Voyage initiatique en Espagne - Gen

Transcription

Voyage initiatique en Espagne - Gen
témoignage
Voyage initiatique en Espagne :
recherches généalogiques et souvenirs d’antan
C’est lors d’un voyage en Espagne que Valérie Franco-Courtillet, accompagnée de son père,
Étienne Franco, a pu s’adonner aux recherches généalogiques en commençant par se rendre
à la ville de LORCA (Province de Murcia) d’où sont originaires son grand-père paternel et la
branche des FRANCO. Et très vite sur place, ils se rendent au « Registro civil » (administration
qui dépend du Ministère de la Justice) de Lorca pour réclamer la copie d’un acte d’état civil.
Or, curieusement, il n’apparaît aucune naissance du grand-père, Pierre FRANCO MARTINEZ,
en date du 21 mars 1906, ni même de ses frères et sœurs, ni de ses parents, pourtant nés et
mariés à Lorca. À l’époque, pourtant, les gens devaient déclarer les naissances et mariages au
« Registro civil ». Seuls documents trouvés, les actes de décès de sa mère, Catalina MARTINEZ
PEREZ, décédée le 4 février 1912 en Espagne, avant le départ de la famille en France, et le petit
Juan Antonio, mort à l’âge de trois ans, quelques mois avant sa mère.
Par Étienne Franco
S
on arrière-grand-père, Martin FRANCO GARCIA, né le
6 août 1869 à Lorca, s’est tout d’abord embarqué en
décembre 1911 pour l’Argentine en tant que cuisinier
sur un bateau. Le voyage à l’époque durait deux mois,
et à son arrivée, il apprit que sa femme venait de mourir de la
tuberculose, âgée de 32 ans. Il décida aussitôt de repartir en
Espagne pour s’occuper de ses cinq enfants, qui entre-temps,
avaient été placés dans un orphelinat. Sans emploi, et à une année
où le pays souffrait d’une grande sécheresse, il travailla dans un
hôtel avec son frère, puis, à l’époque où la France faisait appel à
la main-d’œuvre étrangère, il signa un contrat avec les verreries
de Rive-de-Gier, dans la Loire, et arriva dans cette cité industrielle
en juin 1915 avec trois enfants. L’aîné, Martin, âgé de 22 ans,
resta en Espagne, et partit tenter sa chance à Barcelone, ville
d’avenir où il exerça plusieurs petits boulots comme mannequin.
Il s’y maria et fonda un foyer. C’est dans l’église paroissiale de
San Cristobal dans le quartier portant le même nom à Lorca que
Valérie et Étienne se rendirent. Ils apprirent que l’église avait été
détruite durant la guerre civile de 1936-1939 et fut reconstruite dans
le style rococo. La déception fut grande lorsqu’ils surent que les
archives paroissiales avaient péri lors de l’incendie. Aucun espoir
de trouver la trace de l’acte de baptême du grand-père de Valérie.
Ainsi bredouilles à Lorca, ils prirent le chemin de CARTAGENA,
située dans la même province de Murcia, pour rechercher l’acte
de naissance de la grand-mère, Maria LOPEZ ROJO, née le 28
décembre 1908 à Santa Lucia, un quartier populaire de la ville.
Elle était la fille d’un gardien de cimetière, Esteban. Et avec plus de
chance qu’à Lorca, l’acte de naissance de la grand-mère était bien
conservé au « Registro civil ». Comme à Lorca, l’église paroissiale
où a été baptisée la grand-mère avait été détruite pendant la guerre
civile puis reconstruite. Les archives paroissiales n’existaient plus,
sinon une ébauche de reconstitution.
« Abuela abuelita »
(Grand-mère petite grand-mère)
À la demande de Valérie, Étienne Franco, son père, âgé de 68 ans,
retraité de la banque, a pris la plume pour raconter l’histoire de la
famille, avec pour souhait de préserver du temps et de l’oubli des
souvenirs qu’il a rassemblés et qu’il retrace par l’écrit. Étienne, témoin
et
Paul Povoas
La famille Franco en 1911 –
En l’absence du père, Martin,
parti la même année pour
l’Argentine, on y aperçoit
au centre Catalina Martinez
Perez, sa femme, décédée la
même année, à ses pieds le
petit Juan Antonio, 2 ans,
décédé de la tuberculose.
