le soutien de l’Union européenne
With the support of the European Union
RAPPORT DE STAGE ET RESUME
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Identification du participant
Nom:
Prénom:
Nationalité : Française
Fonctions: Vice Présidente tribunal pour Enfants Nantes
Ancienneté: 19ans
Identification du stage
Juridiction/institution d’accueil: Juzgado de menores de Huelva
Ville: HUELVA
Pays: España
Dates du stage: 7 mars au 19mars 2010
Type de stage:
XXX
stage individuel
stage de groupe
stage généraliste
stage spécialisé (précisez :
)
Autorisation de publication
Je soussignée autorise la publication de ce rapport et/ou résumé sur le site internet du Réseau Européen de
Formation Judiciaire.
A Nantes
Le 4 avril 2010
Signature
Réseau Européen de Formation Judiciaire/European Judicial Training Network (aisbl)
Rue du Luxembourg 16B, B-1000 Bruxelles; Tel: +32 2 280 22 42; Fax: + 32 2 280 22 36;
E-mail: [email protected]
RAPPORT
En accord avec la collègue qui me recevait sur le tribunal pour Enfants de Huelva, j’ai effectué
une partie de mon stage à Huelva au tribunal pour enfants et la seconde partie au tribunal de la famille de
Séville.
En effet le juge des enfants espagnol n’a dorénavant qu’une compétence pénale et n’a donc pas de
compétence en matière de protection de l’enfance contrairement au juge des enfants français. Il me
paraissait intéressant de participer à des audiences pour ces deux types de compétence. Le tribunal de la
famille de Huelva, ne pouvait me recevoir et je suis donc allée, la seconde semaine de mon stage à
Sevilla.
J’ai ainsi pu non seulement visiter mais aussi m’entretenir avec les collègues juges (des enfants et
de la famille) mais aussi les procureurs de ces deux tribunaux et le greffe. Sur deux journées entières j’ai
aussi pu visiter deux centres de détention de mineurs très différents dans la pratique, l’esprit et le
règlement, ceux de Cadix (Bahia de Cadix) l’un pour les garçons et l’autre pour les filles mais aussi la
seconde semaine le centre de la fondation diagrama de Grenada.
L’aspect général des tribunaux des mineurs ou de la famille est beaucoup moins solennel qu’en
France. S’il existe des portiques de sécurité et des policiers à l’entrée, ils étaient tous deux situés dans des
bâtiments « civils ».
S’agissant du tribunal pour Enfants de Huelva, il est situé de façon indépendante aux autres
juridictions et regroupe en son sein le cabinet du juge, le greffe, le service éducatif et le parquet des
mineurs. Le tribunal de la famille est lui aussi situé dans un immeuble du quartier des affaires de Séville,
d’autres immeubles à proximité hébergent la médecine légale (les légistes sont directement attachés au
tribunal) le civil etc.
Que ce soit le tribunal pour Enfants ou le tribunal de la famille, ils sont tous deux des juridictions
de première instance et les bâtiments sont en fait mis à la disposition par la région d’Andalousie ( Junta de
Andalucia).D’ailleurs seuls les magistrats sont un corps de l’Etat Espagnol, le greffe, personnel éducatif
etc sont des agents territoriaux dépendant et étant payés par la Région.
Les bâtiments me sont parus moins solennels, le déroulement des audiences aussi bien que la
disposition matérielle et géographique dans la salle d’audience soit identique. (Sauf en ce qui concerne les
audiences dans la protection de l’enfance puisque le juge français reçoit dans son cabinet ce qui donne
une proximité plus importante, mais il s’agit en Espagne d’une procédure qui s’apparente à un appel )
Mon stage s’est articulé autour d’audiences, de consultation de dossiers, mais aussi de visites de
centres de détention pour mineurs avec des entretiens avec les jeunes incarcérés.
J’ai pu avoir des conversations particulièrement intéressantes avec mes collègues espagnoles mais
aussi avec les procureurs chargés des mineurs sans oublier le greffe et le personnel de direction et éducatif
des centres visités.
