Mandat ad`hoc et conciliation

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Mandat ad`hoc et conciliation
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MANDAT AD HOC ET CONCILIATION:.
DEUX MOYENS D'EVITER
LE DEPOT DE BILAN
par François-Xavier GRIGNON-DERENNE
Ancien attaché d'enseignement à ['Université Paris II - Panthéon Assas
Docteur en Droit
Avocat à la Cour
uide
1
DEUX BOUEES
DE SAUVETAGE
,
POUR EVITER LA FAILLITE
Selon une récente étude Altares, les ouvertures de redressements ou
de liquidations judiciaires ont crû de 10 % en 2008. Or, plusieurs moyens
permettent d'éviter le dépôt de bilan. Deux sont à retenir : le mandat
ad hoc et la procédure de conciliation.
Par maitre Françoi$ooxavier Grignon-Derenne
LE MANDAT AD HOC, POUR
1
l1S PME QUI NE SONT PAS EN
CESSATIONDES PAIEMENTS
Le mandat ad hoc a pour objectif
d'aider une société à résoudre les
difficultés qu'elle rencontre, e n
confiant un mandat spécial à un
tiers. Mais l'entreprise ne doit en
a ucun cas être en é ta t de cessation des paiements. Elle doit être
en mesure de régler ses de tt es
éc hues (passif exigible ) avec sa
trésorerie et ses autres liquidités
(actif disponible) . La désignation
du mandataire ne peut intervenir
qu'à la demande du chef d'entrepr ise ou du représe ntant de la
société (art. L.611-3 du code de
commerce) . La demande peut être
formulée par les commerçants, les
artisans, les sociétés commerciales et les sociétés civiles, les membres des professions libérales et les
agriculteurs.
Concrètement, le chef d'entreprise
(ou son représentant) formule sa
demande au moyen d'une requête
écrite auprès du président du u'ibunal (de commerce o u de grand e
instance) dont l'entreprise dépend.
Cette requête prédse l'identité de
l'entreprise et les raisons qui la
motiven t. Il s agit d'exposer, de
Consultez notre guide prariqu sur
façon détaillée, les difficultés que
traverse l'entreprise.
Il convient ensuite de préciser la
mission que l'entreprise souhaite
voir confier a u mandataire ad
hoc: l'assiste r dans ses négoci ations afin d'obtenir le rééchelonnement d'une dette solliciter un
nouveau créd it bancaire, obtenir
un morato ire p o ur le pai e ment
d'une somme due aux organismes
sociaux, etc. Il peut aussi être solli
cité pour rechercher de nouveaux
investisseurs ou partenaires.
Il revient alors au président du tribunal de convoquer le chef d'entreprise, ou son represenrant, pour
recueillir ses observations. En cas
MAI 2009 - N°38 - CHEF D'ENTREPRISE ~1aN;"'::
FICHE PRATIQUE
mmm de refus de désignation
Par maître
François-Xavier
Grignon-Uerenne,
docteur en droit,
avocat à la Cour
du mandataire ad hoc, l'entreprise
peut désormais faire appel de la
décision. Lorsque la demande est
fondée, le président du tribunal
rend une ordonnance qui nomme
le mandataire ad hoc et précise sa
mission et sa durée Oa loi ne fIxant
pas de limite dans la durée). La
personne désignée (souvent un
administrateur judiciaire dont le
nom peut être proposé par le chef
d'entreprise) est nécessairement
indépendante de l'entreprise et des
personnes avec lesquelles elle doit
rechercher un accord. La rémunération du mandataire ad hoc est
fIxée par le président du tribunal,
après accord de l'entreprise, qui en
supporte la charge.
Dans la me sure où l'entrepris e
n'est pas en état de cessation des
paiements, ni dans une situation
proche, elle ne bénéficie d'aucune
suspension des poursuites : ses
créanciers peuvent donc agir
contre elle en justice. Toutefois, le
mandat ad hoc présente un avantage non négligeable: il est totalement confIdentiel. Aucune mesure
de publicité n'accompagne la désignation du mandataire ad hoc, pas
plus que la conclusion du futur
accord. Ni le ministère public, ni
les concurrents, clients, ou créanciers non concernés par le mandat
ad hoc n'en sont informés.