Assise à droite, Damiana,
13 ans, et de l’autre côté,
Ginès, 11 ans, et Pedro,
debout, 5 ans. Debout en
arrière-plan, une belle-sœur
restée en Espagne, et Martin,
18 ans, installé à Barcelone,
qu’il quitte après les décès
de sa femme et de ses deux
enfants vers 1923-1925,
pour aller vivre en France
de 1930 à 1935. Il disparaît
en 1936 pendant la Guerre
d’Espagne. Coll. privée.
de la vie, prévoit d’écrire une chronique familiale, dont nous découvrons
ici une partie, véritable témoignage d’amour et de respect pour sa
propre grand-mère, son « abuela ». Ainsi, Étienne, lui-même grandpère, rend un hommage poignant chargé d’émotion envers cette
femme, son « abuelita ».
Hommage à Catalina Rojo Torres, née le 7 mars 1875 à
Cehegín (Esp.), décédée à Rive-de-Gier (France, 42) le 26
avril 1961
Le gris et le noir étaient vos couleurs préférées ou peut-être aussi
celles que vos filles avaient décidé de choisir pour vous.
Votre Généalogie - 19
Nos mémoires d’enfant sont naturellement
limpides et je vous vois, là, devant moi, assise
dans ce fauteuil en osier tressé, avec pour
décor la manta protégeant tout à la fois
le siège et les agressions de l’osier. Votre
personnage ressemblait à une apparition.
Nous nous approchions, toujours timidement,
car il fallait d’abord vous tendre les mains afin
qu’en les pressant, vous puissiez reconnaître
l’enfant. C’était un moment très particulier car
vos mains détenaient un pouvoir, le pouvoir
de guérir. Ces mains étaient d’une blancheur
diaphane, la peau douce et transparente laissait
apparaître un réseau de fils bleus, les ongles
étaient toujours d’un rose léger. Des mains qui
ne ressemblaient à aucune autre car rien ne
les agressait. Nous vivions dans un monde de
labeur et de sacrifices, les femmes s’activaient
autour des lessives, des ménages, des enfants
et souvent, pour le compte des autres. Nous
ne connaissions que la caresse d’une main
maternelle, trop souvent râpée par tous ces
ouvrages. Alors, vos mains devenaient un nid
de douceur et, c’est avec toujours beaucoup
de bonheur que nous vous les abandonnions.
Il fallait, malgré tout, vous embrasser et là,
les choses se compliquaient un peu. Votre
odeur, masquée par l’Eau de Cologne, nous
semblait incroyablement étrangère et nous
devions plonger nos têtes brunes dans les
creux de deux joues ridées, encadrant un nez
aquilin qui, de sa pointe, allait à la rencontre du
menton. Il faut comprendre, que notre Abuela
n’avait plus de dents et il était impossible
de voir un dentiste. Sa bouche s’enfonçait
sans que ce soit effrayant, et le bas de son
visage était cerné par un double menton
généreux. Et, chère grand-mère, il restait
quelque chose de très fort dont vous n’aviez
jamais soupçonné la puissance : VOTRE
REGARD. Deux yeux blancs à force d’être
bleus, enfoncés légèrement dans les orbites,
presque immobiles : vous étiez AVEUGLE
depuis plus de vingt ans ! Cette misère était
la suite d’une succession de maternités dont
il est resté trois sœurs et trois frères. Une
première alerte entre vingt et trente ans avec
trois années de cécité presque totale et une
dernière agression près de la cinquantaine
qui fut fatale. Aucune médecine n’était à la
portée de votre bourse et aucun médecin de
quartier n’avait la capacité à vous engager
à consulter un spécialiste. Vous êtes donc
restée là, avec l’assurance définitive que vos
filles se chargeraient de tout !