Pour certains jeunes, j’ai ainsi pu lire et examiner leurs dossiers, les rencontrer en centre de
détention, alors que le juge des enfants effectuait ainsi une visite de contrôle du centre de Cadix (afana )
et assister à leur audience de jugement.
J’ai toutefois été surprise de voir la différence pouvant exister selon ces centres. En effet, le centre
de Cadix m’est apparu un peu vétuste concernant les garçons, voire très fermé dans le règlement
notamment concernant les filles. Même les jeunes sous le régime semi-ouvert ne sortaient pas à défaut de
d’offre de stage ou formation actuellement sur la région, alors que tous ceux du centre de Grenade avaient
une formation en interne pour commencer puis à l’extérieur quand ils accédaient au régime semi-ouvert.
Ils étaient alors à Grenade beaucoup plus autonomes et se déplaçant par leur propres moyens ce qui
permet aussi de tester leur maturité et appréhension de la loi. Il est vrai que le centre de Grenade était
situé à proximité de transports en communs contrairement à celui de Cadix.
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J’ai été un peu surprise de me rendre compte que dans le centre de Cadix, les jeunes en détention
ne portaient pas leurs vêtements personnels, certes ce n’étaient pas des uniformes au sens strict mais la
convention des droits de l’enfant prohibe ces pratiques me semble-t-il. D’ailleurs tel n’était pas le cas
dans le centre de Grenade.
Chose étonnante pour un français, le personnel de surveillance est un personnel d’entreprises
privées de surveillance. Mais en tout état de cause ce personnel est effectivement présent dans les centres
mais il est beaucoup moins nombreux que le nombre d’éducateurs, formateurs, psychologues etc. ce qui
est aussi un signe du but d’insertion et éducatif recherché.
La prise en charge différentes des mineurs dans les centres de détention, basée essentiellement sur
l’éducatif , l’insertion professionnelle et l’aide à la réflexion sur les actes posés et le respect de la loi ,
certes dans un contexte de privation de liberté, m’est apparu particulièrement intéressante. J’ai été
fortement impressionnée par le centre de Grenade (Diagrama), je l’ai visité, ai vu les jeunes travailler
notamment dans les espaces verts avec des outils pouvant se transformer en armes éventuelles, mais dans
un climat particulièrement serein alors que des jeunes y purgeaient de longues peines vraisemblablement
pour des actes graves. Le respect mutuel était de mise ainsi que la volonté réellement éducative du
personnel.
Cela pourrait être aisément et particulièrement intéressant que ce type de fonctionnement soit
transplanté dans d’autres pays et notamment en France même si les établissements pour mineurs actuels
ou certains centre fermés tendent à s’en approcher.
Le contenu des dossiers pénaux des mineurs ne m’a pas paru très différents de celui des mineurs
français quant au fond et à la procédure, mais avec toutefois des éléments de personnalité assez fouillés
en lien avec le service éducatif attaché au tribunal pour enfants .Ce service a pour mission d’effectuer non
seulement une sorte d’enquête sociale rapide du jeune mais avec à chaque fois, un bilan psychologique .Je
n’ai pu assister à ce type d’entretien en l’absence de présentation de mineurs délinquants pendant ma
semaine de stage. Ils exercent aussi les mesures de liberté surveillée (à ne pas confondre avec le faux ami
de « libertad vigilada » qui fonctionne plutôt comme une sursis mise à l’épreuve français puisqu’il y a la
possibilité de voire transformer la peine de libertad vigilada en détention.)
Si l’age de la responsabilité pénale est fixé à 14 ans, c’est aussi à partir de cet age que les mineurs
peuvent être détenus même en détention provisoire. J’ai été impressionnée par le nombre de mineurs
détenus même des primo-délinquants pour des faits délictuels. Il est vrai que s’il existe des sortes de
foyers pour mineurs, il n’existe peu de mesures alternatives à la détention. Il faut aussi relativiser car les
centres de détention pour mineurs délinquants ne sont pas des prisons mais ce qu’ils appellent des «
centros de internamiento « où l’éducatif a une très large place .