LA CONCIUATION, OUVERTE
AUX PME EN CESSATION
2
DES PAIEMENTS DEPUIS PEU
La conciliation est ouverte non seulement aux entreprises qui ne sont
pas en état de cessation des paiements, mais encore à celles dont
l'état de cessation des paiements
est récent (moins de 45 jours). Il
s'agit là d'un élément-clé de ce
mécanisme, car le dirigeant d'une
entreprise en difficulté peut ainsi
éviter l'ouverture d'une procédure
collective, même si son entreprise
est en état de cessation des paiements, à condition que cet état soit
récent. La conciliation a pour objet
66 - CHEF D'ENTREPRISE MAGAZINE - N°38 -
MAI 2009
de désigner un conciliateur indépendant dont
la mission consiste à
rechercher un accord
avec les principau x
créanciers d e l' entreprise en d iffic u 1t é
(art. L.61l -4 et suivants du
code de commerce). Le choix du
conciliateur revient au tribunal (de
commerce ou de grande instance).
La conciliatio n, que seul le chef
d'entreprise (ou son représentant)
peut demander au moyen d'une
requête écrite , conce rne toute
personne exerça nt une activité
commerciale ou artisanale, toute
personne morale de droit privé et
même toute personne physique
exerçant une activité professionnelle indépendante.
Le président du u'ibunal est saisi au
moyen d'une requête de l'entreprise, qui expose sa situatio n
économique , sociale et financière,
ses besoins de financement et, le
cas échéant, les moyens d'y faire
face. Tout comme pour le mandat
ad hoc, le présid ent du tribunal
convoque ensuite le chef d'entreprise ou son représentant afin de
recueillir ses observations. Le chef
d'entreprise peut également proposer le nom du conciliateur. Ce dernier est très fréquemment un administrateur judiciaire.
À la différence du mandat ad hoc,
le ministère public - et lui seul- a
la faculté de faire appel de l'ordonnance ouvra n t la conciliation.
Quant à la durée maximale de la
conciliation, elle est, en principe,
limitée à quatre mois, avec possibilité de prorogation d'un mois seulement. Par ailleurs, le ministère
public est informé de l'ouverture
de la conciliation, tout comme le
commissaire aux comptes, si l'entreprise est soumise au contrôle de
ses comptes.
En outre, pendant le temps de la
conciliation, l'entreprise a la possibilité, après avoir recueilli l'avis du
conciliateur, de déclencher une
procédure spécifique à l'encontre
des créanciers qui chercheraient à la poursuivre en vue
d'obtenir des mesures avantageuses. En cas de succès, l'entreprise peut ainsi bénéficier de
délais de paiement (au maximum
deux ans) et même de l'application d'un taux d'intérêts réduit sur
les échéances reportées. Dans la
mesure où la décision prise par le
juge suspend les procédures d'exécution engagées par les créanciers,
l'entreprise a donc la possibilité
d'obtenir, indirectement, une suspension des poursuites. Depuis
l'o rd o nnance du 18 décembre
2008, cette possibilité est également offerte aux entreprises ayant
reçu une simple mÎse en demeure.
L'accord de conciliation, une fois
conclu entre l'entreprise et ses
créanciers, peut être soit constaté,
so it homologué en justice_ La
constatation et l'homologation de
l'accord entraînent toute une série
de co nséquences essentielles.
L'entreprise peut se prévaloir de
l'accord constaté ou de l'accord
homologué pour obtenir l'exécution d'un engagement pris à son
profit. Par exemple, l'entreprise
ayant reçu l'assurance d'un fmancement pourra se fonder sur l'accord constaté pour faire exécuter la
promesse conclue. Mais surtout,
pendant la durée de l'exécution de
l'accord, l'entreprise bénéficie de
l'arrêt ou de l'interdiction des
actions en justice et des poursuites
individuelles des créanciers ayant
conclu l'accord en ce qui concerne
le paiement des créances. Enfin,
l'homologation présente des spécificités qui peuvent justifier un
re co u rs plus fréquent à cette
option. En effet, bien qu'eUe fasse
perdre à l'accord toute confIdentialité, l'homologation présente
deu x grands avantages . Elle
entraîne, pour l'entreprise, la levée
de plein droit de l'interdiction
d'émettre des chèques et confère à
certains créanciers une priorité de
paiement sur les créances nées
avant la conciliation . •