Et, là, nous entrons dans une tradition, sans
doute partagée par d’autres nations, mais
typiquement espagnole : les parents créent une
famille et les enfants sont pris en charge par
les aînés. Et, tout le monde doit assistance, à
vie, aux parents. Vous avez su, chère Abuela,
appliquer et faire appliquer cette tradition, au
point que ma mère, si généreuse, avait parfois
des pulsions qui la rendaient nerveuse, mais
jamais au point d’imaginer un abandon. Vous
fûtes donc, très tôt, à la charge de vos enfants
avec un sens de l’autorité que nous nous
surprenions à découvrir. Il y avait un tel écart
20 - Votre Généalogie
Maria Lopes Rojo (1908-1986),
mère d’Étienne Franco, et fille de
l’ « Abuelita ». Coll. privée.
La famille Franco, vers les
années 1940. On reconnaît
debout la main posée sur le
genou de sa mère, le petit
Étienne, auteur du témoignage.
Coll. privée.
entre la personne assise là et son discours
discret mais efficace que nous restions souvent
sans comprendre. Cette personnalité, qui était
la vôtre, s’auréolait de cette capacité secrète
de l’imposition des mains complétée par des
prières inaudibles et toujours inaccessibles.
Tous les membres de la famille avaient eu
recours à cette médecine. Il y avait un prix à
ce déploiement de forces occultes : à chaque
séance, vous rentriez, chère Abuelita, dans
la misère de votre patient pour vous attribuer
son mal et surtout ses douleurs. De tradition,
il existait une maladie qui se traduisait par
des maux de tête violents qu’aucun remède
courant ne pouvait soulager : cet état était la
conséquence d’une forme de sort jeté par une
personne, sans qu’elle en soit consciente :
EL MAL DE OJOS (littéralement le mal des
yeux). Nul n’a jamais douté de l’efficacité de la
méthode et encore moins du pouvoir que vous
exerciez, d’autant que vous l’accompagniez
d’un rituel de prières et d’oraisons, la main sur
la tête du malade agenouillé près de vous.
Vous aviez aussi une faculté de télépathie,
que j’ai pu tester du bled algérien où m’avait
conduit l’armée française. À votre demande, je
vous avais adressé, dans une enveloppe, une
mèche de cheveu et, je l’avoue humblement,
l’état de douleurs névralgiques et les nausées
permanentes ont brutalement disparu. Ma
mère m’avait confié les souffrances que vous
avez ensuite endurées, et j’ai toujours eu un
sentiment de culpabilité car vous nous avez
définitivement quittés quelques mois plus tard
à quatre-vingt-quatre ans. Il a donc fallu des
trésors de patience et d’amour pour vous
aider à vivre jusqu’à cet âge avancé. Ce fut
là le rôle des filles et elles le tinrent avec le
sentiment profond qu’il ne pouvait en être
autrement. Elles n’eurent pas à convaincre
leurs époux du bien-fondé de leur mission,
ils étaient élevés dans cette culture de la
protection des anciens. Alors, put commencer
la ronde des familles. Chaque sœur, à tour de
rôle, vous prenait en charge pour une période
de trois mois. C’était là le premier accord
intervenu. Sauf que vous étiez malvoyante
et que cet état vous avait transformée en
invalide, clouée dans son fauteuil et incapable
d’aligner trois pas sans gémissement de fin
du monde !
Chaque déménagement était donc une
expédition car nous vivions tous dans les
étages des vieux bâtiments de la ville. Alors,
chacun y allait de son temps et de sa force :
la voiture de votre fils Joseph permettait de
relier les points de transferts, les bras de notre
père et de l’oncle Jean (ses gendres) vous
conduisaient aux étages et vous grommeliez
sans cesse, reprochant les secousses et les
jurons qui ponctuaient cette difficile mission.
[…]
Mais, une fois en place, commençait pour nous,
les enfants, une période heureuse. Nous vous
avions pour trois mois, avec, en prime, tous
les évènements insolites que vous provoquiez.