Le juge des enfants espagnol siège en audience de cabinet mais aussi en audience du tribunal pour
enfants mais il s’agit toujours d’audience à juge unique. Les audiences de cabinet sont essentiellement des
audiences de comparution aux fins de révision de mesures et mises au point ; les audiences de jugement
au sens strict ayant lieu dans une salle d’audience et en présence non seulement du parquet, du greffier,
des éducateurs et avocats mais aussi de l’administration à savoir la Région qui sera chargée de la mise en
place des peines quant à la disponibilité des places notamment.
Au cours de l’audience de jugement à laquelle j’ai assisté, tous les dossiers ont fait l’objet d’une
procédure sur reconnaissance préalable de culpabilité. De fait, l’accord préalable entre le mineur , son
avocat et le procureur sur la peine permet ou empêche le juge de se pencher sur une appréciation des
faits et leur déroulement dans le contexte particulier qui est le sien. J’ai ainsi été particulièrement
sensible au nombre de procédures pour violences familiales, les mineurs étant les auteurs de coups sur
leurs parents. Certes le contexte de drogue existait presque à chaque fois (l’océan atlantique et l’Afrique
et la frontière avec le Portugal sont en limite de la province de Huelva) mais les difficultés éducatives
existant au sein de la famille était de fait ou en raison de ce type de procédure pas abordés et la place des
parents extrêmement limitée au cours de l’audience, pourtant ce type de délits m’apparaît être directement
lié à une problématique familiale. Même si le juge a la possibilité d’aménager la peine ayant fait l’objet
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d’un accord, cela est un peu surprenant. En effet, ce type de procédure n’existe pas en droit français pour
les mineurs mais a parfois été évoqué ; la rapidité de cette procédure ne me parait pas être dans l’esprit
actuel de la loi française relative à l’enfance délinquante.
Dans le cadre de l’application de la peine, il existe un formalisme moindre et le juge est absent des
allégements vers une semi-liberté et placement en foyer. Seuls les durcissements de la peine font l’objet
d’une audience avec décision judiciaire.
Le fonctionnement du juge de la famille lorsqu’il statue en matière de protection de l’enfance est
très différent du système français. Non pas en raison du fait que cela soit le juge de la famille et non le
juge des enfants qui statue ( certains magistrats espagnols le regrettent puisque bon nombre de mineurs
sont connus des deux juridictions) mais en raison du fonctionnement et de la compétence elle-même . En
effet, le juge n’intervient en la matière que comme instance d’appel de la décision prise par
l’administration de la région. Cela pourrait paraître peu éloigné mais dans les faits, cela entraîne des
différences importantes puisque outre le délai d’audience et d’instruction de l’affaire, l’administration ne
rend pas sa décision de placement (notamment) immédiatement.
Dans une procédure à laquelle j’ai assisté, la famille, qui s’opposait au placement, n’a été
destinataire de l’acte administratif de placement que 9 mois après le retrait de l’enfant de sa famille ; or la
famille ne peut pas saisir le juge de la famille sans cet acte. L’affaire n’a donc été plaidée que dix huit
mois après le retrait de l’enfant (ce qui était un délai court !). Mais l’enfant était jeune et dix huit mois en
foyer ne sont pas anodins, surtout lorsque le retrait et le placement de l’enfant sont injustifiés ce qui était
le cas en l’espèce et la décision du juge.
De surcroît cela a, à mon sens, une grande importance par rapport aux droits des titulaires de
l’autorité parentale et même aux droits de l’enfant.