Le déjeuner, ponctué par vos remarques sur
la mauvaise qualité de ce qui vous était servi,
alors que les meilleurs morceaux vous étaient
joyeusement attribués. Mon père, à qui vous
parliez très peu, rancunière d’un mariage
à la sauvette avec sa fille, qui avait, pour
vous, ce regard de l’enfant vers sa mère, un
regard que nous ne lui connaissions pas mais
qui, déjà, nous émouvait. Il vous pardonnait
tout, vos sautes d’humeur, votre agressivité
lorsque s’adressant à votre fille : « oui, tu
lui donnes les meilleurs morceaux et tu me
laisses les restes », alors que, j’en témoigne,
il lui réservait ce qui était le mieux !
Votre lit faisait partie du voyage, ainsi que
le seau hygiénique et quelques babioles
(photos et chapelet). Et ce lit était installé
dans la chambre que nous partagions avec
mes sœurs : cinq personnes et trois lits de
cent quarante dans cet espace réduit, c’était
inimaginable et pourtant !! J’ai le souvenir des
bruits incongrus qui ponctuaient votre sommeil :
des borborygmes, des gémissements, les
grincements d’un sommier maltraité, mais,
Valérie Franco-Courtillet et son père, Étienne, lors de leur séjour
généalogique en Espagne en 2001. Ici, à Cartagena. Coll. privée.
revenions manger les fromages de notre
chère tante ; il nous arrivait fréquemment
de rencontrer nos cousins, cousines car
l’aïeule reste vraiment le socle d’une famille.
Nous avions droit aux remarques acerbes
échangées entre nos mères qui avaient
toujours quelque chose à se reprocher. Mais,
au pire moment, les fous rires prenaient le
pas sur ces considérations du type « j’en fais
autant et même plus que toi », « vous êtes
sans pitié pour cette pauvre Catherine qui
n’en peut plus de soigner tout le monde ».
Bref, des échanges sans conséquence pour
cette tribu si admirable dans ses missions
de mère. Vous avez vécu à Lorette comme
une princesse. Vous étiez entourée des petits
et des grands et malgré votre âge et vos
handicaps, vous étiez auréolée par le respect
et l’admiration de chacun. Aucune parole,
aucun geste blessant ne vous a jamais été
adressé, vous étiez un modèle de grand-mère
que l’on croyait éternelle !
pour nous, c’était encore la vie et son chapelet
de petits bonheurs. Notre mère profitait du
temps de notre scolarité pour s’occuper de
votre hygiène. Je crois que vous étiez la femme
la plus propre du quartier, nette et parfumée à
l’Eau de Cologne. Seule la coiffure, et surtout
le lavage des cheveux pouvait se réaliser en
notre présence. Il fallait d’abord ôter le fichu
noir qui enserrait la tête, pour découvrir un
chignon tout rond et tressé. Nous regardions
avec ébahissement cette transformation. Le
chignon était lentement dénoué pour libérer de
longs cheveux blancs et lisses, et toute votre
physionomie était celle d’une autre ! Il fallait
l’autorité de notre mère pour nous éloigner
car elle se rendait parfaitement compte de
l’effet destructeur de cette opération.
[…]
Et puis, il y avait la guerre, et avec elle la misère
et la peur. En cette fin d’année 1944 et au
début de 1945, les villes de Saint-Étienne et de
Givors furent bombardées par les Allemands.
Nous étions entre ces deux villes, terrés au
fond de la vallée du Gier, regardant défiler
les escadrilles qui passaient au-dessus
de nos têtes. La sirène de la ville hurlait
régulièrement, sans que nous y attachions
une réelle attention. Et puis, les évènements
empirèrent et il fallut, sur les conseils de notre
père qui les tenait des ouvriers de son usine,
prendre le chemin des abris. En réalité, le
seul vrai abri utilisé était le carré de pommes
de terre du jardin. Allongés entre deux rangs,
nous attendions la fin de l’alerte, assurés d’être
protégés par la distance séparant le jardin
de la ville (au moins un kilomètre et demi) et
par une nature dense et généreuse. Et vous,
ma chère Abuela, vous n’avez jamais voulu
bouger de la maison malgré les supplications
de notre mère et les conseils de notre père.
Il faut dire, aussi, que tenter de vous faire
descendre trois étages pour vous asseoir
dans un char (fabriqué à l’usine, avec des
planches goudronnées et des roues en fer)
d’un inconfort remarquable et vous faire
parcourir un kilomètre et demi, relevait de
l’exploit ! Avec la détermination d’une matrone,
vous aviez choisi « de mourir dans votre lit
et non sur des routes incertaines ». Et notre
retour s’effectuait dans l’inquiétude d’avoir
tout perdu : la grand-mère et la maison. Après
le bail de trois mois et suivant les accords
familiaux, il vous fallait reprendre le chemin
d’une autre maison, vivre auprès d’une autre
de vos filles et vous faire dorloter comme
une enfant.
[…]
Il est vrai que cette organisation ne pouvait
pas durer très longtemps car, dans chaque
famille, les enfants grandissaient et la place
devenait de plus en plus restreinte. Il fallait
aussi ajouter ces manipulations fatigantes
pour votre âge, douce Abuelita, et leur effet
sur votre caractère qui ne se caramélisait
pas !
Alors, grande décision : d’une seule voix les
deux sœurs et le frère se sont tournés vers
la sœur aînée, généreuse Catherine, pour
lui faire comprendre et admettre qu’il fallait
qu’elle s’en occupe à plein temps !! Notre tante
Catherine était veuve, ses trois enfants étaient
largement majeurs et elle avait « simplement »
à s’occuper d’un neveu Néné, handicapé,
simple d’esprit mais serviable dans la mesure
de ses faibles moyens physiques. Et on vous
installa pour toujours. Il est remarquable de
constater qu’à aucun moment, même aux
pires, l’idée d’un placement dans une maison
de retraite n’a effleuré toute cette famille !
Le respect de l’ancien et cette tradition de
l’accompagnement jusqu’au bout de la vie
sont une accordance entre les générations
et une source de bonheurs partagés. Nous
allions vous voir très régulièrement, le jeudi en
principe. Nous en faisions une vraie promenade,
car il fallait relier Rive-de-Gier à Lorette, soit
deux bons kilomètres et, en arrivant, après
les échanges de baisers sonores et un tour
dans la cour commune à l’immeuble, nous
Votre magnétisme avait agi sur un de vos
petits-enfants, le fils de Catherine, qui avait le
même prénom que sa mère. Notre Bernard,
qui habitait Lorette et dont la mère avait le
même instinct maternel que sa propre mère,
vivait presque au quotidien près de vous. Il se
revendiquait d’être le porteur de votre science
et l’héritier de ce pouvoir occulte de guérir.
À aucun moment, il a fait étalage de ce qu’il
considérait comme une bénédiction du ciel,
regrettant profondément votre départ pour
l’autre monde sans avoir obtenu la totalité de
vos grâces. Il est mort du SIDA, dans les bras
de son compagnon, à trente-huit ans !
Voilà comment je vous ai reçue et comment
vous êtes là, dans mon cœur !
Vous avez toujours refusé de parler le français,
invoquant je ne sais quelle indisposition pour
cette langue. C’est grâce à cette attitude que j’ai
pu me familiariser avec cette langue espagnole,
si joyeuse et si gracieuse. Vos passages dans
nos familles obligeaient nos parents à utiliser
uniquement leur langue d’origine car, dans le
cas contraire, ils étaient accusés de fomenter
on ne sait quel piège ou mauvaise action !
Vous n’étiez guère commode, Abuelita !
Et enfin, ce VOUS, cette deuxième personne
du pluriel, si utilisé dans les familles de sang ou
d’argent, était l’unique façon de vous interpeller
et d’entretenir toutes les conversations.
Personne n’a jamais contesté, ni expliqué
ce fait. Il fallait le raccrocher à la tradition
espagnole de cette région d’Andalousie.
Et, si l’on ajoute tous ces détails, ces traits
de caractère, il se dégage une personnalité
que nous avons transformée en monument.
Petite stèle au fond du cimetière mais grande
image dans nos cœurs, elle restera l’origine
de nos histoires et le sang de nos vies.
Votre Généalogie - 21

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