La collègue juge de la famille, consciente de la gravité de certaines situations et aussi de la
nécessaire célérité en la matière, a fait accélérer ce type de procédure en les audiençant en urgence de
façon systématique lorsqu’un placement est en cours, elle a ainsi réduit de façon très notable les délais,
mais elle est aussi compétente pour les divorces, séparations, tutelles etc …
Nous avons pu échanger librement sur ces différents points liés à la protection de l’enfance mais
aussi du statut des majeurs sous tutelles etc en comparant nos droits aujourd’hui alors qu’en fait à la base,
le même code existait (le code Napoléon)
En dehors de mes discussions de droit comparé, je n’ai pas eu l’occasion de voir des applications
de droit communautaire. J’ai par contre vu l’application de certaines normes de droit international
(reprises en droit européen) par rapport aux mineurs étrangers et isolés. Ils sont nombreux en Andalousie
et notamment dans la région de Huelva compte tenu de la proximité de l’Afrique. L’age de ces « mineurs
« fait l’objet d’expertises médicales pas toujours fiables mais dans le doute le droit des mineurs (loi
pénale plus douce) doit s’appliquer. La sortie de détention de ces mineurs sans papier et sans
régularisation pose des difficultés d’application. Comment leur faire bénéficier de peines telles que la
liberté surveillée ou le sursis mise à l’épreuve dans cette situation.
Quoiqu’il en soit la comparaison des systèmes français et espagnol de justice des mineurs ou de
protection des mineurs est particulièrement enrichissante. Certaines difficultés d’application sont
identiques et les divergences juridiques ou de prise en charge permettent d’apprécier la complémentarité
qui pourrait exister.
Cette expérience a été extrêmement positive. Humainement puisque j’ai été accueillie avec une
grande hospitalité, de façon très chaleureuse mais aussi professionnellement car j’ai rencontré des
personnes intéressantes et impliquées. Il est intéressant de voir que des réponses juridiques et éducatives
différentes sont aussi liées à une histoire, un contexte socio économique ….
Même si cela parait
évident c’est sociologiquement intéressant d’y être confronté mais les différences sont en fait avec
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l’Espagne peu importantes il me semble si ce n’est la pratique. Les Principes de droit, ou philosophie de
la loi, en matière de justice des mineurs et en matière de protection de l’enfance sont en général
identiques mais les applications divergent.
Ce type de stage permet un recul par rapport à sa propre pratique et induit aussi une réflexion
critique, dans l’acception positive du terme, ce qui me parait devoir être un rappel essentiel à notre
fonction. En effet, outre l’intérêt sociologique, géographique, juridique et éducatif voire même
touristique et historique, l’intérêt de ce type de stage est aussi de nous obliger à réfléchir sur nos
pratiques, tenter de les transposer et partager des expériences différentes pouvant aboutir à des
constructions positives dans un contexte européen alors qu’il importe de se connaître.
RESUME
J’ai effectué mon stage selon deux axes principaux à savoir auprès d’une juge des enfants (
Huelva) qui n’a qu’une compétence pénale en Espagne et auprès d’un juge de la famille ( Sévilla) qui
outre une compétence qui comprend la compétence du juge aux affaires familiales français est compétent
concernant la protection de l’enfance.
La procédure pénale devant le juge des enfants espagnol est certes différente de la procédure
française mais dans le fond, il n’existe pas de divergence de principe par contre la prise en charge des
mineurs est distincte.
La fonction judiciaire en matière de protection de l’enfance est par contre très différente en
Espagne, non pas parce que cela relève de la compétence du juge de la famille même si cela a un impact
dans la mesure ou l’importance du contentieux traité a une incidence non négligeable, mais parce que le
juge n’intervient qu’en appel en quelque sorte, des décisions prises par l’administration (de la région en
l’espèce). Ainsi même face à une famille refusant un placement, un enfant peut être retiré et l’audience
devant le juge n’aura lieu que des mois plus tard alors que le placement est effectif des le départ et avant
même que l’acte administratif ne soit notifié . Cela m’est apparu très différent notamment quant aux
droits des titulaires de l’autorité parentale.
Outre l’intérêt sociologique, géographique, juridique et éducatif, l’intérêt de ce type de stage est
aussi de nous obliger à réfléchir sur nos pratiques, tenter de les transposer et partager des expériences
différentes pouvant aboutir à des constructions positives
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